Archive dans janvier 2019

Embauche : les universités ont-elles regagné leur retard devant les grandes écoles ?

Les services d’aide à l’intégration professionnelle des étudiants progressent. Mais, avec des moyens moindres et des cohortes d’étudiants plus importantes, ils ne rivalisent pas encore avec ceux des grandes écoles.

Dans le campus de Neoma Business School, au nord-ouest du centre-ville de Rouen, se dresse un château aux allures de Moulinsart. Théâtre d’une grande histoire sous l’occupation allemande, il est aujourd’hui l’emblème heureux de cet établissement figurant dans le top 10 des écoles de commerce françaises. Depuis les baies vitrées de la salle de classe, il apparaît nappé dans le crachin en cette matinée grisâtre de janvier.

Pas de distraction, les étudiants se concentrent sur le cours du jour : la révision de leurs entretiens obligatoires avec des professionnels, des anciens de l’école. « J’ai parlé avec un “chief transformation officer”  [responsable de la transformation au sein des entreprises]. Il met en place un programme de développement des start-up, explique Nadia Taïmi. Ces échanges informels m’ont permis de poser des questions que je n’aurais pas pu aborder en entretien d’embauche, je vais continuer à en faire au-delà du cours. »

C’est le département « talent & carrière » de cette école de commerce de Rouen qui arrange ces modules d’insertion professionnelle. « Entre 30 et 60 heures par an selon les années, obligatoires et créditées, durant lesquelles les étudiants travaillent sur la connaissance des métiers, leur CV et lettres de motivation, apprennent à répondre à une offre d’emploi et à améliorer leur “personal branding” [marketing personnel] », déroule Isabelle Chevalier, la directrice du département. Au total, 38 salariés y travaillent à développer l’employabilité des étudiants des campus de Rouen, Reims et Paris. Pour un suivi personnalisé, huit experts sont aussi à la disposition de ces derniers.

La culture de l’employabilité fait son trou

Anaïs Kluczka, en master 2 de marketing, a estimé : « Je souhaitais trouver un volontariat international en entreprise [VIE], j’ai apporté mon CV et les offres repérées sur notre plate-forme interne. Ma conseillère m’a expliqué les avantages et inconvénients du VIE, l’administratif, et comment adapter mon CV. A priori, j’ai trouvé un contrat en Norvège. »

Une culture de l’insertion professionnelle que, quelques rues plus loin, sur le campus voisin de l’université de Rouen-Normandie, le Bureau d’aide à l’intégration professionnelle (BAIP) essaie de développer pour ses 29 000 étudiants. Dix ans après la loi du 10 août 2007 sur l’autonomie des universités, la culture de l’employabilité fait son trou dans ces établissements.

Mouvement « gilet jaune » et licenciement

La collaboration des salariés au mouvement de protestation amorcé à l’automne 2018 est indirectement entourée par le code du travail. Se revendiquer « gilet jaune » n’est pas sans risque.

« La Cour de cassation a validé le licenciement de salariés, après que ces derniers ont critiqué leur entreprise sur le compte d’un réseau social ouvert à tous » (Des
« La Cour de cassation a reconnu le licenciement de salariés, après que ces derniers ont critiqué leur entreprise sur le compte d’un réseau social ouvert à tous » (Des « gilets jaunes » sollicitent les élus de la région venus participer à l’acte deux du grand débat organisé par Emmanuel Macron à Souillac, le 18 janvier).

Un salarié qui porte son soutien au mouvement des « gilets jaunes » prend-il un risque pour son emploi ? Plusieurs cas ont été récemment médiatisés. Le 12 janvier La Voix du Nord signalait le licenciement pour faute grave de deux salariés d’Amazon qui, en novembre 2018, avaient désigné, sur les réseaux sociaux, au blocage de la plate-forme du groupe implantée dans les Hauts-de-France.

Le 18 décembre 2018, c’était Le Bien Public, quotidien régional de Saône-et-Loire qui faisait état du licenciement d’un salarié, qui en novembre 2018 avait abandonné son poste pour participer à un blocage sur un rond-point de Sennecé-lès-Mâcon. Enfin, le 4 décembre, sur RMC, c’est un gérant de boulangerie qui déclarait avoir été licencié en raison de son soutien aux « gilets jaunes » : « Ça n’a pas plu aux patrons », a-t-il affirmé. Autant de cas qui illustrent la montée des tensions dans certaines entreprises entre les participants au mouvement et leur employeur. Tensions qui aboutissent parfois au licenciement du salarié.

Incertitude juridique

Le mouvement étant inédit dans sa forme, employeurs et personnels se voient plongés dans une relative incertitude juridique. « Le salarié jouit d’une liberté d’expression, du moment que cela ne perturbe pas le fonctionnement de son entreprise », fait valoir Magalie Marchesseau Lucas, avocate collaboratrice au cabinet Avocadour, spécialisée en droit du travail. Les salariés ont aussi le droit de faire grève ou d’occuper les locaux de leur entreprise, bien que la loi fixe des limites à ce droit : « Les grévistes n’ont pas le droit d’entraver le travail des autres », rappelle l’avocate.

