Archive dans 2018

L’accord égalité hommes-femmes dans la fonction publique sera signé, mais pas appliqué

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Tout le monde a gagné, sauf les femmes. Le protocole d’accord sur l’égalité hommes-femmes dans la fonction publique sera bien signé, vendredi 30 novembre, mais il ne sera pas appliqué. C’est le drôle d’épilogue auquel aboutit la guerre des nerfs engagée, il y a quelques jours, entre Olivier Dussopt et trois syndicats de fonctionnaires – la CGT, FO et Solidaires –, qui refusent de signer le projet de texte dans le temps imparti par le gouvernement.

Le secrétaire d’Etat de Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a toujours prévenu qu’il n’appliquerait pas un accord minoritaire, considérant que ce n’était pas un bon signal à envoyer en matière de négociation sociale. Or, CGT, FO et Solidaires représentent 51 % des fonctionnaires. L’accord ficelé le 24 octobre sera donc signé avec les six organisations sur les neuf qui sont prêtes à le faire. Mais il ne sera pas appliqué tant qu’il ne sera pas majoritaire.

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Situation incongrue

Cette situation fera une première victime collatérale. Un amendement au projet de loi de finances pour 2019, qui entame sa dernière ligne droite au Parlement, ne pourra y figurer : il prévoyait de dégager des fonds pour créer 3 000 places de crèche en trois ans. Une dizaine de mesures que le gouvernement envisageait d’introduire dans le projet de loi sur la fonction publique, début 2019, pourraient également faire les frais de cette épreuve de force.

La situation est incongrue. Car, sur le fond, le projet d’accord convient peu ou prou à tout le monde, même si FO est nettement plus réservée sur le sujet. Le compromis établi après plusieurs semaines de négociations entre Olivier Dussopt et huit des neuf organisations représentatives de la fonction publique a pour objectif de « franchir un nouveau cap en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ». Plan d’action, nominations équilibrées, lutte contre les écarts de rémunération entre hommes et femmes… Selon de nombreux acteurs, le projet va dans le bon sens et s’appuie « sur des dispositifs obligatoires et contraignants, pouvant donner lieu à des sanctions financières en cas de non-respect des obligations fixées ».

Mais le délai d’un mois accordé, à la demande de la CGT, aux syndicats pour consulter leur base s’est révélé insuffisant, selon les trois réfractaires. « Nos équipes n’ont pas eu suffisamment de temps pour mener le débat démocratique » sur le protocole, a justifié Gaëlle Martinez, déléguée générale de Solidaires, le 27 novembre. La signature, prévue le 26 novembre, a été repoussée d’une journée, puis de trois jours supplémentaires. En vain, sauf improbable surprise.

Zones de langage surveillé dans les universités américaines

Créé pour décrire les marques conscientes ou inconscientes de dénigrement racial, le terme « microagression » a essaimé sur les campus américains, donnant lieu à toutes sortes de recommandations. Quête légitime de respect pour les uns, remise en cause de la liberté d’expression pour les autres, que dit ce concept des nouvelles sensibilités ?

Un mot nouveau est apparu aux Etats-Unis : « microagression ». Il est notamment populaire sur les campus, alimentant encore le débat sur la considération à accorder à chacun, la politique de l’identité et la liberté d’expression. Il qualifie les blessures subtiles qui affectent les individus exposés à une forme de dévalorisation par l’intermédiaire du langage. Des phénomènes indissociables de la vie en société mais qui ­atteignent particulièrement les minorités en les renvoyant à leur altérité.

Grossièretés ou attitudes

Le terme a été apparu dans les années 1970 par le professeur de psychiatrie Chester Pierce, de la faculté de médecine d’Harvard, pour qualifier le dénigrement racial qui, à long terme, menace la santé des individus. Il a été développé à partir de 2007 par le psychologue Derald Wing Sue, de l’université Columbia, à New York. Dans un livre publié en 2010, Microaggressions in Everyday Life. Race, Gender, and Sexual Orientation(John Wiley & Sons), le chercheur définit ainsi les microagressions : des insultes ou attitudes « intentionnelles ou non » qui « communiquent des messages hostiles ou méprisants ­ciblant des personnes sur la seule base de leur appartenance à un groupe marginalisé ».

