« Ils veulent se rendre utiles à la société » : les jeunes travailleurs sociaux, entre dévouement et questionnements sur leur métier

« Quand est-ce que j’ai su que je voulais travailler dans le social ? » Alice (le prénom a été modifié), 23 ans, rembobine le fil de ses souvenirs. « Dès le lycée. Lorsque je voyais une personne subir du harcèlement scolaire, j’essayais toujours de l’aider. » Celle qui est aujourd’hui monitrice éducatrice exprime comme une évidence : « Je n’ai jamais aimé les injustices. »

La notion d’injustice est également évoquée par Gwendal, 27 ans : « Pour moi, l’injustice est invivable. » L’apprenti éducateur spécialisé ne supporte pas d’observer autour de lui des situations qu’il estime anormales, surtout envers des personnes vulnérables. Ce refus de l’iniquité est lié à son histoire familiale. Son père, atteint d’une sclérose en plaques, se voit refuser des emprunts bancaires depuis des années en raison de sa maladie. « Pourtant, il travaille », déplore Gwendal. En devenant travailleur social, « je voulais contribuer et aider à régler ces situations injustes », confie l’éducateur, qui s’occupe aujourd’hui d’enfants placés dans un lieu de vie et d’accueil.

Cette quête de justice et une profonde volonté d’aider les autres poussent ces jeunes à s’orienter vers le travail social. Les professions du secteur relèvent pour beaucoup de la « vocation » ou du « métier passion », et sont porteuses de sens. « Car elles ont une dimension d’utilité sociale, et ces jeunes veulent se rendre utiles à la société », analyse Yvette Molina, sociologue spécialiste du travail social et directrice du Cereiso, le centre de recherche de l’association Askoria, qui gère des organismes de formation aux métiers de l’intervention sociale. Le souhait d’embrasser une activité professionnelle tournée vers l’autre découle souvent d’un « héritage familial de valeurs humanistes et altruistes », poursuit la sociologue.

« Notre génération n’est plus aveuglée »

Les jeunes travailleurs sociaux vont alors s’engager pleinement dans leur métier, aux horaires parfois décalés. « Ce n’est pas un emploi de bureau où on peut couper son ordinateur à 17 heures, il y a de l’humain derrière », souligne Gwendal, qui travaille régulièrement la nuit. « Je sais que je suis fait pour ça », assure Louis, 23 ans, en souriant. Lui aussi est en formation pour devenir éducateur spécialisé. « En stage, je ne me transforme pas, je reste le même. Mon métier est fatigant mais il n’est pas éprouvant. »

Ce sentiment d’évidence quant à leur vocation n’empêche pas les jeunes travailleurs sociaux de se poser des questions. Notamment sur leur rapport au travail. « Notre génération n’est plus aveuglée par l’idée qu’il faut s’acharner pour réussir, estime Louis. On veut faire ce qu’on aime. Moi-même, je me suis toujours promis de faire ce que j’aime car j’ai vu mes parents, employé dans une usine et fonctionnaire, se tuer à la tâche. »

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Suppression de postes d’enseignant : la ministre de l’éducation nationale sous pression avant la discussion du budget au Parlement

La ministre de l’éducation nationale, Anne Genetet, à l’Assemblée nationale, le 16 octobre 2024.

« Le débat parlementaire n’a pas commencé. Il peut encore y avoir des évolutions », a affirmé la ministre de l’éducation nationale, Anne Genetet, dans un entretien à La Tribune Dimanche, le 13 octobre. Son cabinet a martelé ce message aux organisations syndicales, qu’il a reçues mercredi 16 octobre, après leur dépôt d’une « alerte sociale » concernant le projet de budget 2025 pour l’éducation nationale. Les 4 000 suppressions de postes d’enseignant dans le projet de loi de finances provoquent inquiétude et colère dans une école en crise.

L’entourage d’Anne Genetet tente de tempérer et cite l’exemple de Gabriel Attal, qui avait obtenu des créations d’emplois dans le second degré fin 2023, après l’examen du projet de loi de finances, pour soutenir la mise en place de ses « groupes de niveau » au collège, ainsi qu’une baisse du nombre de suppressions de postes dans les écoles primaires.

Faute de réponse sur le volet budgétaire, le cabinet de la ministre a proposé aux représentants syndicaux de relancer l’« agenda social » – les discussions avec les syndicats – autour de plusieurs chantiers : les bas salaires, les progressions de carrière ou encore les conditions de travail, sans dire toutefois comment il arriverait à financer de nouvelles mesures.

