Le Parlement veut restituer de l’ordre dans l’accès en soirée des commerces alimentaires

Maintenant considérée au Sénat, la loi Pacte pourrait octroyer aux enseignes de concession alimentaire la possibilité d’employer du personnel dans les magasins au-delà de 21 heures, sans avoir à amoindrir au travail de nuit

Pouvoir pousser son chariot dans les allées de son hypermarché après 21 heures, en rentrant du travail ? Ce sera peut-être bientôt une réalité. Simultanément étudiée au Sénat, avant un dernier passage à l’Assemblée nationale courant avril, la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la modification des entreprises) ne va pas seulement raccourcir la durée de la période des soldes de six à quatre semaines.

Elle admettra aussi, probablement, aux enseignes de distribution alimentaire d’ouvrir, en toute légalité, leurs portes en début de soirée. Une disposition du projet de loi leur donne, sous conditions, la conjoncture d’employer du personnel dans les magasins au-delà de 21 heures, sans avoir à recourir au travail de nuit, rarement autorisé dans le secteur.

Une telle exception serait plus utile pour des commerces de proximité dans les grandes villes que pour des grandes surfaces dans les territoires ruraux et ce, afin d’être sur un pied d’égalité avec des acteurs tels qu’Amazon ou Uber Eats. Chez Monoprix, on recense plus de 1,6 million de Parisiens qui, chaque année, accomplissent leurs achats en soirée, avec plus de 5 millions de passages en caisse.

Cela contient des enjeux financiers, mais aussi sociétaux, selon Yohann Petiot, directeur général de l’Alliance du commerce, qui représente 26 000 points de vente. Il enregistre « une vraie demande à Paris, comme dans d’autres grandes villes de France, en raison des changements de rythme de vie et d’un fractionnement des achats alimentaires ». Or aujourd’hui, pour contourner une réglementation très stricte sur le sujet, des supérettes ouvertes sans interruption 24 heures sur 24, avec des caisses automatiques et des vigiles pour garantir la sécurité, ont commencé à voir le jour.

42 000 salariés concernés

De ce fait, un filtrage de la législation devenait urgente. « Ce n’est pas une fois que les magasins 24 heures sur 24 se seront démultipliés qu’il faudra songer à sauver l’emploi », poursuit M. Petiot. Il précise que 42 000 salariés sont intéressés par le travail en soirée dans le commerce alimentaire dans l’Hexagone mais que, par contre, « il n’y a pas de demande des autres secteurs. L’alimentaire est très spécifique par sa récurrence d’achat, que l’on ne retrouve pas dans l’habillement, par exemple ».

Mené dans le projet de loi par des modifications au Sénat, ce toilettage de la législation du travail en soirée dans les commerces alimentaires a été réformé à l’Assemblée nationale sur ses contreparties sociales. Le texte doit encore être opté en dernière lecture par les deux Chambres.

Xavier Bertrand recommande de prévoir l’âge de la retraite à 65 ans d’ici à 2032

Le président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, le 2 février 2018.
Le président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, le 2 février 2018. ÉRIC PIERMONT / AFP
« Au gouvernement, on sait bien qu’il faudra œuvrer plus abondamment, mais il y a un verrou à l’Elysée pour ne pas agréer cette évidence », a assuré l’ancien ministre.

Il faut avoir le « courage » de refluer l’âge légal de départ à la retraite, a affirmé dimanche 31 mars Xavier Bertrand à l’intention d’Emmanuel Macron. « Le président de la République est intimidé sur cette question (…), il y a une sorte de tabou », a évalué l’ancien ministre, auteur d’une réforme des retraites, dans l’émission « Le grand rendez-vous » d’Europe 1/Les Echos/CNews.

Le premier ministre, avait assuré le 20 mars que le gouvernement n’avait pas le projet de reculer l’âge de départ à la retraite (62 ans), tout en se disant ouvert à l’idée de « travailler plus longtemps » pour financer la prise en charge de la dépendance par la Sécurité sociale. La ministre des solidarités, Agnès Buzyn, avait dit auparavant ne pas être « hostile » à reculer l’âge de la retraite.

