Archive dans 2019

Oxfam dénonce les conditions de travail dans les plantations de thé, de fruits et de légumes

L’association a recueilli de nombreux témoignages pour en conclure que tous les maillons de la chaîne (distributeurs, industriels, transformateurs…) portent une responsabilité mais que, « in fine, les exploitations sont victimes de cette pression sur les prix et sur les salaires ».

Par Publié aujourd’hui à 06h45, mis à jour à 11h47

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Une plantation de thé, à Gohpur, en Inde, en mars.
Une plantation de thé, à Gohpur, en Inde, en mars. BIJU BORO / AFP

La guerre des prix dans la grande distribution alimentaire fait des victimes dans le monde : « les travailleurs dans les chaînes de production du thé et des fruits et légumes qui approvisionnent certains des plus grands supermarchés », d’après l’association Oxfam, qui publie un nouveau rapport, jeudi 10 octobre.

Elle complète son analyse de 2018 par trois nouvelles études : en Inde, dans le secteur du thé ; au Brésil, dans les exploitations de mangues, raisins et melons ; aux Etats-Unis, dans la filière de la patate douce. L’association a recueilli de nombreux témoignages pour en conclure que tous les maillons de la chaîne (distributeurs, industriels, transformateurs…) portent une responsabilité mais que « in fine, les exploitations sont victimes de cette pression sur les prix et sur les salaires », estime Caroline Avan, d’Oxfam France.

En Allemagne, la grande distribution et les marques de thé s’attribuent 87 % du prix final sur une boîte de thé coûtant 2,48 euros, alors que la main-d’œuvre ne touche que 3 centimes, précise Oxfam. « A 9 centimes d’euros, les travailleurs dans les plantations en Inde pourraient avoir un salaire décent », ajoute Mme Avan.

La France épargnée

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En Inde, les entretiens menés dans 50 plantations de thé ont montré « des conditions de travail extrêmement dégradées », avec des affections courantes de choléra et typhoïde dues au « manque chronique d’eau potable et d’accès à des installations sanitaires adéquates ». Mais aussi des salaires ne permettant pas de vivre dignement. « Un salaire décent en Inde, c’est 6 dollars [5,5 euros] par jour. On est à 2 dollars dans les plantations de thé », ajoute Mme Avan. La moitié des personnes interrogées vivent sous le seuil de pauvreté et « les femmes sont payées entre 5 % et 15 % de moins que le salaire moyen ».

Le rapport fait état dans le nord-est du Brésil – d’où viennent près de la moitié des mangues consommées aux Etats-Unis –, de très faibles salaires pour les saisonniers, dont des mères de famille, qui « n’ont souvent pas la possibilité d’aller chercher du travail ailleurs ».

Dans ce tableau, l’Hexagone ferait presque figure d’exemple, avec une loi votée en France, en 2017, sur le devoir de vigilance, qu’Oxfam aimerait voir portée au niveau européen. Aucune enseigne française ne figure dans le tableau des 16 chaînes de distribution les moins vertueuses dans le respect des droits des travailleurs. Aucune n’a été mise en cause, à la différence de grands noms comme les américains Costco et Whole Foods, les allemands Lidl et Aldi, ou les britanniques Sainsbury’s et Tesco.

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« Il s’agit de juger les entreprises sur leurs actions et non sur leur prétendue bonne volonté »

Face à l’atonie des pouvoirs publics, la société civile a raison de demander des comptes aux entreprises sur le « greenwashing », estime le journaliste Olivier Petitjean, dans une tribune au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 06h00, mis à jour à 11h45 Temps de Lecture 3 min.

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« Il est temps de ne plus se payer de mots, ni de belles intentions. »
« Il est temps de ne plus se payer de mots, ni de belles intentions. » Wavebreak Media / Photononstop

Tribune. Dans une tribune datée du 4 octobre, Jérôme Courcier s’en prend aux ONG – et notamment à Oxfam – qui « stigmatis[e]nt systématiquement les acteurs économiques qui prennent des engagements pour la planète ou le bien commun » (« Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile »). Il suggère que leurs accusations de greenwashing à l’encontre des grandes entreprises sont trop faciles, dès lors que la « transition écologique et sociale » ne peut être que « progressive ».

