Archive dans 2019

Du labeur à l’ouvrage : et si le manager à bout de souffle s’inspirait de l’artisanat

Une spécialiste du futur du travail publie un livre lucide sur le sentiment de perte de sens qui gagne les salariés et leurs managers. Parmi les pistes pour tourner le dos à cette sinistrose, elle propose une voie originale : s’inspirer de l’artisanat. Autonome et créatif, l’artisan maîtrise l’impact de son travail et en retire de la satisfaction.

Vos vacances ne sont plus qu’un lointain souvenir. Vous croulez déjà sous les dossiers, les sollicitations de votre équipe, les injonctions de votre N+1. Halte-là ! Vous n’êtes nullement contraints de retourner dans la roue du hamster jusqu’à l’été prochain. Libre à vous d’adopter une nouvelle posture et de devenir les artisans de votre vie professionnelle. C’est l’invitation enthousiasmante de Laetitia Vitaud dans son livre Du labeur à l’ouvrage, Pourquoi l’artisanat est le futur du travail (1). Il s’adresse à tous mais nous en avons retenu 5 grandes idées qui peuvent inspirer en particulier cadres et managers.

1/ Le labeur est en crise

Place enviable dans l’organigramme, fortes responsabilités, bons salaires, trajectoires toutes tracées… Et pourtant. Face aux réorganisations incessantes, aux injonctions contradictoires et à l’horizon court-termiste devenu indépassable, nombre de cols blancs ressentent usure, surmenage, ou encore ennui. Cette perte de sens, symptôme des « boulots à la con » (1) se double d’une « crise de la cognition » provoquée par le numérique. Laetitia Vitaud pose un diagnostic sans appel : « L’économie de masse se meurt. (…) Elle  a conduit les travailleurs, autrefois bien traités, dans une impasse. On a cru qu’il suffisait de continuer à appliquer les recettes du taylorisme pour retrouver le chemin de la croissance. Mais en cherchant à pousser plus loin cette approche, on a privé les travailleurs de l’autonomie à laquelle ils aspirent dans la société actuelle ». On les aurait « aliénés ».

2/ La résistance de l’économie de masse tayloriste

C’est que le labeur n’a pas dit son dernier mot. Laetitia Vitaud décèle l’ambiguïté que vivent de nombreux salariés : « Ils subissent fréquemment leur travail en même temps qu’ils souffrent de la peur de le perdre ». S’ajoute à cela « la peur du déclassement pour eux ou pour leurs enfants ». Pour mieux les retenir, les grandes entreprises adoptent la « cool » attitude des start-up et les outils numériques sans rien changer « au management, aux procédures, à la rigidité hiérarchique, ni à l’autonomie de leurs employés ». Malgré tout, depuis leur cage dorée, certains cadres rêvent de déployer leur créativité.

3/ Freelances, néo-artisans et autres indépendants à la conquête du sens

Ils ont fui l’open-space pour « retrouver le goût de l’ouvrage » et se reconvertir en brasseurs, boulangers ou menuisiers. Ils ont quitté les tours de la Défense pour devenir leur propre patron dans l’informatique, le graphisme ou le marketing. Tous ont troqué le statut de salarié pour la liberté qui rime avec responsabilité, créativité, singularité.

Phénomène remarquable en France, le nombre d’indépendants avoisine 11 % des actifs. Le freelancing, nouvelle idéologie ? L’experte du futur du travail déconstruit les fantasmes. On imagine les travailleurs indépendants « nomades et nombreux à choisir de travailler depuis une plage thaïlandaise. Pourtant la réalité est tout autre. (…) S’ils se disent plus « heureux » que les salariés, ils sont aussi plus anxieux ».