Un sympathisant des « gilets jaunes » peut théoriquement prétendre son droit de grève ou participer à une manifestation sur son temps de travail, sans risquer d’être sanctionné. A condition d’être en mesure de démontrer que cette manifestation ou cette grève porte des revendications à caractère professionnel.

Le nombre des sans-emploi a clairement diminué au dernier trimestre 2018

Le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi, sans aucune activité, a baissé de 1,1 % au cours du troisième trimestre 2018, pour atteindre un total de 3,676 millions.

PÔLE EMPLOI / FLICKR / CC BY 2.0
Voilà des chiffres dont le pouvoir exécutif va très surement être heureux. Selon les données publiées vendredi 25 janvier par le ministère du travail, le nombre de chercheurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A de Pôle emploi) a diminué de 38 200 en métropole, au cours des trois derniers mois de 2018 (– 1,1 %). Sur l’ensemble du territoire (en incluant les outre-mer, sauf Mayotte), il y a désormais un peu plus de 3,676 millions de chômeurs, soit un recul de 1,4 % pour toute l’année 2018. Le résultat est meilleur que celui qui avait été relevé en 2017 : cette année-là, la baisse n’avait été que de 0,3 % pour la France entière (– 0,5 % si on ne prend en compte que l’Hexagone).

Le décalage de la croissance en 2018, qui avait conduit l’Insee à réviser ses prévisions pour le dernier trimestre, semble ne pas avoir eu de conséquence préjudiciable sur le marché du travail. Pas plus que le mouvement des « gilets jaunes », en dépit des besoins qu’il a engendrées dans le secteur du commerce et pour de nombreuses PME.

Grande diminution pour les jeunes

Une précision importante : l’évolution positive examinée au dernier trimestre 2018 résulte peut-être, pour partie, de raisons administratives. Le nombre de personnes relevant de la catégorie D (qui englobe celles dispensées de rechercher un poste parce qu’elles suivent une formation) s’est accru de 5,4 % durant les trois derniers mois de 2018 ; il n’est pas exclu que cette progression ait contribué à dégonfler les effectifs de la catégorie A.

Toutes les tranches d’âge profitent de l’amélioration constatée au dernier trimestre 2018. En métropole, le nombre de moins de 25 ans, en catégorie A, reflue de 2,9 % sur trois mois (– 1,3 % en un an). Idem pour les 25-49 ans, avec une baisse plus marquée en un an (– 2,1 %), et pour les personnes d’au moins 50 ans (– 0,1 % en douze mois).

Un grand point noir subsiste : le chômage de longue durée. Le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi depuis un an ou plus, qui n’ont occupé aucun poste ou qui ont exercé une activité partielle, a encore augmenté : + 0,4 % sur les trois derniers mois (+ 5,1 %), sur l’ensemble du territoire.

A quoi faut-il s’attendre pour les mois à venir ? L’Insee a soutenu un début de réponse, dans sa dernière note de conjoncture diffusée en décembre 2018. Le taux de chômage sur l’ensemble du territoire (en incluant les outre-mer, sauf Mayotte) devrait diminuer très légèrement, pour s’établir à 9 % de la population active à la fin du premier semestre 2019, soit 0,1 point de moins qu’un an auparavant.

Déstabilisé par sa soumission à la publicité, « BuzzFeed » coupe dans ses effectifs

Au siège de  BuzzFeed à New York city, le 11 décembre 2018.
Au siège de  BuzzFeed à New York city, le 11 décembre 2018. Drew Angerer / AFP
Le site d’information américain est déstabilisé par son modèle gratuit.

Les salariés de BuzzFeed ont reçu mercredi 23 janvier un mail de leur PDG dont l’objet, « changements difficiles », n’augurait rien de bon. Jonah Peretti, le créateur du site américain mêlant divertissement et journalisme, leur a confirmé la rumeur d’un large plan de licenciement. Selon plusieurs médias outre-Atlantique, l’entreprise s’apprête à supprimer 15 % de ses effectifs, soit entre 220 et 250 personnes. Ces limogeages interviendront dès la semaine prochaine, et devraient affecter l’ensemble des éditions internationales de BuzzFeed.

Ce n’est pas la première fois que le site est obligé de tailler dans ses effectifs. Fin 2017, la direction s’était déjà séparée de 20 personnes au Royaume-Uni et 100 aux Etats-Unis, soit 8 % de ses équipes. En juin 2018, BuzzFeed a décidé d’arrêter sa filiale française, entraînant le licenciement de 14 salariés parisiens. Mais alors que les journalistes avaient jusque-là été plutôt épargnés, la branche « information » du site devrait cette fois être touchée par ces nouvelles coupes.

