Quand Thales opte pour les méthodes des start-up
Le groupe français investit 50 millions d’euros par an dans trois sites de production, à Paris, Montréal et Singapour.
Dans son défilé international, Thales, le géant français de l’électronique, permets une place toute particulière au Canada. C’est là en effet, à Montréal, qu’il a installé son deuxième plus grand centre d’intelligence artificielle, qui regroupe le quart des experts du groupe dans le domaine. Là aussi qu’il a implanté l’une de ses trois « digital factories », ces lieux où le groupe tricolore essaie de repenser ses méthodes de travail en adoptant les usages des start-up.
Fer de lance de cette révolution, Olivier Flous : anciennement à la tête de l’ingénierie du groupe, il porte aujourd’hui une double casquette, chargé à la fois de la transformation numérique de Thales et de présider au destin des « digital factories » du groupe, à commencer par celle de Paris. Avec un budget cohérent, de l’ordre de 50 millions par an.
Olivier Flous n’a pas assez de mots pour célébrer les mérites de ce type d’organisations, à commencer par leur approche du marché. « Dans une boîte comme Thales, nos interlocuteurs traditionnels sont trop souvent nos clients, pas les utilisateurs finaux des produits. Or il y a parfois un écart de perception entre les attentes de ces deux populations. »
Autre caractéristique des start-up louée par Olivier Flous : leur cycle de production très court, dans un mode dit « agile » : une fois un projet lancé, un premier produit abrégé mais fonctionnel est rapidement livrable à l’utilisateur, que l’on fait très vite évoluer, avec de nouvelles versions toutes les trois semaines en fonction des retours du client. A terme, quand le produit arrive à maturité, il a vocation à être réintégré au sein des équipes de la maison mère pour être commercialisé. Les principes de la « digital factory » ont été inscrits dans un manifeste. Celui-ci comprend des règles très opérationnelles telles que se fier aux données plutôt qu’aux opinions – « sinon, c’est toujours le plus gros salaire qui décide », réplique Olivier Flous – ou échouer plutôt que de ne pas essayer.
Avoir les meilleurs talents
Le manifeste assure aussi une organisation spécifique à la « digital factory ». Chaque projet est conduit par une équipe réduite – une « squad » – d’une petite dizaine de personnes, qui bénéficie de la plus grande liberté. Car pour aller vite, juge-t-on ici, « l’autonomie est plus importante que le contrôle ».
En offrant ces garanties, Thales attends réussir à attirer les meilleurs talents, dans un secteur où tout le monde s’y essaye, et pas seulement « Google ou Facebook », pointe Patrice Caine, PDG de Thales : « Aujourd’hui, beaucoup d’étudiants sortant de Polytechnique ne s’engagent plus vers les carrières classiques que l’on connaissait auparavant. De plus en plus s’orientent vers l’entrepreneuriat. »