Baisser le nombre d’élèves par classe

A la presse, son cabinet a notamment évoqué une revalorisation des bas salaires en novembre, du fait de la transposition de l’augmentation du smic, et une accélération des progressions de salaire en milieu de carrière avec des passages plus rapides au deuxième grade de la grille (la « hors classe »). En la matière, une hausse a déjà été négociée en 2023 et est inscrite au budget 2025. L’entourage d’Anne Genetet a avancé un gain « de 150 à 350 euros net par mois » pour « plus de 100 000 enseignants » d’ici à 2027, sans préciser s’il s’agissait des hausses déjà prévues ou de nouvelles. Aucun chiffre ni objectif n’a cependant été donné aux syndicats, qui ont tous fustigé la communication ministérielle.

L’intersyndicale s’est mise d’accord pour interpeller les parlementaires, exception faite des élus Rassemblement national, sur le budget de l’école. « On ne parle pas le même langage avec le ministère : eux nous disent que les suppressions de postes auraient pu être plus importantes, mais, avec une école en crise et des collègues qui souffrent, ça n’est pas entendable », dénonce plus largement Guislaine David, cosecrétaire générale du SNUipp-FSU.

Anne Genetet se sait attendue au Parlement. Elle a déjà été interpellée sur le budget, lors des questions au gouvernement, mercredi, par la députée socialiste de Seine-Saint-Denis Fatiha Keloua Hachi. La présidente de la commission des affaires sociales et de l’éducation a prévu de déposer des amendements pour revenir sur cette diminution du nombre de professeurs.

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Airbus va supprimer jusqu’à 2 500 postes dans sa division défense et espace

Un Airbus A321 Neo dans l’usine Airbus de Hambourg, dans le nord de l’Allemagne, en octobre 2023.

Si Boeing s’enrhume, Airbus n’est pas non plus à l’abri d’un coup de froid ! L’avionneur européen a annoncé, mercredi 16 octobre, son intention de supprimer jusqu’à 2 500 postes dans sa branche produisant des satellites au sein de son activité défense et espace, qui compte 35 000 salariés. Le groupe présidé par Guillaume Faury a pour objectif de « rationaliser [son] organisation pour améliorer la compétitivité à l’avenir ». Cette restructuration sera menée jusqu’à la mi-2026 en évitant les « mesures contraignantes », c’est-à-dire des licenciements secs, afin de « limiter l’impact » social, a promis l’avionneur.

Airbus, pourtant numéro un mondial des satellites de télécommunication, est affecté depuis quelques années « par un climat d’affaires très difficile et en évolution rapide, avec des ruptures de chaînes d’approvisionnement, des changements dans la conduite des conflits et une pression sur les coûts en raison de contraintes budgétaires », a indiqué Michael Schoellhorn, le directeur général d’Airbus Defence and Space, pour justifier cette réduction d’effectifs.

L’avionneur européen n’est d’ailleurs pas le seul dans cette situation. Thales a lui aussi engagé des réductions d’emplois. Le groupe dirigé par Patrice Caine a annoncé, au printemps, un plan de redéploiement qui prévoit 1 300 suppressions de postes au sein de sa branche spatiale Thales Alenia Space, qu’il détient à 67 % aux côtés de l’italien Leonardo (33 %).

Cette annonce n’a pas surpris les syndicats d’Airbus. « Compte tenu des résultats financiers assez catastrophiques qu’on a eus, on se doutait bien qu’il allait se passer quelque chose de ce genre », a reconnu Hervé Pinard, coordinateur CFDT pour l’ensemble du groupe. Le syndicat veut parer par avance tout durcissement du climat social. « Il faut que ce soit accompagné non seulement socialement pour ceux qui partent mais aussi pour ceux qui restent, pour qu’ils ne se retrouvent pas dans une situation où on va multiplier les burn-out parce que les gens auront une charge de travail qu’ils ne seront pas capables d’assumer », plaide, par avance, la CFDT.