Débuté en 2006, ce média en ligne gratuit s’est bâti sur les revenus tirés de la publicité, et en particulier sur le « brand content », ces contenus produits sur-mesure pour les annonceurs et prenant l’apparence d’articles ou de vidéos effectués par ailleurs par la rédaction. Mais ce format a très vite été adopté par ses concurrents et par la presse traditionnelle, tirant les prix de ces publicités vers le bas. Surtout, BuzzFeed a subi de plein fouet la captation des recettes publicitaires en ligne par Google, Facebook et de plus en plus Amazon.

Diversification

Pour joindre à cette fragilité, BuzzFeed, comme d’autres « éditeurs sociaux » (Vice, MinuteBuzz, Konbini, Melty…) a souffert du changement d’algorithme de Facebook. En janvier 2018, le réseau social a décidé de mettre en avant les contenus édités par les « amis » des utilisateurs, au détriment de ceux proposés par les médias professionnels.

Dans ce contexte, Buzzfeed s’attache depuis deux ans à trouver de nouveaux relais de croissance. « Tasty », son site consacré à la cuisine, vend ainsi des livres, des leçons de cuisine ou des ustensiles. L’entreprise a aussi investi massivement dans les contenus vidéo pour les revendre à des réseaux sociaux, comme Facebook et Snapchat, et à des chaînes de télévision.

Mais cette transformation n’a pas encore permis au groupe d’atteindre la rentabilité. « Malheureusement, la croissance des revenus en soi n’est pas suffisante pour réussir à long terme », écrit Jonah Peretti dans sa note aux salariés. Cette « restructuration » doit permettre à BuzzFeed de « réduire [ses] coûts » et de « contrôler [son] destin, sans plus jamais avoir besoin de lever des fonds », assure le PDG. De fait, le média vit sous la perfusion de ses actionnaires, au premier rang desquels le géant américain audiovisuel NBCUniversal, qui y a investi 400 millions de dollars (354 millions d’euros) depuis 2015.

Conversion au modèle payant

L’annonce de BuzzFeed illustre l’équation fragile que doivent résoudre les médias ayant opté pour un modèle gratuit sur Internet : faire valoir une audience toujours plus grande aux annonceurs pour que ceux-ci continuent à investir. Certains groupes de presse traditionnels ont dernièrement préféré instaurer un système donnant accès à un nombre limité de consultations (comme Libération et L’Express), ou étendre la partie payante de leur site (Le Monde et Le Figaro).

Une majorité de médias s’attacheront à faire de l’abonnement leur principale source de revenus en 2019 selon l’institut Reuters. C’est le cas de l’éditeur américain Condé Nast, qui a annoncé le 23 janvier qu’il allait basculer en 2019 tous ses titres dont Glamour, Vogue et GQ sur un modèle tout ou en partie payant. L’institut déclare toutefois que « la résistance des internautes risque d’être considérable » alors que « seule une petite minorité de personnes est prête à payer pour l’information ».

BuzzFeed semble pour l’instant éliminer de passer à un modèle payant. Fin novembre 2018, dans un entretien au New York Times, M. Peretti a plutôt évoqué l’idée d’une fusion avec d’autres médias en ligne, dont Vice et Vox Media, pour peser face à Google et Facebook dans les négociations avec les annonceurs. « Si BuzzFeed et cinq des autres [pure-players] s’unissaient dans un plus grand groupe de médias, on réussirait sans doute à être mieux payés », a-t-il estimé.

 

Pierre-Yves Gomez : « Le débat sur la diffusion de la valeur ne peut se limiter à l’opposition simpliste des salariés et des actionnaires »

 

Le professeur d’économie affirme que l’actionnariat des très grandes entreprises est principalement constitué de ménages, et que la vraie frontière se situe entre les entreprises bénéficiant de la mondialisation et celles de l’économie périphérique.

Les entreprises du CAC 40 ont versé en 2018 près de 46,5 milliards d’euros de dividendes, contre 43 milliards en 2008. Certains ont célébré ces profits record et le retour à la richesse d’avant-crise. Pour d’autres, ce chiffre est une nouvelle manifestation de l’avantage dont les actionnaires profitent sur les salariés. Si on tient compte des rachats de leurs propres actions par les grandes entreprises, ce sont 57,5 milliards qui ont été récupérés par leurs actionnaires, soit 13 % de plus qu’en 2017. La même année, le revenu des ménages a augmenté de 2,6 % (« Les comptes de la Nation en 2017 », Insee), et les rétributions des dirigeants du CAC 40 de 14 % (étude Proxinvest 2018).

Les controverses sur la distribution de la valeur créée par les grandes entreprises sont ainsi relancées. Mais elles peuvent conduire à des conclusions simplistes. D’abord, les dividendes versés en 2018 ne sont pas « record ». Ils s’élevaient déjà à 45,8 milliards en 2014 et à 46,2 milliards en 2016, soit un chiffre très proche des 46,5 milliards de 2018. Cela fait quelques années que le niveau des dividendes du CAC 40 a dépassé celui de la fin des années 2000.

