Le fabricant de masques Kolmi-Hopen fait appel aux salariés en chômage technique pour l’aider

Sur la chaîne de production de lu fabricant de masques Kolmi-Hopen,  à Saint-Barthélémie-d’Anjou (Maine-et-Loire), le 5 février.
Sur la chaîne de production de lu fabricant de masques Kolmi-Hopen,  à Saint-Barthélémie-d’Anjou (Maine-et-Loire), le 5 février. Stephane Mahe / REUTERS

Depuis fin janvier, les machines tournent à plein régime dans l’usine de Kolmi-Hopen abritée dans un entrepôt à Saint-Barthélémie-d’Anjou, près d’Angers. Et pour cause, l’entreprise est l’une des seules en France à fabriquer des masques de protection nécessaires dans la lutte contre la pandémie due coronavirus. L’usine tourne en trois-huit pour répondre à une demande de masques en progression constante.

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Face à un rythme soutenu de production qui dure depuis plus de deux mois et pèse sur les salariés de la société, le besoin de renforcer les équipes est criant. Un constat fait par le préfet de Maine-et-Loire en visite, jeudi 12 mars, dans l’usine. « La situation ne pouvait pas durer, souligne Eric Grelier, président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Maine-et-Loire. Alors dès lundi 16 mars, le préfet et moi-même avons rédigé un courrier pour faire un appel à bénévolat. » Pour aider la PME – réquisitionnée par l’Etat début mars – à répondre aux commandes du ministère de la santé, un appel à la solidarité a été lancé, lundi 16 mars, en direction de toutes les entreprises susceptibles de prêter de la main-d’œuvre gracieusement à la société angevine.

« Le standard a explosé »

« L’idée est de solliciter l’aide des salariés en chômage technique suite aux mesures mises en place par l’Etat qui ont conduit à la fermeture de plusieurs industries », explique Pierre-Alexandre Lelaure, le directeur commercial de la PME. La société recherchait avant tout des opérateurs de production, des mécaniciens de maintenance, des magasiniers et des caristes. Les volontaires travailleront à titre gratuit pour le fabricant de masques pendant toute la durée de la crise sanitaire et seront payés par leur employeur habituel. « Le dispositif est inédit », se targue Eric Grelier.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. L’appel a été partagé des centaines de fois sur les réseaux sociaux. « Le standard a explosé, même des élus de la CCI proposaient leur aide pour assurer des fonctions managériales. Nous avons opéré un premier tri des candidatures avant de les soumettre à Kolmi-Hopen », explique Eric Grelier. Les candidatures sont désormais closes.

De son côté les équipes de l’entreprise se sont montrées émues de voir autant de solidarité. « Bénéficier de l’aide d’un personnel formé et opérationnel était inespéré, confie M. Lelaure. Nous avions du mal à recruter des agents pour effectuer de la maintenance des machines en raison du manque de ces compétences dans la région» Les renforts s’ajouteront aux 140 salariés, dont 35 CDD et intérimaires embauchés depuis janvier. La société continuera de fournir les structures médicales françaises au moins jusqu’au mois de mai 2020, date estimée de la fin de la réquisition par l’Etat.

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Le virus révélateur

« Les conséquences économiques sur l’emploi de l’épidémie de coronavirus ne dispenseront pas d’une réflexion globale sur le revenu des personnes en emplois précaires, ou ayant perdus leur travail, ou qui sont en fin d’activité. »
« Les conséquences économiques sur l’emploi de l’épidémie de coronavirus ne dispenseront pas d’une réflexion globale sur le revenu des personnes en emplois précaires, ou ayant perdus leur travail, ou qui sont en fin d’activité. » AGE / Photononstop

La pandémie provoquée par le virus COVID-19 éclaire crûment certains choix réalisés en matière de droit social depuis 2008. Première illustration : la première réforme des retraites réalisée à travers l’adoption d’un ensemble de textes de 2017 à 2019 a rationalisé les « retraites surcomplémentaires », des dispositifs de constitution d’un revenu de retraite par capitalisation. Après s’être heurté dès le départ aux faibles taux d’intérêts, elle est aujourd’hui victime de l’écroulement des marchés financiers, suite à la propagation du Coronavirus.

Même les aides massives accordées par l’Etat à ces nouveaux fonds de pension, sous forme d’exonérations de cotisations sociales patronales et d’allègements fiscaux considérables, ne suffisent pas à masquer la vulnérabilité de ce mode de protection sociale au comportement de la Bourse. Son importance devra probablement être rediscutée lors de la réforme des régimes de base, qu’elle doit compléter pour constituer la pension de retraite.

