Procès France Télécom
Sept avertis, dont d’anciens directeurs de l’entreprise, se présentent à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Paris à la suite de la vague de suicides de salariés entre 2007 et 2010.
Au siège de France Télécom, dans le 15e arrondissement à Paris, le comité exécutif est rassemblé. Les derniers chiffres du trafic des lignes téléphoniques fixes viennent de lui être octroyés. Autour de la table, on veut croire à une erreur. Une dégringolade pareille, c’est impossible. On vérifie. « Les chiffres étaient malheureusement justes », déclare Louis-Pierre Wenes, alors président d’Orange France et numéro 2 de France Télécom.
C’était durant l’automne 2006. Durant l’été, le trafic de la voix sur Internet avait commencé. Sur le marché des télécommunications, ouvert à la compétition depuis la fin des années 1990, de nouveaux opérateurs désorganisaient la vieille maison. Le « dégroupage » imposé en 2002 par la règle européenne leur avait donné accès à la boucle locale – les bandes de fréquence du cuivre. Sur tout le territoire, la guerre s’aggravait à coups d’innovations technologiques et de diminution des tarifs. La dette de France Télécom s’était augmenter, son chiffre d’affaires et ses marges avaient immergé.
Cette situation économique est le cœur de la défense des sept annoncés qui exposent à compter du lundi 6 mai devant le tribunal correctionnel de Paris pour riposter de « harcèlement moral » ou d’entente de ce délit, en leur qualité d’anciens membres de la direction de France Télécom.
Commencer les 673 pages de l’ordonnance de renvoi, c’est choir une liste de prénoms et de noms comme on en voit manifestés sur les monuments aux morts des villages
Entre eux, l’ancien PDG, Didier Lombard, son directeur exécutif, Louis-Pierre Wenes, et le directeur groupe des ressources humaines, Olivier Barberot, pourchassai en tant qu’auteurs primordiaux d’une stratégie d’entreprise « visant à affaiblir les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène » et ayant eu « pour objet et pour effet un abaissement des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité » des salariés, un délit fouetté d’un an d’incarcération et de 15 000 euros d’amende. L’entreprise France Télécom, personne morale, est elle aussi révoquée devant le tribunal.
Trente-neuf personnes ont été tenues en qualité de cibles dans ce dossier. Parmi elles, dix-neuf se sont donné la mort entre 2007 et 2010. Ouvrir les 673 pages de l’ordonnance de renvoi scellée de la juge d’instruction Brigitte Jolivet, c’est d’abord effondrer sur une litanie de prénoms et de noms comme on en voit marqués sur les compositions aux morts des villages.