Pour Xavier Bertrand, « on peut apporter des solutions, mais il faut dire la vérité et il faut du courage ». Le président de la région des Hauts-de-France préconise de porter d’ici à 2032 l’âge de la retraite à 65 ans, à raison d’un accroissement de la durée de « deux ou trois mois par an » à partir de 2020.

Les professions les plus dures physiquement ne seraient pas intéressées, a-t-il ajouté, appelant à « trouver la réponse à ce scandale français qui fait qu’entre un ouvrier et un cadre supérieur, il y a sept ans de différence d’espérance de vie » en défaveur du premier.

« Au gouvernement, on sait bien qu’il faudra travailler plus longtemps, mais il y a un verrou à l’Elysée pour ne pas accepter cette évidence », a pareillement assuré Xavier Bertrand dans une interview au Journal du dimanche. « Ne pas reculer l’âge de départ à la retraite, c’est mentir aux Français », a-t-il affirmé.

Comment briser avec l’idée que « tout se joue à l’école »

« Même si cette fonction de sélection est exprimée aujourd’hui de manière plus égalitaire – l’école doit aider chacun à identifier ses propres talents –, une vision finalement très figée des capacités a subsisté. »
« Même si cette fonction de sélection est exprimée aujourd’hui de manière plus égalitaire – l’école doit aider chacun à identifier ses propres talents –, une vision finalement très figée des capacités a subsisté. » Fotosearch / Photononstop

Son Thierry Ly

Chercheur et entrepreneur, cofondateur de la plate-forme Didask

Spécialiste de l’éducation, Son Thierry Ly montre que le retour en formation des salariés ne sera réel que s’ils brisent avec l’esprit de signification éduqué par le système éducatif.

L’Aménagement de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié au mois de février un rapport classant la France dans le dernier tiers des pays développés pour le but de son système de formation continue (« Getting Skills Right : Future-Ready Adult Learning Systems », voir lien PDF). Cette initiative a été peu médiatisée. Et pourtant… Au même titre que les fameux rapports PISA concernant l’école, il devrait interpeler l’opinion publique dans un contexte d’évolutions technologiques rapides et de renforcement progressif de la durée de vie professionnelle.

Comment agir ? Une réforme de l’organisation de notre système vient d’être adoptée ; les décrets sont en train de paraître. Désormais, les entreprises vont devoir proposer habituellement des formations à l’ensemble de leur personnel et pas seulement à une petite minorité. A partir de l’automne prochain, des applis devraient aussi permettre aux salariés de trouver plus aisément les cursus adaptés à leurs besoins.

Mais il reste un angle mort : l’envie de se former en continu n’a rien d’une vérité dans un pays où est généralement répandue l’idée que « tout se joue à l’école ».

Cet état d’esprit est lié à l’histoire même de notre école monarchiste, fondée à la chute de l’Ancien Régime afin de partager les positions sociales non plus en raison de la naissance, mais du mérite et des talents de chaque individu : ce fut à l’école que revint la mission d’évaluer les capacités afin d’assimiler ceux qui encaissaient d’appartenir à l’élite.

Des effets délétères

Même si cette fonction de sélection est exposée actuellement de manière plus égalitaire – l’école doit aider chacun à identifier ses propres talents –, une vision finalement très figée des capacités a subsisté. Comme si l’école n’était pas là pour que je devienne bon en mathématiques, mais avant tout, pour m’aider à découvrir si, oui ou non, je suis fait pour les mathématiques…

Examiner les capacités comme prédéfinies, fixées une fois pour tout, a des effets délétères. Lorsque je commets une erreur, dans un tel contexte, celle-ci n’est pas une source d’apprentissage, mais un révélateur de mon niveau intrinsèque. Chaque occasion d’apprendre est vécue comme une évaluation… que je risque fort de fuir une fois devenu adulte. Soit parce que je suis sorti du système scolaire sur un échec, et la formation continue risque de consolider l’image déjà très négative que j’ai de mes capacités. Soit parce que j’ai été au contraire bon élève, et que je renâcle à devoir prouver à nouveau ma valeur, avec le risque de voir remis en cause mon statut ou mon expertise. La motivation à se former en cours de carrière n’augmentera pas sans agir sur cet état d’esprit.

