« En l’Europe, l’équité, l’environnement et le droit doivent l’emporter sur la loi du marché »
La décision autiste de Ford concernant l’avenir de son établissement industriel de Blanquefort, près de Bordeaux [le constructeur a annoncé jeudi 13 décembre l’arrêt de la production sur ce site en août 2019, écartant l’offre de reprise de l’entreprise belge Punch Powerglide soutenue par l’Etat], remet sur le devant de la scène la question des relations entre les grandes entreprises et les Etats : qui commande ? Pour sa part, la société civile répond clairement : aux Etats de faire respecter les valeurs qui fondent la souveraineté de nos sociétés démocratiques et ce d’autant plus qu’elles ne cessent de s’engager dans des traités internationaux qu’elles sont censées faire respecter, comme les conventions de l’Organisation internationale du travail, les principes de l’OCDE, la charte des Nations unies sur les droits de l’homme, etc.
Dans le cas de Ford, aucune justification ne pourra légitimer le refus d’une continuation d’activité qui conserve un maximum d’emplois
Les opinions publiques ressentent aujourd’hui comme un déni de démocratie l’impuissance des pouvoirs publics à utiliser un arsenal juridique désormais très complet pour faire valoir la primauté du politique sur l’économique. Il est d’autant plus étonnant que le Conseil constitutionnel ait décidé, en 2017, de censurer la loi sur le devoir de vigilance des multinationales, qui prévoyait d’infliger une amende aux firmes qui ne respecteraient pas leur obligation de prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales. L’application extraterritoriale de ces principes est pourtant plus que jamais nécessaire à l’époque de la mondialisation.
Dans le cas de Ford, aucune justification ne pourra légitimer le refus d’une continuation d’activité qui conserve un maximum d’emplois, ne serait-ce qu’au regard des principes directeurs de l’OCDE signés par plus de quarante pays et qui imposent aux entreprises de « coopérer avec les partenaires sociaux et les autorités nationales compétentes pour atténuer au maximum tout effet défavorable » aux salariés. Ce point s’inscrit dans le cadre de « la conduite responsable des affaires » que les Etats développés et les grandes entreprises revendiquent aujourd’hui, mais dont elles se gardent encore d’appliquer rigoureusement les modalités, prenant le risque d’enlever toute crédibilité à ces approches de « régulation douce » et ouvrant la porte aux mesures coercitives à contre-courant d’une « globalisation civilisée » à laquelle on voudrait croire.