Le site du Loiret d’Iqvia France menacé de clôture

L’entreprise  américaine de conseil en santé Iqvia prévoit 176 révocations sur ses sites français. Ce troisième plan social depuis 2011 pourrait condamner son centre d’appel d’Amilly.

Sur les 57 salariés du site d’Amilly dans le Loiret, 82% sont des femmes.
Sur les 57 salariés du site d’Amilly dans le Loiret, 82% sont des femmes. D.R.

L’entreprise américaine de conseil en santé Iqvia prévoit 176 licenciements sur ses sites français : 119 à de La Défense (Hauts-de-Seine) et 57 d’Amilly dans le Loiret, a-t-on su jeudi 4 avril par les syndicaux. L’antérieur plan élaborer  en 2016 avait fait partir 230 salariés dont 6 à Amilly, mais cette fois c’est la clôture du site qui est en jeu. Les négociations sont commencer entre syndicats et direction. « La prochaine échéance est attendue le 23 mai mais rien ne bouge et le temps presse », alerte Nathalie Espirt, secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) d’Amilly.

Iqvia, fondée  de la fusion entre IMS Health et Quintiles, fournit des données sur la santé aux laboratoires pharmaceutiques. existante dans plus de 100 pays, elle revendique 55 000 salariés dans le monde.

10 milliards d’euros de chiffre d’affaires

« Comment une société qui réalise 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires, qui bénéficie de 600 000 euros de CICE [crédit impôt compétitivité emploi] par an, peut-elle supprimer ses effectifs sans rendre des comptes ? », déclarent les 57 salariés de la plate-forme téléphonique du Loiret dans une lettre adressée au président Macron.

La direction d’Iqvia avait déclaré le 18 février aux représentants du personnel qu’elle examine « le licenciement pour motif économique de 176 salariés sur les 820 employés en France », ont indiqué les syndicats CFDT et Unsa de l’entreprise dans une déclaration commune. « Ça a été un choc pour tout le monde », même s’il s’agit du « troisième plan social depuis 2011 », raconte un délégué syndical basé à La Défense, qui préfère rester anonyme. Il révoque une « justification purement économique et boursière » de la part de la direction.
La direction d’Iqvia sollicitée a promis de nous rappeler.

Selon les deux syndicats, Iqvia va clôturer son centre d’appel d’Amilly, à plus d’une heure de route d’Orléans. Cette annonce « dramatique » a incité « un énorme désarroi, une grande détresse » entre les cinquante-sept salariés qui doivent perdre leur poste, avait déclaré Nathalie Espirt jeudi à l’AFP.

Payés au smic

Ce centre d’appel, existant dans un « bassin d’emploi très très sinistré », compte « 82 % de femmes », dont beaucoup ont plus de 55 ans, et « 93 % de non cadres », des salariés pour la plupart payés au smic, a déclaré Mme Espirt, faisant part de sa « très grande inquiétude ». Elle-même a fait presque toute sa carrière sur ce site, à l’instar de plusieurs collègues. « C’est une mort sociale pour nous », ajoute-t-elle.

Les chercheurs d’emploi, premières victimes du numérique

Difficulté à se connecter à Internet, faire une prospection en ligne ou pianoter un mail : pas moins de 13 millions de Français sont touchés par la « fracture numérique ». En première ligne, les demandeurs d’emploi. De nos jours, presque tous les métiers requièrent des compétences numériques.

« Le service public de l’emploi est aussi engagé dans le plan « 10 000 formations au numérique », pour les personnes les moins qualifiées aux métiers du numérique »
« Le service public de l’emploi est aussi engagé dans le plan « 10 000 formations au numérique », pour les personnes les moins qualifiées aux métiers du numérique » Daniel Riffet / Photononstop

En mois de mars, l’ex-secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, inaugurait à Strasbourg le douzième lieu de formation « Emmaüs Connect ». le but du dispositif : combattre le mal qui touche des millions de Français : la « fracture numérique ». Destiné aux personnes qui n’ont pas Internet ou qui trouvent des difficultés à s’en servir, l’espace d’Emmaüs Connect offre l’accès au matériel connecté et fourni des ateliers pour s’initier au numérique.

Car cette année, tous les Français ne sont pas égaux sur la toile. Ecrire  un mail, exploration sur le web ou même se connecter est du parcours du combattant pour bon nombre de français. Selon la Mission Société Numérique, dirigée par le gouvernement, 13 millions de Français sont victimes d’« illectronisme » : un néologisme servant à désigner l’inaptitude ou le manque de maîtrise des outils numériques pour effectuer des démarches courantes.