4/ Les travailleurs indépendants « pollinisent » l’entreprise

Incontestablement, la transformation est à l’œuvre. Le sur-mesure, la personnalisation et la qualité exceptionnelle – fondamentaux de la démarche artisanale – dessinent déjà le futur de l’entreprise post-moderne.Par ailleurs, « à force de travailler avec des prestataires extérieurs dont on ne surveille pas le travail chaque instant, les managers s’accoutument à l’idée de confier un projet à un travailleur en lui laissant plus de libertés ». Par cette « pollinisation », les travailleurs autonomes constituent ce que Laetitia Vitaud nomme carrément « l’avant-garde de la réinvention du monde du travail ».

5/ Vers un contrat d’ouvrage

Du labeur à l’ouvrage verse dans la prospective : « cette réinvention ne peut que profiter à ceux qui resteront salariés, c’est-à-dire la majorité des travailleurs ». Prestataires, consultants, intérimaires, freelances, « toujours plus nombreux à travailler pour les entreprises sans être managées par elles », constituent un défi pour l’entreprise pyramidale. Deviendra-t-elle demain « une « plateforme » ou un  » hub », plus en phase avec l’économie numérique » ? Laetitia Vitaud prédit que les entreprises « sauront offrir aux salariés les meilleures conditions pour un travail autonome ». Elle prône la création d’un « contrat d’ouvrage », qui doit remplacer le « contrat de labeur ». Comme les artisans façonnant leur ouvrage, elle encourage un nouveau rapport au travail dans les entreprises, qui valorise l’autonomie, la créativité et la responsabilité. Sous contrat d’ouvrage, les managers pourraient retrouver l’impact de leur travail. Et donc un nouveau souffle, porteur de sens ?

Les cadres français qui gagnent plus de 60 000 euros par an parlent l’allemand

Mais pourquoi donc l’allemand ? Un récent sondage Opinion Way réalisé pour Babbel révèle que l’allemand(en plus de l’anglais) est davantage parlé parmi les hauts salaires de plus de 60 K€ annuels. Pourquoi l’allemand, de moins en moins enseigné à l’école, serait-elle une langue différenciante en entreprise ? Et quid des autres deuxièmes langues qui figurent également dans ce classement, comme l’italien, le portugais ou le russe ? Seraient-elles un atout pour donner un nouvel élan à sa carrière ? Tentatives d’explications.

 

Les cadres français parlent en moyenne 2,5 langues, dixit le dernier sondage* publié par l’application Babbel qui a cherché à savoir quelles deuxièmes langues (après l’anglais) ont intérêt à maîtriser les cadres.

Faut-il vraiment parler allemand pour gagner plus ?

52 % des cadres français gagnant plus de 60 000 €/an maîtrisent l’allemand contre 35 % des cols blancs, tout salaires confondus, révèle le sondage. Certes, avec 83 millions de citoyens allemands, le Deutsch est statistiquement la première langue maternelle d’Europe.  Mais pourquoi la maîtrise de cette langue serait-elle un booster de salaire pour un Français ? Sans doute parce que l’Allemagne étant notre premier partenaire commercial, la germanophilie est appréciée par les entreprises qui commercent avec la première puissance européenne, notamment dans certains secteurs industriels comme le ferroviaire, l’aéronautique ou l’automobile, dans des entreprises comme Alstom, Airbus ou Siemens.

Un chiffre qui n’a pas étonné Stéphane Mellinger, fondateur de MPI Executive, un cabinet de management de transition qui envoie des cadres très expérimentés mener des missions ponctuelles en entreprise : “Je recommande aux managers de profiter de leurs intermissions pour se remettre notamment à l’allemand,” affirme-t-il. En France, on compte près de 4500 entreprises allemandes, contre 4000 françaises implantées en Allemagne.

Mais parler une seconde langue en plus de l’anglais ne suffit pas pour prétendre à un salaire élevé. Parmi les langues les plus étudiées au cours des années scolaires selon une étude de Babbel faite en 2018, l’allemand n’arrive qu’en quatrième place. Néanmoins, elle arrive deuxième du palmarès des langues les plus apprises par ceux qui veulent booster leur employabilité.

