Le fabricant de poêles Supra passe sous pavillon espagnol

Taurus, qui emploie 836 personnes dans le monde et réalise un chiffre d’affaires de plus de 250 millions d’euros, rajoute une corde à son arc, avec une offre de chauffage.
Taurus, qui emploie 836 personnes dans le monde et réalise un chiffre d’affaires de plus de 250 millions d’euros, rajoute une corde à son arc, avec une offre de chauffage. SUPRA

Placé en redressement judiciaire en décembre 2019, le fabriquant d’inserts et poêles à bois alsacien Supra a finalement été repris par le groupe espagnol Taurus. Ce dernier, spécialisé dans l’électroménager, ne conserve que 41 des 84 salariés et compte poursuivre la production en Alsace. Taurus, qui emploie 836 personnes dans le monde et réalise un chiffre d’affaires de plus de 250 millions d’euros, rajoute ainsi une corde à son arc, avec une offre de chauffage.

Il s’agit d’un nième rebondissement pour Supra, dont l’histoire plus que centenaire a été chahutée par un marché en forte baisse et une transition tardive vers la production de poêle à granulés.

Lorsque EDF achète cette société familiale en 2007, Supra compte encore plus de 300 salariés sur deux sites de production à Obernai (Bas-Rhin) et Auneau (Eure-et-Loir), berceau de la marque Richard Le Droff. Cinq ans plus tard, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Perceva, fonds d’investissement spécialisé dans la reprise d’entreprises en difficulté, la reprend alors que son chiffre d’affaires a fondu de près de 30 %. L’usine d’Auneau est fermée, 96 salariés sont licenciés.

« Retournement brutal du marché »

Le nouveau propriétaire investi dans l’outil de production et dans la recherche et développement (R&D). En 2016, il élargit sa gamme aux poêles à granulés, qui constituent le segment le plus dynamique du marché. Mais il est trop tard : les concurrents autrichiens et surtout italiens dominent depuis longtemps le secteur. Supra accumule les pertes et évite de justesse une mise en redressement, en 2017, contre un nouveau plan social et la suppression de 76 postes.

« Au total, Perceva aura investi 30 millions d’euros. Mais le retournement brutal du marché à partir de 2014 et le retard technologique pris lors des années EDF n’auront pas permis de redresser la barre », estime Jean-Louis Grevet, président du fonds d’investissement. Celui-ci se décide à vendre, alors que le poids des dettes (20 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 16,2 millions d’euros, et même 13,5 millions estimés pour l’exercice qui s’achève) pèse sur l’activité.

« Du fait de notre situation financière, nous avons été déréférencés par l’un de nos principaux réseaux de distribution en 2019, avec à la clé une perte de chiffre d’affaires de 1 million d’euros », note ainsi le président du directoire, Alberto Morgando. Pour intéresser un repreneur, Supra n’a eu d’autre choix que de passer par la case liquidation.

Une dernière chance

Dans ce contexte difficile, l’intégration du fabricant dans le groupe Taurus constitue une dernière chance de pérenniser la marque et son savoir-faire. Le français Invicta était aussi sur les rangs, mais n’a pu réunir suffisamment de garanties financières. Un échec vécu avec amertume par les salariés.

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Au terme de plusieurs semaines de mobilisation, les personnes licenciées n’obtiennent
pas davantage que les indemnités légales, 1 500 euros de prime de formation, ainsi qu’une priorité de réembauche de vingt-quatre mois. « Ce sera difficile pour ces ouvriers de retrouver un emploi », estime Vincent Debats, délégué syndical CGT. De Mahle-Behr à Schaeffler France, en passant par Gaz liquéfiés industrie (GLI) et Punch Powerglide, le secteur métallurgique alsacien est particulièrement malmené en ce moment.

