Chez les ex-salariés de Camaïeu, un traumatisme encore à vif
En l’espace de six mois, les anciens salariés de Camaïeu sont devenus accros. Accros à l’actualité économique des enseignes détenues par la Financière immobilière bordelaise, holding de Michel Ohayon. « Je lis tout sur lui », affirme une ancienne employée. L’homme d’affaires bordelais avait repris Camaïeu en juillet 2020, à la barre du tribunal de commerce de Lille Métropole, en promettant de sauver la chaîne de prêt-à-porter féminin.
Il n’en a rien été. Au 1er octobre 2022, l’ensemble des 511 magasins ont définitivement tiré le rideau. Depuis, les ex-Camaïeu suivent « au jour le jour » la situation des 4 155 employés de Gap, de Go Sport, des Galeries Lafayette et de La Grande Récré, des sociétés que possède encore la Financière immobilière bordelaise, en dépit de ses difficultés économiques.
Les 2 600 anciens salariés de Camaïeu redoutent que leurs alter ego de la galaxie Ohayon connaissent la même « descente aux enfers ». Celle-ci a commencé à l’été 2022, se rappellent beaucoup d’entre eux. Au lendemain de la mise en redressement judiciaire de l’entreprise de Roubaix (Nord), les réunions en visioconférence organisées par la direction avec les responsables de boutiques se multiplient.
« On savait que des magasins allaient fermer. Mais de là à les voir tous disparaître, ça nous paraissait impossible », se souvient une ancienne vendeuse, Aurélie Bonnenfant, du Camaïeu des Herbiers (Vendée). Néanmoins, le 28 septembre 2022, le tribunal de commerce de Lille prononce la liquidation de l’entreprise fondée en 1984, après avoir écarté le plan de continuation de Michel Ohayon, faute de financement.
Les responsables régionales espéraient annoncer en premier la disparition de l’enseigne à leurs équipes. Mais la presse télévisée les prend de court. Les journalistes de BFM Lille et de l’Agence France-Presse sont sur le parvis du tribunal situé à Tourcoing (Nord). Au prononcé, ils filment Michel Ohayon, qui leur intime de « ne pas chercher à le faire parler », sous les injures de quelques salariés.
« On fait comment maintenant ? C’est lui qui va payer nos loyers et qui va nourrir les familles ? », s’alarme alors, devant les caméras, une employée entrée chez Camaïeu douze ans auparavant. Dans les magasins, à « 17 h 20 », se remémore Céline Kapusta, ancienne adjointe du magasin de L’Isle-d’Abeau (Isère), les téléphones bipent. « C’est ma meilleure amie qui m’a appris la fermeture », se souvient aussi Aurélie Bonnenfant.
C’est parfois « du vrai Kafka »
Les magasins sont fermés définitivement sous trois jours, le samedi 1er octobre. Ce sont trois journées de « dingue, horribles », où les fidèles clientes et les « vautours en mal de bonnes affaires » se pressent, rapportent toutes les vendeuses. Assaillies par les clientes de questions incessantes du type « Qu’est-ce que vous allez devenir ? Comment ça va se passer ? », les vendeuses travaillent, sans relâche, de 8 heures à 21 heures. Les compteurs s’affolent. Dans la boutique de la galerie marchande E. Leclerc aux Herbiers, au dernier jour, le chiffre d’affaires atteint « 23 000 euros, un record », rapporte Mme Bonnenfant.
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