Rétablissement de Notre-Dame : « La charité des grandes firmes n’est pas une absurdité économique »

La nef de Notre-Dame de Paris au lendemain de l’incendie du 15 avril 2019.
La nef de Notre-Dame de Paris au lendemain de l’incendie du 15 avril 2019. POOL / REUTERS
Les chercheuses en management Héloïse Berkowitz et Isabelle Martinez développent que les dons effectués par les entreprises ont au même temps une fonction éthique et une fonction économique.

La rapide bonté financière du secteur privé débarqué au secours de Notre-Dame ouvre un débat sur la nature du contrat social persistant entre les entreprises et la société, et sur le pouvoir de certaines logiques (morales ou économiques) dans l’action des firmes.

L’idée d’implication sociale est présentée au milieu du XXe siècle, parallèlement au développement de la « grande entreprise ». Cette notion fait référence à la fois à des objectifs extra-financiers, et aux engagements morales de l’entreprise vis-à-vis de la société, notamment celle d’assurer son bien-être. C’est dans cette perspective qu’il convient de situer les actuelles discussions sur « le rôle social de l’entreprise » invoqué par la loi Pacte et la polémique sur les dons pour la rétablissement de la cathédrale.

L’ardeur des donateurs est-il le signe d’une authentique prise en compte de cette responsabilité sociale, ou un effet d’aubaine ? Cet incident n’est-il pas in fine aussi, voire surtout, une pertinence économique ?

Intentions philanthropiques et altruistes

Dès le début, le fort et rapide appel des donateurs peut se développer par des motivations charitables et altruistes. Selon le moine bouddhiste Matthieu Ricard, l’altruisme suppose d’accorder de la valeur à l’autre et d’être intéressé par sa situation, sans pour autant que cela exige un sacrifice (Plaidoyer pour l’altruisme, Nil, 2013). L’exemple de Notre-Dame recouvre ces deux dimensions : l’élan de solidarité de la part des entreprises certifie de leur volonté de préserver un bien commun, sans risquer de mettre en péril leur viabilité financière. En comparaison avec des catastrophes environnementales ou humanitaires, c’est bien parce que Notre-Dame a une valeur forte aux yeux des donateurs que son feu a suscité un tel émoi et un tel altruisme.

Les entreprises peuvent s’attendre à des effets positifs pour leur image, surtout dans la vision des JO de Paris

Pour faire taire toute amphibologie sur la possible diminution des sommes versées, certains ont d’emblée destiné qu’ils renonçaient à celle-ci. D’autres entreprises ont avisé privilégier, non pas le don financier, mais le don du temps de leurs salariés dit « mécénat de compétences ». Pour autant, l’exonération ne signifierait pas une absence pure et simple de dépense. Les régimes de diminution sont nombreux et complexes, mais dans ce cadre précis, les dons, même défiscalisés, augmenteraient en réalité les paies de l’entreprise. Il y a donc bien une forme de générosité.

Reconstruction de Notre-Dame : « L’altruisme des grandes entreprises n’est pas une aberration économique »

Dans une tribune au « Monde », les chercheuses en management Héloïse Berkowitz et Isabelle Martinez expliquent que les dons faits par les entreprises ont à la fois une fonction éthique et une fonction économique.

Publié aujourd’hui à 11h23, mis à jour à 11h49 Temps de Lecture 3 min.

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Pendant l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, lundi 15 avril 2019.
Pendant l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, lundi 15 avril 2019. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH POLITICS POUR « LE MONDE »

Tribune. La prompte générosité financière du secteur privé venu au secours de Notre-Dame ouvre un débat sur la nature du contrat social existant entre les entreprises et la société, et sur la prédominance de certaines logiques (morales ou économiques) dans l’action des firmes.

La notion de responsabilité sociale est apparue au milieu du XXe siècle, parallèlement au développement de la « grande entreprise ». Cette notion fait référence à la fois à des objectifs extra-financiers, et aux obligations morales de l’entreprise vis-à-vis de la société, notamment celle d’assurer son bien-être. C’est dans cette perspective qu’il convient de situer les actuelles discussions sur « le rôle social de l’entreprise » évoqué par la loi Pacte et la controverse sur les dons pour la reconstruction de la cathédrale.

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L’empressement des donateurs est-il le signe d’une véritable prise en compte de cette responsabilité sociale, ou un effet d’aubaine ? Cet incident n’est-il pas in fine aussi, voire surtout, une opportunité économique ?

