Les dégâts de la subordination au travail
Le livre. Un cri de colère retentit au mois de mars 2020, en plein confinement. Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France, décrit le débordement des urgences et parle d’un hôpital public qui a été modernisé sur le mode du flux tendu comme l’industrie automobile, pour produire au moindre coût et sans stock.
« L’hôpital public a subi, au même titre que le secteur public de l’Etat, le new public management, c’est-à-dire l’importation de la logique du management privé, avec des critères d’efficacité revus selon les critères technocratiques de la rentabilité », analyse Danièle Linhart. Les soignants en lutte ont d’autant plus la légitimité que l’utilité de leur profession est évidente pour chacun.
Ce qu’ils expriment peut être entendu, compris par l’opinion publique. « Ils rendent manifeste le lien entre la dégradation de leurs conditions d’exercice et celle de la qualité de leur prestation, qui apparaît comme un danger majeur. Malheureusement, ils sont quasiment les seuls en mesure de le faire. Dans d’autres secteurs professionnels, il y a comme une impuissance à établir et à dévoiler le même lien de causalité », déplore la sociologue dans son dernier essai, L’Insoutenable subordination des salariés (Erès).
Au sommet de l’Etat, on promet que rien ne sera plus comme avant. Sur les plateaux de télévision, certains dirigeants d’entreprise font entendre leur voix et promettent plus de souplesse, moins de procédures, moins de bureaucratie.
Il faut changer pour un autre monde. Mais lequel ? Qui décidera ? « Les directions d’entreprises et d’institutions ont, de nos jours, tout pouvoir en la matière, en raison du pouvoir d’obéissance des fonctionnaires et du lien de subordination des salariés. » Ces derniers sont alors dépossédés du droit d’intervenir sur des dimensions telles que les conditions, le sens, la qualité, l’utilité, la finalité de leur travail.
Logiques dévastatrices
Laisser aux seules directions le droit de décider ce qui sera produit et selon quels critères conduit « à des aberrations humaines et sociales, écologiques et sanitaires ». Ainsi la virulence des épidémies pourrait avoir un rapport avec l’importance du dérèglement climatique, en relation avec nos modes de production, nos pratiques de délocalisation et nos modes de consommation. Tant que ne sera pas remis en cause le lien de subordination inscrit au cœur du contrat de travail, il sera difficile de rompre avec les logiques managériales dévastatrices.
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