Grève à Air Canada : le mouvement massif tourne à l’affrontement avec le gouvernement fédéral

Des personnels navigants d’Air Canada brandissent des pancartes lors de la grève générale pour réclamer de meilleures rémunérations, à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal le 16 août 2025.

Quelques heures après le déclenchement de la grève des quelque 10 000 hôtesses et stewards d’Air Canada, qui a bloqué des centaines de vols depuis vendredi 15 août, le gouvernement fédéral a ordonné samedi 16 août la reprise du travail au nom de la « paix industrielle » et pour « protéger les intérêts du Canada ». La ministre de l’emploi, Patty Hajdu, a déclenché l’utilisation de l’article 107 du code canadien du travail pour forcer un retour au service et éviter un blocage durable du trafic au cœur de l’été. « Ce n’est pas le moment de prendre des risques avec l’économie », a-t-elle martelé en conférence de presse.

Concrètement, elle saisit le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), qui va encadrer la reprise des opérations. Le litige est confié à un arbitre indépendant. Sa décision finale sera contraignante pour Air Canada comme pour le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente le personnel de cabine.

Mme Hajdu présente cette voie comme « la plus stable » pour clore un conflit aux lourdes retombées pour les passagers et les chaînes logistiques. Selon la ministre, plus de 40 % des envois de biens critiques — produits pharmaceutiques et tissus humains, notamment — transitent par Air Canada. D’après les chiffres de la société spécialisée Cirium, citée par l’agence Associated Press, Air Canada a annulé, du fait de la grève, 199 vols vendredi, 671 samedi et prévoyait encore de suspendre 96 vols dimanche 17 août. Cette vague d’annulations a affecté entre 100 000 et 130 000 passagers affectés, dont quelque 25 000 bloqués à l’étranger.

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Télétravail : « Pour le patronat français, la vie personnelle doit être assujettie aux exigences de l’entreprise »

Une petite musique venue des Etats-Unis s’est glissée dans les couloirs des entreprises françaises : « Fin du télétravail, cohésion de groupe, productivité. » Mais ce refrain ne convainc pas les télétravailleurs, qui y opposent leur droit de veto. En octobre 2024, Ubisoft, éditeur de jeux vidéo, a connu la première grève de sa jeune histoire. Près d’un quart des effectifs [entre 700 et 1 000 salariés sur les 4 000 que compte l’entreprise en France] s’est mobilisé pour protester contre le retour forcé au bureau.

Le 3 juillet, c’est la Société générale qui a dû faire face à l’opération « Tous sur site ! », menée par l’intersyndicale CFDT-CFTC-CGT. Initiative qui a conduit à la saturation des locaux. Illustration par l’absurde des contradictions patronales. Les télétravailleurs étaient invités à rejoindre, en nombre, le site de la Défense, dans les Hauts-Seine, incapable d’accueillir 100 % des effectifs. En cause : la réduction des espaces de travail et du loyer, obtenue… grâce au télétravail. De fait, depuis la crise sanitaire, les salariés ont adopté le télétravail pour mieux articuler temps de vie professionnelle et personnelle. Plus exactement : adapter le temps de vie professionnelle au profit de la vie personnelle. Une logique que les directions d’entreprise n’avaient pas prévue et qu’elles rejettent largement.

Le patronat français reste fidèle à une culture d’entreprise dans laquelle la vie personnelle doit être assujettie aux exigences de l’entreprise, et non l’inverse. En novembre 2023, malgré presque quatorze mois de négociations, le Medef, via Business Europe [un lobby qui représente les associations patronales], a ruiné l’espoir d’obtenir une directive européenne sur le télétravail et le droit à la déconnexion. Le texte européen, pourtant soutenu par les employeurs du secteur public, contenait plusieurs avancées majeures, dont la négociation collective avec les syndicats, la garantie du droit à la déconnexion et l’évaluation des risques liés au télétravail.

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Le taux de chômage stable à 7,5 % au deuxième trimestre, selon l’Insee

Dans une agence France Travail de Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), en avril 2024.

Le taux de chômage en France s’établit à 7,5 % au deuxième trimestre 2025, a rapporté, vendredi 8 août, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), qui a aussi révisé, de 7,4 % à 7,5 %, le taux du premier trimestre.