Le phénomène n’était pas récent, mais le fait de lui donner un nom a « fait résonner une corde », explique Yolanda Flores Niemann, ­directrice du département de psychologie de l’université du Texas du Nord. « Cela nous a donné un langage commun pour qualifier ces expériences dont nous nous sommes rendu compte que nous les avions en commun. » ­Depuis, les « microagressions » sont partout : colloques, tribunes de presse et bien sûr ­amphis, plébiscitées par les étudiants issus de minorités raciales et tous ceux qui contestent la domination des « mâles blancs » dans l’enseignement supérieur.

 

Les négociations sur l’assurance-chômage dérapent

Hubert Mongon n’est vraiment pas du genre à sombrer dans le pathos et les effets de manche. Quand ce représentant du Medef prend la parole dans les négociations en cours sur l’assurance-chômage, ses exposés sont sobres, très pointus et dépourvus du moindre affect. Alors quand l’intéressé, imperturbable en temps ordinaire, dit : « Nous avons dénoncé » devant des journalistes, l’auditoire sursaute presque. Un tel épisode s’est produit, mercredi 28 novembre, à l’issue de la troisième séance de discussions sur la nouvelle convention Unédic qui va redéfinir les conditions d’octroi d’une allocation aux demandeurs d’emploi. Il illustre les tensions et les désaccords qui prévalent entre les partenaires sociaux – ainsi qu’une démotivation manifeste chez certains personnages.

Initialement, lors de cette rencontre, les structures d’employeurs et de salariés, représentatifs à l’échelon interprofessionnel, devaient s’entendre sur une chose : le « document de cadrage » à transmettre à leurs homologues de l’industrie du spectacle et de l’audiovisuel pour que ces derniers négocient ensuite les annexes 8 et 10 de la convention Unédic relatives aux règles d’indemnisation des salariés intermittents. Cette feuille de route est délicate à mettre au point car elle prévoit notamment des objectifs de « trajectoire financière » – synonymes d’économies à dégager, ce qui peut signifier des droits revus à la baisse pour les personnes privées d’emploi. Avec, en toile de fond, le risque de conflits sociaux très durs dans le monde de la culture.

Effort « significatif »

Mercredi, les partenaires sociaux n’ont pas réussi à trouver un arrangement sur cette lettre de cadrage. Les trois mouvements patronaux – le Medef, la CPME et l’U2P – avaient formulé plusieurs exigences, s’agissant des équilibres comptables. Primo : respecter la feuille de route de 2016, qui fixe un montant d’économies ne pouvant « être inférieur à 105 millions d’euros (…) en année pleine ». En outre, pour les organisations d’employeurs, les personnes relevant des annexes 8 et 10 doivent prendre leur part dans la réduction globale de dépenses que le gouvernement demande à l’assurance-chômage (entre 3 et 3,9 milliards d’euros en trois ans pour l’ensemble du régime).

A combien s’évalue l’effort pour les intermittents ? Le patronat ne l’a pas précisé, dans sa proposition de document de cadrage, se retranchant derrière une longue périphrase qui invite le monde du spectacle à « contribuer significativement ». « Ils ont eu l’intelligence de ne pas jouer la provocation », a commenté Marylise Léon (CFDT), mercredi. D’autres centrales syndicales, elles, ont déduit des écrits du Medef et de ses deux alliés qu’ils revendiquaient des économies d’environ « 150 millions d’euros » (selon FO) ou susceptibles d’osciller entre « 90 et 200 millions d’euros » (d’après la CGT).

Aide à domicile : du bon usage des innovations sociales

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« Les Innovations sociales dans l’aide à domicile. La Fédération Adessadomicile », de Marie-Catherine Henry (Erès, 184 pages, 20 euros).
« Les Innovations sociales dans l’aide à domicile. La Fédération Adessadomicile », de Marie-Catherine Henry (Erès, 184 pages, 20 euros).