 

« Le bureau est transformé le lieu de l’interruption éternelle »

« une étude démontre une augmentation de 56 % des courriers électroniques et une utilisation des messages instantanés en hausse de 67 % après la refonte de l’espace de travail en open space. »
« une étude démontre une augmentation de 56 % des courriers électroniques et une utilisation des messages instantanés en hausse de 67 % après la refonte de l’espace de travail en open space. » RAINER BERG / Westend61 / Photononstop

 « Open space », bureaux nomades, des longs meetings, la vie « moderne » dans les bureaux est transformée facteur de diminution de rendement, poussant les salariés à se réfugier chez eux, observe Jean-Denis Garo, spécialiste du marketing technologique.

Le bureau est-il le lieu de tous les maux ? Le sujet revient fréquemment depuis la fin des années 1980, mais les transformations technologiques, intégrées à ce que l’on nomme à présent la « digital workplace », le travail digitalisé, ont ravivé le débat. Le lieu de travail n’est effectivement plus unique : domicile, transport, tiers lieux (espace de coworking, plateaux ouverts (open space), bureau nomade (hot desking) ou bureau fermé, le travail se fragmente en autant de lieux, en autant d’espaces distincts…

L’enquête Webtorials (Workplace Productivity and Communications Technology Report 2017) nous apprend que les entreprises françaises égarent en moyenne 9 000 euros par salarié chaque année, du fait d’une collaboration et d’une communication inopérante. Entre réunions, perturbations dans l’open space, sollicitations et notifications diverses, le bureau est devenu le lieu de l’interruption permanente.

L’exercice de la réunion est assez comparable à un huis clos chiffré où chacun doit jouer son rôle sans manquer. Si les séminaires et les manuels fleurissent sur le moyen de rendre une réunion plus efficace, la rentabilité de ces dernières est souvent remise en question. Selon le baromètre annuel IFOP-Wisembly (« Les réunions et leur impact sur l’engagement des collaborateurs », 2018), les cadres passent vingt-sept jours par an en réunion, un chiffre en accroissement constante.

L’e-mail, unique moyen de transmettre

Le nombre de réunions hebdomadaires étant corrélé au salaire et au niveau de responsabilité, un cadre gagnant plus de 75 000 euros brut par an assiste à 6,7 rattachements par semaine. Alors que les cadres des grandes entreprises admettent que dans 46 % des cas, l’e-mail reste le seul et unique moyen pour transmettre les informations stratégiques sur le long terme.

Continuellement selon la même étude, la durée de réunion, qui s’allonge en proportion de la taille de l’entreprise, est doucement en baisse et serait de soixante-neuf minutes en moyenne. Les réunions sont donc un élément de disruption fort, dont la productivité est questionnée ; pourtant, elles ne sont qu’une apparence du problème.

Le concept d’open space n’est pas nouveau : Eberhard et Wolfgang Schnelle, deux consultants allemands, ont conceptualisé le « bureau paysager » dans les années 1950, avant qu’il ne soit choisi aux Etats-Unis et popularisé en Europe au cours des années 1980. Les objectifs initiaux sont simples : densifier l’occupation et diminuer les charges de l’entreprise.

Le secteur de l’IA face à une carence de main-d’œuvre

SEVERIN MILLET

Chanceux les jeunes diplômés qui maîtrisent les énigmes de l’IA, car les entreprises viendront à eux. « C’est à nous, employeurs, de convaincre les plus qualifiés d’entre eux de nous rejoindre », déclare Romain Lerallut, directeur de la recherche et développement de la société française de reciblage publicitaire sur Internet Criteo. Ce n’est pas donné à tous les personnes.

Avec l’enthousiasme actuel pour cette branche, la cote des professionnels a éclaté. La création, en France, de laboratoires par des géants internationaux tels que Facebook a encore avivé la lutte entre entreprises pour captiver ces talents rares.