Passer par la case « chômage », une expérience douloureuse pour les jeunes diplômés

Nick Shepherd/Photononstop

Depuis qu’elle cherche du travail, Juliette Azoulay s’est mise à la boxe. « Ce sont deux activités très proches finalement. La journée, par mail, je me prends des patates, mais je retourne au combat. Le soir, je le fais physiquement, résume-t-elle, filant la métaphore à l’envi. C’est violent le chômage. Tu reçois des coups dans tous les sens : de la part des recruteurs, de tes proches et de la société en général. »

Cette urbaniste de formation, diplômée de l’école d’architecture de Versailles, a pansé ses blessures pendant un mois au sein de l’association Cojob. Chaque jour, comme neuf autres coéquipiers, elle a programmé son réveil, « pour retrouver un cadre et un statut social ». Au 40 rue Laffitte, à Paris, ces chômeurs se transforment en « jobeurs ». Ils se serrent les coudes à grand renfort de blagues et de café soluble.

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S’il n’existe aucune sélection à l’entrée, hormis une cotisation de 140 euros, tous sont jeunes et disposent d’un bac + 5. « Notre public n’est pas complètement éloigné de l’emploi, précise Lucie Delemotte, 28 ans, unique salariée de l’association, elle-même ancienne chômeuse. Ils sont soit en perte de confiance, soit en quête de sens après un burn-out ou un licenciement brutal. » Cojob a été créé en 2014 par deux amies nantaises, Marie Grimaldi et Clémentine Bouvier, alors qu’elles traversaient une éprouvante période de chômage, avec l’idée de vaincre leur isolement et leur découragement. « On voulait des rendez-vous quotidiens, avec des horaires, et un vrai collectif, pour retrouver le sentiment d’être en week-end le vendredi soir. Et on voulait se sentir utiles, pour ne pas s’éloigner de la société en l’absence de ce liant qu’est le travail », explique Marie Grimaldi, de nouveau au chômage aujourd’hui, « par choix ».

Leur cible, au départ : les jeunes de moins de 35 ans ayant au minimum un bac + 3. « A l’époque, je m’étais inscrite dans un programme d’aide pour les anciens de Sciences Po Paris qui cherchaient du boulot. J’ai réalisé que ce n’était pas parce qu’on avait un beau diplôme qu’on serait épargnés, poursuit Marie Grimaldi. Là aussi, l’isolement était réel et la perte de confiance omniprésente. » Six ans plus tard, la structure continue de répondre à des besoins de prévention des risques psychosociaux liés au chômage. En octobre 2019, selon les chiffres fournis par Pôle emploi, sur 1,6 million de demandeurs d’emploi de moins de 30 ans, 120 400 avaient un niveau bac + 5.

La lente hémorragie du nombre d’agriculteurs français

Quentin Le Guillous, le 29 novembre 2019, est agriculteur céréalier, à Saint-Lubin-de-la-Haye, en Eure-et-Loir.
Quentin Le Guillous, le 29 novembre 2019, est agriculteur céréalier, à Saint-Lubin-de-la-Haye, en Eure-et-Loir. NICOLAS KRIEF POUR « LE MONDE »

Gilles Guellier, éleveur laitier dans le Loir-et-Cher âgé de 64 ans, vient de céder les clés de la ferme de la Guilbardière à un groupement de quatre jeunes agriculteurs, dont deux ex-salariés de l’exploitation. Il est en cours d’emménagement avec sa femme dans sa nouvelle maison, à une douzaine de kilomètres de là. Ce moment charnière du passage de témoin a été longuement préparé. « Il était important de réussir la transmission de ce que l’on avait développé avec obstination », affirme M. Guellier.

Lorsqu’il s’est lui-même installé en 1986, il a eu l’opportunité de reprendre la ferme dans laquelle ses parents travaillaient comme métayers. Il n’aura de cesse, fort de ses études environnementales et non agricoles, de revoir de fond en comble le modèle de l’exploitation. Il choisit de se convertir au bio et à une agriculture paysanne autonome avec une vente locale, rejoint dans son projet par son épouse une dizaine d’années plus tard. Un modèle qui n’était alors guère dans l’ère du temps, mais qui a prouvé sa solidité financière. « Les banques sont prêtes à financer la reprise », souligne l’éleveur. Avec ses 33 vaches et ses 72 hectares, la Guilbardière produit fromage frais, lait bio et blé dur transformé en pâtes.