Le livre. Envisagée comme un remède miracle voire labellisée, l’innovation sociale est à la mode, à la fois dans les politiques publiques et dans la recherche universitaire. Les associations, dans des domaines trop souvent négligés comme les services à la personne, ont une réelle capacité d’innovation.

Elles « brodent au petit point des initiatives, des expérimentations, des solutions, des réponses au plus près des citoyens et des territoires, dans une seule perspective de cohésion sociale et d’émancipation », rappelle Marie-Catherine Henry, codirectrice de l’association Bien commun, auteure des Innovations sociales dans l’aide à domicile. En prenant garde à ne pas réduire la société civile agissante aux seules entreprises, fussent-elles sociales, son ouvrage se penche sur les compétences développées par les associations et atteste leur rôle dans la société.

Le livre se base sur une étude exploratoire réalisée à partir de cinquante et un entretiens effectués avec des salariés, des bénévoles et des usagers des structures adhérentes à la fédération Adessadomicile. L’objectif est de « mettre en valeur des initiatives invisibles ne correspondant pas, a priori, à certaines formules censées représenter l’innovation sociale, en faisant valoir la complexité du terme », mais aussi de repérer « comment des formes identifiées d’innovation sociale peuvent être réinterrogées par l’usage qui en est fait », comme le service civique par exemple.

Dix initiatives innovantes

Traditionnellement assurées par des associations mises en difficulté par l’irruption d’une logique marchande et confrontées à des organisations se revendiquant de l’entrepreneuriat social ou assumant pleinement leur visée capitaliste, les activités de services à la personne « se trouvent au sein d’enjeux menaçant leur pérennité et les contraignant à l’expérimentation de réponses et de modalités de coopération avec les pouvoirs publics et les bénéficiaires ». Cette configuration propulse les associations dans une dimension qui remet en cause leurs fonctionnements habituels.

Le livre se base sur une étude exploratoire réalisée à partir de cinquante et un entretiens effectués avec des salariés, des bénévoles et des usagers des structures adhérentes à la fédération Adessadomicile

Le livre présente un panel de dix initiatives innovantes d’organisations adhérentes à la fédération Adessadomicile, et restitue les actions dans leur contexte historique, retraçant leur genèse, étudiant les enjeux ayant prévalu à leur mise en œuvre et l’ayant accompagnée. Témoignant du foisonnement d’actions s’inscrivant dans une démarche d’innovation sociale, seize initiatives n’ayant pas fait l’objet d’une étude sont réunies et présentées sous forme de fiches.

HPE achète BlueData, un expert de l’IA et de l’analyse Big Data

HPE annonce ce mardi la signature d’un accord définitif portant sur l’acquisition de BlueData, un éditeur de logiciels d’analyse Big Data et d’intelligence artificielle/machine learning, un marché adressable qui pourrait toucher 160 milliards de dollars en 2022 selon le fabricant.

L’acquisition devrait être achevée au cours du premier trimestre d’HPE qui se clôturera le 31 janvier prochain. Les conditions financières de l’opération ne sont pas dévoilées.

Fondée en 2012, BlueData est une société privée basée à Santa Clara qui compte Citi, GlaxoSmithKline, Nasdaq et Macy’s parmi ses clients. Sa plateforme logicielle se base sur les conteneurs pour faciliter et rentabiliser le déploiement d’environnements d’analyse à grande échelle et d’apprentissage Big Data. En associant de manière compréhensible la plateforme à l’infrastructure définie par logiciel existante d’HPE, la firme de Palo Alto souhaite offrir une solution complète et facile à mettre en œuvre pour l’analytique AI / ML et Big Data permettant aux clients de réduire considérablement leurs coûts d’infrastructure.