Le 21 février dernier, Microsoft a officialisé l’ouverture, à Paris, d’un centre mondial de développement dévolu à l’IA accueillant une centaine d’ingénieurs. En 2018, IBM a annoncé vouloir réaliser 400 embauches dans cette branche en France. Samsung a ouvert un centre d’innovation au cœur de Paris destiné à accueillir une centaine de spécialistes, et Facebook a promis un investissement de 10 millions dans son laboratoire parisien d’ici à 2022…

Pour avoir les meilleurs profils, ces géants de la tech ont attaché des liens forts avec la recherche, à l’image de Google, qui a pris part à l’ouvrage d’une chaire d’IA à Polytechnique. « On a des partenariats avec les écoles pour permettre à des étudiants de travailler sur des projets », déclare pareillement Nicolas Sekkaki, le président d’IBM France. Les étudiants n’ont parfois même pas fini leur cursus quand ils incorporent ces sociétés en stage ou pour y finir leur thèse. « Les chercheurs qui publient beaucoup sont les plus courtisés par les GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon], avec des offres de salaires qu’eux seuls peuvent formuler », mentionne Romain Fouache, directeur des opérations de Dataiku – une start-up française qui a pourtant réalisé, en décembre 2018, une levée de fonds de plus de 100 millions de dollars (89 millions d’euros).

Compétition truquée au niveau des revenus

Tous les acteurs font l’acte d’une compétition dissimulée au niveau des revenus. « Dès qu’un grand groupe veut monter une grosse équipe, il lui suffit de gonfler de 20 % les propositions salariales », observe Fred Raynal, PDG de Quarkslab, une société spécialisée en cybersécurité. « Ils ont importé le modèle de rétribution de la Silicon Valley, avec des stock-options ou des actions gratuites », ajoute Romain Lerallut.

Les zones périphériques, un terrain d’établissement d’emplois industriels

 Après 40 ans de désindustrialisation poursuit, les premiers signes de relance de l’activité se font sentir. Une récente carte de la production industrielle se dessine.

Durant les quatre dernières décennies, l’espace industriel a enregistré, en France, une érosion continue. Alors que l’industrie embauchait 6 millions de personnes en 1975 et était le premier servant d’emplois du pays, elle en occupait 3,3 millions en 2014, soit 12,5 % du total. Le secteur industriel est désormais dans le quatrième rang, derrière le public, le tertiaire résidentiel (à destination des ménages) et le tertiaire productif (à destination des entreprises). Néanmoins, depuis 2015, les premiers signes d’une réindustrialisation se font sentir. En 2017, le solde entre le nombre d’ouvertures et de fermetures d’usines a été positif pour la première fois depuis 2008 (+ 28 en 2017, + 18 en 2018), l’industrie a recréé de l’emploi et le résultat industriel a augmenté.

 

 

La situation industrielle française a connu, dans le même temps, une vraie recomposition. Même si le nord et l’est de la France, incluant Ile-de-France, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes, accumulent toujours une part essentiel de l’emploi industriel (61 %), celle-ci s’est clairement amoindrie (73 % en 1975). L’industrie est actuellement répartie de manière plus homogène qu’elle ne l’était dans les années 1970.

Une évolution importante

Synthèse géographique mais aussi recomposition spatiale. Les petits pôles urbains sont les territoires où l’industrie pèse le plus strictement, même s’ils ne représentent que 7,1 % de l’ensemble des emplois industriels sur le plan national : 20,5 % de l’emploi total, contre 16,4 % dans les pôles moyens et 10,5 % dans les grands pôles. La part des emplois industriels touche 18,4 % dans les espaces à dominante rurale, contre 11,5 % sur le reste du territoire. Les espaces périurbains, eux, accueillent aujourd’hui près du quart des emplois industriels, alors qu’ils ne focalisent que moins d’un cinquième de l’emploi total.