L’émergence des petits satellites

Avec ses 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023, l’activité spatiale ne fait pas le poids face aux 65,4 milliards d’euros réalisés par le groupe essentiellement porté par sa branche aviation commerciale. En revanche, ses pertes pèsent lourd. En 2023, Airbus avait dû déjà inscrire une charge de 600 millions d’euros. En 2024, cette provision a été sensiblement revue à la hausse pour passer à 989 millions d’euros. Plombé par ces nouvelles charges, l’avionneur a vu son bénéfice divisé par deux au premier semestre.

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Airbus va supprimer jusqu’à 2 500 postes dans sa branche défense et espace, en difficulté

 Le logo d’Airbus, affiché au salon international de la défense et de la sécurité terrestres et aéroterrestres Eurosatory, à Villepinte, le 17 juin 2024.

Nouveau signe de la mauvaise passe que traverse l’industrie aérospatiale européenne, Airbus a l’intention de supprimer « d’ici à la mi-2026 » jusqu’à 2 500 postes dans sa branche produisant des satellites, qui leste ses performances financières, a annoncé l’entreprise mercredi 16 octobre.

Citant dans un communiqué la nécessité de s’adapter à « un contexte difficile pour l’activité », le géant industriel européen a dit vouloir « rationaliser [son] organisation pour améliorer la compétitivité à l’avenir ». La division concernée, « Defence and Space » (D&S), compte quelque 35 000 salariés.

Les modalités de ces réductions d’effectifs n’ont pas été précisées dans l’immédiat mais Airbus a dit vouloir éviter des « mesures contraignantes » et promis d’œuvrer à « limiter l’impact » social de cette décision.

« Compte tenu des résultats financiers assez catastrophiques qu’on a eus, on se doutait bien qu’il allait se passer quelque chose de ce genre », a déclaré à l’Agence France-Presse Hervé Pinard, coordinateur CFDT pour l’ensemble du groupe. Pour lui, « il faut que ce soit accompagné non seulement socialement pour ceux qui partent mais aussi pour ceux qui restent, pour qu’ils ne se retrouvent pas dans une situation où on va multiplier les burn-out parce que les gens auront une charge de travail qu’ils ne seront pas capables d’assumer ». La CFDT, pour l’heure, « analyse les données », a expliqué M. Pinard, et « n’est pas encore capable de dire comment [elle] va réagir ».

Le coordinateur adjoint de FO D&S, Jean-Daniel Bloquet, a quant à lui estimé que « la réduction des effectifs ne [pouvait] pas être la principale variable d’ajustement » et a jugé possible « qu’il y ait, à moyen terme, des mesures d’austérité annoncées, si on ne règle pas le problème par les solutions douces qui sont proposées à ce jour ».

Selon le délégué syndical central CFE-CGC D&S, Thierry Préfol, Airbus donnera des détails sur la répartition des mesures par pays et activité le 4 décembre, un délai qui « a un côté anxiogène » pour les salariés, a-t-il regretté, en soulignant l’importance du « jusqu’à » 2 500 suppressions. « Ça ne pourra pas augmenter mais (…) ça peut baisser. On a demandé un engagement qu’il n’y ait pas de licenciements secs. On a eu une forme d’engagement moral [selon lequel], si on arrive à mener à bien les mesures d’économies envisagées, il n’y aura pas de départs contraints », a-t-il ajouté.

« Résoudre les causes racines de ces difficultés »

Numéro un mondial des satellites de télécommunication, Airbus est affecté depuis quelques années « par un climat d’affaires très difficile et en évolution rapide, avec des ruptures de chaînes d’approvisionnement, des changements dans la conduite des conflits et une pression sur les coûts en raison de contraintes budgétaires », a justifié Michael Schoellhorn, le directeur général d’Airbus D&S, cité dans le communiqué.

Thales, un autre poids lourd du secteur, avait déjà annoncé au printemps un plan de redéploiement au sein du groupe de 1 300 postes issus de sa branche spatiale, Thales Alenia Space.

Plombé par de nouvelles charges pour son activité spatiale, Airbus a vu son bénéfice divisé par deux au premier semestre. « Notre performance financière à mi-année reflète principalement les importantes charges liées à nos activités spatiales. Nous nous appliquons à résoudre les causes racines de ces difficultés », avait déclaré le président exécutif, Guillaume Faury, au moment de la publication des résultats, en juillet.

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Le constructeur aéronautique avait déjà prévenu à la fin de juin qu’il devait passer une nouvelle provision d’« environ 900 millions d’euros » au premier semestre, liée au passage en revue des coûts de développement et des perspectives commerciales attendues de certains programmes de satellites de télécommunications et de navigation. Ce montant a finalement été affiné à 989 millions d’euros, à mesure que l’examen programme par programme s’est poursuivi.