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Il donne ensuite quelques exemples de phénomènes qui ne peuvent pas s’arrêter « du jour au lendemain » : l’ouverture de nouveaux gisements de pétrole et de gaz, l’envahissement de nos villes par les 4×4, les rémunérations patronales exorbitantes. Mais il ne faut pas se voiler la face. Dans aucun de ces trois domaines, malgré les grands discours sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre, sur les nuisances de l’automobile en ville ou sur le partage des richesses, on ne voit de signe tangible d’un début de changement de direction. On n’est pas ici dans la « progressivité » ; on est encore dans la régression.

Réalité des chiffres

Avant, pendant et après la signature de l’accord de Paris, les grandes entreprises françaises ont multiplié les déclarations et les engagements sur leur rôle dans la sauvegarde du climat. Mais si l’on regarde la réalité des chiffres, moins d’un tiers du CAC40 a effectivement réduit ses émissions de gaz à effet de serre depuis la COP21. Certains « champions » français de l’automobile (PSA, Valeo) ou de la mode (LVMH, Hermès, Kering) les ont même augmentées de manière significative. La seule firme française à avoir sensiblement réduit son bilan carbone, Engie, ne l’a fait qu’en revendant ses actifs dans le charbon à des investisseurs, sans bénéfice pour le climat.

Ce que les ONG comme Oxfam et bien d’autres pointent à travers la dénonciation du greenwashing, c’est cette dissociation de plus en plus marquée entre les discours publics des grandes entreprises et de leurs dirigeants, et la réalité de leurs pratiques. Disons-le : cette dissociation nous semble délétère pour le débat démocratique.

La seule firme française à avoir sensiblement réduit son bilan carbone, Engie, ne l’a fait qu’en revendant ses actifs dans le charbon à des investisseurs, sans bénéfice pour le climat

Quoi de plus légitime que des associations et des journalistes cherchent à confronter les discours et les engagements des grandes entreprises à leurs actes et à leurs décisions (ou non-décisions) ? Ces actes et ces décisions ont de lourdes conséquences ; il est normal qu’on leur demande des comptes. Les ONG ne le font d’ailleurs pas seulement de manière négative.

L’OMC voit dans les services le « nouveau moteur de la mondialisation »

Selon le rapport annuel de l’institution, les pays développés sont les grands gagnants de l’essor de ce secteur, qui représente 20 % du commerce mondial, contre 9 % en 1970.

Par Publié aujourd’hui à 11h21

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L’avenir de la mondialisation passe par les services. « C’est le secteur le plus dynamique du commerce mondial sans que cela soit reconnu ou bien compris », affirme l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans son rapport annuel publié mercredi 8 octobre. L’institution, basée à Genève, observe que la valeur des échanges dans ce secteur a augmenté plus rapidement que celle des biens, à un rythme annuel de 5,4 %, entre 2005 et 2017. Les services, qui ne pesaient que 9 % du commerce mondial en 1970, représentent désormais 20 % et ce niveau pourrait grimper à 33 % d’ici à 2040, selon les projections de l’OMC.

Ces derniers jouent un rôle croissant, mais discret, dans le développement du commerce mondial. « Les exportations de services font travailler un nombre incroyable de personnes dans le monde, et il reste encore un énorme potentiel inexploré », avance Roberto Azevêdo, le directeur général de l’OMC.

Infographie LE MONDE

Un potentiel inexploré car, contrairement au commerce de marchandises, il était jusque-là difficile à cerner et à mesurer. Certains services, telles les productions audiovisuelles, franchissent la frontière pour être consommés à l’étranger. Parfois c’est le consommateur qui se déplace à l’étranger, comme c’est le cas avec le tourisme. Le fournisseur peut aussi s’installer de manière temporaire ou permanente hors de son pays pour vendre ses services, comme le font les sociétés informatiques indiennes qui envoient leurs consultants chez des clients aux Etats-Unis.

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Les perdants sont les pays pauvres

L’affaire se complique si l’on prend en compte la part des services dans la valeur ajoutée des produits industriels, que ce soit lors de leur conception ou de leur transport. L’OMC a ainsi calculé que les échanges de services pourraient augmenter de 50 % d’ici les vingt prochaines années.