Le « Covid-19 » met également à nu les insuffisances de la réforme de 2013 ayant transformé le « chômage partiel » en « activité partielle » : limitation du recours aux seuls cas de sinistres ou d’incendie, demande d’autorisation préfectorale via la Dirrecte, mais autorisation tacite au bout de quinze jours, paiement de l’indemnité au salarié via l’employeur avec toutes les difficultés de gestion en paie que cela représente etc…etc…

Des décisions fatidiques dans le temps

Le gouvernement est aujourd’hui obligé d’annoncer en urgence une réforme du dispositif avec toujours la référence incantatoire obligatoire aux règles allemandes qui en fait sont toutes autres. L’arrêt de large pans de l’activité économique du fait de la diffusion du virus va conduire, quelle que soit l’efficacité des règles de prévention d’une rupture du contrat de travail à venir, à des licenciements pour motifs économiques. Ils pourront être prononcés d’autant plus rapidement que l’employeur n’est pas tenu de mettre en œuvre « le chômage partiel ».

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Les petites ou toutes petites entreprises n’auront probablement pas les moyens humains et logistiques de faire la demande, ou simplement la solidité financière nécessaire, surtout si la perte de marchés ou de clientèle se prolonge au-delà de la fin de l’épidémie. Des « difficultés économiques », telles que définies au moyen des indicateurs de l’article L. 1233-3 du Code du travail ou « une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité », ou « à la cessation d’activité de l’entreprise » existeront : des licenciements individuels ou collectifs pourront être prononcés.

Coronavirus : la pandémie pourrait coûter jusqu’à 25 millions d’emplois dans le monde

Le directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), Guy Ryder, à Genève (Suisse), en juin 2019.
Le directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), Guy Ryder, à Genève (Suisse), en juin 2019. Denis Balibouse / REUTERS

Le prix à payer, en matière d’emplois dans le monde, pour la pandémie causée par le coronavirus sera élevé, et même très élevé, prévient l’Organisation internationale du travail (OIT). Dans une étude publiée mercredi 18 mars, l’organisation tripartite – réunissant les gouvernements, les organisations d’employeurs et les syndicats de 187 états membres – estime que la perte pourrait concerner jusqu’à 25 millions d’emplois. Soit plus qu’au lendemain de la crise financière de 2008, qui avait entraîné la suppression de près de 22 millions de postes.

Dans cette étude, l’OIT étudie trois cas de figure qui, selon la gravité de la pandémie, envisagent la disparition de 5,3 millions d’emplois – dans le scénario « optimiste » – à 24,7 millions (le scénario intermédiaire tablant, lui, sur 13 millions), sachant que l’on comptait environ 188 millions de chômeurs dans le monde en 2019.

« Cette crise sanitaire aura des répercussions incomparables. C’est un “crash test” d’une autre ampleur que la crise de 2008-2009, une crise globale, car, au coût sanitaire, humain, il faut ajouter les conséquences sociales et économiques, avec des secteurs entiers menacés comme le tourisme, les transports, mais aussi l’ensemble de l’industrie, comme on le voit déjà avec le secteur automobile », prévient Guy Ryder, le directeur général de l’OIT.

L’actuelle crise sanitaire, qui a débuté en Chine pour s’étendre à toute la planète, touche de plein fouet les économies des pays occidentaux, où « les pertes d’emplois seront plus importantes », prévient M. Ryder. Reste que le confinement de populations entières, les restrictions de mouvement et l’arrêt de la production et des échanges ne provoqueront pas seulement une hausse du chômage. La réduction massive d’emplois va s’accompagner d’un appauvrissement important des travailleurs, avec des baisses substantielles de revenus.

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L’étude de l’organisme international évalue cette perte entre 785 milliards et plus de 3 100 milliards d’euros d’ici à la fin 2020. « Cela se traduira par une chute de la consommation des biens et des services, qui impactera à son tour les perspectives des entreprises et des économies », écrivent les auteurs du document. « Un cercle vicieux », d’après M. Ryder.

