Au début des années 1980, pour trouver une femme architecte, il fallait chercher à la loupe : elles ne dépassaient pas 7 % des inscrits à l’ordre des architectes. Aujourd’hui, elles sont majoritaires dans la plupart des écoles, tandis que 46 % des architectes de moins de 34 ans sont des femmes, selon la dernière étude Archigraphie.
Pourtant, l’heure de l’égalité n’a pas encore sonné. Les carrières des diplômés des écoles d’architecture ne sont pas les mêmes. Les femmes sont bien plus souvent fonctionnaires ou salariées et moins souvent installées à leur compte, un statut traditionnellement perçu comme plus prestigieux – environ 75 % des architectes libéraux ou associés sont des hommes. Une situation qui se traduit dans les rémunérations, avec des salaires pour les femmes inférieurs de 44 % à ceux des hommes, selon un rapport récent du Haut Conseil à l’égalité.
Comment expliquer cette situation ? Tout d’abord par l’effet des représentations, qui n’ont pas été bouleversées. Les « starchitectes » sont presque tous des hommes. Depuis son lancement, en 1975, par le ministère de la culture, le Grand Prix national de l’architecture n’a primé qu’une seule femme (Anne Lacaton en 2008, en tandem avec son associé Jean-Philippe Vassal).
Les lignes bougent
« L’image de l’architecte, c’est celle d’un homme sur un chantier, soupire Amina Sellali, directrice de l’école d’architecture de Marne-la-Vallée. Quand vous êtes une femme, dans ce milieu, il faut fournir deux fois plus d’efforts pour être crédible… » La profession « s’est féminisée tardivement et garde une culture très rude, masculine », observe Olivier Chadoin, sociologue, spécialiste des carrières des architectes et enseignant à l’école d’architecture de Bordeaux.
Le métier présente d’autres spécificités, souligne cet expert : « Juste avant la remise d’un projet, lors des charrettes, beaucoup de jeunes travaillent comme des fous pendant toute la…
Appelons-le Bruno. L’homme est un micro-patron, opérateur d’une toute petite entreprise de fret ferroviaire installée dans l’est de la France. Bruno est aux abois. Sa structure de moins de dix salariés et de moins de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires va devoir, affirme-t-il, déposer le bilan. « On nous coupe les pattes, se désespère l’entrepreneur. Sur l’ensemble de mes pertes imputables à la grève des cheminots contre la réforme ferroviaire, ce printemps, – soit plus d’un quart de mon chiffre d’affaires –, SNCF Réseau me rembourse à peine 10 %. »
Dans ce secteur du fret ferroviaire, Bruno n’est pas le seul à souffrir depuis le mouvement sans précédent contre le pacte ferroviaire. Si tous les opérateurs de fret privés ne sont pas, comme Bruno, acculés à la faillite, tous ont subi de cruelles pertes d’exploitation qui risquent de les fragiliser durablement. Et tous ont le regard rivé sur les ultimes négociations de leurs représentants avec la SNCF à propos du montant final des compensations que pourrait leur verser le groupe public ferroviaire, des sommes cruciales pour l’avenir des petits acteurs du fret.
Pour comprendre la situation, remontons au problème : le mouvement social contre la réforme ferroviaire, soit trente-six jours de grève étalés entre la fin mars et la fin juin. Les trains de fret ont subi des annulations de parcours par dizaines. Et le mode opérationnel du mouvement – deux jours tous les cinq jours – a perturbé les circulations, y compris les jours de non-grève. Fret SNCF et ses concurrents privés – le marché du transport ferroviaire de marchandises est ouvert en France depuis 2003 – ont particulièrement souffert.
Dans le fret privé, on distingue deux catégories d’acteurs
L’Association française du rail (AFRA), qui représente les opérateurs ferroviaires alternatifs à la SNCF, s’est alors rapidement tournée vers SNCF Réseau, l’entité de la SNCF qui gère les rails, attribue les droits de circulation…
Voix d’orientation. Le Monde Campus etLa ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour fairetémoigner lycéens et étudiants de leurs parcours d’orientation. Cette semaine, Florent, 30 ans, Paris.