 

De ce fait s’est produite, au cours des dernières décennies, une modification majeure, note l’Observatoire des territoires du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) dans un exposé de novembre 2018, « L’industrie dans les territoires français : après l’érosion, quel rebond ? » : l’industrie s’est déconcentrée des grandes aires urbaines vers le reste du territoire. En quarante ans, leur part dans l’emploi industriel est passée de 84,2 % à 78,6 %, ce qui reste élevé, mais indique que le périurbain constitue un potentiel vivier d’emplois industriels, pour peu que l’Etat se donne les moyens de conduire et de forcer son développement.

La ministre du travail agrandit une autre fois l’accès aux emplois francs

« Tout en annonçant l’extension du dispositif, la ministre du travail a invoqué en creux sa méconnaissance par les parties prenantes pour expliquer ce résultat en demi-teinte. »
« Tout en annonçant l’extension du dispositif, la ministre du travail a invoqué en creux sa méconnaissance par les parties prenantes pour expliquer ce résultat en demi-teinte. » ERIC GAILLARD / REUTERS

Muriel Pénicaud a éclairci l’extension des emplois francs. Entraîné sous le quinquennat Hollande, le mécanisme conçu pour supporter l’embauche des habitants des quartiers sensibles a été réformé sous la présidence Macron. Mais le bilan reste modeste avec 4 500 contrats terminés depuis un an.

Tout en diminuant la voilure au niveau des conventions aidées, le gouvernement mise gros sur les emplois francs. La ministre du travail, a raconté le 21 mars l’extension de ce dispositif destiné à lutter contre le chômage dans les zones sensibles.

Essayée depuis un an en région parisienne et dans certains quartiers prioritaires de Lille, Marseille et Angers, ce soutient financier versée aux patrons qui embauchent des habitants de quartiers prioritaires concernera dès avril l’ensemble des demandeurs d’emploi issus des quartiers dits « politique de la ville » (QPV) d Île-de-France, ainsi que d’autres régions (Hauts-de-France, Ardennes, Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Maine-et-Loire, Vaucluse et départements d’outre-mer).

Tout en enseignant sa montée en charge, la ministre du travail a fait valoir la réussite du dispositif. Au 10 mars 2019, un peu plus de 4 500 personnes ont été recrutées en « emplois francs » (4 sur 5 en contrat à durée indéterminée), selon les chiffres du ministère. « C’est dix fois plus que sous le précédent quinquennat », s’est complimentée Muriel Pénicaud, citée par Le Parisien.

Sous la présidence Hollande, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait aussi joué sur les emplois francs pour lutter contre le chômage dans les quartiers sensibles, où le taux est presque 3 fois plus élevé qu’en moyenne nationale. Les résultats n’avaient pas suivi : moins de 300 contrats de ce type ont été finis entre 2013 et 2015.

De Hollande à Macron

Ce qui n’a pas désorienté Macron de reprendre l’idée dans son programme, mais dans une version agrandie (étendue à tous les demandeurs d’emploi des quartiers sensibles, aux associations, aux CDD de longue durée…) et en augmentant le montant de l’aide annuelle pour la rendre plus incitative : elle s’élève sitôt à 2 500 euros pendant deux ans pour un employeur qui recrute un demandeur d’emploi issu d’un quartier QPV en CDD d’au moins six mois, et 5 000 euros pendant trois ans pour un CDI (montant proratisé en fonction du temps de travail hebdomadaire du salarié).

Arjowiggins Papiers Couchés classé en liquidation judiciaire, des centaines salariées inquiétés dans la Sarthe

Devant l’usine Arjowiggins de Bessé-sur-Braye, le 27 mars.
Devant l’usine Arjowiggins de Bessé-sur-Braye, le 27 mars. JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
L’avocat des travailleurs prévoit que voir plusieurs emplois menacés dans une même zone géographique est « inédit ».

Le tribunal de commerce de Nanterre a exprimé vendredi 29 mars la liquidation judiciaire d’Arjowiggins Papiers Couchés et l’abandon partielle d’une autre usine, ce qui menace 800 travailleurs pour ces deux sites de la Sarthe, a annoncé à l’Agence France-Presse (AFP) l’avocat des salariés, Thomas Hollande.