La volonté d’agir au niveau international fait défaut

La pauvreté au travail augmentera en proportion. « La pression sur les revenus à la suite du déclin de l’activité économique touchera très gravement les travailleurs vivant autour ou sous le seuil de pauvreté. » Entre 8,8 et 35 millions de personnes supplémentaires dans le monde se retrouveront en situation de travailleurs pauvres, alors que l’OIT prévoyait, pour 2020, une baisse de 14 millions au niveau mondial sur un nombre estimé à 630 millions de travailleurs pauvres, c’est-à-dire gagnant moins de 3,20 dollars par jour (2,90 euros).

Le monde du livre retient son souffle

Quand pourra-t-on feuilleter à nouveau des livres dans une librairie?
Quand pourra-t-on feuilleter à nouveau des livres dans une librairie? LOIC VENANCE/AFP

Un à un, sans exception, tous les éditeurs annoncent qu’ils suspendent la parution des livres dont la sortie était prévue à partir de fin mars. Tout est reporté sine die depuis l’annonce, dimanche 15 mars, par le gouvernement de la fermeture des commerces « non indispensables », dont les 3 300 librairies de France. Cette paralysie vaut pour tous : les éditeurs et les libraires comme les lecteurs.

Les éditeurs, d’abord. Hachette Livre, Editis ou les éditions Gallimard reportent la parution de l’ensemble des ouvrages programmés au début du printemps, généralement à compter du 26 mars. Albin Michel repousse ainsi la sortie des Mémoires impubliables, de Pierre Péan. Même politique chez Actes Sud, qui commence à reprogrammer en mai ses sorties comme Le Bon, la brute et le renard, de Christian Garcin, Le Petit Polémiste, d’Ilan Duran Cohen, ou Suzuran, d’Aki Shimazaki. Le prochain ouvrage de Mathias Enard, initialement prévu en mai, est décalé à octobre. Et pour la première fois, Actes Sud publiera des ouvrages de littérature générale en juillet. Le groupe de Françoise Nyssen étudie le recours à des mesures de chômage partiel, mais rien n’est encore tranché.

« La situation est catastrophique »

Les gros éditeurs promettent d’accompagner les libraires. Editis a ainsi reporté à juin les échéances de paiement des trois premiers mois de l’année et remboursé immédiatement aux libraires les ouvrages non vendus. Hachette Livre a également décalé les échéances financières des libraires indépendants. Le groupe prépare « un plan d’aide au redémarrage, qui comprendra des mesures d’accompagnement financier pour la reconstitution des stocks, en fonction de la durée de la crise sanitaire ».

Dans les toutes petites structures, l’heure peut se révéler plus grave encore. « La situation est catastrophique », ne cache pas Serge Safran. « Le gouvernement a parlé d’aides, j’en aurai sacrément besoin, même si je n’ai pas de salariés et si je ne suis pas imposable », dit-il. L’éditeur devait sortir Patagonie, un roman de Michèle Teysseyre, le 10 avril, et Ce bel été 1964, de Pierre Filoche, en mai. « Tout est à l’arrêt : le premier est imprimé mais pas livré, quant au second, la tournée en librairie des représentants de mon diffuseur, Les Belles Lettres, est interrompu », explique-t-il. Il regrette en outre que « le Salon du livre et toutes les rencontres dans les librairies aient été annulés ». Serge Safran, qui continue de corriger des épreuves pour un ouvrage annoncé en août, se désole. Il avait projeté de publier un livre en juin, dont il devra reporter la sortie à l’automne. Comble de malchance : « Tout est compromis, son financement était lié à des aides d’une fondation vénitienne », précise-t-il. « Je ne sais pas si je vais faire faillite, je cherche en ce moment un associé et là, tous mes rendez-vous s’annulent ou sont reportés à la saint-glinglin », affirme cet écrivain qui fut, avant de lancer sa maison d’édition, le cofondateur des éditions Zulma.

Le droit de retrait s’applique-t-il à tous les salariés ?

« La crainte du coronavirus ne peut justifier à elle seule l’exercice du droit de retrait » (Photo: dans une boulangerie à Vertou, près de Nantes, le 17 mars).
« La crainte du coronavirus ne peut justifier à elle seule l’exercice du droit de retrait » (Photo: dans une boulangerie à Vertou, près de Nantes, le 17 mars). STEPHANE MAHE / REUTERS

Mardi 17 mars, des facteurs inquiets de se retrouver en première ligne face au coronavirus ont fait valoir leur droit de retrait, estimant que La Poste ne leur avait pas fourni de protections adéquates face à la pandémie de Covid-19. Chez Amazon, des employés veulent exercer leur droit de retrait, afin de protester contre des conditions de sécurité jugées insuffisantes.