D’après HPE, la technologie de BlueData permettra à ses clients de lancer des environnements AI / ML et Big Data conteneurisés en quelques minutes, grâce à une expérience en tant que service, de bénéficier de l’agilité et de l’efficacité offerte par les conteneurs Docker, tout en garantissant des performances comparables à celles des déploiements sans système d’exploitation traditionnels. Elle permettra également de déployer rapidement des applications d’analyse des données AI / ML et Big Data sur site, dans un modèle multicloud ou dans une architecture hybride tout en fournissant la sécurité de niveau entreprise nécessaire pour protéger les données.

« BlueData a développé une solution innovante et efficace pour résoudre les problèmes auxquels toutes les entreprises sont confrontées lors de la planification, de la mise en œuvre et du déploiement de l’intelligence artificielle/machine learning et de l’analyse de données volumineuses. L’ajout de la plateforme logicielle complémentaire de BlueData aux systèmes Apollo et aux services professionnels d’HPE, leader du marché, est conforme à la stratégie d’HPE axée sur les données et permet à nos clients d’extraire des informations des données, que ce soit sur site, dans le cloud ou dans une architecture hybride », explique dans un communiqué Milan Shetti , vice-président directeur et responsable de l’unité commerciale mondiale Stockage et Big Data chez HPE. « Nous sommes ravis de la valeur importante que nous pouvons offrir à nos clients en travaillant avec la talentueuse équipe de BlueData. »  

 

Un « Pacte de croissance » pour l’économie sociale

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Vous devez présenter ce jeudi 29 novembre le pacte de croissance pour l’économie sociale et solidaire (ESS). Pouvez-vous, en amont, donner votre définition de l’économie sociale et solidaire ?

Christophe Itier.- L’économie sociale et solidaire a été définie par la loi Hamon en 2014, posant pour la première fois un périmètre précis intégrant les grandes familles statutaires de l’ESS – associations, fondations, mutuelles, coopératives – et les entreprises à but lucratif limité. Elle représente aujourd’hui 2,3 millions de salariés.

Jusqu’à présent l’économie sociale et solidaire a été considérée comme une économie alternative. Avec ce pacte de croissance, nous affirmons qu’elle est, au contraire, un pilier de l’économie et de l’entrepreneuriat de demain. A l’heure où nos politiques publiques atteignent parfois leurs limites, nous avons tout à gagner à nous inspirer d’acteurs qui répondent concrètement aux défis sociétaux, sont attractifs et innovent, qui portent les valeurs de responsabilité, d’humanité et d’engagement, qui résistent à la crise et créent des emplois non délocalisables.

Concrètement, quel impact peut-on attendre de l’ESS sur l’emploi ?

Ils sont multiples. Ces dix dernières années, la création d’emploi dans l’économie sociale et solidaire a progressé de 24 % contre seulement 7 % dans le reste de l’économie. Par ailleurs, les entreprises de l’ESS sont en première ligne pour apporter des solutions concrètes face au chômage des jeunes et de longue durée, à l’insertion des personnes en situation de handicap ou victimes de discrimination. Par exemple, des entrepreneurs sociaux, comme Mozaïk RH, ont trouvé un modèle économique en créant un cabinet de recrutement spécialisé dans la lutte contre les discriminations à l’embauche des jeunes des quartiers, qui travaille en étroite collaboration avec les grands groupes. En simplifiant la vie de ces entrepreneurs, en leur donnant les moyens de se développer, le pacte de croissance veut amplifier leur impact positif sur l’emploi. La puissance publique doit se repositionner par rapport à l’écosystème.

Quels seront les grands axes du pacte de croissance ?

Trois grands axes structurent le pacte de croissance. Le premier vise à libérer les énergies des entreprises de l’ESS en consolidant leurs modèles économiques, en facilitant l’accès aux financements et en simplifiant et élargissant l’agrément ESUS [entreprise solidaire d’utilité sociale, cet agrément créé par la loi de 2014 donne accès à des financements spécifiques] aux entreprises du secteur culturel, environnemental et de solidarité internationale.