Cet exemple de transmission n’est pas un cas isolé. Loin s’en faut. La question se fait de plus en plus pressante quand près d’un tiers des agriculteurs français ont plus de 55 ans. Une pyramide des âges qui risque bien d’accélérer une recomposition du paysage agricole hexagonale. Or, depuis des années, les rangs ne cessent de se dépeupler. En 2018, selon les derniers chiffres publiés, la Mutualité sociale agricole (MSA) a comptabilisé 448 500 chefs d’exploitation. Ils étaient 513 600 dix ans plus tôt. Et 1,1 million en 1988.

Des terres qui coûtent plus cher

Même si la baisse a été plus limitée en 2018, avec un repli de 1 %, contre un recul de 1,9 % l’année précédente, la tendance reste inchangée. Les défections les plus marquées ont touché l’élevage laitier, avec un recul démographique estimé à – 4,8 % par la MSA. Signe encourageant, tout de même : le nombre de nouveaux entrants était en hausse. Mais ne compense toujours pas le nombre de partants.

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L’exercice de transmission n’est, il est vrai, pas des plus aisés. L’un des obstacles majeurs est sans conteste le prix de cession. D’abord, parce que le foncier s’est apprécié. Même inférieur à la réalité d’autres pays européens, le prix des terres a progressé de plus de 50 % en vingt ans. La tension est devenue paroxystique en Champagne, où l’hectare se négocie à plus de 1 million d’euros. Et pourtant, Marianne Fricot s’est installée en 2014 sur 2,56 hectares à Arconville, dans l’Aube. Elle avait alors 22 ans et un BTS de viticulture en poche.

Inquiétude dans les Hauts-de-France, chez les salariés de Bombardier et Alstom

A l’usine Alstom de Petite-Forêt (Nord), en février 2019.
A l’usine Alstom de Petite-Forêt (Nord), en février 2019. PHILIPPE HUGUEN / AFP

Après l’annonce, lundi 17 février, par le français Alstom d’un accord pour racheter le canadien Bombardier Transport, les 3 500 salariés des sites ferroviaires nordistes des deux groupes n’affichent pas le même enthousiasme que Bruno Le Maire. « Un mariage, c’est une manière de partager à deux les problèmes qu’on n’aurait jamais eus seuls », ironise Samir Dardari, secrétaire CGT chez Alstom à Petite-Forêt, près de Valenciennes.

Si le ministre de l’économie et des finances se « réjouit qu’Alstom, à travers l’acquisition de Bombardier Transport, joue un rôle de premier plan dans le renforcement nécessaire de l’industrie ferroviaire européenne », l’ambiance n’est pas à la fête dans les usines de Bombardier, à Crespin, et d’Alstom, à vingt kilomètres de là.

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Dans un contexte de concurrence internationale de plus en plus dense, la naissance annoncée du futur numéro deux mondial du matériel ferroviaire derrière le chinois China Railroad Rolling Stock Corporation (CRRC) inquiète les syndicats du Valenciennois, centre de gravité de la filière en région, avec 60 % des emplois concentrés chez Alstom et Bombardier. « On a découvert cet accord préliminaire dans la presse, regrette Laurent Lamiaux, délégué CGT chez Bombardier Crespin. On nous a dit qu’il n’y aurait pas de soucis, mais on a des craintes sur des doublons, notamment au niveau de l’ingénierie et de la R&D. »

Même inquiétude chez le voisin Alstom : « La première préoccupation, c’est l’emploi, ajoute Vincent Jozwiak, délégué FO. Et pas seulement pour les 2 000 salariés de Bombardier et les 1 500 d’Alstom, mais aussi pour nos fournisseurs, les sous-traitants et les intérimaires. »

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Les Hauts-de-France, qui assurent 40 % de la production nationale des trains, compte 14 000 salariés dans la filière, répartis entre les fabricants mondiaux de véhicules et plus de 250 fournisseurs et sous-traitants spécialisés. Des sous-traitants qui peuvent être affectés par la fusion. « Ils risquent des pertes de chiffres d’affaires, puisqu’il n’y aura plus qu’un seul donneur d’ordre », estime Samir Dardari.