Le taux de chômage reste donc « stable », selon l’Insee, qui précise que le nombre de chômeurs – au sens du Bureau international du travail (BIT) – augmente de 29 000 sur le trimestre, à 2,4 millions de personnes. Le taux de chômage de la population active française demeure ainsi « légèrement supérieur » à son point le plus bas depuis 1982, de 7,1 %, et inférieur de 3 points à son pic de la mi-2015.

Ce taux ne prend en compte que les chômeurs qui recherchent du travail et sont immédiatement disponibles sur le marché du travail. Il est calculé sur la base d’une enquête et ses résultats diffèrent des statistiques sur les demandeurs d’emploi inscrits à France Travail.

Le taux de chômage des jeunes à 19 %

Au deuxième trimestre, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans diminue de 0,2 point par rapport au premier trimestre, mais reste élevé, à 19 %, et en augmentation de 1,2 point sur un an. Le taux de chômage des seniors de 50 ans et plus reste stable sur le trimestre à 4,8 % et inférieur de 0,2 point par rapport au deuxième trimestre 2024. Celui des 25-49 ans augmente de 0,2 point sur le trimestre et de 0,3 point sur un an à 6,9 %.

Le taux de chômage des femmes est « quasi stable » (− 0,1 point), à 7,3 %, tandis que celui des hommes augmente de 0,2 point, à 7,7 %.

Le halo autour du chômage, constitué des personnes qui souhaitent un emploi mais n’en recherchent pas ou ne sont pas immédiatement disponibles, atteint 1,9 million de personnes, soit 4,4 % de la population des 15-64 ans. Il augmente légèrement sur le trimestre, de 21 000 personnes, mais diminue de 51 000 personnes sur un an.

Enfin, le taux d’emploi continue de progresser, quoique très légèrement, au deuxième trimestre, atteignant 69,6 %, son plus haut historique depuis que l’Insee a commencé à le mesurer en 1975. Il est 0,5 point au-dessus de son niveau du deuxième trimestre 2024.

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Le Monde avec AFP

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« Comment puis-je aller mieux au travail si je ne sais pas que je vais mal ? »

« Ça va ? »

– « Ça va. »

Cette question/réponse ponctue les journées de travail, codifiées, où le paraître et le prétendre s’étirent en sourires au passage de la ou du « Chief Happiness Officer », manageur du bonheur dans les organisations. Car oui, la vie organisationnelle est un écosystème social où chacun joue sa partition, incarne un rôle, son rôle.

Au jeu des convenances sociales, il faut montrer son enthousiasme et sa fiabilité, sa loyauté et son engagement au travail. Faire bonne figure, cacher sa triste mine. Montrer qu’on est un sujet équilibré qui ne se laisse jamais déborder par ses émotions, suggérer un état d’ataraxie, cette « absence de troubles » décrite dès l’Antiquité grecque où les émotions et passions s’effacent derrière la quiétude, la sérénité.

Sans se superposer parfaitement avec l’équanimité (l’égalité d’âme, le détachement et l’affectivité calme) et l’euthymie (l’équilibre de l’humeur), elle en partage certains aspects, comme la constance ou encore le fait de ne pas se laisser submerger par les émotions. Dans la mythologie, d’ailleurs, Poséidon, le dieu de la mer, personnifie le monde des émotions. Métaphoriquement, l’ataraxie suppose dès lors de garder la tête hors de l’eau, hors du flot des émotions. De façon anecdotique, l’antihistaminique sédatif Atarax, aux propriétés anxiolytiques modérées et prescrit dans certains cas d’anxiété légère, tire justement son nom de l’ataraxie.

Un contrat social défaillant

Le documentaire The Happy Worker or How Work was Sabotaged (Le fabuleux monde de l’entreprise, ou quand le travail perd son sens, John Webster, 2022) expose certains rouages de la mécanique organisationnelle. Il soulève plusieurs points, notamment celui d’un contrat social défaillant (« tu restes assis ici et racontes des absurdités et je reste ici en silence sans t’écouter en vérifiant ma messagerie électronique ») et d’une perception sociale biaisée (« si tout le monde est heureux, souriant, va bien… pourquoi ne suis-je pas suffisamment capable ? »). Celui du non-sens aussi, émergeant des injonctions et disjonctions quotidiennes, où même en l’absence d’une culture activement toxique, le mal-être guette.