Un jour, dans mon précédent – et premier – job d’ingénieur, mon chef m’a demandé de réaliser une mission d’expertise sur un cas de pollution environnementale. Deux conclusions étaient possibles après enquête : soit on arrêtait une activité quelques jours pour réparer une fuite de gaz à fort effet de serre, soit on continuait. Cette deuxième solution évitait à l’entreprise de perdre de l’argent, mais causait l’émission d’une grande quantité de gaz dans l’atmosphère. J’ai préconisé la première solution. Pas de chance ; pour ma direction, l’argent primait sur l’environnement. On m’a donc demandé de changer ma conclusion. J’ai refusé. Mon chef l’a modifiée lui-même. J’ai refusé de signer le rapport. La situation a dégénéré et je me suis retrouvé en entretien disciplinaire. Mon chef m’a alors lancé cette phrase : « Florent, il ne faut pas laisser tes valeurs personnelles interférer avec le travail. »
Ce jour-là, je me suis rendu compte que j’avais une conception du travail à l’opposé de celle de ma hiérarchie. Pour eux, un travail sert avant tout à générer un revenu. Un bon travailleur doit faire preuve de loyauté envers son entreprise, qui le paie pour effectuer un travail précis et défendre les intérêts de l’entreprise. A leurs yeux, je faisais preuve d’ingratitude et de déloyauté. A l’inverse, pour moi, qui ai besoin d’être convaincu que mon travail contribue à rendre le monde meilleur, mes chefs étaient des mercenaires dénués de valeurs morales.
Rendre le monde plus tolérant
Quelque temps auparavant, j’avais commencé à me poser la question du sens dans mon boulot. De son utilité. Est-ce que je suis utile à la société ? Est-ce que, si je pars, quelqu’un verra une différence ? Beaucoup de gens se posent ce genre de questions. Moi, elles ne voulaient plus sortir de ma tête. J’étais ingénieur dans une grande entreprise française, ce qui représente l’Everest du monde du travail pour mes grands-parents. Je vivais confortablement et, si j’avais voulu, j’aurais pu y faire mes quarante-deux ans de carrière avant une retraite tranquille, dans une maison à la campagne avec un labrador.
Mais voilà, ce n’était pas ce que je voulais. Le « sens » au travail, c’est pour moi la sensation de participer à un projet utile aux gens, qui contribue à rendre le monde plus tolérant, plus vert, plus engagé. Pour mes chefs, le sens au travail est sans doute complètement différent : la sensation d’avoir fait grandir une entreprise ? La satisfaction d’avoir accompli un devoir avec une parfaite loyauté ? Sans doute.
Loin de moi l’idée de porter un jugement définitif sur leur vision du travail ou la mienne, je ne sais pas si l’une est meilleure que l’autre. Elles sont simplement très différentes. Et ce jour-là, j’ai compris que ces deux visions n’étaient pour moi pas compatibles. Je suis devenu obsédé par ce besoin de trouver mon utilité, une vocation. Avec un collègue, on voulait réinventer le monde. Vaste projet ! On a alors commencé par se demander pourquoi les gens n’étaient plus engagés, et comment on devient un citoyen engagé.
On a découvert qu’il y avait pas mal d’étapes à franchir avant de s’engager : être informé des problématiques de société, se faire son opinion sur ces questions, avoir des outils pour faire le premier pas vers l’engagement. Cela nous semblait compliqué. Alors, on a créé un journal, Le Drenche, qui accompagne les gens sur ce chemin de l’engagement, et permet aux lecteurs de mieux comprendre les personnes pensant différemment.
Cela nous a pris deux ans. On a travaillé le soir après le boulot, puis je suis passé à temps partiel. Et les doutes : est-ce que je suis bien sûr de ce que je fais ? C’est pas trop risqué ? Et si j’étais en train de rêver, de me bercer d’illusions ? Je me revois encore tout tremblant le jour où j’ai apporté ma démission à mon chef. Et je ne regrette pas. Parce que l’utilité que je trouve aujourd’hui me donne plus d’énergie au quotidien qu’un bon salaire et des conditions confortables. Et que je sais que si je devais reprendre un emploi salarié dans une entreprise, l’utilité sociale de la structure serait pour moi le premier critère de choix. Si vous demandez aux gens ce qui les rendra heureux sur leur lit de mort, peu vous répondront : « Une belle carrière dans une grosse boîte. »
Depuis quelques années, la mode de l’after work a transformé les terrasses de cafés en annexes du bureau. Ce rituel, consistant à se réunir entre collègues autour de pintes de bières bon marché une fois la journée de boulot terminée, fait partie de ces nouvelles zones grises que l’entreprise affectionne, voire encourage. Ce n’est ni vraiment du travail stricto sensu ni pleinement du loisir, mais un cocktail entre les deux. Ces agrégations éthyliques plus ou moins informelles peuvent aussi être le fait d’un groupe d’amis qui cherchent à développer un projet de business révolutionnaire, de type pantoufle connectée.