Tous les syndicats sont unanimes : sans le détail du schéma industriel, impossible de quantifier l’incidence du rachat sur les emplois. Or, rien ne filtre, jusqu’à présent, sur la stratégie à venir.

« Le fait que les deux sites soient si proches nous inquiète »

Henri Poupart-Lafarge, le PDG d’Alstom, a d’ores et déjà balayé toute inquiétude, en expliquant que « l’esprit de ce rapprochement n’est pas de multiplier les restructurations et les suppressions d’emplois, mais, au contraire, d’être très offensif pour développer le rail et répondre à un marché en croissance ».

Carlos Ghosn attaque Renault aux prud’hommes

Du côté de Renault, on considère que M. Ghosn n’a pas droit à cette indemnité dans la mesure où il n’était plus salarié de l’entreprise depuis des années
Du côté de Renault, on considère que M. Ghosn n’a pas droit à cette indemnité dans la mesure où il n’était plus salarié de l’entreprise depuis des années Mohamed Azakir / REUTERS

Carlos Ghosn retrouve son ancien employeur Renault, vendredi 21 février, par avocats interposés. L’ex-PDG de Renault-Nissan-Mitsubishi réclame une indemnité de départ à la retraite de 250 000 euros devant le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Dans un entretien au Figaro, en janvier, il contestait les conditions financières de son départ : « Je réclame mes droits à la retraite ainsi qu’à tous les droits qui me sont acquis. J’ai d’abord voulu que cela se règle de façon amiable. »

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L’audience en référé (procédure d’urgence) est prévue à partir de 9 heures, mais aucune décision sur le fond n’est attendue dans la journée. Si l’affaire est retenue, elle sera plaidée et la décision mise en délibéré dans un délai de quinze jours à un mois.

La saisine des prud’hommes par Carlos Ghosn, révélée en janvier, a suscité plusieurs réactions indignées dans une France en plein débat sur la réforme des retraites et au moment où le constructeur automobile Renault est en pleine crise.

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Soupçons d’abus de bien sociaux

L’audience aux prud’hommes intervient aussi alors que le parquet de Nanterre a annoncé mercredi avoir transmis à un juge d’instruction une enquête sur des soupçons d’abus de biens sociaux chez Renault visant Carlos Ghosn.

Carlos Ghosn avait été contraint de quitter ses fonctions de PDG de Renault le 23 janvier 2019, quand il était en prison au Japon pour diverses malversations présumées révélées par le constructeur japonais Nissan (dont il présidait aussi le conseil d’administration). Au printemps 2019, l’ancien dirigeant de 65 ans avait fait les démarches pour liquider ses droits à la retraite.

« Il bénéficie du versement de cette pension depuis le 1er juin 2019, tant au titre du régime de base que du régime Agirc-Arrco », a-t-on indiqué dans son entourage. « Or, en dépit de (…) ses demandes répétées auprès de [Renault], son indemnité de départ en retraite ne lui a toujours pas été versée », plus d’un an après son départ.

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Du côté de Renault, on considère que M. Ghosn n’a pas droit à cette indemnité dans la mesure où il n’était plus salarié de l’entreprise depuis des années. Les documents de référence du groupe au losange stipulent qu’on ne peut cumuler un statut de mandataire social avec un contrat de travail. Or, M. Ghosn disposait de ce statut de mandataire depuis sa nomination comme PDG en 2005.