Les sites affectés sont ceux de Bessé-sur-Braye (Sarthe), qui emploie 580 personnes, et du Bourray, près du Mans (270 emplois). « C’est une catastrophe pour le département de la Sarthe », a-t-il assuré, faisant part de sa « colère » vis-à-vis de l’État.

« Il y a 800 travailleurs touchés directement, sans établir les emplois indirects. Il y a eu des ventes qui ont affecté autant de salariés, mais autant dans un même département et une même zone géographique, c’est vraiment inédit. »

Pour Bessé-sur-Braye, « c’est la liquidation judiciaire sans poursuite d’activité », a étalé l’avocat. Pour le site du Bourray, à Saint-Mars-la-Brière, près du Mans, « c’est une cession partielle (…) avec le licenciement de plus de 150 salariés », a additionné Me Hollande. Quant à la troisième société de Greenfield, à Château-Thierry (Aisne, 75 salariés), elle est totalement reprise.

 « C’est plié »

« La première réaction, c’est la colère face à l’Etat, à la BPI (Banque publique d’investissement, ndlr) et aux gouvernants du groupe, qui sont imputés de cette situation alors qu’il y avait un projet de reprise viable présenté et qu’ils ont refusé de le financer intégralement », a estimé Me Hollande.

Abraham Philippe, messager CGT à Bessé-sur-Braye, a raconté à l’AFP : « Notre directeur (de site) a pris la parole ce matin. Il n’y a pas d’issue, pas d’investisseur privé, c’est fini. On s’y attendait, mais là, c’est cuit. C’est plié, plus personne n’y croit. »

« On se rejoint, on est tous ensemble. Je pense qu’on va bloquer l’usine pour préserver les machines, l’outil de travail et le stock. Y a plus qu’à chercher du boulot… »

« C’est un issue rude pour le territoire (…). Malheureusement, les financements privés nécessaires pour équilibrer l’offre n’ont pu être réunis », a répercuté le ministère de l’économie dans un communiqué.

Les trois usines, qui appartenaient au groupe Sequana, ont été placées en redressement judiciaire le 8 janvier. Bpifrance est actionnaire de Sequana à hauteur de 15,4 % du capital et dispose 17,2 % des droits de vote.

 

La mode des « boutiques dans le magasin » pour séduir de nouveau les clients

La Fnac et Nature & Découvertes négocient un partenariat avec une prise de participation.

C’est la récente marotte de la grande attribution, qui tente par tous les moyens à faire regagner les clients dans ses magasins. Après avoir fait pénétrer la restauration dans les commerces, place au « shop in shop », des espaces parfois importants de marques situés à l’intérieur d’un autre magasin. « C’est le commerce de demain », garantit, convaincu, Antoine Lemarchand, le patron de Nature & Découvertes. Face à la rivalité des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et à des clients habitués à repérer en magasin les produits qui les charment avant de les acheter moins cher sur une plate-forme du Web, la seule solution est de « produire des articles exclusifs, et d’adopter une enseigne pour faire du “shop in shop” ».

La Fnac, les Galeries Lafayette, Cdiscount ou Amazon, tous l’ont approché. Son privilège est allé à la Fnac, dont il pourrait aussi assimiler le site de vente en ligne. « Nous sommes en train de négocier un partenariat commercial adossé à une entrée au capital. Mais rien de plus. Et rien n’est visé à ce jour », confie-il. Une façon de répondre à un article du Figaro qui prêtait à la Fnac la volonté de s’offrir cette enseigne créée, en 1990, par son père, François Lemarchand, le créateur de Pier Import, et qui appartient encore à plus de 80 % du capital à la famille.