A qui bénéficie effectivement cette manne ? Selon Euronext (« Qui sont les actionnaires du CAC 40 ? », 2018), pour moitié à des investisseurs étrangers qui gèrent l’épargne-retraite par capitalisation de salariés essentiellement anglo-saxons. Pour une autre moitié, des actionnaires français, dont 10 % sont des familles d’entrepreneurs, 3 % des salariés et 3 % l’Etat, le solde étant composé de gestionnaires de portefeuilles financiers (Sicav, assurances-vie, plans d’épargne en actions) pour le compte des ménages. Au total, les deux tiers des 57,5 milliards ont donc été perçus par des épargnants français ou étrangers, notamment pour constituer leurs retraites.

On peut critiquer cette « économie de rente » favorable aux seuls salariés capables de constituer une épargne financière, et critiquer les opérateurs de cette économie qui prélèvent au passage des revenus indécents. Reste que derrière l’actionnariat des très grandes entreprises, c’est la masse de ménages détenteurs de titres qui est concernée. Voilà qui complique un peu le débat sur la répartition de la valeur.

Les services généraux externalisés

Il est plus juste, en revanche, de mettre en relation le montant des dividendes versés avec la création d’emplois par les très grandes entreprises : entre 2008 et 2018, les effectifs français et étrangers de ces sociétés ont baissé de 1 %, selon une étude de l’Institut français de gouvernement des entreprises (« Les entreprises françaises sont-elles encore françaises », IFGE, 2018). Elles ont donc accompli plus de profit avec moins de salariés. Comment est-ce possible ?

 

Vers un récent accord européen sur les congés parentaux et les congés d’aidants

Cet accord provisoire vise à avancer dans l’égalité femme/homme, en incitant les pères a prendre des jours après la naissance de leur enfant.
Cet accord provisoire vise à avancer dans l’égalité femme/homme, en incitant les pères a prendre des jours après la naissance de leur enfant. FRED DUFOUR / AFP
Cet accord provisoire, signé jeudi, devra ensuite être adopté officiellement par le Parlement européen et le Conseil.Les institutions européennes se sont réunies, jeudi 24 janvier, pour améliorer les conditions des congés parentaux et de paternité au sein de toute l’Union Européenne, un accord qui permettra selon elles de cheminer dans l’égalité femme/homme. Autre point abordé, la mise en place d’un nouveau droit pour les travailleurs en Europe, à savoir le congé d’aidant, égal à cinq jours par travailleur et par an.

Cet accord provisoire de jeudi doit à présent être adopté officiellement par le Parlement européen et le Conseil.

Dix jours de congé paternité

Les négociateurs du Parlement européen et du Conseil de l’UE (qui représente les Etats membres), chapeautés par la Commission, ont décidé d’établir une norme minimale à l’échelle de l’UE. Concrètement, les pères devront prendre au minimum dix jours de congé paternité après la naissance de leur enfant, rémunérés à hauteur de la prestation de maladie.

Jusqu’à l’adoption de cet accord, la directive européenne contemporaine ne prévoyait aucun congé de paternité minimum pour les pères. « Dans certains pays, le congé de paternité reste mal perçu, comme si c’était naturellement à la femme de rester à la maison », a noté l’eurodéputée écologiste française Karima Delli.

Mais cette partie du texte ne changerait pas tellement la situation en France : actuellement, la durée de ce congé est en effet fixée à onze jours consécutifs (dix-huit pour des naissances multiples) après la naissance d’un enfant. Certaines entreprises permettent cependant au salarié de prendre quelques jours supplémentaires.

Mieux rémunérer le congé parental ?

L’autre partie de l’accord provisoire, elle, a davantage suscité des tensions : elle prévoit de renforcer le droit actuel des pères au congé parental rémunéré de quatre mois, dont deux mois ne seront pas transférables entre les parents, mais aussi de fixer une rémunération minimale pour ces deux mois non transférables.

En France, pour la première naissance, le père ou la mère peut prendre jusqu’à six mois, avant le premier anniversaire de l’enfant. Mais son montant maximal est de 396 euros par mois, soit un tiers du salaire minimum, et bien moins que la proposition originelle de la directive européenne, qui visait à monter jusqu’à 50 % du salaire, plafonné à 1,8 fois le smic, soit un montant moyen de 950 euros mensuel.

En mai dernier, la France s’était opposée à une meilleure indemnisation du congé parental, arguant que ce ne serait pas réaliste financièrement. Emmanuel Macron affirmait ainsi devant le Parlement européen :

« J’en approuve totalement le principe, mais les congés parentaux payés au niveau de l’indemnité maladie journalière, c’est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable. »

Selon le calcul du gouvernement, le surcoût pourrait atteindre 1,6 milliard d’euros.

Pour quelques défendeurs de la proposition originelle visant à mieux rétribuer le congé parental, il s’agit d’une nécessité pour que le congé parental soit plus égalitaire et moins discriminant pour les femmes sur le marché du travail.