Les défenseurs de Renault considèrent que le contrat de travail était dès lors rompu, tandis que ceux du dirigeant estiment qu’il n’était que suspendu.

La « retraite chapeau » de Carlos Ghosn

Outre son indemnité de départ à la retraite, Carlos Ghosn réclame à Renault une « retraite chapeau » pour un montant brut de 774 774 euros par an ainsi que 380 000 actions, d’une valeur de près de 12 millions d’euros au cours actuel, qui lui avaient été attribuées entre 2015 et 2018 en récompense des bonnes performances du constructeur. Sur ces deux sujets, Carlos Ghosn a menacé de saisir un tribunal de commerce.

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En Espagne, la pause-cigarette consume le temps de travail

Selon certains calculs, un salarié fumant trois cigarettes et prenant un café par jour en plus de sa pause légale pourrait devoir près de neuf jours de travail à son employeur.
Selon certains calculs, un salarié fumant trois cigarettes et prenant un café par jour en plus de sa pause légale pourrait devoir près de neuf jours de travail à son employeur. Dani Pozo / AFP

En Espagne, les pauses-cigarette, café ou sandwich au boulot, c’est oui, mais à condition de les décompter du temps de travail. L’Audience nationale, le haut tribunal du pays, a donné raison à la compagnie énergétique Galp, qui obligeait ses employés à pointer à chaque pause. La Confédération syndicale des Commissions ouvrières (CCOO), à l’origine de la plainte, a annoncé son intention de déposer un recours devant la Cour suprême…

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C’est le retour de bâton d’une mesure qui était exigée de longue date par les syndicats. En mai 2019, le gouvernement socialiste espagnol avait obligé les entreprises à implanter un registre horaire pour tous les salariés afin de permettre aux inspecteurs du travail de mieux contrôler les heures supplémentaires non payées. Le retour de la pointeuse n’a cependant pas été du goût de tous les patrons.

Journée prolongée ou rémunération réduite

Dans la plainte qu’elles ont déposée devant la justice espagnole, les CCOO ont assuré que l’entreprise Galp, « à l’occasion de l’implantation du système de registre horaire, de manière frauduleuse et sans respecter le statut des travailleurs, a modifié au détriment des travailleurs les conditions de travail existant au préalable ».

En clair, avant la mise en place du registre horaire, les salariés avaient coutume de faire des pauses sans être pénalisés. Après son implantation, quitte à être pointilleux sur les heures, Galp a décidé que les pauses ne « seront pas comptabilisées comme faisant partie de la journée effective ». Ouvrant la porte au fait de prolonger la journée de travail d’autant, voire à réduire la rémunération.

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Pour l’Audience nationale, le pointage des pauses ne suppose pas un « changement substantiel » des conditions de travail, et l’entreprise peut le décider de manière unilatérale, sans négociations avec les représentants syndicaux, sauf mention contraire dans la convention d’entreprise.

« Les temps de repos doivent être négociés par les entreprises dans le cadre des négociations collectives, réfute Mari Cruz Vicente, secrétaire de l’action syndicale des CCOO. Le registre des horaires est un cadre qui offre une sécurité juridique. Les pauses, elles, dépendent des cultures et habitudes des entreprises. »

Un retour à la pointeuse pourtant avantageux

La décision, prise le 10 décembre 2019, a été rendue publique par le Conseil de la magistrature le 10 février, provoquant un débat en Espagne.

Des médecins ont rappelé que les temps de pauses augmentent la concentration et donc la productivité. D’autres entreprises, comme El Corte Inglés (une chaîne de grands magasins espagnols), se sont mises d’accord avec les syndicats pour que les pauses de moins d’une heure ne soient pas décomptées. Et la ministre du travail, Yolanda Díaz, issue de la gauche radicale alliée à Podemos, qui gouverne en coalition avec les socialistes, a promis « d’étudier s’il est possible que tout soit considéré comme temps de travail, avec rigueur, à la lumière de la directive européenne sur le temps de travail ».