Sur le site de la boulangerie industrielle Neuhauser à Folschviller, en Moselle, l’hospitalisation d’un employé a incité des salariés de l’usine à exercer leur droit de retrait, rapporte Le Républicain Lorrain. Des conducteurs de bus de Châlons-en-Champagne l’ont aussi mobilisé afin d’inciter leur employeur à mettre en place des mesures de protection plus strictes, signale France 3 régions.

Aux quatre coins de la France, des salariés soucieux de leur santé face à la pandémie n’hésitent plus à revendiquer leur droit de retrait. L’article L4131 du code du travail précise en effet que le salarié « peut se retirer » d’une situation, « dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection ». Sans manquer, toutefois, d’en informer son employeur au préalable.

Utilisation abusive

Face au risque de mise en péril de l’activité – notamment dans les domaines cruciaux comme la distribution, la santé… –, l’éventualité d’un recours massif au droit au retrait suscite des inquiétudes. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a appelé le 18 mars sur BFM Business les salariés des secteurs essentiels « à se rendre sur leurs lieux de travail », en prenant leurs précautions, pour garantir la « sécurité économique du pays ».

Dans quelle mesure les salariés en contact direct avec le public et dépourvus de masques ou de gants, ou bien à qui l’employeur refuse le télétravail, peuvent-ils exercer ce droit ? Les membres du gouvernement n’ont pas manqué de multiplier les mises en garde contre son utilisation abusive. Sur Cnews, la ministre de la transition écologique, Elisabeth Borne, a déclaré le 3 mars que « le droit de retrait n’est pas fondé à ce stade ». Plus récemment, le 16 mars, le secrétaire d’Etat, Olivier Dussopt, a affirmé que le droit de retrait « ne saurait prendre le dessus sur la nécessité des services publics ».

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Une chose est sûre : la crainte du coronavirus ne peut justifier à elle seule l’exercice du droit de retrait. Le question/réponse élaboré par le ministère du travail, actualisé le 17 mars, précise que « si l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le code du travail et les recommandations nationales […] qu’il a informé et préparé son personnel […], le droit individuel de retrait ne peut en principe pas trouver à s’exercer ». Quelle que soit l’activité de l’entreprise, « le coronavirus en tant que tel n’est pas un motif légitime du droit de retrait, confirme Me Cédric Jacquelet, associé du département de droit social du cabinet Proskauer. Celui-ci doit avoir un lien avec les conditions exercice du salarié ».

Coronavirus : la colère gagne les salariés contraints de travailler par leurs entreprises

Un chef de caisse nettoie les chariots avant l’ouverture du supermarché, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le 18 mars.
Un chef de caisse nettoie les chariots avant l’ouverture du supermarché, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le 18 mars. LUCAS BARIOULET POUR « LE MONDE »

Le gouvernement table sur l’instauration de l’état d’urgence sanitaire pour maintenir l’activité dans les entreprises « de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale », selon le texte du projet de loi discuté, mercredi 18 mars après-midi, en conseil des ministres. Objectif : éviter un arrêt complet de l’économie tricolore, alors que la France s’impose des mesures de confinement pour lutter contre l’épidémie de coronavirus.

Quelques heures avant la discussion du projet, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, avait invité « tous les salariés des entreprises encore ouvertes et des activités indispensables au bon fonctionnement du pays nettoyage, traitement des eaux, industrie agroalimentaire, grande distribution à se rendre sur leur lieu de travail ». Manifestement, le gouvernement s’inquiète de la colère qui gronde chez les salariés maintenus en poste, faute de pouvoir télétravailler, et de la peur qui tétanise les employés des secteurs jugés « essentiels ».

Le président délégué du Medef s’alarme déjà d’un « changement d’attitude brutal » des salariés, depuis l’adoption de mesures de confinement mardi 17 mars. Car « de nombreux salariés ont demandé à ce que leurs employeurs prennent des mesures d’activité partielle sans quoi ils exerceraient un droit de retrait », a déclaré Patrick Martin mercredi, à l’Agence France-Presse (AFP), se disant « très préoccupé » par la situation.