Plusieurs nouvelles études (de l’Observatoire français des conjonctures économique, de l’OCDE ou de la Caisse nationale d’allocation familiale) s’accordent en effet sur le fait que pour que plusieurs pères prennent leur congé parental – comme 45 % des Islandais et des Suédois, contre 3,5 % des pères français –, il faut que ce congé soit, entre autres, fortement indemnisé et proportionnel aux revenus antérieurs.

 

Parcoursup : recommandations, décodages et erreurs à éviter

Plusieurs professionnels ont répondu aux questions des lecteurs sur le fonctionnement de la plate-forme d’orientation Parcoursup, qui existe pour la deuxième année.

Comment organiser son orientation et maîtriser les subtilités de la plate-forme Parcoursup ? Natacha Lefauconnier, journaliste indépendante spécialisée, Sylvie Boudrillet, conseillère d’orientation, et Dominique Pimont, conseillère psychologue de l’éducation nationale au CIO Mediacom ont répondu en direct aux interrogations des lecteurs lors d’un tchat organisé par Le Monde mercredi 23 janvier. Compte rendu.

Quelles sont les erreurs à ne pas faire sur Parcoursup ?

Sylvie Boudrillet, conseillère d’orientation, et Dominique Pimont, conseillère psychologue de l’éducation nationale :

La première faute serait de ne pas prendre le temps de réfléchir à ses vœux, saisir et confirmer trop rapidement, sachant qu’un vœu confirmé ne peut plus être supprimé et sera décompté dans vos dix vœux.

Ensuite, ne pas s’informer sur les contenus des formations, les choisir au hasard et ne pas estimer les différentes étapes de la procédure, comme par exemple ne pas finaliser son dossier dans les délais (3 avril), en serait un autre.

Il est de même impératif de répondre dans les délais aux propositions reçues au risque de perdre les nouvelles propositions et les vœux en attente, et nous vous conseillons de diversifier ses candidatures.

En ce mois de janvier, quels conseils donneriez-vous aux lycéens ?

S.B. et D.P. : Il faut bénéficier des journées portes ouvertes des établissements, des journées d’immersion et des semaines de l’orientation dans les lycées. Dans les universités, n’hésitez pas à contacter les « étudiants ambassadeurs » dont les coordonnées sont dans la « fiche formation » de Parcoursup, consulter les foires aux questions, tutos, vidéos sur la plate-forme.

Si vous n’avez pas de projet clair, vous pouvez rencontrer vite un Psy-EN (psychologue de l’Education nationale) dans votre lycée ou dans un CIO et/ou en parler avec votre professeur principal. Si vous avez déjà formulé des vœux, aménagez dès à présent vos projets de formation motivés (lettre de motivation). Enfin, vous pouvez toujours appeler le numéro vert 0800 400 0870 de Parcoursup, ouvert du lundi au vendredi de 10 heures à 16 heures.

Remy67 : Est-ce que cette nouvelle mouture de Parcoursup intègre une hiérarchisation des vœux ?

La hiérarchisation des vœux, qui était demandée aux candidats sur la antérieure plate-forme d’admission APB, a été supprimée avec la réforme de Parcoursup, l’an dernier. Le ministère a exclu tout retour de la hiérarchisation des vœux – que certains demandaient pour plus d’efficacité.

Par contre, un nouveau système est prévu, de manière facultative, de classement des vœux : après les écrits du bac, les candidats pourront exprimer l’ordre de leur préférence entre leurs vœux en attente. Avec le déclenchement d’une réponse automatique positive en cas de proposition d’admission aux vœux préférés, ce qui permettra au candidat de ne plus avoir à se connecter tous les jours, pour vérifier s’il a reçu de nouvelles propositions.

S.B. et D.P. : Cela ne vous empêche pas d’y réfléchir, dès maintenant, pour faciliter votre prise de décision au moment de la phase d’admission. Vous devrez répondre aux propositions reçues à partir du 15 mai. Vous aurez alors cinq jours pour répondre, puis, jusqu’à la fin de la procédure, trois jours pour vous retenir sur chaque nouvelle proposition d’admission.

Remy67 : Cette réduction du délai de réponse à 5 jours, puis à 3 jours alors qu’un lycéen attend d’autres réponses ne risque-t-elle pas d’entraîner un non-choix ?

Natacha Lefauconnier : Attention : le délai de réponse pour admettre (ou non) une proposition d’admission sera en effet de cinq jours au début de la procédure, puis de trois jours… Mais répondre « oui » ne vous empêche pas de maintenir un ou plusieurs vœux pour lesquels vous êtes « en attente ». C’est seulement si vous avez deux « oui » (ou plus) que vous devez renoncer à l’un (ou à tous sauf un), tout en maintenant là aussi des vœux en attente le cas échéant. Ce principe vous permet de vous décider jusqu’au dernier moment pour la formation qui vous plaît le plus.

Carole L. : Pour les filières non sélectives a-t-on la garantie d’avoir une réponse positive pour l’un de nos vœux ?