Airbus supprime 2 362 postes dans sa division défense-espace

La restructuration était attendue, mais son ampleur a surpris. Airbus a annoncé mercredi 19 février son intention de supprimer 2 362 postes sur 34 000 d’ici à 2021 dans sa division Defence and Space, regroupant les activités d’armement et de spatial de l’avionneur européen. L’Allemagne, principale base industrielle, sera la plus touchée avec 829 postes supprimés, suivie par l’Espagne (630). La France sera affectée à hauteur de 404 postes, le Royaume-Uni de 357, et 142 dans les autres pays.

Dirk Hoke, le patron de la branche défense et espace d’Airbus dont le siège social est à Munich, a dévoilé ce projet lors d’un comité d’entreprise européen. Le premier groupe de défense en Europe s’est engagé « à fournir des précisions sur ses intentions et à poursuivre un dialogue constructif avec les représentants du personnel ». Ces derniers avaient été avertis en décembre 2019 que des coupes étaient à prévoir dans les effectifs.

Si Airbus n’a jamais livré autant d’avions commerciaux, le groupe a publié le 13 février, une perte nette consolidée de 1,4 milliard d’euros en 2019 (contre un profit de 3 milliards l’année précédente). Cette contre-performance est largement la conséquence de l’amende de 3,6 milliards d’euros que l’avionneur a dû acquitter aux autorités françaises, américaines et britanniques pour faits de corruption.

Pour la troisième année consécutive, les livraisons sont inférieures aux commandes nettes

Mais, après trois ans d’enquêtes, Airbus s’était préparé à régler cette pénalité. La restructuration annoncée est la conséquence, selon le groupe, de la mauvaise passe que traversent ses activités à la fois dans la défense et dans le spatial. « Pour la troisième année consécutive », les livraisons sont inférieures aux commandes nettes, précise-t-il, « principalement en raison de l’atonie du marché spatial et du report de plusieurs contrats de défense ».

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Côté défense, rien ne va plus, ce qui explique d’ailleurs la volonté farouche du Parlement allemand de remplir le carnet de commandes des usines outre-Rhin avec le programme franco-allemand de l’avion de combat du futur. En particulier, une provision supplémentaire de 1,2 milliard d’euros a été dotée dans les comptes 2019 d’Airbus pour faire face aux difficultés persistantes de l’avion de transport militaire A400M. Récemment, l’armée de l’air allemande a refusé la livraison de deux appareils.

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« Nous avons revu à la baisse le nombre de contrats export que nous pouvions signer », explique Guillaume Faury, le nouveau directeur général d’Airbus, dans une interview à La Tribune publiée mercredi 19 février, même s’il précise : « L’année 2019 a très largement confirmé une nette amélioration de l’avancée du programme. »

Le compte personnel de formation livre ses premières données

La ministre du travail, Muriel Pénicaud, s’exprime à l’Assemblée nationale, à Paris, le 4 février.
La ministre du travail, Muriel Pénicaud, s’exprime à l’Assemblée nationale, à Paris, le 4 février. THOMAS SAMSON / AFP

Créé sous le quinquennat Hollande, profondément remanié par le gouvernement d’Edouard Philippe, le compte personnel de formation (CPF) est de plus en plus utilisé par les salariés, tout en demeurant relativement confidentiel. C’est ce qui ressort d’une enquête diffusée mercredi 19 février par la Dares – la direction chargée de la recherche au ministère du travail.

Entré en vigueur début 2015, le CPF offre « un droit à la formation attaché à la personne » tout au long de sa carrière, comme le rappelle l’étude de la Dares. Un tel dispositif, graduellement ouvert à l’ensemble des actifs – demandeurs d’emploi inclus –, est libellé en euros et mobilisable à partir d’une application numérique, depuis novembre 2019.