Les services se mondialisent dans le sillage des échanges de marchandises et grâce à la technologie. Ils peuvent désormais être exportés facilement en raison de la baisse du coût des télécommunications et de la numérisation de pans entiers de l’économie mondiale. Un processus à l’œuvre dans les secteurs de l’éducation et de la santé…

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A en juger par le volume des échanges, les gagnants sont majoritairement les pays développés, et quelques pays émergents qui les rattrapent. Les perdants sont les pays pauvres si l’on regarde leur contribution quasi nulle aux exportations et aux importations de services dans le monde. « L’importation de services liés aux infrastructures portuaires ou à la logistique peut toutefois aider leurs industries à être plus compétitives », nuance toutefois John Drummond, chef de la division des échanges de services à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Banque mondiale : « quand la mondialisation rétropédale »

L’institution s’inquiète de la dégradation des échanges commerciaux alors que toutes les régions du monde, même l’Europe, engagent un repli sur elles-mêmes, note Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 11h18, mis à jour à 11h21 Temps de Lecture 2 min.

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Des ouvriers dans l’usine Ford de Hai Duong, au Vietnam, en avril.
Des ouvriers dans l’usine Ford de Hai Duong, au Vietnam, en avril. Nguyen Huy Kham / REUTERS

Pertes et profits. A la Banque mondiale, on aime le vélo. C’est pratique pour se rendre au travail et c’est bon pour la planète. L’institution en a donc fait, cette année, la métaphore de tous les bienfaits que peut apporter la mondialisation. Le cadre et les roues sont produits en Chine et au Vietnam, le pédalier au Japon, la selle en Italie, les freins en Malaisie, tout cela dans une immense chaîne de valeur mondialisée. Celle-ci conduit à faire baisser les prix, à augmenter le marché potentiel et la productivité et, in fine, à créer de l’emploi et de la prospérité.

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Cette mondialisation de la fabrication d’un même bien a accompagné la croissance économique de la planète sur les vingt dernières années, contribuant à élever la condition de nombreux pays comme le Vietnam, le Mexique, le Bangladesh, l’Ethiopie ou le Kenya. Pour l’économiste en chef de la Banque mondiale, Pinelopi Koujianou Goldberg, une augmentation de 1 % de la participation d’un pays à cette chaîne de valeur se traduit par un gain de 1 % du revenu par habitant, deux fois plus que dans le commerce traditionnel.

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Aussi, l’institution s’inquiète de voir s’effriter une architecture si efficace. Si les guerres commerciales actuelles se poursuivent, et avec elles le déclin des échanges, près de 30 millions de personnes pourraient retomber sous le seuil de pauvreté, souligne la Banque mondiale.

L’économie ne suffit pas

Mais l’économie ne suffit pas à faire le bonheur des peuples, surtout quand la distribution de ses fruits est aussi inégalitaire. Dans les pays développés surtout, où le revenu médian a stagné durant les années 2000 (Europe), voire diminué (Etats-Unis), accompagnant un mouvement de désindustrialisation qui a paupérisé des territoires entiers. D’où le choix des électeurs américains pour la politique protectionniste de Donald Trump, ou celui des sujets britanniques pour le retrait de l’Union européenne. L’Amérique se replie sur sa zone, comme la Chine, grande gagnante de la mondialisation, est en train de le faire en se concentrant sur l’échelon asiatique. Même la vertueuse Europe, région la plus ouverte du monde, s’interroge. La très libérale commissaire au commerce, Cecilia Malmström, plaide désormais ouvertement pour une Europe plus ferme vis-à-vis de ses partenaires chinois ou américains.

Lire la tribune : Cecilia Malmström : « Les exportations de l’UE hors Europe représentent 36 millions d’emplois en Europe, dont près de 3 millions en France »

La mondialisation rétropédale et s’accompagne d’un retour au chacun pour soi et du ralentissement économique. Les cyclistes européens adeptes du local apprécieront, leurs homologues africains un peu moins et tout le monde paiera son vélo beaucoup plus cher.

Renault : le directeur général, Thierry Bolloré, menacé d’éviction

Alors que Nissan vient de nommer une nouvelle direction et s’apprête à faire un grand ménage chez ses cadres, le numéro deux du constructeur français se retrouve, lui, sur un siège éjectable.

Par Publié le 09 octobre 2019 à 10h57, mis à jour à 10h04

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Le directeur général de Renault, Thierry Bolloré, le 12 septembre, à Francfort.
Le directeur général de Renault, Thierry Bolloré, le 12 septembre, à Francfort. TOBIAS SCHWARZ / AFP

Il y a trois cent vingt-trois jours, Carlos Ghosn, PDG de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, était arrêté au Japon pour malversations financières. Entre France et Japon, l’onde de choc de cet événement n’en finit pas de produire ses effets sur les entreprises que le patron déchu dirigeait. Mais, en ce mois d’octobre, l’histoire s’est comme accélérée, tant à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) qu’à Yokohama, au sud de Tokyo, aux sièges des constructeurs Renault et Nissan.

