Favoriser le pouvoir d’agir au travail
Le livre. Lorsque l’épidémie de Covid-19 a bouleversé la vie de chacun de nous, le travail collectif a révélé toute sa puissance. Il a fallu, au moins pendant un temps, rendre justice à l’activité ordinaire, aux pouvoirs d’agir de ceux qui soignent, nettoient, enseignent, fabriquent, transportent et cultivent. « Ils ont enduré des efforts démesurés, parfois consentis dans la plus grande injustice, en exposant leur santé. Accepteront-ils d’être remis à leur place ? Voudront-ils retourner d’où ils viennent, dans le continent silencieux de la parole inutile ? », s’interroge Yves Clot dans Ethique et travail collectif. Controverses (Erès), un essai qui était en cours d’édition début 2020, quand l’épidémie a ébranlé le monde du travail.
L’ouvrage se soucie de l’action auprès, avec, et au sein des collectifs du travail. Il est conçu comme un dialogue sur le métier de clinicien du travail, dans un champ où plusieurs disciplines sont à l’œuvre, mais comme un dialogue « au sens fort, susceptible de cerner les obstacles et de trouver les meilleurs moyens possibles pour les surmonter ».
L’auteur privilégie la discussion avec d’autres intervenants ou chercheurs : sociologues, philosophes, gestionnaires, juristes… « L’investigation et l’investissement collectif ont sans doute été à la mesure des bouleversements que l’industrie et les services connaissent ; et aussi des épreuves sociales et subjectives subies par celles et ceux qui travaillent. Voilà qui mérite bien le dialogue entre ces disciplines. Mais il y a plus pour le justifier : la psychologie, même à son corps défendant, peut se faire si facilement complice des engouements managériaux qu’elle a un besoin vital du contrepoids des autres disciplines. »
Une question de liberté
Les collectifs professionnels sont considérablement malmenés dans l’organisation du travail. « Ils sont pourtant le ressort de la santé au travail, entendue comme un développement du pouvoir d’agir. » A quelles conditions ce développement du pouvoir d’agir peut-il rester envisageable ?
En s’appuyant sur les théories du psychologue russe Lev Vygotski (1896-1934), de l’Ethique de Spinoza et à partir d’une relecture originale de la notion de travail de culture laissée en suspens par Freud avant sa mort, l’ouvrage sonde les paradoxes du collectif de travail : les libertés qu’on peut prendre grâce à lui dans les organisations, mais aussi les libertés qu’il faut prendre avec lui pour se développer comme sujet singulier.
Il vous reste 31.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.