Selon l’étude*, les personnes qui apprennent des langues pour des raisons autre que le travail choisissent :

  • Anglais 47%
  • Espagnol 25%
  • Italien 17%
  • Allemand 9%

Et celles qui apprennent une langue pour leur carrière professionnelle :

  • Anglais 67%
  • Allemand 15%
  • Espagnol 13%
  • Italien 8%

Les autres deuxièmes langues utiles à la carrière

Les cadres qui manient russe, portugais ou italien sont aussi wanted. Être polyglotte leur facilite les possibilités d’évolution dans l’industrie, le secteur du BTP, dans le commerce et les services. C’est aussi un atout pour ceux qui souhaitent travailler pourdes entreprises à l’étranger et en freelance. “Lorsque des candidats à qualification égale se présentent, on va privilégier celui qui a des langues en plus dans le CV. Notamment ceux qui ont une connaissance de l’Europe de l’Est,” ajoute le manager de MPI Executive.

D’autres langues rarement utilisées en France plaisent aux entreprises internationales. “Il faut choisir une langue qui peut être transfrontalière comme le polonais ou le portugais si on veut avoir des relations avec l’Amérique latine par exemple,” conseille Stéphane Mellinger.

Il n’est jamais trop tard pour devenir bilingue

L’apprentissage des langues est heureusement possible à tout âge. Plusieurs moyens sont à votre disposition :

  • Voyage linguistique : que votre moteur soit financier ou intellectuel, ce qui motive le plus à parler une autre langue est le facteur social. Partir à l’étranger et nouer des liens, donne l’occasion de se faire comprendre.
  • Lire, écrire, parler et écouter : pour ne pas perdre la main, il faut pratiquer…  Lisez le journal en langue étrangère, regardez des séries pour faire votre oreille aux différents accents et à la prononciation et écoutez des podcasts pour assimiler du vocabulaire.
  • L’apprentissage 2.0 : applications, vidéos, cours en ligne, jeux… Les solutions pour devenir multilingues sont nombreuses.
  • Choisir une langue qui n’est pas aux antipodes linguistiques du français, facilitera les choses. On ne va pas vous le cacher, a priori apprendre l’allemand ou le russe risque d’être plus compliqué que le portugais ou l’italien.

* Sondage mené par Opinion Way pour Babbel, réalisé auprès d’un échantillon de 501 cadres, représentatifs (méthode des quotas) du secteur privé, âgés de 18 ans et plus. Les interviews ont été réalisées entre le 14 et le 21 août 2019.

Savoir ce qui vous freine et ce qui vous motive, voilà la clé du leadership


C’est aussi un moyen de devenir un meilleur dirigeant.

Lorsque les collègues d’Olivia, une directrice marketing monde, lui ont fait remarquer qu’elle monopolisait systématiquement la parole lors des conversations professionnelles, celle-ci a dû admettre son problème. Aucun des efforts qu’elle avait déployés jusqu’alors n’avaient pu venir à bout de ce travers. Prendre part à un programme de développement du leadership a toutefois marqué un tournant. Elle a pu y explorer ses propres freins et motivations, apprendre à mieux se connaître, et faire face aux défis qu’elle devait relever. Depuis cette formation, elle sait désormais que certaines de ses croyances l’empêchent de lâcher prise et la poussent à vouloir toujours contrôler la conversation. Car, en son for intérieur, elle est persuadée que « si vous voulez avancer et vous démarquer, on doit vous entendre », ce qui est un frein. A l’inverse, l’un des atouts d’Olivia, c’est sa grande capacité à travailler en équipe et sa faculté à apprendre en permanence. En être consciente lui a permis d’accorder plus d’attention à ses collègues lors de leurs discussions. Au point d’adopter désormais pour leitmotiv : « écouter pour apprendre ». Elle a même demandé à deux de ses collègues de lui envoyer un signal clair – un carton jaune, en quelque sorte – si elle parlait trop lors des réunions.

