Emploi des seniors : « Se cantonner à une diminution de la durée d’indemnisation de l’assurance-chômage passerait à côté d’une très grande partie du problème »
Depuis les premières préretraites des années 1970, le monde du travail a internalisé que « passé 50 ans, surtout quand on est une femme, on n’a plus tout à fait sa place dans l’entreprise ». Le serpent de mer de l’emploi des seniors est un immense gâchis humain et économique. La nation exclut. Elle se prive d’expériences, de savoir-faire, comme de forces productives et contributives.
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a eu le mérite de remettre le sujet au cœur du débat en évoquant la diminution de la durée d’indemnisation des seniors par l’assurance-chômage. Mais se cantonner à cette mesure passerait à côté d’une très grande partie du problème. On peut saluer qu’il ait ensuite proposé de s’attaquer au « cas français » par un plan global, bien plus juste et pertinent.
Car, non, la sortie précoce des seniors du monde du travail n’est pas une fatalité – pas plus que le chômage de masse. C’est, au contraire, un défi que nous pouvons relever, à l’image de la Finlande il y a vingt ans. Mais, oui, il y a bien des spécificités françaises au problème, et nous partons de loin.
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), si notre taux d’activité des 30-50 ans est relativement satisfaisant, il chute de manière beaucoup plus précoce que celui des mieux-disants européens – vers 53 ans au lieu de 60 ans. Résultat : 35 % de taux d’activité des 60-64 ans en France contre 60 à 70 % pour les Pays-Bas, l’Allemagne et les pays scandinaves. Ce différentiel explique une grande partie de notre écart de produit intérieur brut par habitant de 15 % avec ces pays. L’enjeu est immense.
« Ni en emploi ni à la retraite »
Cette particularité résulte en partie de mécanismes publics. Certes, nous partons plus tôt à la retraite que nos voisins européens. Mais cette réalité n’explique pas tout. Notre dispositif d’indemnisation chômage spécifique aux seniors commence plus tôt – 53 ans contre 58 ans en Finlande – et dure plus longtemps.
Notre assurance-chômage n’incite pas à la reprise d’emploi en fin de carrière, et ce d’autant que les entreprises articulent leurs politiques de rupture conventionnelle en fonction des paramètres publics. Par ailleurs, la France est, avec le Portugal, le pays qui taxe le plus le retour à l’emploi d’un senior par rapport aux revenus d’inactivité – 85 %, une fois prise en compte la disparition d’aides avec la reprise d’emploi pour un salaire médian, contre 50 % en moyenne dans l’Union européenne, selon l’OCDE.
D’autres freins sont à l’œuvre. Comme le montrent les enquêtes Eurofound, la France reste relativement mal classée en Europe en matière de conditions de travail, pour lesquelles la situation des seniors agit de fait comme un miroir grossissant. Dans un pays survalorisant le diplôme, la formation professionnelle ne concerne que 60 % des salariés de 25-44 ans et seulement 35 % des plus de 55 ans.
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