Côté français, la pression est montée de plusieurs crans sur Thierry Bolloré, directeur général de Renault. Le Figaro avançait, dès mardi 8 octobre au soir, que « Jean-Dominique Senard [le président de Renault] devrait proposer prochainement au conseil d’administration du groupe de lancer la recherche d’un nouveau directeur général ».

Le groupe au losange n’a pas souhaité faire de commentaire sur des « rumeurs ». On affirme, dans l’entourage de M. Senard, « qu’aucun processus pour rechercher un nouveau numéro deux n’était officiellement lancé ». Ce qui n’empêche pas cette source d’ajouter que « la pression est montée crescendo pour que le président se sépare de son directeur général. Elle vient de l’interne où la personnalité du directeur général ne fait pas l’unanimité, mais aussi – et tout aussi fortement – de l’Etat actionnaire ».

Les reproches fusent

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Au ministère de l’économie, pas de commentaire non plus, où l’on renvoie la balle à la marque au losange. « C’est un sujet qui concerne le management de Renault », répond au Monde l’Agence des participations de l’Etat. Pour le moment, les administrateurs du groupe Renault n’ont reçu aucun signe officiel permettant d’envisager que le remplacement de Thierry Bolloré sera mis à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration, programmé, depuis longtemps, pour le 18 octobre.

« Je ne suis pas sûr que ce soit le moment opportun, dit l’un d’eux. Il y a un risque de déstabilisation de l’entreprise. Jeudi 10 octobre, Thierry Bolloré devait s’adresser en direct à l’ensemble des salariés, avec questions-réponses. Dans ce contexte, c’est un exercice intenable ! »

Il n’empêche, les reproches envers le directeur général fusent : un management parfois brutal, une fuite des talents (cinq cadres dirigeants ont quitté l’entreprise pour rejoindre le concurrent PSA depuis que M. Bolloré est devenu, en février 2018, numéro deux de Renault), nomination de dirigeants sans expérience de l’automobile, recours immodéré aux consultants du Boston Consulting Group.

Les PME incitées à développer l’épargne salariale

Bercy voudrait quasiment doubler le nombre de bénéficiaires dans les TPE et les PME d’ici à la fin 2020 en le portant à 3 millions, contre 1,4 million actuellement.

Par Publié aujourd’hui à 07h00

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« Concrètement, lorsqu’une PME verse 1 000 euros d’intéressement à un salarié, il perçoit 903 euros net. Mais si elle lui attribue 1 000 euros de prime, elle devra y ajouter quelque 500 euros de charges patronales, et le salarié ne recevra que 551 euros nets après impôts et charges sociales. »
« Concrètement, lorsqu’une PME verse 1 000 euros d’intéressement à un salarié, il perçoit 903 euros net. Mais si elle lui attribue 1 000 euros de prime, elle devra y ajouter quelque 500 euros de charges patronales, et le salarié ne recevra que 551 euros nets après impôts et charges sociales. » Salemi/Cartoonbase / Photononstop

Le gouvernement a pour ambition de doubler le nombre de salariés bénéficiaires d’un dispositif d’épargne salariale dans les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE) d’ici à fin 2020, en le portant à 3 millions contre 1,4 million actuellement. L’objectif est réaliste, selon Christophe Eglizeau. Le directeur général de Natixis Interépargne, filiale de Natixis spécialisée dans l’épargne salariale, estime que « l’ordre de grandeur est bon », à en croire les résultats de sa propre société : « Nous avons enregistré une croissance de plus de 30 % de nos nouveaux contrats signés par des PME depuis janvier. »

Benjamin Sanson, consultant retraite et investissement au sein du cabinet conseil Mercer France, ne partage pas son avis, jugeant le chiffre très ambitieux. « Les PME n’ont pas le réflexe de l’épargne salariale. Elles préfèrent les systèmes de primes et de bonus », explique-t-il. « La performance collective y est moins valorisée que la performance individuelle », précise Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la Confédération des PME (CPME).