Dans le cadre des programmes de renforcement du leadership au sein desquels j’enseigne à l’INSEAD, j’ai remarqué que, parmi les objectifs en matière de développement personnel que les participants avaient en commun, il y avait : l’écoute active, l’arrêt du micro-management et un meilleur contrôle de ses émotions. D’autres dirigeants voulaient, eux, développer leur réseau ou  apprendre à mieux communiquer. Il existe en fait des centaines d’objectifs : à chacun le sien et les méthodes pour y parvenir.

Explorer nos motivations et nos freins, qu’ils soient conscients ou inconscients, permet d’acquérir une meilleure connaissance de soi et de cette manière, de bâtir son propre plan d’action pour améliorer son leadership. Notre livre s’appuie sur la recherche universitaire, la pratique du développement personnel pour les cadres d’entreprise et les études de terrain. Il inclut un outil de découverte de soi qui permet aux différents freins et motivations de faire surface. Ceux-ci peuvent consister en des visions particulières du monde qui nous entoure, des émotions, des traits de caractère, ainsi que des valeurs et des sources de motivation qui facilitent ou bloquent nos efforts de changement.

Plus de 2 000 cadres d’entreprise ont déjà utilisé cet outil. Ce processus personnalisé comprend un large éventail de questions comme :

– Quel type de dirigeant souhaitez-vous devenir ? Pour y parvenir, quelle évolution souhaitez-vous opérer ?

– Quels sont les comportements spécifiques qui vous empêchent d’être ce type de dirigeant et d’atteindre votre objectif de développement ?

– Imaginez un comportement totalement contraire. Quelles inquiétudes et quelles peurs ressentez-vous lorsque vous vous imaginez adopter ce comportement inverse ?

– Quelles émotions, pensées ou sentiments positifs pensez-vous éprouver lorsque vous atteindrez votre objectif de développement personnel ?

– Quelles caractéristiques ou expériences personnelles pourraient expliquer ces sentiments positifs ou négatifs ?

Un saut dans l’inconnu

Les motivations sont ces croyances et ces forces qui donnent à un individu l’impulsion pour agir. Les freins, en revanche, sont les croyances et les forces qui empêchent le changement, même lorsque de façon rationnelle, les individus souhaitent adopter de nouveaux comportements. Lorsque nous, humains, essayons de nous changer nous-mêmes, nous opérons un saut dans l’inconnu, une lutte entre nos facettes consciente et inconsciente, à la fois positives et négatives.

Faire émerger ces freins donne des informations importantes sur son moi profond. Les participants qui utilisent notre outil de découverte de soi explorent d’abord leurs freins, ce qui leur permet d’établir un inventaire de ce qu’ils doivent affronter. L’étude des motivations constituera la deuxième étape. Selon les participants, faire émerger ses propres motivations est un facteur très efficace d’affirmation de soi, ce qui est indispensable pour élaborer et mettre en œuvre leur plan d’action en matière de développement personnel.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que les participants tirent tellement d’informations sur eux-mêmes de cet outil qu’ils modifient leurs objectifs initiaux au fil du programme. Une connaissance de soi plus profonde leur permet donc de procéder à une véritable mise au point, de mieux cibler leurs objectifs, et de définir ainsi un plan d’action plus adapté.

A Belfort, deux syndicats de General Electric attaquent l’Etat en justice

La CFE-CGC et SUD ont saisi, lundi, le tribunal administratif de Paris. Alors qu’un plan social est en cours, ils dénoncent le non-respect de l’accord signé en 2014 qui prévoyait le maintien et le développement de l’activité industrielle de GE en France.