Tous ces cas de figure servent de cadre à une pratique en vogue : le « drinkstorming ». Contraction de drink (« boire ») et brainstorming (« phosphorer collectivement au point de produire l’équivalent d’une tempête de cerveau »), le drinkstorming pourrait se définir comme une réunion camouflée en apéro. Ou, inversement, un apéro travesti en réunion. Dans un cas comme dans l’autre, l’alcool s’invite au cœur des interactions et influe largement sur la phénoménologie des débats.
Phrases définitives, hurlées à la cantonade
Le premier attrait du drinkstorming est qu’il permet de rompre avec le format extrêmement pesant de la réunion classique, où l’on est habituellement invité à mastiquer des chouquettes dans un état semi-comateux. Cette absence de cadre contraignant, à laquelle s’ajoute une abondance de breuvage houblonné, semble, dans un premier temps, huiler les mécaniques oratoires.
On a alors le sentiment enthousiasmant que la communication se fluidifie et que l’on accède à des idées de génie, comme si elles étaient disponibles en open bar.
C’est généralement à ce moment-là du drinkstorming que l’on se met à vociférer des phrases définitives, juché sur ses certitudes d’autoproclamé solutionniste en chef. « Mais c’est ça qu’il faut faire, bordel ! On la…
Des manageurs de choc ? Des diplômés férus de nouvelles technologies ? Quels profils les recruteurs recherchent-ils à la sortie des écoles de commerce ? Quelles compétences privilégient-ils ? Leurs attentes convergent sur de nombreux points. Sur la maîtrise des savoirs fondamentaux (finance, marketing, comptabilité…), les entreprises sont satisfaites : la formation dispensée correspond à leurs besoins.
Les liens étroits qu’entretiennent les écoles avec le monde du travail y contribuent fortement. « Mais nous devons veiller à maintenir le niveau d’excellence de nos enseignements et à développer de nouvelles compétences », souligne Raphaëlle Gautier, directrice du pôle carrières et partenariats à HEC.
Des diplômés « agiles »
Entre deux candidats, la différence se fait donc ailleurs : sur la personnalité. Aptitude à communiquer, empathie, leadership… « La plupart des recruteurs mettent l’accent sur l’enthousiasme, le charisme, “les yeux qui pétillent”, la motivation, observe Marielle Lassarat, responsable du parcours carrière à EM Normandie. Ils souhaitent des candidats curieux et ouverts d’esprit. » Outre les compétences, les recruteurs attendent un certain « savoir-être ».
Attention aussi à la cohérence du parcours. « Avoir suivi une option banque-finance en troisième année ou avoir effectué un stage dans une banque peut montrer que l’on s’intéresse à nos métiers. C’est un atout, même s’il ne s’agit pas du seul critère », souligne Nadia Guermazi-Renucci, responsable recrutement, mobilité et formation France de BNP Paribas. Une spécialisation métier, avec un mastère ou un MSc par exemple, peut également aider.
« Ils doivent être prêts en permanence à changer de service ou de périmètre, à négocier de manière flexible, quitte à subir des frustrations », affirme Sylvia Di Pasquale, rédactrice en chef de Cadremploi
Rien que de très classique, donc… Ces attentes s’expriment depuis des années. Le discours des recruteurs serait-il immuable ? Un mot, pourtant, revient désormais en boucle chez les DRH : adaptabilité. « Plutôt que de purs spécialistes de nos métiers, nous recherchons des diplômés avec une forte capacité d’adaptation, poursuit Nadia Guermazi-Renucci. Nos futurs manageurs vont évoluer dans un monde en profonde mutation. Ils devront faire face à des situations inédites, s’ajuster à de nouvelles formes de travail et d’organisation. Il leur faudra raisonner juste, prendre les bonnes décisions, accompagner leurs collaborateurs et donner du sens à leurs actions. »
Avoir voyagé
Avantage, par conséquent, aux diplômés « agiles ». « Ils doivent être prêts en permanence à changer de service ou de périmètre, à négocier de manière flexible, quitte à subir des frustrations… Il leur faut de la bienveillance, de l’esprit de partage. Plus que des manageurs, ils doivent être des coachs pour leurs équipes », ajoute Sylvia Di Pasquale, rédactrice en chef de Cadremploi. « Autrefois, on recrutait des gens qui avaient beaucoup appris. Aujourd’hui, on recherche des jeunes qui ont appris à apprendre », note pour sa part Laurent Choain, DRH du groupe Mazars.