Les avis sont partagés car les freins sont nombreux dans les petites entreprises : quand il ne s’agit pas de la faible disponibilité voire de l’inexistence des services de ressources humaines, les dispositifs d’épargne salariale sont perçus comme particulièrement complexes. Les chefs d’entreprise eux-mêmes estiment manquer d’informations. « Nous avons tout un travail de pédagogie à faire, reconnaît Dominique Dorchies, directrice générale déléguée de Natixis Interépargne. Dans les grandes entreprises, les dispositifs d’épargne salariale sont inclus dans la politique de rémunération globale. Les PME sont, elles, sous-équipées. »

« Des mesures fortes »

Certaines incitations semblent toutefois porter leurs fruits. Ainsi pour Julien Niquet, cofondateur d’Epsor, start-up spécialisée dans l’épargne salariale, « l’objectif du gouvernement est très optimiste, mais accompagné de mesures fortes, dont le point majeur est la suppression du forfait social ». Cette contribution patronale de 20 % n’existe plus depuis le 1er janvier sur les primes d’intéressement versées par les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur celles versées au titre de l’intéressement, de la participation et de l’abondement de l’employeur pour celles de moins de 50 salariés.

« Juste un clic », pour se former ?

Pour aider les actifs à prendre en main leur employabilité et leur parcours professionnel, le gouvernement s’apprête à lancer l’application CPF. Pas sûr qu’elle réussisse ce que des décennies de réformes n’ont pas pu mettre en oeuvre, explique la journaliste du « Monde » Anne Rodier dans sa chronique.

Publié aujourd’hui à 06h45 Temps de Lecture 3 min.

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« Les salariés pourront s’acheter une formation sur leur téléphone aussi facilement qu’ils twittent. »
« Les salariés pourront s’acheter une formation sur leur téléphone aussi facilement qu’ils twittent. » Image Source / Photononstop

Chronique « Carnet de bureau ». Comme un mantra, le « juste un clic » est censé incarner la simplification pour réformer la formation. Pour aider les actifs à prendre en main leur employabilité et leur parcours professionnel, le gouvernement s’apprête à lancer l’application CPF (compte personnel de formation) avant la fin de l’année. Le 21 novembre, la formation sera sur « une place de marché », selon les termes de la Caisse des dépôts qui finalise l’opération avec le ministère du travail, sous la forme d’un site Internet d’abord, avant le lancement de l’application mobile proprement dite, prévue « le 1er décembre au plus tard », indique le ministère.

Les 29 millions d’actifs concernés sont invités à croire au monde de la Petite Poucette de Michel Serres, dans lequel les nouvelles technologies libèrent les citoyens d’un simple clic. « C’est une révolution, notre machin », annonce le cabinet de Muriel Pénicaud.

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Les salariés pourraient ainsi s’acheter une formation sur leur téléphone aussi facilement qu’ils twittent. Ils vont donc enfin se former pour adapter leurs compétences à l’évolution des métiers : c’est en tout cas le pari de ce CPF rénové.

Un produit de consommation

« Juste un clic » pour s’acheter sa formation, comme s’il s’agissait d’un produit de consommation. « On attend avec impatience le 21 novembre. Le salarié prend le pouvoir. Il pourra acheter, consommer. Le marché va être régulé par la satisfaction des usagers qui nous noteront comme sur TripAdvisor », se réjouit Pierre Charvet DG de Studi, un organisme de formation en ligne.

Bien qu’il soit entré en vigueur en janvier 2015, presque cinq ans plus tard le CPF n’est toujours connu que d’un tiers (8,3 millions) des actifs

Du côté de l’intérim, on salue également la facilitation de « l’expérience utilisateur », dans l’espoir que les intérimaires puissent « cibler les compétences attendues sur le marché ». Actuellement, ce sont toujours les moins qualifiés qui se forment le moins.

Une simple application résoudrait ainsi ce que des années de réformes n’ont pas réussi à mettre en œuvre ? On peut en douter. Dans les entreprises, les DRH sont moins enthousiastes que les organismes de formation. Sur l’adéquation des demandes au marché du travail d’abord : qui va empêcher les salariés de choisir des formations déconnectées de leur parcours professionnel ? interpelle l’Association nationale des DRH (ANDRH).

La responsabilité des entreprises est difficile à contrôler

Dans une entreprise « responsable » comme Renault, les malversations dont est soupçonné l’ancien PDG Carlos Ghosn auraient-elles pu être empêchées, et par qui ? s’interroge le professeur Pierre-Yves Gomez dans sa chronique.

Publié aujourd’hui à 06h15 Temps de Lecture 2 min.