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Chômage : une dégradation limitée derrière une baisse en trompe-l’œil

Une agence France Travail, à Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), le 23 avril 2024.

Derrière la baisse, il y a, en réalité, un mouvement à la hausse qui se prolonge, à un rythme limité. D’infinies précautions doivent être prises pour analyser l’évolution des effectifs de demandeurs d’emploi : ceux qui n’exercent aucune activité ont vu leur nombre diminuer de 5,7 % au deuxième trimestre par rapport aux trois premiers mois de l’année, se situant désormais à 3,21 millions sur l’ensemble du territoire, selon une publication diffusée, mardi 29 juillet, par le ministère du travail et par l’opérateur France Travail. Mais des changements de règles intervenus depuis début janvier perturbent la construction des chiffres. Si on neutralise leurs effets, la courbe continue son ascension : + 0,2 % de début avril à fin juin, après + 0,8 % au premier trimestre.

Les statistiques sur le marché du travail n’ont jamais été simples à commenter. Elles le sont encore moins avec l’entrée en vigueur (en plusieurs étapes) de la loi pour le plein-emploi de décembre 2023. Le texte apporte plusieurs modifications. D’abord, trois catégories supplémentaires sont systématiquement enregistrées, depuis le 1er janvier, à France Travail : les bénéficiaires du revenu de solidarité active, les jeunes en quête d’un poste qui sont suivis par les missions locales, les personnes handicapées bénéficiant d’un accompagnement du service public de l’emploi.

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Une plateforme pour dénoncer les mauvaises conditions de travail des saisonniers

Dans un restaurant de Carantec (Finistère), le 24 mai 2022.

« Cinquante-quatre heures de travail en huit jours (hors saison), aucun relevé d’heures, une gérante constamment sur mon dos » dans un restaurant corse ; « Le patron m’a remercié pour embaucher son neveu et son copain à ma place sans m’avoir déclaré » dans un restaurant dans l’Hérault ; « Des propos sexistes et misogynes » dans une exploitation de champagne…

Voici les avis que l’on peut lire sur le site Staff-Advisor. Au nom inspiré de l’application touristique TripAdvisor, cette jeune plateforme s’est donné une ambitieuse mission : briser le silence sur les conditions de travail des saisonniers, et donner aux travailleurs et aux employeurs des repères concrets.

« En 2019, j’ai vécu une saison catastrophique dans le Var, tant sur le plan du logement, que de la nourriture… J’ai décidé de partir, et je me suis mis à la place d’un jeune qui viendrait de l’autre bout de la France et serait coincé dans un job comme ça, raconte Christophe Coconas, maître d’hôtel depuis vingt-cinq ans et cofondateur de Staff-Advisor. Ce n’est pas normal que les patrons se passent nos CV, mais que nous ne puissions pas savoir quel patron éviter. » Après avoir connu un succès avec 10 000 utilisateurs et 700 avis, la plateforme s’est arrêtée au moment de la pandémie de Covid-19, avant de renaître en 2025. Pour le moment, on y découvre seulement une soixantaine d’avis, illustration de la difficulté à s’exprimer sur ces sujets.

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SFR : les syndicats alertent le gouvernement sur des suppressions massives d’emplois en cas de démantèlement de l’opérateur

Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, à l’hôtel de Matignon, à Paris, le 8 avril 2025.

Olivier Lelong ne cache pas son amertume. « Dans tous les articles sur un rachat de SFR, ce qui importe, c’est le devenir des clients ou le prix des abonnements, déplore le délégué syndical central CFDT de l’opérateur au carré rouge. Par contre, l’avenir des salariés, personne n’en a rien à faire. Il y a pourtant des milliers de personnes qui risquent de perdre leur emploi. »

Alors que le secteur envisage aujourd’hui une vente de SFR, propriété du groupe Altice France de Patrick Drahi, ses concurrents directs (Orange, Bouygues Telecom et Free) y voient l’occasion de consolider le secteur, avec l’ambition de revenir à trois opérateurs pour doper leurs revenus. Mais comme, en raison des règles de concurrence, personne ne peut racheter seul le numéro deux français des télécoms, tous discutent, depuis des semaines, d’un partage de ses actifs, notamment de ses 25 millions de clients, avec l’espoir d’arriver à un terrain d’entente pour envoyer une lettre d’intention d’achat à M. Drahi.