Par Publié aujourd’hui à 19h16

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Des employés de General Electric (GE) se rendent à une assemblée générale intersyndicale à Belfort, le 7 octobre 2019.
Des employés de General Electric (GE) se rendent à une assemblée générale intersyndicale à Belfort, le 7 octobre 2019. SEBASTIEN BOZON / AFP

Leur dernière entrevue, la semaine dernière à Bercy, avec les équipes de Bruno Le Maire, ministre de l’économie, « n’a absolument rien donné », rapporte, déçu et agacé, Philippe Petitcolin, porte-parole de l’intersyndicale (CFE-CGC/SUD/CGT) de l’entité belfortaine de General Electric (GE). Conséquence : deux syndicats ont décidé de passer à la vitesse supérieure. « On leur a dit : Maintenant, ça suffit ! On ne discute plus ! »

Lundi 7 octobre, la CFE-CGC et SUD – sans la CGT – ont saisi le tribunal administratif de Paris afin de mettre en cause la responsabilité de l’Etat français dans le non-respect de l’accord de 2014 signé avec GE. La ville de Belfort, le conseil départemental du Territoire de Belfort et la région Bourgogne-Franche-Comté se disent solidaires de cette initiative et évoquent la possibilité de déposer plainte à leur tour.

« Cet accord conditionnait l’opération d’acquisition de l’activité énergie et réseaux d’Alstom au maintien et au développement de l’activité industrielle de GE en France », rappelle le syndicaliste (CFE-CGC). Or, selon celui-ci, le projet de suppression de 792 emplois, dévoilé le 28 mai dernier, est la conséquence directe de ce non-respect ; pour les syndicats, les dés étaient pipés dès le départ.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi GE à Belfort : l’intersyndicale met l’Etat en demeure de faire respecter l’accord passé avec la multinationale en 2014

Dialogue de sourds et ambiance de plomb

L’accord de 2014 stipulait, par exemple, que les quartiers généraux européens de GE, pour les activités turbines à gaz de grande taille à usage industriel de 50 Hertz (Hz), demeureraient à Belfort. « Mais avant même la validation de l’acquisition, le PDG américain de GE, Henry Lawrence Larry Culp, a communiqué un organigramme de la direction mondiale du groupe dans lequel ne figurait plus aucun Belfortain », enrage Philippe Petitcolin. « Tous les postes jusque-là localisés chez nous ont été progressivement supprimés et les managers rétrogradés dans la hiérarchie. » Le site de la Cité du lion « est passé d’un centre de décision à un centre d’exécution ». Alexis Sesmat, délégué syndical SUD, appuie :

« La nouvelle équipe dirigeante, principalement basée en Suisse pour des raisons fiscales évidentes, a déployé une stratégie purement financière matérialisée par la fermeture de sites, la délocalisation d’activités dans les pays dits low-cost, la réduction des budgets de R&D et le gel des investissements. »

Meike Fink : « L’impact sur l’emploi entre aussi dans la définition d’une transition écologique juste »

Pour le responsable de la transition climatique juste au sein de Réseau Action Climat, les dispositifs de transition écologique ne peuvent être mis en œuvre sans mesures d’accompagnement social.

Propos recueillis par Publié le 07 octobre 2019 à 18h17, mis à jour à 08h46

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A peine le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 était-il adopté, le 27 septembre, en conseil des ministres, que Réseau Action Climat (RAC) se disait « consterné, malgré certaines avancées, devant l’absence d’ambition et de cohérence du budget de la France, au regard de ses engagements climatiques et environnementaux ».

Cette ONG, qui regroupe en France dix-sept associations, se félicite, certes, que ce texte aborde, pour la première fois, le sujet des niches fiscales néfastes pour le climat, mais il juge les avancées proposées en la matière « trop hésitantes ».

Meike Fink, responsable de la transition climatique juste au sein du RAC, revient sur la nécessité de trouver des solutions accessibles à tous, notamment aux ménages les plus modestes, en amorce de la conférence « La transition écologique est-elle l’ennemie du pouvoir d’achat ? » organisée par « Le Monde Cities », le 18 octobre.

