« J’ai perdu toute ma trésorerie » : à Bordeaux, les boîtes de nuit en difficultés après neuf mois de fermeture
Le passage à 2021 ne se fêtera pas entre les murs de l’une des 25 boîtes de nuit bordelaises. Elles sont fermées, comme l’ensemble des 1 600 établissements de nuit de l’Hexagone depuis le 16 mars, et l’heure n’est toujours pas à la réouverture. Pourtant, « la soirée du Nouvel An fait partie des cinq plus gros chiffres d’affaires de l’année », explique Anthony Ringuet, propriétaire de La Dame, perchée sur un bateau au niveau du bassin à flot.
Interrogé sur les discothèques lors de sa conférence de presse du 26 novembre, Jean Castex a indiqué que « l’heure n’était pas à la réouverture ». « Je pense que tout le monde en comprend les raisons, mais [les établissements] seront bénéficiaires du fonds de solidarité rénové. » « Nous ne les laissons pas tomber », a assuré le premier ministre.
Pourtant, ces établissements de nuit n’ont toujours aucune visibilité sur une potentielle réouverture. Les professionnels du secteur se sentent abandonnés par le gouvernement, et ce, alors que leurs entreprises emploieraient environ 25 000 salariés en France, selon M. Ringuet. « On fait travailler ceux qui s’occupent des sonos, des lumières, les musiciens, DJ, performeurs… Tout cela touche des gens qui ont souvent des emplois précaires », argue-t-il.
Avenir incertain
C’est le cas de Lucie Goujes, employée en extra aux vestiaires de La Dame avant que le confinement ne commence. « Quand, en mars, on nous a dit que la boîte allait fermer, comme je n’étais pas en CDI, je n’avais pas le droit au chômage partiel, cela m’a un peu fait paniquer », explique la jeune femme de 23 ans. Elle est alors contrainte de quitter son appartement bordelais pour retourner chez sa mère et accepte un poste de caissière dans un supermarché. Depuis, comme ses collègues avec qui elle garde contact, elle a « hâte de reprendre ». « On y prend goût à ce rythme, à la cohésion qu’il y a entre nous dans l’équipe », confie-t-elle.
Comme à La Dame, au Monseigneur ou à La Plage, boîtes de nuit bordelaises prisées des fêtards, les employés tentent de garder le lien grâce à des groupes de conversation WhatsApp. « On maintient le contact entre nous pour voir s’il n’y a pas des cas qui seraient tendus, pour se soutenir. Ça sauve un peu », explique David Duval, responsable sécurité incendie de La Plage. Aleks Cameron, DJ et producteur, vit d’un maigre reliquat de chômage.
Celui qui a travaillé pour les plus grandes discothèques bordelaises raconte que « c’est très difficile mentalement ». S’il continue de « garder le contact » avec sa communauté par le biais des réseaux sociaux « pour ne pas être oublié une fois que ça reprendra », il s’interroge sur la réouverture des clubs. « Les habitudes ne vont-elles pas changer ? Les gens restent chez eux, s’habituent à être enfermés, à faire des soirées entre eux, ne vont-ils pas désormais changer leur façon de faire la fête ? », s’inquiète-t-il, ne cachant pas « se remettre en question » face à un avenir incertain.
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