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PSA a fermé tous ses sites de production européens. Renault a suspendu la production de ses douze usines en France. Les manufactures Chanel sont à l’arrêt. « Alors, pourquoi pas nous ? », s’agace un manutentionnaire, Jean-Christophe Leroy, élu CGT de La Redoute. A Wattrelos (Nord), une trentaine des 50 salariés de l’entreprise de vente à distance a alerté l’entreprise, mardi 17 mars, lors d’un débrayage au sein de ce site qui expédie ses colis. Malgré la réduction des effectifs, la fermeture des vestiaires pour éviter la promiscuité et la distribution de gants, « il est aberrant de nous faire travailler pour expédier des tee-shirts », juge M. Leroy.

Conditions de sécurité insuffisantes

Chez Amazon, la fronde menace. Alors que le site de vente en ligne connaît un regain d’activité depuis la fermeture des magasins non alimentaires, samedi 14 mars, « les consignes contre le coronavirus ne sont pas respectées », assure Gaël Begot, élu CGT au sein de l’entrepôt du groupe américain, situé à Lauwin-Planque (Nord). Depuis mardi, des salariés Amazon s’y mobilisent contre les conditions de sécurité jugées insuffisantes et mal appliquées, ainsi que dans deux autres sites, à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) et Montélimar (Drôme), énumère Julien Vincent, délégué général CFDT Amazon. Plus d’une centaine d’employés ont exercé leur droit de retrait, estimant que le coronavirus les met en danger sur leur lieu de travail, selon la CFDT. SUD-Solidaires à Saran et la CGT à Lauwin-Planque l’envisagent aussi.

Coronavirus : le jour de carence des fonctionnaires ne sera, pour l’instant, pas suspendu

« A ce stade, pas d’évolution. » La réponse du cabinet d’Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat notamment chargé du dossier de la fonction publique, est laconique. Le jour de carence qui s’applique aux fonctionnaires depuis 2018 ne sera pas suspendu le temps de l’épidémie causée par le coronavirus. Les agents publics qui se trouvent en congé maladie du fait du Covid-19 ne bénéficieront du maintien de leur rémunération qu’à partir du deuxième jour d’arrêt.

Cinq syndicats de fonctionnaires (CGT, Fédération autonome, FO, FSU, Solidaires) ont écrit au premier ministre, mardi 17 mars, pour lui demander que l’abrogation de cette « mesure vexatoire » soit incluse dans le projet de loi d’urgence. Mais le texte adopté par le conseil des ministres, mercredi, ne prévoit rien de la sorte.

« C’est une situation absolument invraisemblable, s’agace Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT-Fonction publique. Je n’arrive pas à comprendre cet entêtement. » Un agent, souligne M. Canon, qui devra rester chez lui pour télétravailler ou garder ses enfants sera payé intégralement. Mais le jour où il tomberait malade du Covid-19, il perdrait une journée de salaire.

Souplesse demandée

Par ailleurs, écrivent les syndicats dans la lettre envoyée à Edouard Philippe, « l’engagement avait été pris devant toutes les organisations », par Olivier Dussopt, de ne pas appliquer le jour de carence. « Ce dernier pourtant est revenu ensuite sur cet engagement à un moment où toute tergiversation n’est plus acceptable, regrettent-ils dans la même missive. Dans une crise sanitaire qui coûtera des milliards à l’économie française, récupérer de l’argent sur le dos de fonctionnaires malades serait très loin des propos du président de la République sur la solidarité et la responsabilité. »

Selon la CGT, le secrétaire d’Etat a promis d’envoyer une circulaire aux employeurs publics pour leur demander de faire preuve de souplesse et de ne pas appliquer le jour de carence pendant l’épidémie. Mais une circulaire « n’a pas force de loi », rappelle Jean-Marc Canon.

C’est ce que confirme Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale : « Ça ne marche pas, les circulaires, explique-t-il. C’est une loi qui a instauré le jour de carence pour les fonctionnaires, c’est elle qui s’impose à nous. »

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La coordination des employeurs territoriaux, dont M. Laurent est porte-parole, demande également la suspension du jour de carence. Une question de symbole et d’« équité avec le privé où les employeurs ne l’appliquent pas de fait ». Bref, les fonctionnaires sont défavorisés par rapport aux salariés du privé, car leurs employeurs publics sont tenus par la loi et n’ont pas la même souplesse.

