« Le harcèlement managérial mis en exergue par le procès France Télécom relève d’une stratégie globale »

« Le harcèlement managérial mis en exergue par le procès France Télécom relève d’une stratégie globale »

Tribunal. Le procès France Télécom a souvent été présenté comme un procès hors norme par son ampleur, ses protagonistes, le nombre de ses victimes. C’est aussi un procès qui fera date sur le plan juridique.

« Le but de ce procès n’est pas de poser un jugement de valeur sur vos personnes, mais de démontrer que l’infraction pénale de harcèlement moral peut être constituée par une politique d’entreprise, par l’organisation du travail, et qualifier ce que l’on appelle le harcèlement managérial », a affirmé la procureure de la République. Et elle a ajouté, s’adressant aux juges : « L’évolution du droit vous permet de reconnaître l’infraction pénale de harcèlement managérial ».

« Harcèlement managérial » : la formule n’est pas nouvelle, mais elle a longtemps été utilisée comme synonyme ou comme sous-catégorie du harcèlement moral. La jurisprudence de la Cour de cassation avait consacré l’existence d’un harcèlement moral « de type managérial », mais celui-ci se caractérisait par les méthodes de gestion « mises en œuvre par un supérieur hiérarchique ».

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Mais le harcèlement managérial mis en exergue par le procès France Télécom relève pour sa part d’une réalité différente, dès lors qu’il ne se rattache pas à un harceleur ou à un groupe de harceleurs, mais à une stratégie globale. On déplace le point focal, depuis la conduite d’un ou de plusieurs individus vers le système de management lui-même. Cela a été explicitement souligné par la procureure : « Il est incontestable qu’en programmant la restructuration par des réductions massives d’effectifs et des mutations professionnelles en trois ans, les dirigeants ont conscience qu’ils déstabilisent les salariés ». Elle a précisé : « Vous allez même plus loin. Vous la recherchez, cette déstabilisation. Et vous la baptisez déstabilisation positive ».

C’est bien la manière dont s’est déroulée la réorganisation de l’entreprise qui est en cause. Les plans de réorganisation, baptisés NeXt et Act, s’accompagnaient d’un changement de paradigme : ils transformaient les métiers en processus, privant par là même les salariés de la possibilité de valoriser leurs expériences ou leurs compétences. Le programme Time to Move, lui, institutionnalisait leur instabilité temporelle, géographique et professionnelle.

« On a poussé le ballon un peu trop loin »

Dans ce contexte, les salariés les plus investis sont devenus les plus vulnérables. Au procès, le psychiatre Christophe Dejours a souligné que « ce ne sont pas les paresseux, les tire-au-flanc qui se sont suicidés, mais les plus impliqués. En cas de mise au placard, leur ardeur au travail pouvait constituer une véritable menace pour leur état psychique ». Et loin d’être prise en charge, cette implication, transformée en fragilité, devenait fautive.

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LJD

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