Motivations philanthropiques et altruistes

A première vue, la forte et rapide mobilisation des donateurs peut s’expliquer par des motivations philanthropiques et altruistes. Selon le moine bouddhiste Matthieu Ricard, l’altruisme suppose d’accorder de la valeur à l’autre et d’être concerné par sa situation, sans pour autant que cela exige un sacrifice (Plaidoyer pour l’altruisme, Nil, 2013). L’exemple de Notre-Dame recouvre ces deux dimensions : l’élan de solidarité de la part des entreprises témoigne de leur volonté de préserver un bien commun, sans risquer de mettre en péril leur viabilité financière. En comparaison avec des catastrophes environnementales ou humanitaires, c’est bien parce que Notre-Dame possède une valeur forte aux yeux des donateurs que son incendie a suscité un tel émoi et un tel altruisme.

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Les firmes peuvent s’attendre à des effets positifs pour leur image, surtout dans la perspective des JO de Paris

Pour faire taire toute ambiguïté sur la possible défiscalisation des sommes versées, certains ont d’emblée promis qu’ils renonçaient à celle-ci. D’autres entreprises ont annoncé privilégier, non pas le don financier, mais le don du temps de leurs salariés dit « mécénat de compétences ». Pour autant, la défiscalisation ne signifierait pas une absence pure et simple de dépense. Les régimes de défiscalisation sont nombreux et complexes, mais dans ce cadre précis, les dons, même défiscalisés, augmenteraient en réalité les dépenses de l’entreprise. Il y a donc bien une forme de générosité.

Les Allemands de l’ouest

Une usine de charbon, derrière les habitations de Gelsenkirchen, en septembre 2018. La ville est la lanterne rouge de l’Allemagne en matière de pauvreté.
Une usine de charbon, derrière les habitations de Gelsenkirchen, en septembre 2018. La ville est la lanterne rouge de l’Allemagne en matière de pauvreté. Thilo Schmuelgen / REUTERS

Alors que la rémunération moyenne ait augmenté en Allemagne en dix ans, les écarts se sont creusés sur le territoire.

Ce sont deux études régulières, qui lèvent un panorama édifiant des différences entre territoires en Allemagne. Si le revenu net moyen a entièrement augmenté ces dix dernières années outre-Rhin, toutes les régions n’en ont pas bénéficié de la même façon. Dans certains cantons de Bavière, on est quelquefois plus riche qu’au Luxembourg, tandis que d’autres régions se classent au niveau de la moyenne italienne. Et, contrairement à la carte généralement présentée, ce n’est pas dans l’ex-RDA que vivent les Allemands les plus pauvres, mais à l’ouest, surtout dans l’ancien cœur de l’industrie lourde du pays, la Ruhr.

Les deux études, présentées au mois d’avril – l’une de la fondation Bertelsmann sur la pauvreté en Allemagne, l’autre de la fondation Hans-Böckler, proche des syndicats – sur les différences de revenus dans le pays finissent à la même conclusion : c’est la ville de Gelsenkirchen, port fluvial du bassin de la Ruhr, qui est la lanterne rouge du pays en matière de dénuement, bien qu’elle se situe en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dont le PIB est le plus élevé d’Allemagne – 691 milliards d’euros. A Gelsenkirchen, la rétribution net moyen (après impôts, prélèvements obligatoires et transferts sociaux) est de 16 203 euros par personne et par an, soit moins de la moitié de ce que touche un Bavarois vivant près du lac de Starnberg, au sud de Munich, qui peut compter sur presque 35 000 euros net par an.

Clôture des mines et déclin de l’acier

Cependant, les régions de l’est de l’Allemagne, dans leur totalité, demeure moins riches que le reste de la République fédérale, même trente ans après la chute du mur de Berlin, restituent les chercheurs de la fondation Hans-Böckler, qui ont analysé les données de 401 circonscriptions allemandes. Uniquement 6 des 77 circonscriptions et villes de l’est affichent un revenu net par tête supérieur à 20 000 euros par an, contre 284 des 324 circonscriptions de l’ouest. Malgré tout, la propension est à l’assemblage, accentuent les deux études.