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« On peut s’étonner que, malgré l’accumulation de fraudes imputées à M. Ghosn, la responsabilité des commissaires aux comptes successifs de Renault n’ait pas été beaucoup relevée » (Carlos Ghosn en 2013).
« On peut s’étonner que, malgré l’accumulation de fraudes imputées à M. Ghosn, la responsabilité des commissaires aux comptes successifs de Renault n’ait pas été beaucoup relevée » (Carlos Ghosn en 2013). Babu Babu/Reuters

Chronique « Gouvernance ». Devenue une institution majeure de la société contemporaine, l’entreprise a vu s’élargir le champ de sa responsabilité : d’abord économique et sociale, puis sociétale, politique et environnementale, elle est désormais morale. Il ne s’agit plus de constater a posteriori les impacts qu’elle produit sur son écosystème, mais d’attendre a priori que sa gestion se conforme aux exigences éthiques de la société.

Mais la mise en œuvre d’une telle responsabilité demeure incertaine si on ne sait pas l’imputer concrètement aux acteurs qui, en interne, sont chargés de garantir les pratiques acceptables et d’empêcher les dérives ou les abus. Or il n’est pas aisé de passer de l’idée générale aux processus efficaces, comme le montre l’affaire Renault-Nissan sur le difficile contrôle du comportement d’un grand dirigeant. Dans une entreprise « responsable » comme Renault, les malversations dont est soupçonné l’ancien PDG Carlos Ghosn auraient-elles pu être empêchées, et par qui ?

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En théorie, de telles dérives spolient les actionnaires en les privant d’une part de profit et ils révoquent le dirigeant irresponsable. La réalité est moins simpliste. Même fraudeur, un dirigeant peut présenter de bons résultats aux investisseurs, comme le fit M. Ghosn chez Renault, car dans les grandes entreprises des malversations limitées n’entament pas significativement les bénéfices. Ainsi, les profits réalisés grâce aux efforts de productivité des salariés peuvent permettre aux dirigeants de tirer des avantages privés, autant sous forme de bonus légaux que de rétributions personnelles plus opaques.

Dérives et réussites spectaculaires

Le contrôle par les marchés étant approximatif, il a fallu établir des superviseurs autorisés et légitimes, comme les commissaires aux comptes (CAC). Ceux-ci ont le devoir de vérifier la conformité des opérations comptables de l’entreprise et ils engagent leur propre réputation. On peut s’étonner que, malgré l’accumulation de fraudes imputées à M. Ghosn, la responsabilité des CAC successifs de Renault n’ait pas été beaucoup relevée. Ils plaideront sans doute qu’il était difficile de déceler des abus portant sur des montants faibles comparés aux flux financiers énormes que génère une telle entreprise. Peut-être, mais cela laisse planer un doute global sur la fiabilité de leur contrôle.

François Hommeril, un président qui détonne à la CFE-CGC

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François Hommeril, le président de la CFE-CGC, à Matignon, le 6 septembre.
François Hommeril, le président de la CFE-CGC, à Matignon, le 6 septembre. THOMAS SAMSON / AFP

L’exemplaire de Révolution, le livre-programme d’Emmanuel Macron paru en 2016, est posé sur une étagère du bureau de François Hommeril, au siège parisien de la CFE-CGC. Une édition de poche, un peu cornée, que le dixième président de la centrale des cadres s’est vu offrir par son frère, consul général de France à Atlanta, aux Etats-Unis.

Il s’en saisit et l’ouvre page 132. Le voilà qui lit à voix haute les propos de celui qui n’avait pas encore pris ses quartiers à l’Elysée. Pour un peu, il pourrait le réciter par cœur : « Je ne crois pas du tout au débat lancé par nombre de responsables politiques sur la dégressivité des allocations chômage. (…) Ils sous-tendent que les transitions ne sont pas un sujet, que la mobilité professionnelle se fera toute seule et que les chômeurs le sont plus ou moins par leur faute. » Une profession de foi démentie, en juin, par la réforme de l’assurance-chômage qui vise notamment les demandeurs d’emploi les mieux payés. François Hommeril a fustigé « un jour funeste pour l’assurance-chômage », « une attaque violente contre les cadres » et « un populisme assumé ».

Elu pour la première fois en 2016, le syndicaliste devait être reconduit, mercredi 9 octobre à l’ouverture du congrès de la confédération à Deauville (Calvados), à la tête de la CFE-CGC. Une formalité pour l’ingénieur savoyard qui, comme il y a trois ans, était le seul candidat.

