La lente hémorragie du nombre d’agriculteurs français

La lente hémorragie du nombre d’agriculteurs français

Quentin Le Guillous, le 29 novembre 2019, est agriculteur céréalier, à Saint-Lubin-de-la-Haye, en Eure-et-Loir.
Quentin Le Guillous, le 29 novembre 2019, est agriculteur céréalier, à Saint-Lubin-de-la-Haye, en Eure-et-Loir. NICOLAS KRIEF POUR « LE MONDE »

Gilles Guellier, éleveur laitier dans le Loir-et-Cher âgé de 64 ans, vient de céder les clés de la ferme de la Guilbardière à un groupement de quatre jeunes agriculteurs, dont deux ex-salariés de l’exploitation. Il est en cours d’emménagement avec sa femme dans sa nouvelle maison, à une douzaine de kilomètres de là. Ce moment charnière du passage de témoin a été longuement préparé. « Il était important de réussir la transmission de ce que l’on avait développé avec obstination », affirme M. Guellier.

Lorsqu’il s’est lui-même installé en 1986, il a eu l’opportunité de reprendre la ferme dans laquelle ses parents travaillaient comme métayers. Il n’aura de cesse, fort de ses études environnementales et non agricoles, de revoir de fond en comble le modèle de l’exploitation. Il choisit de se convertir au bio et à une agriculture paysanne autonome avec une vente locale, rejoint dans son projet par son épouse une dizaine d’années plus tard. Un modèle qui n’était alors guère dans l’ère du temps, mais qui a prouvé sa solidité financière. « Les banques sont prêtes à financer la reprise », souligne l’éleveur. Avec ses 33 vaches et ses 72 hectares, la Guilbardière produit fromage frais, lait bio et blé dur transformé en pâtes.

Cet exemple de transmission n’est pas un cas isolé. Loin s’en faut. La question se fait de plus en plus pressante quand près d’un tiers des agriculteurs français ont plus de 55 ans. Une pyramide des âges qui risque bien d’accélérer une recomposition du paysage agricole hexagonale. Or, depuis des années, les rangs ne cessent de se dépeupler. En 2018, selon les derniers chiffres publiés, la Mutualité sociale agricole (MSA) a comptabilisé 448 500 chefs d’exploitation. Ils étaient 513 600 dix ans plus tôt. Et 1,1 million en 1988.

Des terres qui coûtent plus cher

Même si la baisse a été plus limitée en 2018, avec un repli de 1 %, contre un recul de 1,9 % l’année précédente, la tendance reste inchangée. Les défections les plus marquées ont touché l’élevage laitier, avec un recul démographique estimé à – 4,8 % par la MSA. Signe encourageant, tout de même : le nombre de nouveaux entrants était en hausse. Mais ne compense toujours pas le nombre de partants.

Lire le décryptage : Le départ en retraite d’un agriculteur sur trois d’ici trois ans va bouleverser le paysage agricole

L’exercice de transmission n’est, il est vrai, pas des plus aisés. L’un des obstacles majeurs est sans conteste le prix de cession. D’abord, parce que le foncier s’est apprécié. Même inférieur à la réalité d’autres pays européens, le prix des terres a progressé de plus de 50 % en vingt ans. La tension est devenue paroxystique en Champagne, où l’hectare se négocie à plus de 1 million d’euros. Et pourtant, Marianne Fricot s’est installée en 2014 sur 2,56 hectares à Arconville, dans l’Aube. Elle avait alors 22 ans et un BTS de viticulture en poche.

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LJD

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