Manifestation des « gilets jaunes », à Paris, le 9 mars.
Manifestation des « gilets jaunes », à Paris, le 9 mars. KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Transition écologique et justice sociale sont-elles compatibles ?

Elles le doivent. Si elle n’est pas juste, la transition se heurtera nécessairement à des oppositions légitimes. Les dispositifs de la transition écologique présentent en effet le risque de peser lourdement sur les ménages précaires. Ils ne peuvent être mis en œuvre sans que soient prises, en parallèle, des mesures d’accompagnement social. Chaque année une évaluation du budget vert couplée à celle de son impact sur les inégalités mériterait d’être faite.

La taxe carbone est-elle une bonne idée ?

La taxe carbone est importante pour rendre plus cher ce qui est polluant et donc permettre aux solutions alternatives d’être plus compétitives. La décision prise par le gouvernement en novembre 2018 de geler la hausse de la taxe carbone était une réponse aux protestations des « gilets jaunes », mais elle n’a pas pris en compte l’origine de la colère. Ce qui était reproché à cette mesure n’était pas tant son caractère écologique qu’antisocial. Dans sa forme, avant le mouvement des « gilets jaunes », la taxe carbone affectait de fait davantage les ménages à faibles revenus : un ménage du 1er décile payait, au regard de ses revenus, 2,7 fois plus qu’un ménage de 10e décile.

Lire aussi Comprendre la taxe carbone en huit questions

Comment sortir de cette impasse ?

En redistribuant vers les ménages vulnérables, sous forme d’un « revenu climat », une partie des recettes de la taxe. Versé sous forme d’un crédit d’impôt ou d’un chèque, ce revenu ne consisterait pas en un remboursement direct. L’objectif est de maintenir l’incitation à diminuer la consommation d’énergie fossile. La personne paierait plus cher son essence afin d’être incitée à moins utiliser sa voiture mais sur l’année, elle aurait peu ou pas d’impact sur son pouvoir d’achat global. Pour les personnes n’ayant aucune marge dans leur budget, une avance pourrait être versée en début d’année.

Dernière ligne droite pour la « mise en place du comité social et économique » dans les entreprises

Au 1er janvier, un comité social et économique doit avoir pris la place des autres instances représentatives des salariés. Les entreprises doivent avoir lancé la procédure en octobre si elles veulent éviter de lourdes sanctions, explique l’avocate Jacqueline Cortès.

Par Publié aujourd’hui à 06h00

Temps de Lecture 2 min.

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« Le CSE a reçu une compétence générale en matière de santé et de sécurité et de conditions de travail, l’article L 2312-5 énonçant qu’il contribue à les “promouvoir”, qu’il réalise des enquêtes en cas d’accident de travail notamment, qu’il exerce un droit d’alerte et qu’il peut saisir l’inspection du travail. »
« Le CSE a reçu une compétence générale en matière de santé et de sécurité et de conditions de travail, l’article L 2312-5 énonçant qu’il contribue à les “promouvoir”, qu’il réalise des enquêtes en cas d’accident de travail notamment, qu’il exerce un droit d’alerte et qu’il peut saisir l’inspection du travail. » Philippe Turpin / Photononstop

A partir du 1er janvier 2020, toutes les entreprises ayant un effectif d’au moins onze salariés depuis douze mois consécutifs devront avoir mis en place leur comité social et économique (CSE), au risque de sanctions qui peuvent être lourdes pour l’employeur. Introduite par l’article 9 de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au dialogue social et économique, cette nouvelle instance de représentation du personnel rassemblera les anciens délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène et de sécurité (ou remplacera la délégation unique du personnel).

Alors que l’échéance approche, il est urgent de démarrer la procédure dès ce mois d’octobre pour ceux qui ne l’ont pas encore fait. En effet, le premier tour doit se tenir, au plus tard, le 90e jour suivant l’information du personnel. Et un second tour sera parfois nécessaire, dans un délai de quinze jours maximum. Si aucun candidat n’a pu être élu, l’employeur prouvera son respect de son obligation d’organiser l’élection du CSE par un procès-verbal de carence conforme à la loi.

