« J’ai découvert le quotidien monotone et déshumanisé de la vie d’un jeune cadre dynamique dans une grande banque »
La première fois que j’ai compris que « la vie active » d’un jeune cadre dynamique serait en fait un quotidien monotone, aliénant et vide de sens, c’était en septembre 2021, en obtenant une alternance dans la finance au sein d’un grand groupe bancaire, premier dans le financement des énergies renouvelables (ENR).
Lorsque j’intègre le département, je vois cette opportunité comme un challenge. En tant qu’ingénieur diplômé de l’institut polytechnique UniLaSalle Beauvais en géologie et déjà avancé dans une prise de conscience écologique, me voilà idéalement placé pour « changer les choses de l’intérieur ». Je travaille sur le biogaz, une filière naissante à laquelle je crois beaucoup.
Disons que je suis dans le bon wagon, car dans le bâtiment d’en face la même banque finance les projets climaticides de grands groupes pétroliers. D’ailleurs, selon un récent classement, ma banque est le troisième plus gros financeur des énergies fossiles en France… « Changer les choses de l’intérieur » revient en fait à contribuer à l’enrichissement d’une institution qui alimente la source du problème climatique en même temps qu’elle en développe les alternatives. Si on reprend l’image de la maison qui brûle, la boîte pour qui je bosse finance donc à la fois les pompiers et les pyromanes.
Au-delà du paradoxe écologique, ces dix-huit mois passés au siège m’ont donné à voir un quotidien que j’ai trouvé profondément monotone et déshumanisé. J’ai travaillé au sein d’un immense campus composé de dix mille banquiers ; tous vêtus d’habits cintrés aux couleurs foncées. Un endroit impeccable, comparable à un grand village des Sims, à la pointe de la modernité, où rien ne manque. En fait, j’ai évolué dans un environnement incroyablement confortable, d’où se dégage une sorte de neutralité ambiante assez oppressante.
Chaussures à talonnettes et pause de midi
L’avantage avec ce quotidien répétitif, c’est qu’il est facile à décrire. Le mien, comme celui de mes collègues, consistait à être assis derrière un ordi, dans un grand open space et à alterner entre travail sur Excel et appels en visio. Comme tout le monde, j’avais des chaussures à talonnettes qui font du bruit dans les couloirs. Comme tout le monde, mes moments d’interactions sociales se réduisaient essentiellement à la pause de midi.
Rapidement, j’ai ressenti comme un grand vide, dans cette ambiance si aseptisée. J’ai d’ailleurs listé quelques éléments. Il y a, par exemple, la volonté de tout quantifier, qui aboutit à la création d’indicateurs absurdes, comme « atteindre les 100 % d’excellence relationnelle » comme si les relations humaines pouvaient être quantifiées. Je pourrais aussi parler du langage « corporate », ou du management très vertical, voire infantilisant. Je suis évidemment conscient que tout milieu social ou professionnel implique des concessions. Mais cela devient alarmant quand celles-ci se font au détriment des individus eux-mêmes.
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