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Grâce au CPF, « près de 900 000 formations ont été suivies » de 2015 à 2018 par des personnes employées dans le secteur privé, dont 383 000 pour la seule année 2018, soit une hausse de 41 % en douze mois. La progression est donc spectaculaire, mais le public concerné reste limité : le « taux de recours » à cet outil est de 1,7 % parmi les salariés du privé, la proportion étant plus élevée chez les cadres et les professions intellectuelles supérieures (2,7 %). Les ouvriers, eux, sont en queue de peloton (1 %). Autant de pourcentages qui reflètent les inégalités d’accès, anciennes, à la formation, selon les catégories socioprofessionnelles.

Des disparités existent également en fonction de l’âge : les jeunes de moins de 25 ans emploient moins le CPF que les autres générations (0,8 %, contre 2,2 % chez les 25-44 ans et 1,4 % pour les personnes d’au moins 45 ans, en 2018).

Réduction des « cofinancements »

Au 1er janvier 2018, près de 12 500 certifications étaient proposées dans le cadre du CPF, « mais seule une petite partie d’entre elles » sont mobilisées par les salariés. Ainsi, un peu plus de la moitié des entrées en formation (55 %) s’effectuent dans une dizaine de cursus. Dans la grande majorité des situations, les intéressés s’inscrivent à des modules de quelques dizaines d’heures « préparant à des certifications en langues, en informatique ou dans le domaine des transports » – avec, en particulier, le certificat d’aptitude à la conduite en sécurité (Caces), qui initie au pilotage d’engins de manutention.

Seule une petite minorité (12,5 %) des entrées en formation réalisées avec le CPF vise à obtenir une certification diplômante : celle-ci est généralement beaucoup plus longue « que les formations sans niveau spécifique », précise la Dares (410 heures en moyenne dans le premier cas, contre 50 dans l’autre, en 2018).

Révélations sur le salaire de ses dirigeants : la FNSEA « assume pleinement »

A Laval, le 23 août 2016.
A Laval, le 23 août 2016. STEPHANE MAHE / REUTERS

Après les révélations de Mediapart, mercredi 19 février, sur les salaires des dirigeants du principal syndicat agricole de France, et à deux jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture à Paris, la FNSEA a dénoncé « un article tenant plus du règlement de comptes que de l’enquête journalistique », tout en « assumant pleinement » la politique salariale de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.

Mediapart a publié mercredi les salaires du nouveau directeur général du syndicat Clément Faurax, de son remplaçant au poste de directeur adjoint Jean-Louis Chandellier, et les différentes rémunérations attribuées à la directrice générale sortante Catherine Lion. Selon le média d’informations ligne, M. Faurax « émarge aujourd’hui à 13 400 euros brut mensuels » à l’issue d’une revalorisation de 22 % décidée après son arrivée en avril 2019, soit quelque 3 000 euros de plus que le ministre de l’agriculture actuel Didier Guillaume, selon Mediapart, qui rappelle que l’essentiel des ressources de la fédération provient des cotisations des adhérents.

Toujours selon cet article, son remplaçant, M. Chandellier, a bénéficié pour sa part d’une augmentation de 30 % de sa rémunération, désormais de 9 600 euros brut. « Les augmentations réalisées restent dans la tendance des augmentations habituelles », avait répondu M. Faurax dans un entretien à Mediapart.

Enfin, le journal en ligne s’était penché sur les rémunérations attribuées à Catherine Lion après son départ de la direction. Restée conseillère à temps partiel jusqu’en septembre, elle avait bénéficié d’un salaire de base de 8 900 euros et d’une prime mensuelle de 6 000 euros –l’équivalent de ce que touche en moyenne un exploitant agricole sur une année entière, selon les calculs de Mediapart –, selon l’avenant à son contrat de travail consulté par le média en ligne. A la retraite depuis octobre, elle cumule désormais sa pension avec un salaire à temps partiel (notamment car elle a été désignée par le syndicat pour siéger au Conseil économique, social et environnemental) pour un montant total de 12 500 euros, sans que cette situation de cumul soit inédite au sein de la FNSEA, signale Mediapart.

