SNCF : grève historique et déminage social
La direction de la SNCF a beau fouiller dans ses archives, elle a du mal à trouver trace d’un conflit aussi dur que celui qui s’annonce jeudi 5 décembre sans remonter à la grande grève de 1995. Sur les presque 14 000 trains qui roulent en France les jours de semaine, seulement 10 % sillonneront les rails du pays au premier jour du mouvement contre la réforme des retraites, a annoncé le groupe public ferroviaire, mercredi 4 décembre.
Sur des dizaines de lignes, le trafic sera quasiment nul ce jeudi : dans les TER d’Occitanie et de Bretagne, entre Paris et la Normandie, entre Bordeaux et Marseille, sur plusieurs lignes de banlieue parisienne… Là où les trains roulent encore à peu près, le trafic sera extrêmement perturbé, concentré en général sur les heures de pointe en Ile-de-France (qui représente 70 % de l’ensemble des circulations ferroviaires). Côté TGV, la SNCF fera rouler entre 1 train sur 6 et 1 train sur 10. Dans l’ensemble des TER, la circulation est un peu meilleure (1 sur 5 en moyenne), mais l’essentiel du service sera effectué par des autocars de substitution.
Contrat social
« Le taux de grévistes devrait atteindre 60 %, relève Florent Monteilhet, secrétaire général adjoint de l’UNSA Ferroviaire, deuxième syndicat de l’entreprise après la CGT. La mobilisation est exceptionnelle. On voit des choses qu’on n’avait jamais vues auparavant, comme la fermeture dès mercredi soir, faute de personnel, du principal poste d’aiguillage de Marseille-Saint-Charles. »
« J’ai passé mes deux journées à croiser des collègues habituellement non grévistes, dont beaucoup de cadres, qui me disent qu’ils en seront le 5 », confirme Bruno Poncet, secrétaire fédéral de SUD Rail. L’ampleur inédite du mouvement chez les cadres a laissé peu de marges de manœuvre à la direction afin d’améliorer le plan de transport pour jeudi.
Le niveau de mobilisation, supérieur à celui des premiers jours de grève contre la réforme de la SNCF en mars et avril 2018, est bien le signe que le régime spécial de retraite des cheminots demeure un élément majeur du contrat social de l’opérateur historique du ferroviaire. « C’est une entreprise où les conditions de sortie font partie des conditions d’entrée », résume Jean-Pierre Farandou, le nouveau président du groupe, nommé début novembre en remplacement de Guillaume Pepy.
« L’entreprise était plus secouée sur le plan social que je ne le pensais »
Mais la défense des retraites n’est pas le seul vecteur du malaise à la SNCF. C’est en tout cas le diagnostic que pose M. Farandou. « Dans mon premier mois, j’ai passé beaucoup de temps sur le terrain. J’en retiens deux points. D’abord que, en dehors du fret, l’activité se porte bien. L’année 2019 sera bonne en termes de chiffre d’affaires, de marge, de maîtrise du cash et de la dette. D’un autre côté, j’ai ressenti beaucoup d’inquiétude des cheminots sur leur avenir, sur la concurrence, sur le contenu des emplois. Avec un dialogue direction-salariés difficile, compliqué, abîmé. L’entreprise était plus secouée sur le plan social que je ne le pensais. »