A l’ouest, par contre, les grandes villes de la Ruhr forment des îlots qui ont accumulé les facteurs de déclassement ces dernières années, avec la fermeture des mines et le déclin de l’acier. « La hausse de la pauvreté dans la Ruhr s’explique surtout par la transformation structurel, qui n’est pas encore surmonté », explique Henrik Riedel, auteur de l’étude Bertelsmann sur la pauvreté en Allemagne. La dernière houillère de la région, à Bottrop, a clôturé en décembre 2018. « Les mines et les industries lourdes offraient des emplois aux personnes à faible qualification. Après le déclin de ces secteurs, il a été pénible de reclasser les gens, beaucoup sont au chômage aujourd’hui », explique au Monde Markus Töns, député social-démocrate au Bundestag pour la circonscription de Gelsenkirchen, où le taux de chômage domine à 12,5 % (contre 4,9 % en moyenne nationale).

Des contributions Urssaf intensifiées pour ceux qui emploient des gardes d’enfants

Quelque 100 000 particuliers vont avoir une mauvaise surprise le 29 mai : leur compte en banque sera ponctionné deux fois, au lieu d’une.
Quelque 100 000 particuliers vont avoir une mauvaise surprise le 29 mai : leur compte en banque sera ponctionné deux fois, au lieu d’une. FABRICE POINCELET / Onoky / Phototononstop

Le compte bancaire de particuliers employant des gardes d’enfant à domicile et faisant appel à Pajemploi sera prélevé deux fois, en mai et en juin.

Quelque 100 000 personnels qui font appel à Pajemploi, un service des Urssaf qui calcule et prélève leurs cotisations sociales, vont avoir une mauvaise surprise le 29 mai : leur compte en banque sera prélevé deux fois, au lieu d’une. Pajemploi prélèvera en effet conjointement les cotisations sociales de mars et celles de mai. Ces particuliers qui, en moyenne, paient 200 euros de cotisations sociales chaque mois, se verront donc enlever 400 euros. Rebelote le 29 juin : ils seront enlevés deux fois, pour avril et juin.

Maintenant, ces employeurs paient le salaire net de leur garde d’enfant en fin de mois. Ils le déclarent peu après, et espèrent d’être prélevés du montant des contributions par Pajemploi, ce qui se produit avec un décalage de deux mois. Les cotisations déclarées le 31 janvier ont par exemple été enlevées le 28 mars. Cela va changer à partir de juillet : les prélèvements de cotisations auront lieu deux jours après la déclaration, qui devra être effectuée entre le 25 du mois de la période d’emploi et le 5 du mois suivant.

Transformation de calendrier

Pajemploi a, le 29 avril, délégué un courriel aux personnes concernées, pour les informer de ce changement de calendrier. Celles qui n’y ont pas fait attention risquent de se retrouver « dans le rouge », à la banque. Les autres pourront solliciter un échelonnement de leurs rétributions, afin d’éviter tout aperçu, explique le service de presse de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss). Un nouveau courriel, qui sera envoyé le 20 mai, leur octroiera l’adresse e-mail auprès de laquelle réclamer. Le service de presse précise :

« Il n’est pas possible de faire un mois blanc, comme l’a fait la direction générale des finances publiques pour l’impôt à la source, car les contributions sociales viennent alimenter les droits individuels des salariés [et] ne pas prélever de cotisations pour un mois donné reviendrait à ne pas générer de droit à la retraite ou à l’assurance-maladie pour le salarié pendant cette période. »

Cette transformation de calendrier est liée au changement de la gestion du « complément de libre choix du mode de garde ». Cette aide, expérimentée par la caisse d’allocations familiales, sous conditions de ressources, vient, pour une majorité d’employeurs (plus de 800 000), balancer une partie de la rémunération de leur assistante maternelle agréée, dix ou quinze jours après leur déclaration. La réforme admettra de réduire à une semaine la période pendant laquelle ils font l’avance du salaire.

L’appoint de libre choix du mode de garde vient aussi compenser tout ou partie des cotisations de ceux qui ont une garde à domicile ; cette rétablissement est totale pour une majorité de personnes, et partielle pour les autres ; ce sont celles qui paient un reste à charge (100 000 environ), qui seront intéressées par la mutation de calendrier.

 

« Rien ne peut justifier que l’on meure en travaillant»

Patrick Ackermann, délégué syndical SUD, le 9 mai.
Patrick Ackermann, délégué syndical SUD, le 9 mai. ERWAN FAGES

Le mandaté syndical SUD qui a posé la première plainte en 2009, l’inspectrice du travail qui a fait un signalement au parquet en 2010, et le chef du cabinet responsable du rapport sur les conditions de travail ont témoigné, jeudi.

