« Les travailleurs sociaux de la protection de l’enfance, ces héros de l’ombre, sont en détresse »
Au cœur de notre société, il existe une réalité souvent ignorée : celle des 377 000 enfants, adolescents et jeunes majeurs victimes de violences ou de négligences, pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Ils dépendent du soutien et de l’encadrement des travailleurs sociaux de la protection de l’enfance : éducateurs, assistants de services sociaux, directeurs, chefs de service, maîtres et maîtresses de maison, agents d’entretien, personnels administratifs, assistants familiaux, psychologues, et tous les autres professionnels qui accompagnent les jeunes protégés au quotidien pour les aider à grandir sereinement.
Pourtant, aujourd’hui, ces héros de l’ombre sont en détresse, par manque de moyens et de reconnaissance. En 2019, le Haut Conseil du travail social recensait 21 millions de journées d’absence chez ces professionnels, symbole d’une réelle souffrance au travail. En parallèle, les placements en familles d’accueil ne concernent que 40 % des enfants aujourd’hui, contre 54 % dans les années 2000.
Les conséquences de cette marginalisation du métier sont désastreuses. Près de 97 % des établissements du secteur de la protection de l’enfance rencontrent des difficultés de recrutement, avec 9 % de postes vacants (contre 5 % en moyenne pour le secteur sanitaire, social et médico-social), un recours à l’intérim de plus en plus important, et de nombreux départs en retraite à prévoir d’ici à 2025.
La formation des prochaines générations est aussi compromise : en dix ans, le nombre d’étudiants inscrits au sein d’écoles formant aux métiers sociaux a chuté de 6 %, et près de 10 % des étudiants s’arrêtent dès la première année.
Vingt ans d’espérance de vie en moins
Faute de professionnels disponibles, de nombreux établissements et services accueillant des enfants sont contraints de réduire leurs capacités d’accompagnement ; 5 % ont même dû récemment se résigner à des fermetures totales de service. Les enfants confiés se voient alors contraints d’être accueillis en familles ou dans d’autres services, bien que ces déplacements ne correspondent pas à leurs besoins fondamentaux.
Dans ces conditions, comment pouvons-nous offrir aux enfants protégés le soutien dont ils ont désespérément besoin ? Pourtant, faut-il rappeler que ces jeunes risquent de perdre vingt ans d’espérance de vie faute de soins précoces ? Qu’ils seront plus d’un quart à quitter l’ASE sans aucun diplôme ? Que 36 % des personnes sans domicile fixe de moins de 25 ans sont passées comme eux par les services de l’ASE ?
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