Ce modèle du « shop in shop » se joint, dans le monde physique, aux places de marché sur Internet avec des vendeurs externes rassemblés sous un même site. Les hypermarchés espèrent captiver de nouveaux clients et ainsi compenser les pertes accusées sur les rayons non alimentaires. « Ils enregistrent souvent des pertes représentant 5 à 10 % de leur chiffre d’affaires sur les rayons techniques du fait des conditions d’achat, d’une logistique embarrassée et d’un service après-vente qui coûte très cher, rappelle Bernard Demeure, directeur associé et consultant au sein du cabinet de conseil Oliver Wyman. Historiquement, ce n’était pas grave car les acheteurs remplissaient leur chariot. Actuellement, ce n’est plus vrai. »

Une manœuvre semblable a été mise en place par la Fnac et Darty

Casino a déjà traversé le pas depuis juin 2017. Son site d’e-commerce Cdiscount dispose actuellement d’un secteur de choix dans 57 hypermarchés du groupe. L’idée : l’acheteur accède à toute l’offre disponible sur Internet au prix du Web, se fait guider sur place et se fait livrer à domicile ou en magasin. Les premiers résultats seraient à ce point concluants, au niveau du chiffre d’affaires des hypermarchés qui ont mis en place cette stratégie, que cette méthode sera étendu à 70 % des magasins du groupe.

« Le drame actuelle, c’est que l’industrie n’égare plus d’emplois, mais une carence de candidats »

Au sein de l’usine de Bessé-sur-Braye (Sarthe) du papetiers Arjowiggins, le 27 mars.
Au sein de l’usine de Bessé-sur-Braye (Sarthe) du papetiers Arjowiggins, le 27 mars. JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Alors que certains bouleversements industriels défraient maintenant la chronique, dont ceux d’Arc International et d’Arjowiggins, 50 000 postes n’ont pas pu être pourvus dans le secteur en 2018, examine Philippe Escande.

Chronique « Pertes & profits ». On ne saura pas dire que Xavier Bertrand ne met pas les petits plats dans les grands pour son industrie régionale, en l’occurrence celle qui, nettement, fabrique assiettes et verres à pied. Jeudi 28 mars, le conseil régional des Hauts-de-France, qu’il galère, a voté à l’accord un prêt de 12 millions d’euros pour soutenir le plan de relance de la société Arc International, géant mondial des arts de la table. La motivation est forte, puisque l’entreprise emploie 5 100 employés et se trouve en énorme difficulté. Il s’agit donc d’éviter la casse, même si le plan en question prédit tout de même 700 suppressions de postes.

Autre part en France, c’est le papetier Arjowiggins qui fait parler de lui. Le tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine) devait s’exprimer, vendredi, sur la liquidation de l’entreprise. Autour du principal site, dans la Sarthe, on rappelle une catastrophe économique qui pourrait palper plus d’un millier d’emplois dans la région.

Chronique habituelle d’un drame français, celui de la désindustrialisation, en trente ans, d’un pays autrefois couvert d’usines. On en connaît le principal responsable : avec la concurrence mondiale, le coût du travail dans l’industrie française est trop élevé par rapport au niveau de gamme des produits vendus. On ne peut attendre enrichir en vendant des produits de qualité espagnole à des prix allemands. Etat et entreprises partagent la responsabilité de cette catastrophe.

Changement du système de formation                     

Mais l’autre drame qui se joue actuellement n’est pas celle-là. En dépit de l’effet de loupe des problèmes locaux comme Arc International et Arjowiggins, l’industrie française progresse sa qualité et ne perd plus d’emplois. En 2018, elle en a même créé 250 000 de plus. Le seul problème est qu’elle aurait pu aisément en fournir 50 000 de plus.

Malgré cela, les entreprises n’ont pas aperçu de candidats ! Situation ubuesque d’un pays plombé par un chômage de masse – 8,8 % de solliciteurs d’emploi (juste dépassé par la Grèce, l’Italie et l’Espagne) – et qui n’arrive pas à le résorber quand la demande revient. Ce qui simule toute l’économie, puisque ces emplois qui faillissent sont de la croissance en moins.

Ce ne sont pas les baisses de charges qui vont garantir ces postes vacants, mais la refonte du système de conception (il n’y a que 5 % de chômage chez les diplômés du supérieur), une forme de réenchantement de la filière (les sciences attirent deux fois moins d’étudiants en France qu’en Allemagne) et l’augmentation de la mobilité des solliciteurs d’emploi. Un chantier privilégié.