Patrick Ackermann est la cote numéro un du dossier d’instruction France Télécom qui en compte des milliers. Le 14 septembre 2009, ce délégué SUD-PTT signe la plainte posée auprès du parquet de Paris contre la direction de l’entreprise ; elle résilie « des méthodes de gestion d’une extraordinaire brutalité pour exciter et empresser le départ d’un grand nombre d’agents ».

Dix ans ont passé et la ardeur de la « cote numéro un » est exceptée. « J’étais un salarié comme un autre, raconte-t-il. Je n’avais pas le bac. J’ai fait un concours et je suis entré à France Télécom en 1987. Cette entreprise a permis à abondamment de gens qui, comme moi, venaient de province, de prendre l’ascenseur social. »

De France Télécom, Patrick Ackermann a connu toutes les changements : le passage de l’administration publique à la société anonyme en 1996, suivi de la première grosse vague de départs qui a vu 40 000 agents abandonner l’entreprise dans les dix ans qui ont suivi, notamment par le biais des congés de fin de carrière (CFC), financés pour partie sur fonds publics, puis la restructuration à marche forcée lancée en 2005 par le plan « Next » et son volet social, le plan « Act ».

« Vous êtes des aliens, messieurs ! »

« Il y avait une blague à l’époque, qui était ajustée de la série Les Envahisseurs. On disait qu’on était dirigé par des aliens. » Patrick Ackermann se tourne vers le banc où sont assis les sept avertis, dont l’ancien PDG Didier Lombard, son numéro deux Louis-Pierre Wenes, et l’ancien directeur des ressources humaines du groupe Olivier Barberot : « Vous êtes des aliens, messieurs ! »

Tout au long de la déchéance de M. Ackermann, la présidente Cécile Louis-Loyant lui rappelle que c’est au tribunal qu’il doit s’adresser. En vain. C’est à la brochette d’anciens dirigeants que le syndicaliste veut dire sa colère.

Colère contre « le déni » qu’ils ont manifesté. « Les syndicats, les délégués des CHSCT [comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail] étaient anxieux et le disaient. Tout le monde connaissait ce qui se passait à France Télécom, sauf la direction ! »

Colère encore lorsqu’il évoque les appels qu’il passait aux conjoints de ceux qui s’étaient suicidés. « Ils nous attachaient au nez parce qu’on était France Télécom ! On a accusé SUD d’avoir mis le feu. Mais on a été des pompiers durant des années. On a fait notre boulot. Moi je vous ai téléphoné. Et vous, vous avez fait quoi ? Rien ! »

 

« Il faudrait bénéficier des modifications en cours dans les entreprises pour sécuriser les informations comptables »

« La vocation des commissaires aux comptes  n’est pas d’apporter comme les experts-comptables une assistance ou un conseil, mais de contrôler et informer sur la qualité des informations qu’ils transmettent à leurs partenaires »
« La vocation des commissaires aux comptes  n’est pas d’apporter comme les experts-comptables une assistance ou un conseil, mais de contrôler et informer sur la qualité des informations qu’ils transmettent à leurs partenaires » Ade Akinrujomu/Ikon Images / Photononstop
La maîtresse de conférences en sciences de gestion montre que la vérité des comptes est le principal moyen pour percevoir la confiance des salariés.

La loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la changement des entreprises) optée définitivement le 11 avril a permis des avancées remarquables sur le plan social. Citons le renforcement de la reproduction des salariés dans les conseils d’administration, le comble des retraites chapeaux ou la communication de ratios d’équité sur les écarts de rétributions entre dirigeants et salariés. Malgré cela, ces mesures prometteuses ont laissé de côté un sujet de première importance pour défendre une gouvernance partenariale des entreprises : la garantie de clarté et de crédibilité des données comptables.

Quel est l’enjeu ? Prenons l’exemple d’une entreprise en pénurie ou confrontée à des mutations importantes, qui fait état de résultats financiers catastrophiques avant d’annoncer une réduction d’effectif. Les recherches que nous avons menées avec Marie-Anne Verdier, exposent qu’il est très probable que ses dirigeants aient minimisé délibérément ces résultats, voire créé faussement une perte – ce que font beaucoup de sociétés cotées – afin d’exciter un choc et mieux faire passer la pilule des suppressions de postes. « Les dirigeants gèrent-ils les résultats comptables avant d’annoncer une réduction d’effectifs ? Le cas des entreprises françaises cotées », (Revue Comptabilité – Contrôle – Audit 2016/3 (Tome 22), Marie-Anne Verdier et Jennifer Boutant).