N.L. : Les licences (hors doubles cursus sélectifs) peuvent vous répondre « oui », « oui si » (vous avez une place à condition de suivre un parcours de remédiation qui sera défini : enseignements de remise à niveau, licence en 4 ans au lieu de 3…) ou bien « oui – en attente » (ce dernier cas si la demande est supérieure à la capacité d’accueil). Elle ne peut pas répondre « non » (réponse que peuvent faire les formations sélectives).

Carole : Je veux intégrer une licence cinéma en Ile-de-France. Est-ce que je prends un risque en ne mettant que quatre vœux uniquement sur cette spécialité ?

S.B. et D.P. : Vous avez toujours intérêt à diversifier vos candidatures, tant que ces vœux correspondent à vos envies. N’hésitez pas à aller au-delà de ces quatre vœux. Sachez que ces licences sont très souvent en tension (très demandées), demandez conseil auprès d’un psychologue de l’éducation nationale dans un CIO (Centre d’information et d’orientation). Consultez également les fiches infos « Licence » en Ile-de-France sur le site de l’Onisep, pour connaître l’offre de formation en détail sur la fiche « Arts ».

Carole L. : Que deviennent les « oui – en attente » à la fin du processus de Parcoursup ? Une place est-elle attribuée systématiquement ou faut-il passer en commission ?

S.B. et D.P. : A partir des résultats du bac, après le 5 juillet, si vous n’avez que des réponses en attente d’une place, vous aurez la possibilité de solliciter l’accompagnement de la commission d’accès à l’enseignement supérieur (CAES). Vous pourrez également, à partir du 25 juin, consulter et vous inscrire en phase complémentaire pour faire des vœux sur les places inoccupées.

Troubadour : Certaines filières sont-elles moins demandées qu’auparavant du fait de Parcoursup ? Y a-t-il un « effet Parcoursup » sur les demandes des lycéens ?

N.L. : Il est pénible d’avoir des éléments précis à ce stade, mais on a pu constater que certaines filières ont été moins demandées, du fait de la publication des « attendus » des formations, par des lycéens n’ayant pas le profil requis. Les candidats ont pu mieux se rendre compte des profils recherchés par les universités ou écoles. Pour la licence de droit, par exemple, les candidats devaient passer un module d’auto-évaluation, qui devait les aider à mieux comprendre cette filière (le résultat n’était pas communiqué à l’université).

 

 

Différences des salaires entre femmes et hommes : la construction, l’assurance et la finance pointées du doigt

Les secteurs de la construction, des activités financières et de l’assurance sont ceux où les écarts de rétribution entre femmes et hommes s’avèrent les plus importants en France. Voilà l’un des enseignements d’une « étude d’impact » dévoilée, mercredi 23 janvier, par le ministère du travail.

Cette enquête, « d’une ampleur inédite » selon l’entourage de Muriel Pénicaud, exploite des données de 2015, concernant les quelque 40 000 entreprises de plus de 50 salariés, implantées dans l’Hexagone. La présentation des résultats s’inscrit dans le cadre de la mise en place graduelle d’un « index d’égalité professionnelle », qui vise à combattre les disparités salariales, liées au sexe.

L’étude diffusée mercredi reprend deux des indicateurs servant à calculer l’index. Le premier indicateur mesure l’écart de rémunérations dans une entreprise (« à poste et âge comparables ») en donnant à celle-ci une note de 0 à 40 : ainsi, celles où les inégalités sont inexistantes sont créditées de 40 points ; celles où l’écart global oscille entre 8 % et 9 % se voient attribuer 29 points. Et ainsi de suite, la note la plus faible (zéro) étant décernée aux sociétés où l’écart est supérieur à 20 %.

D’une façon générale, ce sont les groupes d’au moins 1 000 salariés qui affichent les meilleures performances.

Conclusion : d’une manière générale, ce sont les groupes d’au moins 1 000 travailleurs qui affichent les meilleures performances. Un peu plus de 83 % d’entre eux ont une note égale ou supérieure à 30, contre 69 % des entreprises de 50 à 249 personnes (et 74 %, dans la tranche 250-999 salariés). Mais parmi les sociétés de grande taille (1 000 personnes, au moins), peu d’entre elles se montrent irréprochables, avec la note maximale de 40 : elles sont moins de 1 % dans cette situation (contre 8 % des entreprises de 50 à 249 personnes).

En pensant par secteurs d’activité, on observe que les professionnels de l’hébergement et de la restauration sont les premiers de la classe, 91 % d’entre eux ayant décroché une note d’au moins 30. Viennent ensuite, à égalité, les entreprises de transport et d’entreposage et celles regroupées dans l’intitulé « administration, enseignement, santé, action sociale » (avec un ratio de 82 % d’employeurs crédités d’au moins 30 points).