Lourdes sanctions

A défaut d’être prêts au 1er janvier, les sanctions peuvent être lourdes. Tout d’abord, ne pas mettre volontairement en place le CSE est un délit d’entrave, puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende (Art. L 2317-1).

Les conséquences en l’absence de procès-verbal de carence sont importantes.

D’une part, certaines procédures seront invalidées, entraînant des indemnités à verser au salarié licencié pour motif économique (un mois de salaire minimum – Art. L 1235-15) ou au salarié licencié pour inaptitude d’origine professionnelle (douze mois de salaires minimum – Art. L1226-15). Le salarié n’aura pas à prouver un préjudice spécifique, les juges estimant de manière constante qu’il existe du seul fait que le salarié a été privé d’une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts (récemment Cass. soc. 15 mai 2019 n°17-22.224).

D’autre part, certaines opérations de management peuvent être bloquées. Par exemple, l’employeur ne peut dénoncer valablement un usage (Cass. soc.16/11/05, n° 04-40.339 : dans cette affaire, l’entreprise a dû reverser à ses salariés un 13e mois qui provenait d’un usage non valablement dénoncé). Impossible aussi de conclure un accord d’intéressement (Art. L3312-2). Enfin, l’entreprise de 50 salariés et plus, qui n’a pas de délégué syndical, ne pourra pas négocier, conclure, réviser ou dénoncer des accords collectifs avec un ou plusieurs salariés mandatés (Art. L2232-26, al. 3).

Lil Miquela, une influenceuse virtuelle qui vaut de l’or

Mannequin virtuelle, l’instagrammeuse, qui compte 1,6 million d’abonnés, vend cher ses prestations de mannequin. Un modèle qui fait des émules.

Par Publié hier à 16h15, mis à jour à 09h55

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Lili Miquela, 19 ans, créée par un logiciel 3D, influenceuse de mode.
Lili Miquela, 19 ans, créée par un logiciel 3D, influenceuse de mode. Capture d’écran Instagram

Sur son compte Instagram, la mannequin et chanteuse de 19 ans Lil Miquela se filme en train de se faire un masque au saut du lit, de bronzer au bord d’une piscine ou de méditer entre deux vidéos de son dernier disque, Money. Boulot-promo-dodo en somme pour cette artiste mi-brésilienne mi-espagnole apparue sur le réseau social en 2016 et suivie par 1,6 million d’abonnés. Sauf que derrière cette créature aux lèvres pulpeuses et au visage constellé de taches de rousseur se cache un « robot », alerte un instagrammeur russe.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les influenceurs changent la face du marketing

Lil Miquela est, en réalité, bien plus que cela. La première influenceuse virtuelle de l’histoire a été programmée pour parodier les normes sociales à l’œuvre sur les réseaux sociaux et les faire changer, selon ses géniteurs, les Américains Trevor McFedries et Sara DeCou, associés dans la société Brud. Elle a tout du coup de génie marketing. Le mystère sur sa véritable nature a été entretenu pendant deux ans, le temps de montrer ce dont elle était capable. Photographiée au soleil, elle possède une ombre. Et son miroir lui renvoie fidèlement son reflet.

300 000 euros pour une campagne

Aussi courtisée par Samsung que par Prada, cette muse numérique a ouvert une boîte de Pandore. Plus de talents et d’ego à gérer. Des possibilités créatives démultipliées. « Et un coût inférieur à un mannequin un peu connu », assure Arielle Le Bail, consultante en nouvelles technologies et innovation chez Fabernovel, qui a exploré le sujet à la demande d’un parfumeur. Selon ses calculs, il faut compter 330 000 dollars tout compris (300 000 euros) pour réaliser une campagne avec un avatar de la classe de Lil Miquela. Environ un tiers allant à la conception du personnage et de ses vêtements en 3D, et le reste à la campagne sur les réseaux sociaux.

