Semaine de quatre jours en entreprise : « Quand on y a goûté, on a du mal à revenir à l’ancien système »
C’est dans cet atelier discret de Saint-Viâtre (Loir-et-Cher), village solognot de 1 290 âmes et 135 étangs, que les fleurons du CAC 40 commandent leurs carnets à spirales, pochettes et étuis en cuir recyclé, le tout marqué à leur nom et accompagné souvent d’un flamboyant « Fabriqué en France ». Le Sénat, le Conseil constitutionnel, le tournoi de tennis de Roland-Garros figurent aussi parmi les clients de Material, fondée en 2000.
Depuis le 1er décembre 2022, les trois ouvriers de cette TPE travaillent du lundi au jeudi seulement. « Même pas eu besoin d’un avenant au contrat ! Aucun obstacle administratif, s’étonne encore Marc Lonchampt, le gérant. Si j’avais su, j’aurais adopté ce système dès le début, lors du passage aux 35 heures. » Après une période test d’un mois, et de légers ajustements, ses salariés ont donc accepté des journées allongées d’une heure et quarante-cinq minutes en échange d’un week-end de trois jours.
« On commence une heure plus tôt, on écourte la pause déjeuner d’un quart d’heure et on part une demi-heure plus tard », résume Annabelle Poirier, 33 ans, affairée au robot de couture. Depuis 8 heures, elle fabrique des étiquettes de bagage bleues pour un grand salon de voyagistes. Presque tout ici est produit à partir de chutes de cuir d’une maroquinerie italienne et de papier recyclé du Doubs. Les machines numériques se déploient dans chaque pièce.
« Du coup, mon vendredi, je le dédie à toutes les corvées, détaille cette femme sans enfant. Et le week-end est vraiment pour moi. » Son collègue Sébastien Frigola, 52 ans, est entré chez Material en 2022 : « Cette organisation me fait faire des économies d’essence, soit quarante-huit fois 30 kilomètres sur un an, explique-t-il. Et puis, l’autre jour, un artisan est venu poser des fenêtres chez moi. Forcément, c’était en semaine, mais grâce à mon vendredi chômé, j’ai pu l’accueillir et m’assurer que tout se passait bien. La proprio était soulagée. »
Pierre Lonchampt, fils du patron, découpe la matière première. Quand cesse le vacarme, il s’exprime : « Ma femme travaille dans la fonction publique hospitalière. Son service a opté pour des journées de douze heures et son planning varie tout le temps. Comme on a trois enfants, que je sois là du vendredi au dimanche la soulage beaucoup. »
Innover dans l’étalement du travail
Comme viennent le rappeler les affiches qui fleurissent en bord de départementales, la Sologne manque de bras, que ce soit dans l’armement – Nexter Munitions, à La Ferté-Imbault, et le missilier MBDA à Selles-Saint-Denis –, l’artisanat, ou les métiers de service. Quand le télétravail est impossible, cette pénurie de main-d’œuvre oblige à innover dans l’étalement du travail.
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