Exiger une « logique de résultats » aux patrons

L’autre indicateur utilisé dans l’étude du ministère du travail porte sur le nombre de femmes se situant entre les dix plus hautes rémunérations. Les entreprises qui ont quatre ou cinq femmes dans ce « top ten » recueillent la note la plus forte (10) ; celles, à l’inverse, qui n’en ont aucune ou seulement une se voient attribuer le bonnet d’âne (zéro point). Constat plutôt contre-intuitif, ce sont les grandes entreprises qui enregistrent les plus mauvais résultats : 2 points, en moyenne, pour celles qui emploient au moins 5 000 personnes ; 2,8 points dans la tranche 2 000-4 999 salariés ; 3,3 points pour celles qui comptent de 1 000 à 1 999 travailleurs. Les notes sont plus hautes dans les sociétés de taille inférieure – la meilleure (4,2) étant octroyée à la catégorie des 50-99 salariés.

Toutes ces statistiques ont été transmises, mercredi, à l’occasion d’une réunion entre des représentants du ministère du travail et les partenaires sociaux. L’objet de cette rencontre était de faire le point sur l’entrée en vigueur de l’index d’égalité professionnelle, quelques jours après l’apparition au Journal officiel d’un décret qui détermine la méthode de calcul de ce dispositif.

Établi par la loi « avenir professionnel » de septembre 2018, l’index a pour objectif d’imposer une « logique de résultats » aux patrons et aux responsables des ressources humaines. Le processus s’étalera en plusieurs étapes. Dès le 1er mars, les quelque 1 400 entreprises de plus de 1 000 salariés devront rendre public leur index – celles de taille inférieure ayant un peu plus de temps pour s’acquitter de cette obligation. Avec un tel mécanisme, le ministère du travail souhaite contribuer à la « prise de conscience » des employeurs sur cette problématique et les amener à engager des « mesures correctrices ». S’ils restent les bras ballants, l’Etat sortira le bâton. Ainsi, les entreprises dans lesquelles perdurent des écarts trop importants seront passibles de sanctions financières, pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale – à partir du 1er mars 2022 pour les sociétés de plus de 250 personnes et un an après pour celles de 50 à 250 personnes.

Air France : le syndicat des pilotes valide la politique de montée en gamme de la direction

Le SNPL a donné son aval à l’accord négocié avec les responsables de la compagnie, qui permet à ceux-ci de dérouler leur nouvelle stratégie, axée sur le « premium ».

Par Guy Dutheil Publié aujourd’hui à 11h16

Temps de Lecture 3 min.

Sur le tarmac de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, au nord de Paris, en août 2018.
Sur le tarmac de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, au nord de Paris, en août 2018. JOEL SAGET / AFP

Sans surprise, le conseil du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), réuni mercredi 23 janvier, a donné son assentiment à l’accord négocié par le SNPL avec la direction d’Air France. Pour être approuvé, ledit accord devra être soumis, d’ici à la mi-février, au vote des adhérents. Ce scrutin ne devrait être qu’une formalité. Le rapprochement avec le SNPL illustre la lune de miel qui semble s’installer entre Benjamin Smith, le nouveau directeur général d’Air France-KLM, et les différentes catégories de personnels de la compagnie.

L’accord paraît équilibré, et ce pour les deux parties. Les navigants obtiennent l’augmentation qu’ils réclamaient depuis de longs mois. Ils revendiquaient une hausse de leur rémunération de 4,7 %. En définitive, ils devront se contenter, selon nos informations, de « 2 % à 3 % ». Cela s’ajoute aux 4 % – versés en deux fois –, déjà accordés par la direction à tous les personnels.

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En outre, Air France a aussi accepté de revaloriser les primes de vol de près de 20 euros. Une manière de rééquilibrer en partie les rémunérations des commandants de bord de moyen-courriers et ceux de long-courriers. Enfin, les pilotes ont approuvé une plus grande souplesse dans la gestion de leurs effectifs, notamment à l’occasion des départs en retraite. A partir de 60 ans, les navigants recevront une incitation financière pour étendre leur préavis de départ à douze mois au lieu de trois mois.

Après avoir apaisé le climat social et déminé le terrain sur le plan salarial, l’accord permet désormais à la direction de dérouler sa stratégie, axée sur le « premium ». En pratique, la compagnie va cibler principalement les passagers « à haute contribution », c’est-à-dire ceux qui achètent les places les plus chères en première classe, en classe affaires et en Premium Economy. Une démarche fondée sur le constat, comme le note Jean-Louis Barber, ancien président du SNPL, « qu’Air France est principalement une compagnie de grands comptes ». Cela signifie qu’elle est privilégiée par les entreprises hexagonales pour transporter leurs cadres dirigeants.

Rénovation des cabines

En vue d’accroître ses recettes, notamment auprès de cette clientèle de choix, Air France va rénover les cabines, en ajoutant des fauteuils dans les classes business et Premium Economy au détriment de la classe économie. Pour mettre en place cette stratégie, M. Smith a obtenu l’accord du SNPL afin d’en finir avec l’indicateur SKO (sièges au kilomètre offert) et lui préférer le certificat de navigabilité (CDN).

Le SKO permettait jusqu’à maintenant de comparer l’activité d’Air France avec celle de sa filiale KLM, en calculant le nombre de sièges et le nombre de kilomètres parcourus par les avions de chacune des deux compagnies. Le CDN fixe le nombre maximal de sièges autorisés dans un avion. Avec la mise en œuvre de ce nouvel indice, c’est la rentabilité des avions d’Air France et de KLM qui sera désormais mesurée.