Autre impératif toujours plus répandu : l’ouverture internationale – même si l’on n’envisage pas de travailler à l’étranger. Parce que les marchés se globalisent. Mais aussi parce qu’un séjour à l’étranger, au-delà de l’acquisition des langues, permet de mûrir. « L’expérience internationale durant les études est un gage de capacité d’adaptation et d’ouverture d’esprit », souligne-t-on chez BNP Paribas. « Les DRH adorent les diplômés qui ont bourlingué, effectué des stages à l’étranger, multiplié les expériences exotiques », confirme Sylvia Di Pasquale.
Les DRH cherchent des manageurs capables de piloter la transformation numérique et d’intégrer les nouvelles stratégies liées à Internet
Ce n’est pas tout. Recruteurs et entreprises épousent forcément les évolutions de la société et cela se traduit par de nouvelles attentes sur trois points. D’abord, le numérique : « Les candidats doivent démontrer leurs capacités relationnelles avec les moyens d’aujourd’hui. Par exemple, avoir plus de 500 contacts sur LinkedIn », estime Laurent Choain. Même constat pour Marielle Lassarat : « Les employeurs recherchent des jeunes “connectés”, capables de jongler avec les nouveaux outils, et notamment de travailler en équipe à distance. »
Dans cette nouvelle ère du Web et des datas, tout le monde est à l’affût de manageurs pour piloter la transformation numérique et intégrer les nouvelles stratégies liées à Internet. Autre thématique montante chez les DRH, la « responsabilité sociétale » (éthique, environnement, développement durable…). Une exigence croissante d’ailleurs partagée par les étudiants eux-mêmes. « Aux yeux des entreprises, l’école et ses diplômés doivent avoir un impact positif sur leur environnement », note Raphaëlle Gautier d’HEC.
Enfin, et cela peut paraître paradoxal, les recruteurs s’intéressent de plus en plus à l’entrepreneuriat. « Ils apprécient l’état d’esprit lié à la création de start-up. Ils souhaitent accueillir des “intrapreneurs”, qui sauront prendre des risques, observe Raphaëlle Gautier. Et ils ont envie de mieux comprendre ce nouvel écosystème – voire de l’intégrer à leurs activités. » L’Oréal a ainsi créé une chaire sur l’entrepreneuriat à HEC ; BNP Paribas ouvre des espaces de collaboration avec des jeunes pousses…
Car si les exigences des recruteurs sont orientées à la hausse, celles de leurs futures recrues ne le sont pas moins.
Analyse. Pourfendeur de la pensée unique, François Hommeril ne perd pas une occasion de s’en prendre à Emmanuel Macron. Le président de la CFE-CGC, élu en juin 2016, déteste, selon son expression, qu’on « lui beurre la tartine » et voit, par exemple, dans l’idée qu’on institue une dégressivité des allocations de chômage pour les cadres un « scandale populiste ».
Mais pour sa première « université d’automne », du mardi 9 au jeudi 11 octobre, à Deauville (Calvados), il a laissé ses missiles contre le président de la République au vestiaire et a donné la priorité à la réflexion prospective. « Mettre tout au pire et imaginer le meilleur, a-t-il lancé, et si ce n’était pas la plus courte et la meilleure définition de l’encadrement. Etre finalement l’incarnation du vrai “progrès continu”, cette notion(…)souvent instrumentalisée comme un mode de management par certaines directions quand c’est une raison d’être pour nous. »
Pour cette « université d’automne », présentée comme un « inter-congrès » – une formule abandonnée depuis la présidence de Paul Marchelli (1984-1993) –, le président de la CFE-CGC a mis la barre haut avec l’ambition d’« ajouter une brique » au programme de la centrale des cadres pour « adapter [ses] valeurs » à un monde qui change. Pendant trois jours, 350 militants ont planché sur « l’entreprise et ses défis ». A l’ordre du jour : la gouvernance de l’entreprise, le big data et l’intelligence artificielle, les attentes des jeunes pour lesquels, selon M. Hommeril, « la société a mauvaise haleine ». Une approche prospective qui doit se matérialiser lors du prochain congrès confédéral dans un an à Deauville, où M. Hommeril briguera un second mandat.