Plainte

Pour la présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Christiane Lambert, interrogée sur France Inter jeudi matin, les chiffres ont été « tronqués », « comparer les salaires bruts de nos directeurs avec le salaire net du ministre, ce n’est pas du bon travail », s’exclame-t-elle, sans démentir les montants avancés par le journal en ligne. « Nous avons besoin d’experts de haut niveau », fait valoir Mme Lambert.

Dans un communiqué publié le jour de la sortie de l’enquête, mercredi, la FNSEA disait « assumer pleinement les niveaux de rémunération de ses cadres dirigeants », situés selon elle « en dessous des normes de rémunération pour une organisation professionnelle nationale de cette taille ». Le syndicat affirme également que les informations divulguées par le journal d’investigation ont fait l’objet d’un « vol » pour lequel une plainte a été déposée.

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En rachetant UBI, Intesa Sanpaolo deviendrait la quatrième banque européenne

Devant les bureaux de la banque italienne Intesa Sanpaolo, à Turin, en janvier 2017.
Devant les bureaux de la banque italienne Intesa Sanpaolo, à Turin, en janvier 2017. MARCO BERTORELLO / AFP

L’offensive a été rondement menée. Lundi 17 février, en fin de soirée, Carlo Messina, directeur général de la première banque d’Italie, Intesa Sanpaolo, a appelé son homologue d’Unione Banche Italiane (UBI), Victor Massiah, pour le prévenir qu’allait être annoncé, dans les minutes suivantes, le lancement d’une offre publique d’échanges sur son établissement, troisième de la place financière italienne en termes de capitalisation boursière. Un peu après minuit, c’était au tour du ministre des finances, Roberto Gualtieri, d’être mis dans la confidence, juste avant la publication du communiqué.

Si l’on considère que l’effet de surprise est la condition indispensable de la réussite d’une opération de ce type, force est de constater qu’en la matière, le succès est total. Selon la direction d’Intesa Sanpaolo, l’offre n’a pas été préparée conjointement par les deux groupes, mais elle se veut parfaitement amicale. Dans les heures ayant suivi l’annonce, Carlo Messina a d’ailleurs fait savoir que, s’il le souhaitait, Victor Massiah aurait, à l’avenir, « un rôle de premier plan » dans le futur groupe. Ce dernier, qui venait, quelques heures plus tôt, de présenter, à Milan, le nouveau plan industriel d’UBI – en misant sur la dématérialisation et prévoyant plus de 2 000 suppressions d’emplois –, ne s’est pas encore exprimé publiquement. La direction de la banque bergamasque a pour l’heure fait savoir qu’elle étudie l’offre tranquillement, en se laissant le temps de réfléchir.

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Un conseil d’administration extraordinaire, chargé de donner un premier avis sur la proposition, devait se tenir dans la journée de mercredi 19 février. Dans tous les cas, l’opération durera plusieurs mois : l’avis de l’Autorité de la concurrence devrait tomber fin juin, et l’offre d’échange en elle-même se dérouler dans la foulée.

Une offre à 4,8 milliards d’euros

En pratique, l’offre porte sur 100 % du capital d’UBI, pour un montant de 4,8 milliards d’euros. Elle se présente sous la forme d’un échange de titres (17 actions d’Intesa Sanpaolo pour 10 d’UBI), à des valorisations représentant, pour les porteurs de titres UBI, une prime de 27 % par rapport au prix de leurs actions, à la clôture de la Bourse de Milan, vendredi 14 février.

Tout au long de la journée de lundi, le cours des titres UBI s’est envolé, au point de dépasser la valeur de l’offre d’Intesa Sanpaolo. Pour l’heure, Carlo Messina a exclu de rehausser le prix proposé : « L’offre nous paraît équitable et nous n’avons aucune intention d’en changer les conditions », a-t-il affirmé.