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Derrière les agendas Oxford, la situation ubuesque des salariés licenciés de la papeterie Lecas Industries

Dans le rayon de fournitures scolaires d’un supermarché avec, dans les mains, un cahier Oxford.

C’est la saison des agendas scolaires dans les supermarchés. Lecas Industries, usine de soixante-huit salariés à Nersac (Charente), fabriquait jusqu’en 2024 ceux des marques Oxford et L’Etudiant, ou siglés Harry Potter et Naruto, commercialisés par le groupe Hamelin, l’un des leaders européens de la papeterie implanté à Caen – il est derrière les cahiers Conquérant. Intégrée au groupe, l’entreprise Lecas Industries est redevenue une filiale en 2021, Hamelin restant son client quasi unique. L’arrêt de ses commandes, en septembre 2024, a signé la fermeture de la société.

Dix mois plus tard, ses salariés sont en ce milieu d’été dans une situation ubuesque : licenciés, leur plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) suspendu, sans revenus. « Si ça continue, je vais devoir vendre ma maison, je ne peux plus rembourser mon emprunt », témoigne l’un d’eux (les salariés s’expriment sous le couvert de l’anonymat). « Je puise dans mes économies, mais ça commence à être critique », confie un autre. Ils doivent tenir une assemblée générale, lundi 28 juillet.

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Les ruptures conventionnelles dans le viseur du gouvernement

Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre chargée du travail, à Paris, le 16 juillet 2025.

Le gouvernement veut réguler une forme de divorce jugée très coûteuse pour la collectivité : les ruptures conventionnelles. La procédure, qui offre la possibilité à un patron et à son salarié de mettre un terme à leur relation d’un commun accord, est très utilisée – un peu trop, même, aux yeux du pouvoir en place : des dévoiements se produisent, selon lui, et finissent par peser sur les finances de l’assurance-chômage. C’est pourquoi il demande aux syndicats et au patronat de revisiter le dispositif dans le cadre de la négociation sur le régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi, annoncée le 15 juillet.

Créée en 2008, la rupture conventionnelle a rencontré un succès grandissant dans les entreprises. En 2024, quelque 515 000 contrats à durée indéterminée ont pris fin ainsi (soit environ 200 000 de plus en une décennie). Le mécanisme est très apprécié du fait de sa simplicité et des garanties qu’il apporte : homologation du compromis entre les deux parties par l’administration, absence – presque totale – de contestations devant les prud’hommes, versement d’une indemnité au salarié qui, de surcroît, est éligible à l’allocation-chômage…

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Pernod Ricard veut supprimer 17 % des effectifs de son siège

Un bar à Marseille, le 5 septembre 2024.

Pernod Ricard veut réduire ses effectifs. Un projet de restructuration a été annoncé mi-juin. Depuis, les salariés du numéro deux mondial des spiritueux découvrent l’ampleur de la purge au gré des annonces dans les filiales respectives. Le siège du groupe, implanté à côté de la gare Saint-Lazare, à Paris, n’est pas épargné. Il devrait perdre près de 17 % de ses effectifs, selon les informations communiquées en interne. Soit près de 140 suppressions de postes sur un nombre de salariés estimé, selon les données du rapport annuel du groupe, à 821. Ces départs, qui toucheraient essentiellement des cadres, devraient se faire sur la base du volontariat, après négociation.

Bousculé par un reflux de ses ventes, en particulier en Chine et aux Etats-Unis, Pernod Ricard avait dévoilé, mi-juin, un projet de réorganisation baptisé « Tomorrow 2 ». L’objectif est de regrouper l’ensemble de ses marques en deux divisions dénommées respectivement « Gold » et « Crystal ». La première chapeauterait tous les alcools nécessitant un vieillissement, comme le cognac Martell, le whisky irlandais Jameson, et les autres whiskys comme Chivas Regal ou Ballantine’s, mais aussi les champagnes comme Perrier-Jouët. Quant à la seconde, elle rassemblerait les alcools sans vieillissement à l’instar de la vodka Absolut, du gin Beefeater, du rhum Havana Club sans oublier les fameux apéritifs Lillet, Pastis 51 et Ricard.

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