Cette utilisation des comptes, moralement douteuse, est tout à fait légale et même assez simple. Il suffit de gonfler les postes de dépréciations et provisions, qui résultent d’appréciations opérées à la mesure des équipes dirigeantes. Les salariés et le grand public n’ont aucun moyen de limiter si ces charges annoncées correspondent ou non à des dépenses effectives dans l’année. Ils entendent le message qu’on souhaite leur faire passer : les résultats de l’entreprise sont mauvais ou tourmentés. Il faut résister. L’acceptation des suppressions de postes en est, dans une certaine mesure, facilitée.

Les manipulations comptables

Ces utilisations comptables sont spécialement redoutables car elles encouragent mécaniquement, l’année suivante, un rebond qui valide a posteriori l’intérêt des réductions d’effectifs. En effet, une fois les abandons de postes effectuées, rien de plus simple, que de rétablir dans les résultats les dévalorisations et provisions qui aussitôt n’ont plus lieu d’être, et d’octroyer le profit qui apparaît ainsi à une sage gestion.

L’accord final entre direction et syndicats à France Télévision

La présidente du groupe France Télévisions, Delphine Ernotte, à Paris, en août 2018.
La présidente du groupe France Télévisions, Delphine Ernotte, à Paris, en août 2018. BERTRAND GUAY / AFP
France Télévisions entretient l’art du rebondissement. Dans les séries que le groupe audiovisuel public propage, mais aussi dans le domaine… du dialogue social. Jeudi 9 mai, la direction et une masse des syndicats – entre lesquels la CGT, première disposition avec 40,6 % des voix – ont signé un texte qui admet de sortir de l’impasse après l’échec, fin avril, des discussions sur la recomposition des effectifs.

Un ravissement pour Delphine Ernotte, la présidente du groupe public, à la veille d’un conseil d’administration où elle réaffirmera sa détermination de changer France Télévisions, confrontée à la concurrence des plates-formes comme Netflix et aux impératifs d’économies de l’Etat (entre 350 millions et 400 millions d’euros de moins d’ici à 2022). « Cet accord, indispensable au déploiement du projet d’entreprise de France Télévisions, fait la preuve, une nouvelle fois, de l’importance du dialogue social au sein de notre entreprise et de la promesse de tous au service de l’avenir de la télévision publique », a-t-elle déclaré dans un communiqué.

La CGT avait refusé de participer aux premières discussions sur ce qu’elle qualifiait de « plan destructeur »

Cet accord-cadre, lié de deux annexes, fixe à la fois la méthode et rappelle les objectifs accompagnants le plan de départs volontaires que Mme Ernotte souhaite mettre en œuvre d’ici à 2022 sous forme d’une rupture conventionnelle collective, avec un objectif de 900 suppressions de postes (2 000 départs et 1 100 embauches).

L’accord de la CGT est d’autant plus sérieux qu’elle avait refusé de participer aux premières discussions sur ce qu’elle qualifiait de « plan destructeur ». Une fois l’échec acté, la direction s’était troublée dans le silence, se contentant d’une déclaration laconique, dans lequel elle se affirmait « favorable à une poursuite des échanges ».

En coulisse, Mme Ernotte et deux proches collaborateurs, Stéphane Sitbon-Gomez, directeur du changement, et Arnaud Lesaunier, directeur général délégué des ressources humaines, ont repris langue avec tous les syndicats. La patronne de France Télévisions a « été hyperprésente », relève une source syndicale, ce qui a participé à l’avancée des discussions.

Rafraîchir la pyramide des âges

La direction a pris en compte à la fois le résultat réussi depuis janvier au cours de ses contestations avec la CFDT, FO et le SNJ, qui montrent respectivement 23,5 %, 19,6 % et 15,9 % des voix, et les requêtes de la CGT. L’accord intègre en particulier la demande de cette dernière, lors du dernier comité social et économique central des 17 et 18 avril, d’ajouter au processus un volet GPEC (gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences).

