En Espagne, la pause-cigarette consume le temps de travail

En Espagne, la pause-cigarette consume le temps de travail

Selon certains calculs, un salarié fumant trois cigarettes et prenant un café par jour en plus de sa pause légale pourrait devoir près de neuf jours de travail à son employeur.
Selon certains calculs, un salarié fumant trois cigarettes et prenant un café par jour en plus de sa pause légale pourrait devoir près de neuf jours de travail à son employeur. Dani Pozo / AFP

En Espagne, les pauses-cigarette, café ou sandwich au boulot, c’est oui, mais à condition de les décompter du temps de travail. L’Audience nationale, le haut tribunal du pays, a donné raison à la compagnie énergétique Galp, qui obligeait ses employés à pointer à chaque pause. La Confédération syndicale des Commissions ouvrières (CCOO), à l’origine de la plainte, a annoncé son intention de déposer un recours devant la Cour suprême…

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Espagne, la coalition de gauche enchaîne les mesures sociales

C’est le retour de bâton d’une mesure qui était exigée de longue date par les syndicats. En mai 2019, le gouvernement socialiste espagnol avait obligé les entreprises à implanter un registre horaire pour tous les salariés afin de permettre aux inspecteurs du travail de mieux contrôler les heures supplémentaires non payées. Le retour de la pointeuse n’a cependant pas été du goût de tous les patrons.

Journée prolongée ou rémunération réduite

Dans la plainte qu’elles ont déposée devant la justice espagnole, les CCOO ont assuré que l’entreprise Galp, « à l’occasion de l’implantation du système de registre horaire, de manière frauduleuse et sans respecter le statut des travailleurs, a modifié au détriment des travailleurs les conditions de travail existant au préalable ».

En clair, avant la mise en place du registre horaire, les salariés avaient coutume de faire des pauses sans être pénalisés. Après son implantation, quitte à être pointilleux sur les heures, Galp a décidé que les pauses ne « seront pas comptabilisées comme faisant partie de la journée effective ». Ouvrant la porte au fait de prolonger la journée de travail d’autant, voire à réduire la rémunération.

Lire aussi Pour la Cour de Luxembourg, les patrons doivent mesurer « le temps de travail journalier »

Pour l’Audience nationale, le pointage des pauses ne suppose pas un « changement substantiel » des conditions de travail, et l’entreprise peut le décider de manière unilatérale, sans négociations avec les représentants syndicaux, sauf mention contraire dans la convention d’entreprise.

« Les temps de repos doivent être négociés par les entreprises dans le cadre des négociations collectives, réfute Mari Cruz Vicente, secrétaire de l’action syndicale des CCOO. Le registre des horaires est un cadre qui offre une sécurité juridique. Les pauses, elles, dépendent des cultures et habitudes des entreprises. »

Un retour à la pointeuse pourtant avantageux

La décision, prise le 10 décembre 2019, a été rendue publique par le Conseil de la magistrature le 10 février, provoquant un débat en Espagne.

Des médecins ont rappelé que les temps de pauses augmentent la concentration et donc la productivité. D’autres entreprises, comme El Corte Inglés (une chaîne de grands magasins espagnols), se sont mises d’accord avec les syndicats pour que les pauses de moins d’une heure ne soient pas décomptées. Et la ministre du travail, Yolanda Díaz, issue de la gauche radicale alliée à Podemos, qui gouverne en coalition avec les socialistes, a promis « d’étudier s’il est possible que tout soit considéré comme temps de travail, avec rigueur, à la lumière de la directive européenne sur le temps de travail ».

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.