Livraison de repas : la justice reconnaît un lien de subordination entre Take Eat Easy et un coursier

La Cour de cassation, plus haute juridiction française, a établi mercredi 28 novembre un lien de subordination entre la défunte société de livraison de repas Take Eat Easy et l’un de ses coursiers à vélo. C’est la première fois qu’elle statut sur le lien contractuel entre un livreur et sa plate-forme numérique. Les livreurs de Take Eat Easy étaient enregistrés comme autoentrepreneurs, une condition obligatoire pour travailler avec la plate-forme belge TEE, dont la liquidation en août 2016 a mis sur le carreau 2 500 personnes en France. Tous avaient signé avec l’application un contrat de prestation de service.

L’un des livreurs avait saisi les prud’hommes pour demander une requalification de sa relation contractuelle avec TEE en contrat de travail. « Le conseil de prud’hommes puis la cour d’appel s’étaient déclarés incompétents », rappelle la Cour de cassation dans une note explicative. La cour d’appel de Paris avait notamment motivé sa décision par le fait que « le coursier n’était lié à la plate-forme numérique par aucun lien d’exclusivité ou de non-concurrence et qu’il restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n’en sélectionner aucune s’il ne souhaitait pas travailler ».

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« Décision très importante »

La Cour de cassation établit au contraire, dans l’arrêt rendu mercredi, que le système de géolocalisation permettant à l’entreprise de suivre en temps réel la position du coursier, ainsi que l’existence d’un pouvoir de sanction ne permettent pas d’« écarter la qualification de contrat de travail ». Elle casse donc l’arrêt rendu le 20 avril 2017 par la cour d’appel de Paris et ordonne un nouveau procès en appel.

« Cet arrêt a le mérite de dire les choses clairement : il n’y a pas antinomie entre contrat de travail et travailleurs des plates-formes », a estimé Manuela Grévy, avocate du livreur et de la CGT à la Cour de cassation.

« C’est une décision très importante », a réagi Gilles Joureau, avocat qui a défendu aux prud’hommes une douzaine de coursiers de Take Eat Easy, tous déboutés. Pour lui, « cet arrêt couronne un long combat pour la reconnaissance du lien de subordination ».

« C’est bien que la Cour de cassation tranche enfin ces questions », a également salué Me Kevin Mention, qui conseille aux prud’hommes une centaine d’anciens livreurs Take Eat Easy, « sans issue favorable » pour l’instant. Il accompagne également la plainte au pénal déposée contre Take Eat Easy par 119 livreurs pour travail illégal et dissimulé.

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Les salariés évitent de prendre leurs arrêts maladie, sauf les seniors

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« 42,7 % des arrêts longs sont pris par des salariés de 50 ans et plus. C’est la catégorie d’actifs qui renonce le moins à suivre l’avis médical. »
« 42,7 % des arrêts longs sont pris par des salariés de 50 ans et plus. C’est la catégorie d’actifs qui renonce le moins à suivre l’avis médical. » Philippe Turpin / Photononstop

En 2018, près d’un salarié sur quatre (23 %) évite de s’arrêter. 15 % des arrêts maladie prescrits par les médecins n’ont pas été pris par les salariés, et 8 % ne l’ont été que partiellement, révèle l’étude « Absentéisme maladie », publiée mercredi 28 novembre par le mutualiste Malakoff Médéric, dont l’objectif était d’y voir plus clair sur les raisons de la hausse de l’absentéisme.

Malakoff Médéric

Chez les salariés en télétravail, ce ne sont plus 15 %, mais 24 % des salariés qui ne suivent pas l’avis du médecin, chez les cadres 22 % et ce taux monte à 48 % pour les dirigeants salariés. Et dans les secteurs, les taux de renoncement sont de 19 % dans le commerce et de 30 % dans l’hôtellerie-restauration. « Les variations entre les différentes catégories de salariés laissent à penser que c’est l’impact sur le fonctionnement de l’activité qui les incite à renoncer », explique Anne-Sophie Gordon, directrice Innovation de Malakoff Médéric. De quoi mettre à mal les sous-entendus accusateurs contre une supposée fainéantise des salariés qui plomberait les comptes de la sécurité sociale.