« Je n’ai aucune opposition », se vante-t-il. Et qu’importe si son discours très véhément contre « le catéchisme néolibéral » du président de la République apparaît en décalage avec une base qui, aux élections présidentielle et européennes, s’est répartie entre La République en marche et Les Républicains.

« Il est magique mais c’est une catastrophe, assène, sévère, un de ses homologues syndicaux. Il fait le clown et dit ce qui lui passe par la tête. Il n’est pas du tout dans la sociologie de son organisation. » Ses proches assurent le contraire. « Ce n’est pas un lecteur des Echos, admet Serge Lavagna, qui quitte le secrétariat national. Il est plus gaulliste social que mélenchoniste, ce n’est pas un égalitariste. » Pour Raymond Soubie, l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, « c’est son expérience personnelle qui l’a mené là et c’est très respectable ».

« Cannibales en costume »: les nouveaux monstres

David Courpasson se demande comment on peut à la fois être une personne correcte et mettre son éthique de travail au service d’une « monstruosité ».

Par Publié aujourd’hui à 06h00

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« Cannibales en costume. Enquête sur les travailleurs du XXIe siècle », de David Courpasson. François Bourin, 248 pages, 20 euros.
« Cannibales en costume. Enquête sur les travailleurs du XXIe siècle », de David Courpasson. François Bourin, 248 pages, 20 euros.

Livre. Escroqueries bancaires, scandales pharmaceutiques, nappes noires meurtrières des compagnies pétrolières, « dieselgate »… bien des entreprises sont sur le banc des accusés depuis quelques années, et la colère gronde : on déplore l’augmentation des suicides, on s’interroge sur le sens du vrai travail. Mais à force de ne voir que les scandales médiatiques, de ne scruter que l’ombre de Monsanto et de ses experts manœuvrant dans les couloirs de Bruxelles, on ne parle guère des travailleurs de Monsanto, ces gens dont le travail consiste pourtant à produire dans la pénombre des usines le fameux glyphosate et autres produits toxiques.

Comment peut-on à la fois être un bon comptable, un bon ingénieur, un bon médecin, une personne correcte, et mettre son éthique de travail au service d’une monstruosité ? Comment le chef de projet d’une multinationale pétrolière britannique ressent-il la pollution marine qui sera, pour quelques jours, sur tous les écrans de télévision et d’ordinateurs et qui stigmatisera, à travers le nom de son entreprise, son propre travail ? « Ces questions sont à la fois banales et capitales, car elles font surgir l’ambivalence de la culpabilité moderne, et l’ampleur de la contribution de chacun à des œuvres de destruction ou d’amoindrissement », estime David Courpasson dans Cannibales en costume (François Bourin).

L’ouvrage enquête sur le fil qui relie, « symboliquement et concrètement, les troupeaux des usines, écrasés par le bruit, épuisés par la chaleur ou le froid, aux troupeaux individualistes de l’entreprise actuelle, étourdis par leur propre désir de réussite, abîmés par la vitesse, ensevelis sous l’excès des missions. » Ces points communs sont à chercher dans les récits du travail quotidien.

« Je n’en peux plus »

C’est ainsi le témoignage de George, cadre dans une entreprise pharmaceutique européenne, qui donne au livre sa trame : « Je suis un cannibale, habillé en costume ou avec une blouse blanche. Je fabrique des traitements pour des gens plutôt riches avec la matière corporelle des gens pauvres, vous appelez ça comment ? » Son histoire fait remonter des dizaines de destinées singulières croisées au fil des années dans les enquêtes de l’auteur, sociologue et professeur à l’EM Lyon Business School et à l’université de Cardiff, sur les gens au travail.

Le livre raconte les trajectoires de travailleurs déchirés par d’insondables dilemmes. La plus marquante est celle de Gérard, ingénieur dans le nucléaire, qui enverra, quelques heures avant son suicide, un message à certains de ses collègues : « Mes amis je n’en peux plus, je dois partir, ce travail me tue et nous tuera tous. Je préfère prendre les devants plutôt que de continuer à me faire bouffer de l’intérieur par ce travail dans une centrale qui fuit sans le dire, par ces petits chefs et leurs procédures tatillonnes, et leurs sourires mesquins. Désolé, mais je m’en vais. Je vous laisse seuls, devant le choix de continuer à vivre, mais sans doute de faire autre chose. »