L’originalité des assises de Deauville était le travail en « ruches » composées paritairement
Plusieurs tables rondes ont rythmé cette « université d’automne » : la modernisation de la gouvernance…
Pas moins de 151 entreprises inscrites, quelque 4 000 étudiants et jeunes diplômés attendus. Le 11e Forum Alsace Tech-Unistra, organisé jeudi 18 octobre, est une première à l’université de Strasbourg (Unistra). Elle a pu s’appuyer sur l’expérience de dix ans du réseau Alsace Tech, qui compte 14 écoles d’ingénieurs, d’architecture et de management, comme le Centre d’études supérieures industrielles (CESI), l’Institut national des sciences appliquées (INSA), l’EM Strasbourg (école de management)… L’objectif ? Réunir le même jour, au même endroit, des entreprises et une grande diversité de profils d’étudiants et de diplômés, de bac +3 à bac +8, en quête d’emploi ou de stage.
Pour attirer l’attention des recruteurs, mieux vaut pouvoirévoquer une expérience en entreprise. Le curriculum vitae de Hida Tahboul, 25 ans, n’en manque pas. Après un DUT et une licence pro, tous deux en alternance, elle vient d’achever son master 2 en droit-économie-gestion, mention « management des projets et des organisations », spécialité qualité, en alternance également.
« Très à l’aise à l’oral », la jeune femme privilégie le contact direct – forum et job dating – pour sa recherche d’emploi. « Les entreprises misent de plus en plus sur les soft skills, plus faciles à révéler lors d’un échange qu’en déposant un CV », juge-t-elle. Confiante, elle pense que « Merck Millipore peut être intéressée par des projets que j’ai construits pendant mon master en alternance dans l’industrie pharmaceutique ».
« Depuis que nous sommes vraiment tournés vers le cognitif et le digital, nos recrutements ont beaucoup évolué »
Dans ce domaine, une dizaine de nouvelles entreprises ont réservé leur stand à l’INSA Strasbourg ou à la Halle des sports sur le campus de l’Esplanade. « Nous n’arrivions pas à les fairevenir avant, lorsqu’il n’y avait que les profils de l’Ecole supérieure de biotechnologie, une petite école », commente Laure Keith, coordinatrice du forum. Nouvelles venues également pour cette onzième édition, une petite dizaine de start-up, invitées par l’Unistra. « Elles ont des besoins en recrutement, mais pas les moyens de payer une inscription », précise la coordinatrice. Parmi les offres que les entreprises proposent sur la plate-forme, les fonctions supports, comme la communication, les RH ou le juridique, sont présentes cette année.
Afin de mobiliser les étudiants sur ce forum, les composantes de l’université ont été incitées à les libérer au moins une demi-journée. Sur les 200 CV enregistrés sur la plate-forme, une dizaine de jours avant l’événement, 80 sont édités par des étudiants et de jeunes diplômés de l’Unistra. Les facultés de pharmacie, chimie, droit, langues, sciences économiques, sciences de la vie, physique et ingénierie, figurent parmi les plus représentées. Un ou deux CV concernent des étudiants en Staps, psychologie, sociologie et arts.
« Une approche des rapports humains »
« Même des chercheurs en sociologie sont devenus consultants en IA [intelligence artificielle], domaine où il est intéressant d’avoir une approche des rapports humains », réagit Claudine Queret, responsable du recrutement des stagiaires et des apprentis pour la branche conseil d’IBM, qui figure pour la première fois sur la liste des participants au forum. Outre les 1 800 recrutements prévus en 2018-2019, le géant de l’informatique recherche une vingtaine de personnes pour un gros projet impliquant la mise en place d’outils d’intelligence artificielle à Strasbourg. « Depuis que nous sommes vraiment tournés vers le cognitif et le digital, nos recrutements ont beaucoup évolué. Nous avons ainsi recruté des artistes designers ou graphistes, des linguistes, car l’une des difficultés de l’IA est de lui permettre d’interpréter le langage humain », illustre Claudine Queret.