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Selon l’accord, l’offre de fauteuils Premium d’Air France sera augmentée d’un peu moins de 10 % au cours des années à venir. Cette stratégie accentuera la différence de positionnement des deux compagnies. Aujourd’hui, KLM, qui opère uniquement des avions avec des cabines biclasse, business et économie, offre environ 25 % de sièges en plus qu’Air France, avec des cabines allant jusqu’à quatre classes : première, business, Premium Economy et économie.

Toutefois, les avions d’Air France rapportent plus, car leur recette par siège est supérieure. Pour accepter d’en finir avec l’indicateur SKO, les pilotes d’Air France ont obtenu une garantie de croissance de la flotte axée sur celle du produit intérieur brut français. A chaque fois qu’il dépassera 1 %, la flotte sera augmentée d’un avion.

Dans ce ciel sans nuages, des incertitudes demeurent. M. Smith n’a pas encore fait savoir où il allait trouver les centaines de millions d’euros nécessaires au financement des augmentations de salaires et à la montée en gamme. De plus, cette course aux passagers premium pourrait être contrariée en cas de nouvelle crise économique.

Guy Dutheil

En Allemagne, entre les salariés d’IG Metall et les sociaux-démocrates du SPD, un « muraille du CO2 »

Bernd Osterloh, président du conseil des salariés de Volkswagen, en novembre 2017, à Wolfsburg (Basse-Saxe).
Bernd Osterloh, président du conseil des salariés de Volkswagen, en novembre 2017, à Wolfsburg (Basse-Saxe). Bloomberg / Bloomberg via Getty Images

Anxieux pour leurs emplois depuis le « dieselgate », les cols bleus du syndicat IG Metall se détournent du grand « parti populaire » de gauche et se laissent tentés par l’extrême droite de l’AfD.

Une autre fois, la dernière fournée de sondages d’opinion n’a pas été favorable au Parti social-démocrate allemand (SPD). Selon une enquête de l’institut INSA, diffusée lundi 21 janvier, le grand « parti populaire » de gauche de jadis ne rassemble plus que 13,5 % des intentions de vote. Aux élections de l’automne 2017, où il avait enregistré le pire score de son histoire, il était encore à 20,5 %. Aujourd’hui, le SPD est relégué au troisième rang, derrière l’Union chrétienne (CDU/CSU), à 31 %. Largement dépassé par les écologistes (à 19,5 %), il est au coude-à-coude avec le parti d’extrême droite AfD, qui pointe à 13 %.

Avec l’arrivée d’une année électorale importante – outre les européennes, trois scrutins régionaux doivent avoir lieu en Allemagne en 2019 –, ces résultats sont très inquiétants pour le Parti social-démocrate. La formation a certes régulièrement vu reculer ses scores depuis dix ans, mais le net décrochage récent s’explique par un élément en particulier : le fossé grandissant entre deux franges de son électorat sur la question de l’environnement. Entre les ouvriers de l’industrie et les diplômés de l’enseignement supérieur, qui forment traditionnellement les deux piliers du SPD, se dresse désormais un « mur du CO2 », qui s’illustre sur les questions énergétiques (charbon), ainsi que dans l’automobile, l’industrie la plus exportatrice du pays, mais aussi la plus organisée.

Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur le discours de l’un des personnages les plus influents de la société civile allemande : Bernd Osterloh, le président du Betriebsrat (conseil des salariés) de Volkswagen (VW). Il est la voix des quelque 290 000 salariés du groupe en Allemagne, un personnage central du syndicat de l’industrie IG Metall, traditionnellement proche du SPD. Depuis quelques semaines, M. Osterloh multiplie les attaques contre le parti, dont il est membre, qu’il accuse de ne pas assez défendre les intérêts des ouvriers et les emplois dans l’automobile, menacés par un passage forcé et trop rapide à l’électrique, estime-t-il.

« Un nouveau défi énorme »

« Les responsables politiques nous ont placés, peu avant les fêtes de fin d’année, devant un nouveau défi, qui est énorme : la réduction de 37,5 % de la limite des émissions de CO2 à partir de 2030. Je me demande si les décideurs, à Bruxelles et à Berlin, ont bien conscience de ce qu’ils font aux salariés de l’industrie automobile », a-t-il déclaré, dans une lettre envoyée au personnel avant les congés de fin 2018, dont Le Monde a obtenu une copie. Il redoute la disparition de milliers d’emplois. « Je pense que les salariés de l’industrie automobile sauront discerner, lors des élections à venir, quel parti démocrate représente au mieux leurs intérêts. Lequel oublie la durabilité sociale de milliers d’emplois, tout en se faisant célébrer dans les quartiers chics des grandes villes en imposant des limites d’émissions trop sévères », a-t-il annoncé, dans une référence à peine voilée au SPD.