Mais tout n’est pas perdu. Lors de l’examen, jeudi 19 mars au Sénat, du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie, un amendement sénatorial devrait proposer de faire du Covid-19 un motif légal d’exception, permettant de ne pas appliquer le jour de carence aux fonctionnaires. « Olivier Dussopt y est favorable, assure une source proche du dossier, mais ce n’est pas le cas de tout le monde au gouvernement. Cet amendement permettra peut-être de faire bouger les choses. »

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Coronavirus : des salariés demandent l’arrêt du travail chez Amazon en France

Sur le site Amazon de Lauwin-Planque (Nord), en décembre 2019.
Sur le site Amazon de Lauwin-Planque (Nord), en décembre 2019. PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS

« On ne blague pas avec le Covid-19 : Amazon doit prendre ses responsabilités et demander à ses salariés de se confiner afin de limiter la propagation du virus ! » Le mot d’ordre résume la mobilisation naissante parmi certains salariés français du leader mondial de la vente en ligne. Cette revendication est extraite d’un tract qui appelait à la « grève » et à un rassemblement sur le parking de l’entrepôt d’Amazon à Saran, près d’Orléans, de 11 heures à 15 heures, ce mercredi 18 mars. Il est soutenu par les syndicats SUD, UNSA, CFE-CGC, Cat et CGT.

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D’autres salariés se mobilisent contre des conditions de sécurité jugées insuffisantes et mal appliquées, aux Etats-Unis mais aussi en France, notamment sur le site de Lauwin-Planque, dans le Nord. « Les gens ont peur, explique Gaël Begot, élu CGT de cet entrepôt. Les consignes contre le coronavirus ne sont pas respectées sur le site : on manque de gel hydroalcoolique, les gens ne peuvent se tenir à un mètre les uns des autres quand ils badgent ou à la cantine, on nous demande de tenir des rampes en métal que tout le monde touche… Pour Amazon, c’est le pognon avant tout. »

Les cadres en télétravail

« Les distances de sécurité entre salariés ne sont pas respectées pendant le travail et les pauses », abonde Khaled Bouchajra, élu CGT du site de Saran, photos à l’appui. « Le gouvernement préconise de ne pas côtoyer plus de cinq personnes hors de son cercle familial, ce qui n’est pas possible sur les sites d’Amazon », dénonce le tract intersyndical.

Les nettoyages ont été renforcés et les employés sont tenus de désinfecter leur poste après chaque tranche de travail

Contacté, le groupe dit « placer la santé de ses employés et de ses partenaires en priorité absolue ». L’entreprise a conseillé le télétravail à tous ses salariés dont l’activité permet de rester chez soi. Ce qui est le cas des cadres, mais pas des nombreux employés des entrepôts, chargés de la logistique des colis vendus en ligne. Pour eux, le géant américain dit suivre les recommandations sanitaires du gouvernement sur tous ses sites. Les nettoyages ont été renforcés et les employés sont tenus de désinfecter leur poste après chaque tranche de travail. Les lieux de travail et de repos ont été aménagés, avec des autocollants au sol indiquant les distances à respecter, ajoute-t-on. Les pauses auraient aussi été échelonnées pour réduire le nombre de gens en contact, toujours selon Amazon.

Pour faire face à l’afflux de demandes de livraison émanant de clients confinés dans le monde, l’entreprise de Jeff Bezos a aussi annoncé, mardi 17 mars, l’embauche de 100 000 employés à temps plein ou partiel. Et une hausse temporaire du salaire horaire de deux dollars ou deux euros, aux Etats-Unis et en Europe, jusqu’à fin avril.

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« Amazon joue avec notre santé en continuant d’intégrer des intérimaires dans un contexte où la promiscuité est à proscrire », rétorque l’intersyndicale de Saran. A Lauwin-Planque, 300 employés temporaires ont été intégrés au cours des trois derniers jours, selon M. Begot. Et au total, 3 000 personnes travaillent aujourd’hui sur le site, qui compte 1 743 employés à plein temps, affirme l’élu. L’activité est inférieure au gros pic de Noël (jusqu’à 5 000 employés) mais supérieure à la moyenne (autour de 2 500), explique encore le délégué CGT.

Le droit de retrait envisagé

« La hausse de salaire temporaire de deux euros par heure, c’est comme un bonbon donné à un enfant pour qu’il reste sage », critique encore l’élu.