En 2018, Lil Miquela a été classée parmi les personnalités les plus influentes d’Internet par le magazine américain « Time »

Sollicité, Brud ne laisse pas filtrer le moindre chiffre sur les collaborations de sa muse avec des marques. En revanche, il montre comment nourrir son histoire dans la durée. Il a commencé à bâtir un univers autour de son personnage central. L’avatar Bermuda est entrée en scène en 2018, en « piratant » le compte Instagram de Lil Miquela, un scénario inventé de toutes pièces par Brud. Egalement créé l’an dernier, Blawko est le garçon de la bande.

A Sarlat, la dernière usine de tabac a fermé ses portes

L’entreprise France Tabac de 33 salariés et qui en a employé jusqu’à 250 personnes a connu trois plans sociaux en dix ans.

Par Publié aujourd’hui à 10h53, mis à jour à 11h08

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L’usine de France Tabac à Sarlat-la-Canéda, en Dordogne, le 20 septembre.
L’usine de France Tabac à Sarlat-la-Canéda, en Dordogne, le 20 septembre. MEHDI FEDOUACH / AFP

Les machines se sont arrêtées lundi 30 septembre à Sarlat-la-Canéda en Périgord, dernière usine de transformation du tabac en France. Dans le silence soudain des 15 000 m2, de France Tabac, qui a employé jusqu’à 250 personnes, les 33 salariés réagissent avec chagrin et fatalisme sur cette mort annoncée qui laisse la filière française orpheline de transformation autonome. L’unité sarladaise a connu trois plans sociaux en dix ans, et une chute inexorable des effectifs qui n’a fait qu’accompagner les baisses de production et de rendement du tabac.

Dans cette unité en sursis depuis dix ans, le cariste Gérard évoque avec nostalgie le monopole de la Seita pour laquelle sa grand-mère travaillait, ici. Le directeur Eric Tabanou enfonce le clou. Il ne s’inquiète pas pour les machines qui trouveront preneur, jusqu’en Indonésie comme ce fut déjà le cas, mais pleure sur le gâchis des savoir-faire perdus pour le pays. Exemple, Laurence Nicolas, agent de laboratoire et affineuse, dont le métier (la sélection des feuilles) disparaît avec elle et qui estime que face à la mondialisation, au marché mondial, « les administrateurs et pouvoirs publics auraient pu susciter et obtenir de meilleurs soutiens ».

Dans la région, l’événement sonne comme la fin d’une saga démarrée avec la révolution industrielle. Après la crise du phylloxera dans la viticulture, le Second Empire avait favorisé cette culture d’origine tropicale, qui aimait les terrains siliceux et légers, appréciait les pluies de juin et les étés chauds et les vallées de ces territoires situés sur le 45e parallèle, Lot-et-Garonne, Gironde, Béarn, Dordogne, mais aussi Alsace.

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Mesures sanitaires

Il devint vite un appoint riche ou revenu principal pour les paysans qui avaient tous un carré dans leur polyculture et dont certains se spécialisèrent sur cette production. Les unités tournaient à plein régime en 1900, et progressaient encore avec la mécanisation de l’après-guerre. Puis le marché a décliné. La faute à la mondialisation, déplorent les producteurs et transformateurs, mal accompagnés selon eux par les politiques nationale et européenne.

La baisse des subventions et les mesures sanitaires ont fait le reste. « Des clients ont fait défaut dès la mise en place du “paquet neutre” chez les débitants. Les Italiens, qui n’ont pas fait çà, se portent mieux », explique M. Tabanou. En 2016, l’usine ne traitait plus que 5 000 tonnes, contre quatre plus fois dans les années 2000. En 2018, France Tabac a bien espéré trouver sa planche de salut en le groupe allemand Alliance One International, mais l’accord est tombé à l’eau.