Cela acceptera de permuter par projet et de faire le point sur les besoins en ressources humaines de l’entreprise, soucieuse de rajeunir sa pyramide des âges (la moyenne actuelle est de 50 ans) et de faire entrer des profils plus tournés vers le numérique, en tenant compte de la réalité du terrain.

Cette concession de la part de la direction lui permet de faire revenir dans le jeu la CGT, acteur incontournable à France Télévisions. « Cela redonne du grain à moudre », déclare-t-on à la tête du groupe public. Direction et syndicats ont aussi couché sur le papier leur trouble au sujet de l’objectif de 900 abandons de postes. « En avançant projet par projet, nous montrerons à la direction que ce n’est pas possible », mentionne Pierre Mouchel, délégué syndical central CGT, qui enregistre aussi la prise en compte de « la qualité de vie au travail ».

L’accord recense les six grands projets de Delphine Ernotte jusqu’en 2022 : l’affermissement de l’information nationale, la décentralisation des antennes (avec notamment le rapprochement entre France 3 et France Bleu), la production de contenus pour le pôle outre-mer, qui a subi la suppression programmée en programmation linéaire de France Ô, la fabrication de « contenus innovants en lien avec l’activité numérique », l’évolution des fonctions support et le renforcement de l’innovation technologique. La direction s’est engagée à investir dans le numérique près de 120 millions d’euros qui n’étaient pas prévus dans la trajectoire budgétaire. « Le texte consacre également le principe de l’expérimentation », déclare-t-on à France Télévisions.

Eric Vial, secrétaire général de FO Médias, s’est réjoui d’avoir « trouvé une majorité pour sortir par le haut ». Son inquiétude était de se voir exiger des départs contraints. A France Télévisions, on aime aussi les fins bienheureuses. Avant, peut-être, le prochain coup de théâtre…

 

 

Les employés mobilisés pour la grève et à protester partout dans l’Hexagone

Une grève des personnels de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, le 15 avril, à la Pitié-Salpétrière.
Une grève des personnels de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, le 15 avril, à la Pitié-Salpétrière. KENZO TRIBOUILLARD / AFP
Près de cent cinquante manifestations sont attendues jeudi pour se révolter contre le projet de loi sur le statut des agents de la fonction publique, exposé à l’Assemblée à partir du 13 mai.

Un appel unitaire qui pourrait n’être « qu’une étape » : les fonctionnaires sont appelés à faire la grève et à protester partout en France, jeudi 9 mai, contre le projet de loi censé « moderniser » leur statut, qui se présentera à l’Assemblée nationale à compter du 13 mai.

C’est la quatrième journée nationale d’action dans la fonction publique depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, après celles du 10 octobre 2017 et des 22 mars et 22 mai 2018. Mais « c’est la première fois que le gouvernement se retrouve confronté à toutes les organisations syndicales qui rejettent un projet de loi », déclare Mireille Stivala (CGT), rappelant une « situation inédite ».

Les syndicats de la fonction publique (CGT, CFDT, FO, FSU, Solidaires, UNSA, FA-FP, CFE-CGC, CFTC) révoquent une réforme à « la portée très grave », tant pour les agents que pour l’avenir des services publics. En inverse, le gouvernement a exposé son texte, qui facilite particulièrement le recours aux contractuels, comme une nécessité pour rendre l’administration « plus attractive et plus réactive » face aux « nouvelles attentes » des Français.

Appel dans la durée

Les syndicats ont d’ores et déjà annoncé que la journée de jeudi ne serait « qu’une étape » d’une mobilisation « dans la durée » pour « dire non » à ce projet de loi présenté en conseil des ministres le 27 mars et solliciter au gouvernement qu’il « ouvre enfin des discussions sur de nouvelles bases ».

Près de 150 manifestations sont attendues dans toute la France, selon les syndicats. A Paris, le cortège s’élancera à 14 heures de la place Denfert-Rochereau, à destination des Invalides. « Des appels à révéler ont été lancés dans de nombreux secteurs, bien au-delà de la fonction publique », qui rassemble quelque 5,5 millions d’agents dans ses trois versants (Etat, hospitalière, territoriale), a dit à l’AFP Baptiste Talbot, secrétaire général de la fédération CGT des services publics.

Ils intéressent la chimie et le commerce, mais aussi les cheminots ainsi que les retraités, qui manifesteront aux côtés des enseignants, des soignants, des douaniers, des agents des finances publiques ou encore des fonctionnaires territoriaux, pour défendre leurs missions et des services publics de qualité.