Pour faire pression sur la direction, les syndicalistes souhaitent exercer leur droit de retrait, estimant que le coronavirus les met en danger sur leur lieu de travail. C’est le cas de Jean-François Bérot, responsable syndical SUD-Solidaires à Saran, cité par La République du Centre. Et de M. Begot à Lauwin-Planque. Ainsi que de la CFDT d’Amazon au niveau national. Les syndicats incitent les salariés à faire de même. « Mais la direction met la pression sur les employés, qui ont peur de perdre leur job s’ils demandent à exercer leur droit de retrait », fait savoir M. Begot. L’élu dit avoir rencontré, mardi, la préfecture du Loiret, avec d’autres responsables syndicaux, afin d’alerter sur la situation.

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De son côté, Amazon communique depuis mardi sur l’utilité de son activité en temps de confinement : « Les clients n’ont, pour beaucoup, pas d’autre moyen d’obtenir des produits essentiels », argumente-t-on. L’entreprise dit prioriser temporairement les « produits de nécessité » dans les livraisons de vendeurs vers ses entrepôts. Pour les élus de Saran, l’activité de la société n’est pas « essentielle ».

Cinq cas en Italie et en Espagne

En Italie et en Espagne, cinq cas de Covid-19 se sont déclarés chez des employés du groupe, selon l’agence Bloomberg. La direction a décidé de ne pas fermer les trois sites concernés, rapporte la dépêche. Cette politique de continuation d’activité a suscité un appel à la grève sur le site italien de Castel San Giovanni (au sud de Milan), affirme Bloomberg. Si aucun cas n’est confirmé en France à ce stade, les élus syndicaux jugent l’exemple espagnol inquiétant.

Aux Etats-Unis aussi, des employés jugent les mesures de protection trop faibles chez Amazon. Un collectif de salariés a lancé une pétition demandant des gestes de la direction pour compenser la « pression » créée par la hausse des commandes : suspension de l’application des quotas de productivité et de leur hausse, augmentation de 50 % des salaires, accès au congé maladie même sans diagnostic officiel du coronavirus, en raison de la pénurie de tests… Les 1 500 pétitionnaires demandent aussi que les frais de garde d’enfants soient couverts par le fonds de 25 millions de dollars (22,8 milliards d’euros) que le groupe a mis en place pour aider financièrement les intérimaires et livreurs indépendants atteints par le coronavirus.

Plusieurs employés dénoncent une injustice par rapport aux cadres qui télétravaillent : « Nous, simples petits ouvriers, avons juste le droit d’être confrontés à notre cher petit virus et de potentiellement le transmettre à nos proches et tout ça, avec le sourire », ironise le tract de Saran.

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« Coronavirus : le bureau s’installe à domicile »

Selon une enquête publiée le 12 mars, « près d’un tiers des entreprises et des salariés installent régulièrement (6,4 jours par mois) leur bureau à domicile, les cadres toujours en priorité ».
Selon une enquête publiée le 12 mars, « près d’un tiers des entreprises et des salariés installent régulièrement (6,4 jours par mois) leur bureau à domicile, les cadres toujours en priorité ». Ingram / Photononstop

Carnet de bureau. Fait à la maison ! Le domicile est le lieu privilégié de 90 % des télétravailleurs (les autres travaillent dans un espace mis à disposition par leur entreprise ou en coworking). Mais 19 % seulement ont une pièce réservée à cet usage, pour les autres, les dossiers professionnels doivent trouver leur place entre le canapé et les jouets du petit dernier. L’ordinateur, portable de rigueur, sur un coin de bureau, voire dans la cuisine pour être tranquille.

« Le télétravail régulier est une pratique encore peu répandue », indiquait le ministère du travail dans sa dernière étude basée sur les chiffres 2017. Seuls 3 % des salariés y avaient alors recours au moins un jour par semaine, surtout des cadres (61 %). La pratique s’est, semble-t-il, répandue sans attendre les aléas de la pandémie de Covid-19. L’enquête du mutualiste Malakoff-Humanis, réalisée de novembre 2019 à février 2020 et publiée le 12 mars, révèle que près d’un tiers des entreprises et des salariés installent régulièrement (6,4 jours par mois) leur bureau à domicile, les cadres toujours en priorité.

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Mais travailler à domicile, ça s’apprend. « Je m’suis mis en télétravail, mais j’ai oublié le chargeur du PC portable », tweetait Ahsad, le 12 mars, à quelques heures de l’allocution du président invitant les entreprises à demander à leurs salariés de rester chez eux.