L’entreprise Henkel, qui produit, par exemple, la colle servant à assembler les couches-culottes, sera aussi présente, pour la première fois, sur ce forum strasbourgeois. « Je voulais me rapprocher de l’Unistra, connue pour son expertise sur la partie chimique, lorsque j’ai appris qu’elle participerait au forum avec Alsace Tech », témoigne Lysella Guillot, directrice de recrutement France et Benelux chez Henkel. Passée par l’université, elle insiste sur l’intérêt des profils universitaires : « Des têtes bien faites, des jeunes plutôt livrés à eux-mêmes, dont la force et la capacité à sortir du cadre sont décuplées par rapport à ceux qui sont moulés et accompagnés dans les écoles de commerce. »
« Il y a eu beaucoup de progrès en matière d’insertion professionnelle »
Celle qui est également chargée de cours en master 2 stratégies commerciales et politiques de négociations de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, se réjouit de « la tendance à ouvrir des formations en alternance à l’université ». En tant que responsable de recrutement, elle déplore toutefois « le peu de dialogue entre universités et entreprises ». Elle préconise de « caler le calendrier des stages de l’université sur celui des écoles de commerce, avec deux périodes allant de janvier à juin et juillet à décembre, puisque c’est sur ce rythme que fonctionnent les managers qui accueillent les jeunes » et « d’imposer des stages dès la licence ».
« Certaines licences les ont déjà intégrés dans leur maquette », commente Claire Piechowiak, conseillère d’orientation à l’Espace Avenir de l’Unistra. « De plus en plus de composantes proposent des unités d’enseignement dédiées à la découverte des métiers, la recherche de stages ou encore aux visites d’entreprises. Une personne travaille à temps plein sur le développement de l’alternance. Il y a eu beaucoup de progrès en matière d’insertion professionnelle des étudiants, depuis la loi LRU [loi relative aux libertés et responsabilités des universités] », note la conseillère d’orientation.
« Il reste toutefois difficile de toucher les 51 000 étudiants de l’université », reconnaît-elle. Lors de l’annonce que l’université s’associerait au forum Alsace Tech, en mai, le vice-président de l’Unistra chargé de la valorisation et des relations avec le monde socio-économique, Michel de Mathelin, disait observer« une forme de révolution copernicienne pour l’université ». Une révolution qui ne se fait pas en un seul jour.
La France continue d’attirer les étudiants étrangers : 343 400 ont choisi de venir en France en 2017-2018, un chiffre en hausse de 4,5 % par rapport à l’année précédente.
Au cœur de l’agitation de la rentrée, cette information inquiétante : les salariés français seraient très mal armés pour affronter les bouleversements du travail à l’œuvre dans le monde, alerte le World Economic Forum dans son étude annuelle The Future of Jobs, parue le 17 septembre.
Selon l’organisation, qui a interrogé trois cent treize grandes entreprises employant plus de 15 millions de salariés de tous pays, ce sont les Français qui ont le plus besoin d’être formés pour faire face à l’avènement de l’intelligence artificielle et à l’automatisation croissante du travail. La robotisation devrait entraîner la suppression de 75 millions d’emplois et en créer 133 millions, indique l’étude. Une occasion à saisir, à condition d’être formé aux bouleversements introduits par la nouvelle organisation du travail.
Le World Economic Forum a procédé à un classement du nombre d’heures nécessaires en moyenne aux salariés de chaque pays ou région du monde (Afrique du Nord, Europe de l’Est…) pour effectuer la montée en compétences nécessaire, en s’appuyant sur les déclarations des employeurs qui y sont implantés. Et ce sont les employés français qui arrivent bons derniers du classement, derrière les Philippins ou les Mexicains : face aux bouleversements technologiques, il faudrait en moyenne cent cinq jours par salarié français pour rattraper le retard pris en matière de formation !
La France dépassée par la Pologne ou l’Estonie
Comment ce retard français se justifie-t-il ? Le rapport du World Economic Forum ne donne pas plus d’explications sur le cas hexagonal, mais il apporte des éléments de réponse communs à l’ensemble des pays. En moyenne, « ce ne sont pas moins de 54 % de l’ensemble des salariés dans le monde qui vont avoir besoin d’une montée en compétences significative » d’ici à 2022 pour préparer « la quatrièmerévolution industrielle », indique le rapport.