En 2023 Airbus avait déjà inscrit une charge de 600 millions d’euros dans ses comptes pour cette même activité spatiale, qui a représenté l’année dernière environ 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur les 65,4 milliards réalisés par le groupe.

« Nous nous attaquons aux causes profondes de ces problèmes par le biais d’un plan de transformation, qui se concentrera notamment sur la mise en œuvre d’une stratégie plus sélective de réponse aux appels d’offres, sur le renforcement de la gouvernance et du contrôle internes, et sur le plan de maîtrise des coûts et de compétitivité », avait déclaré Guillaume Faury en juillet.

Ces réévaluations concernent avant tout les programmes de satellites de télécommunications et de navigation. Le problème tient au fait qu’il s’agit de satellites adaptés au besoin de chaque client et produits en petites quantités, empêchant les gains d’efficacité d’une production en série, explique-t-on chez Airbus.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Airbus revoit ses objectifs de production à la baisse pour 2024

Le Monde avec AFP

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Fonction publique territoriale : les élus locaux défendent les 100 000 postes créés depuis 2010

Gabriel Attal, alors premier ministre, en visite dans une maison France Services, à Sceaux (Hauts-de-Seine), le 23 avril 2024.

La rentrée est décidément pénible pour les élus locaux. Pointés pour leurs dépenses par le gouvernement Attal, début septembre, ils ne décolèrent pas à l’idée de devoir consentir à l’effort de 5 milliards d’euros que le premier ministre, Michel Barnier, attend d’eux en 2025. Entre-temps, la Cour des comptes a ajouté sa touche personnelle en suggérant, dans un rapport publié le 2 octobre, de supprimer 100 000 agents territoriaux.

« On voit bien la séquence, affirme Johan Theuret, directeur général adjoint chargé du pôle ressources à Rennes Métropole et à Ville de Rennes, cofondateur du cercle de réflexion Sens du service public. Un déficit qui dérape, la recherche d’économies et la question des effectifs des collectivités locales arrive dans le débat… Ce n’est pas nouveau. »

La Cour des comptes note que « les dépenses de personnel, qui représentent un quart des dépenses des collectivités, connaissent une croissance soutenue », et considère une « optimisation » possible. Appliquer partout la durée légale du travail et lutter contre l’absentéisme permettraient de faire des économies, disent les magistrats financiers. Avant de sortir une proposition massue : ramener la fonction publique territoriale, qui compte 1,9 million d’agents, à son niveau de 2010. Cela se traduirait par la réduction de 100 000 emplois, soit 5,25 % de l’effectif. Economie escomptée : 4,1 milliards d’euros à partir de 2030.

« Procès facile en incompétence »

Pourquoi 2010 ? Parce que pendant dix ans, entre 2011 et 2021, expose l’institution financière, il n’y a pas eu de nouveau transfert de compétences de l’Etat aux collectivités ; que cela n’a cependant pas empêché les groupements de communes – les intercommunalités, en plein développement – d’employer 112 100 agents de plus (+ 48 %) quand les communes ne faisaient baisser leurs effectifs que de 3 %. Or, la logique était précisément qu’en confiant des missions à leur intercommunalité, les communes réduisent leur personnel.

Derrière la logique comptable, les élus locaux perçoivent une nouvelle manifestation du « mépris » des hauts fonctionnaires de Bercy, qui les considéreraient comme dépensiers et incapables de tenir leur masse salariale. « Je ne dis pas que des efforts ne sont pas possibles, poursuit M. Theuret. Mais c’est surtout un procès facile en incompétence des élus dans la gestion des ressources humaines. »

Maire (divers droite) de Charleville-Mézières, Boris Ravignon se dit également « convaincu » que c’est la défiance des argentiers qui s’exprime. « Même si c’est d’abord de la méconnaissance : les magistrats de la Cour des comptes ne connaissent pas le fonctionnement des collectivités locales », note celui qui vient de se voir confier par la ministre du partenariat avec les territoires, Catherine Vautrin, la mission d’alléger le « millefeuille administratif ». Dans un rapport, remis en mai, M. Ravignon a chiffré à 7,5 milliards d’euros l’enchevêtrement des compétences entre l’Etat et les collectivités.

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