Chez les enseignants, le ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer a dit tabler sur une grève d’« une certaine importance », prévoyant un taux de manifestant « d’environ 15 % » dans le primaire, « moins » dans le secondaire.

Une « forte mobilisation est attendue dans les établissements hospitaliers », a déclaré à l’AFP Patrick Bourdillon de la CGT santé/action sociale, qui a placé un préavis de grève national reconductible « spécifique aux urgences et aux Samu ». Depuis des semaines, des mouvements de grève essaiment aux urgences, notamment celles de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) mais aussi de Nantes, Strasbourg et Lyon, où les soignants réclament plus de moyens pour faire face à l’accumulation des services. « On a atteint un point de non-retour », a déclaré M. Bourdillon, dénonçant des services « en train d’exploser ».

« Passage en force »

Sur le projet de loi, les syndicats examinent « un passage en force » du gouvernement, qu’ils attaquent de vouloir une fonction publique placée sur les règles du privé, au détriment du statut de fonctionnaire et de l’indépendance des agents. Bernadette Groison (FSU) s’exprime  « désaccord profond avec l’orientation choisie par le gouvernement sur l’avenir de la fonction publique » et Gaëlle Martinez (Solidaires) d’un texte « qui fait l’unanimité contre lui ».

A la CFDT, Mylène Jacquot déclare « l’élargissement du recours au contrat » comme un « vrai désaccord » or qu’à FO, Christian Grolier révoque la surdité d’un « gouvernement anti-fonctionnaires » et que Luc Farré (UNSA) voit dans le texte une « boîte à outils » pour « privatiser à terme la fonction publique ».

Le projet de loi sera présent à l’Assemblée nationale à compter de lundi 13 mai en première lecture. Le gouvernement désire le faire choisir avant l’été pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2020. Le projet de loi s’inscrit dans un objectif de cession de 120 000 postes de fonctionnaires d’ici à 2022.

Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a qualifié d’« atteignable » cet objectif le 26 avril, alors qu’Emmanuel Macron s’était dit la veille prêt à « l’abandonner », sollicitant au gouvernement « son analyse d’ici à l’été ».

 

 

Siemens veut se focaliser sur les technologies digitales et de robotisation de la production

Le patron de Siemens, Joe Kaeser, lors d’une conférence de presse, à Munich, en janvier 2018.
Le patron de Siemens, Joe Kaeser, lors d’une conférence de presse, à Munich, en janvier 2018. Michael Dalder / REUTERS

Le géant allemand veut se focaliser sur les technologies digitales et de robotisation de la production.

Une grande turbine, formée d’une forêt de pales de distinctes tailles, et, au milieu, frottant le tout, un ouvrier en casque blanc siglé du logo vert : c’est la photo habituellement utilisée pour illustrer le géant industriel allemand Siemens. Cette image sera bientôt écartée dans les livres d’histoire. Siemens a déclaré, mardi 7 mai, son projet de mettre en Bourse son département énergie et gaz, l’un des plus traditionnels du groupe, pour se centrer vers les activités de technologies numériques liées à l’industrie.

Par cette conclusion, confirmée par le conseil de surveillance du groupe, mardi soir, Siemens met fin aux rumeurs et aux demandes sur l’avenir du département énergie, en pénurie depuis plusieurs années, en particulier dans la production de turbines à gaz et à vapeur. Le secteur sera mis en Bourse en septembre 2020 au plus tard, spécifie le communiqué. Pour le rendre plus attrayant, Siemens lui adjoindra les 59 % du capital qu’il détient dans la coentreprise germano-espagnole Siemens Gamesa, leader mondial de l’éolien, créée en 2017.

La nouvelle entreprise sera un géant mondial de l’énergie : elle débarrassera 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an, avec 80 000 salariés, et des activités recouvrant l’ensemble de la chaîne de valeur – de la production à la distribution d’énergie. Siemens demeurera un actionnaire de référence dans le nouvel ensemble, avec une collaboration d’un peu moins de 50 % au départ.