Le coût d’un arrêt maladie pour le salarié entre évidemment aussi en ligne de compte : « Les salariés qui n’ont pas de maintien de salaire en cas d’arrêt maladie sont ainsi 18 % à renoncer à suivre l’avis de leur médecin », ajoute Mme Gordon.

Un forte hausse des affections psychiques

Pourtant, l’absentéisme augmente bel et bien. Le nombre de jours d’absence des salariés est passé de 13,5 à 17 par an en moyenne en dix ans. Les salariés renoncent essentiellement aux arrêts de courte durée. Le taux de renoncement est de 18 % pour les arrêts prescrits pour quatre à cinq jours, de 22 % pour ceux de six à dix jours, mais de 5 % seulement pour les arrêts de plus d’un mois. Or « 86 % des arrêts de moins d’un mois ne représentent qu’un tiers (29 %) des jours d’arrêt », indique l’étude de Malakoff Médéric.

Ce sont les arrêts longs qui tirent l’absentéisme vers le haut. Les arrêts maladie de plus de trente jours ont augmenté de 10 % en quatre ans, de 2012 à 2016. Et leur durée s’est envolée en 2016. Plusieurs explications à cela : 2016 est marquée par une forte hausse des affections psychiques. « La part des affections psychiques dans les accidents du travail a augmenté de 60 % entre 2011 et 2016 pour atteindre 10 000 en 2016 », précise Malakoff Médéric et le nombre de demandes de reconnaissance de ces affections en maladie professionnelle est passé de 200 en 2012 à 1 100 en 2016.

Les « serious games » n’éveillent pas la créativité des manageurs

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« L’Usage des serious games en entreprise. Récréation ou instrumentalisation managériale ? », par Lydia Martin (Editons Erès, 272 pages, 16,50 euros).
« L’Usage des serious games en entreprise. Récréation ou instrumentalisation managériale ? », par Lydia Martin (Editons Erès, 272 pages, 16,50 euros). Editions Erès

Livre. C’est pour valoriser l’idée d’utiliser le jeu vidéo pour atteindre des objectifs utilitaires que l’armée américaine introduit, en 2002, le terme de « serious game » [jeu sérieux]. Si le concept date en réalité des années 1960, il prolifère depuis une décennie : jeux vidéo, télévisés, de rôle grandeur nature ou encore d’énigmes en groupe prolifèrent, s’introduisent dans l’univers des adultes, et même de l’entreprise où le « serious game » est censé véhiculer l’image d’une société innovante et internationale.

« Ces dispositifs sont souvent présentés comme visant à améliorer la connaissance de soi et à contribuer à des relations plus harmonieuses, y compris dans des situations où la pression est forte », rappelle Lydia Martin dans L’Usage des serious games en entreprise. Récréation ou instrumentalisation managériale ?

L’essai de lydia martin étudie les usages d’un simulateur initialement adopté par l’armée, puis détourné pour en faire un jeu dans le monde civil

La psychologue du travail fait une distinction entre le « serious game » et le « serious gaming ». « Le serious game est conçu initialement pour associer un dispositif de jeu et des fonctions utilitaires, alors que le serious gaming consiste à s’appuyer sur un jeu existant pour lui associer a posteriori une finalité utilitaire », écrit-elle.

Son essai étudie les usages d’un simulateur initialement adopté par l’armée, puis détourné pour en faire un jeu dans le monde civil, et questionne le rapport réciproque entre travail et formation. « Il s’agit d’interroger à la fois les attendus relatifs au prescrit professionnel, tels qu’ils sont injectés dans le jeu, et les transferts d’apprentissage effectués par les formés entre le jeu et la réalité du travail. »

Parcours de formation managériale

Après avoir présenté les travaux sur les cadres, en partant des transformations de leur travail, la chercheuse associée au Centre de recherche sur le travail et le développement (CRTD) du Conservatoire national des arts et métiers explore les dispositifs et les méthodes de formation qui ont progressivement intégré les simulations de situations de travail dont les « serious games » font partie.

La promotion du jeu sérieux peut servir à développer la créativité des salariés, mais n’a-t-elle que des côtés bénéfiques ?