Et ça se prépare : le télétravail n’est pas le même avec ou sans enfant à la maison. Les animaux domestiques doivent aussi être pris en compte. Les miaulements énervés d’un chat interrompent à coup sûr le télétravail. Plus d’un salarié sur deux (58 %) constate qu’il devient difficile de séparer les temps relevant de la vie privée et ceux de la vie professionnelle. « Je n’avais pas pensé que le télétravail m’obligerait à préparer mon déjeuner », notait Florence, coincée chez elle pendant les grèves de décembre.

Une appli costume-cravate

La majorité des salariés interrogés par Malakoff-Humanis (57 %) observent que les échanges entre collaborateurs se complexifient. Chacun sait qu’un courriel peut être mal interprété, et qu’il faut hiérarchiser ses moyens de communication.

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C’est surtout chaotique quand on passe au télétravail du jour au lendemain, car les outils et leur maîtrise jouent un rôle important, explique Elise Geinet, responsable commerciale en télémédecine, en télétravail depuis deux ans. « Moi, je suis dans le secteur numérique, alors j’ai les outils et les réflexes. Je fais partie d’une équipe d’une dizaine de personnes, sans compter les collègues techniques, on communique énormément. Téléphone, Skype… hier, le serrurier est venu poser des verrous alors que j’étais en vidéoconférence, j’ai juste mis l’ordi sur silencieux, ouvert la porte au technicien, puis ai facilement repris le fil de la réunion. »

Quand le manageur devient élu local

« Dans les deux mois suivant la date à laquelle il a prévenu son employeur de son intention de reprendre son travail, l’ex-élu retrouvera son emploi assorti d’une rémunération équivalente » (Mairie d’Arles, le 19 février).
« Dans les deux mois suivant la date à laquelle il a prévenu son employeur de son intention de reprendre son travail, l’ex-élu retrouvera son emploi assorti d’une rémunération équivalente » (Mairie d’Arles, le 19 février). GERARD JULIEN / AFP

Droit social. A la suite des élections municipales, plusieurs dizaines de milliers de salariés, et en particulier des cadres, vont devenir titulaires d’un mandat local. On compte actuellement 16 % de cadres candidats, après les retraités (41 %), mais avant les agriculteurs (14 %).

Comment concilier la charge, extrêmement variable selon la taille de la population et le niveau de responsabilité du maire, de l’adjoint au maire, ou du conseiller municipal, avec l’activité salariée ? La loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 a voulu faciliter cette conciliation, nécessaire à la sauvegarde d’un bon vivier de candidats pour assumer ces fonctions plébiscitées par les Français (63 %).

Crédit d’heures

En début de mandat, le nouvel élu salarié peut, à sa demande, bénéficier d’un entretien individuel spécifique avec son employeur. Son but ? Fixer les modalités pratiques d’exercice de son mandat et faciliter l’organisation de la double vie professionnelle et municipale. Mais aussi évoquer les conditions de rémunération des absences consacrées à ces fonctions sous forme de crédit d’heures trimestriel : de dix heures trente pour les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, à cent vingt-deux heures trente pour les maires des communes de moins de 10 000 habitants.

Si l’employeur doit laisser à tout membre d’un conseil municipal le temps nécessaire pour se rendre aux réunions et participer aux travaux préparatoires, il n’est pas tenu de les payer. Ce qui, en l’absence de compensation par la collectivité locale, peut dissuader des candidats et mettre les élus en difficulté financière, même si nombre de réunions sont programmées en début de soirée.

Réservée aux maires et à leurs adjoints des communes de plus de 10 000 habitants, la suspension du contrat de travail liée à l’élection n’est pas automatique : c’est à l’élu de la demander à l’employeur… qui ne peut en principe pas la refuser, s’il a plus d’un an d’ancienneté.

Dans les deux mois suivant la date à laquelle il a prévenu son employeur de son intention de reprendre son travail, l’ex-élu retrouvera son emploi assorti d’une rémunération équivalente, bénéficiant de tous les avantages acquis par les salariés de sa catégorie pendant l’exercice de son mandat de six ans.

Sanctions pénales

Alors qu’avant 2020, toute rupture du contrat de travail d’un élu local par l’employeur nécessitait l’autorisation expresse de l’inspecteur du travail, ce qui pouvait dissuader certaines entreprises d’en embaucher, le législateur le fait désormais simplement bénéficier de la protection générale contre les discriminations en matière d’embauche, d’affectation, de rémunération, et bien sûr de rupture (L 1132-1). Avec une obligation de réintégration sous astreinte si la discrimination est avérée.