380 000 travailleurs

Cette mise en Bourse est une nouvelle escale dans le grand réaménagement du groupe industriel allemand attirée à l’été 2018 par Joe Kaeser. Le patron du groupe défend depuis considérablement l’idée d’une « flottille » d’activités, autonomes sans être indépendantes, contre la structure traditionnelle en conglomérat, aussitôt jugée trop lente et bureaucratique et moins attrayante pour les actionnaires. Ce principe sonne la fin de la solidarité financière traditionnelle entre départements et favorise le modèle de la holding. Le mouvement touche tous les grands groupes allemands traditionnels : ThyssenKrupp, Continental et Volkswagen ont opéré des scissions et des mises en Bourse de leurs activités, en 2018.

Le chef du groupe défend depuis un bon moment l’idée d’une « flottille » d’activités, autonomes sans être indépendantes, contre la structure traditionnelle en conglomérat

Chez Siemens, qui compte 380 000 employés, et incarnait le conglomérat par excellence, cette évolution est notamment spectaculaire. Si le groupe a régulièrement adapté son portefeuille d’activités tout au long de son histoire, les démembrements partiels ou totaux se sont précipités ces dernières années : outre la fusion dans l’éolien avec Gamesa, Siemens a placé en Bourse son département de technique médicale Healthineers, fleuron du groupe, à la fin de 2018, et tenté une fusion de ses activités ferroviaires avec le français Alstom, définitivement rejetée par la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, au début de février. En 2013, Siemens s’était séparé de son département de technique d’éclairage, Osram, dans lequel il ne dispose plus aucune participation.

Le patronat et la discussion sur les retraites complémentaires

Les organisations d’employeurs présentent d’amplifier le champ des personnes qui ne seraient pas souples à un malus, au sein de l’Agirc-Arrco.

En ces temps de colère sociale, le patronat est prêt à faire de – menues – présents au sujet des caisses de retraites complémentaires du secteur privé (Agirc-Arrco). Escomptés dans une discussion avec les syndicats sur le pilotage du régime, il vient de transmettre un projet d’accord qui comporte des dispositions allant dans ce sens. Ce document de neuf pages, doit être observé vendredi 10 mai, à l’occasion d’une rencontre intégrale entre les partenaires sociaux qui pourrait être conclusive.

Il prédit d’agrandir les catégories de personnes qui ne sont pas soumises à un malus – aussi appelé « coefficient de solidarité » ou « décote » –, quand elles règlent leur retraite. Ainsi, la liste des adjudicataires de cette « exonération » s’allongerait, en incluant aussitôt les chômeurs en fin de droit, les personnes en incapacité, ainsi que celles ayant perçu l’allocation adulte handicapé (AAH) ou qui se sont vu avouer une incapacité permanente d’au moins 20 %, à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Encourager les personnes à travailler plus longtemps

Pour attraper l’importance de cette mesure, il faut affermir trois ans et demi en arrière. Fin octobre 2015, les ordonnances d’employeurs et trois confédérations de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC) signent un accord pour sortir du rouge les comptes très humiliés de l’Agirc et de l’Arrco. L’une des dispositions prises prévoit un système d’abattements et de bonifications, afin d’inciter les personnes à travailler plus longtemps. Ainsi, sauf exception, celui qui part à la retraite dès l’instant où il a droit au taux plein dans le régime de base (par exemple 62 ans pour un individu né en 1957 qui a cotisé 41,5 ans) a le choix entre trois scénarios : soit il cesse d’œuvrer, mais sa pension supplémentaire est alors diminuée de 10 % pendant trois ans ; soit il reste en poste jusqu’à 63 ans, ce qui lui permet de ne pas subir des sanctions financières ; soit il soutiens son activité au-delà de 63 ans, auquel cas sa pension Agirc-Arrco est élevée.

« Un tabou est tombé », se complimente alors Claude Tendil, le chef de file de la délégation patronale, qui s’est battu bec et ongles pour réussir la cooptation d’un tel agencement. Le Medef et ses alliés sollicitent, en effet, un report de l’âge minimum à partir duquel on peut liquider sa pension (pour le porter de 62 ans à 63 ans, voire davantage). Le malus engendré à l’Agirc-Arrco exauce partiellement leurs vœux, puisqu’il est de nature à modifier les comportements : si les assurés souhaitent échapper à la décote, ils doivent se maintenir en activité au-delà de 62 ans. A l’époque, la CGT et FO dénient d’entériner cette réforme, estimant qu’elle porte atteinte à l’âge légal de départ à la retraite. Les trois syndicats signataires, eux, s’y rassemblent, mais à contrecœur.