En première lieu, les chercheurs emploi. Internet est devenu incontournable, aussi bien pour trouver  un travail que pour percevoir ses droits au chômage. L’inscription à Pôle emploi se fait uniquement en ligne depuis 2016. « On a formé 3 000 jeunes en service civique pour accompagner ces personnes à l’utilisation de nos nouveaux services, se défend Karine Meininger, directrice des services aux demandeurs d’emploi de l’opérateur public. On a aussi mis en place des postes informatiques en agence et on propose une aide téléphonique ».

75 % des emplois exigent la maîtrise des compétences numériques

Mais, selon une investigation  de Pôle emploi, 13 % des demandeurs d’emploi n’utilisent pas ou peu Internet dans leur recherche. « Il y a des personnes qui ne savent pas du tout l’utiliser et d’autres qui estiment ne pas en avoir besoin », constate Karine Meininger,. Sans oublier ceux qui ne disposent d’aucun abonnement Internet, par carence de moyens ou parce qu’ils sont situés dans une « zone blanche » mal couverte par les opérateurs téléphoniques.

Un problème d’autant plus aigu que 75 % des emplois demande désormais la maîtrise de compétences numériques indique un rapport France Stratégie remis au gouvernement en juillet 2018. Tous les secteurs sont touchés, et y compris pour les emplois les moins qualifiés : « les métiers d’aide à la personne font de plus en plus appel à la domotique, les livreurs doivent désormais traiter des bons de commande numérisés… Beaucoup de métiers qui n’étaient pas spécialement qualifés demandent actuellement d’avoir des compétences numériques de base », déclare Karine Meininger.

Le préjudice d’anxiété

Un bâtiment contenant de l’amiante, à Soulac-sur-Mer, avant les travaux de désamiantage préalables à sa démolition.
Un bâtiment contenant de l’amiante, à Soulac-sur-Mer, avant les travaux de désamiantage préalables à sa démolition. GEORGES GOBET / AFP

Jusqu’à cette fin de la Cour de cassation, la rémunération de ce préjudice était limitée aux seuls salariés dont l’établissement était mentionné dans une loi.

Tout salarié ayant été montré à l’aspiration d’amiante peut aussitôt faire valoir un préjudice d’anxiété en invoquant l’obligation de sécurité de tout employeur, a jugé la Cour de cassation vendredi 5 avril.

Le « préjudice d’anxiété », consacré en 2010 par cette cour, accepte l’indemnisation de personnes qui ne sont pas malades mais qui s’inquiètent de pouvoir le devenir à tout moment. Jusqu’ici, la Cour de cassation limitait ce mécanisme aux seuls salariés dont l’établissement est inscrit sur une liste dans la loi de 1998 ouvrant droit à la « préretraite amiante » : travailleurs du changement de l’amiante ou de la construction et de la réparation navale.

L’assemblée plénière, la formation la plus considérable de la haute juridiction, consente ainsi une jurisprudence que les syndicats et associations de victimes de l’amiante considéraient comme « injuste » et « discriminatoire ». Dans sa décision, la Cour indique donc que de nombreux salariés, en plus de ceux dont l’employeur est inscrit sur cette liste, ont pu être exposés à l’inhalation de poussières d’amiante dans des exigences de nature à compromettre gravement leur santé.

« Préretraite amiante »

Cette issue de la Cour de cassation va donc dans le même sens que celle prise le 29 mars 2018 par la cour d’appel de Paris. Celle-ci avait accordé 10 000 euros de dégâts et intérêts au titre du préjudice d’anxiété à 108 salariés exposés à l’amiante dans des centrales thermiques d’EDF qui ne figurent pas sur ces listes « préretraite amiante ».

EDF s’était protégée en cassation et, le 22 mars, la Cour avait reconsidéré la question du préjudice d’anxiété à la lumière du cas d’un de ces anciens salariés d’EDF, qui demandait réparation pour avoir inhalé des fibres d’amiante entre 1973 et 1988.

Dans son arrêt rendu vendredi, consulté par l’AFP, la Cour de cassation reconnaît que « le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour désobéissance de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements » listés.

Le laborieux souhaitant voir indemnisé son préjudice d’anxiété devra justifier de son exposition à l’amiante. En retour, l’employeur pourra s’exonérer s’il apporte la preuve qu’il a mis en œuvre les mesures de sécurité et de protection de la santé considérées par le code du travail.

C’est une conclusion qui « répond à nos attentes », s’est félicité Alain Bobbio, de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva), auprès de l’AFP. Désormais, « la porte est vraiment ouverte pour les travailleurs » dont les habitations n’étaient pas inscrits sur la liste, s’est-il réjoui : « On va enfin avoir des dockers, des ouvriers du bâtiment qui pourront faire valoir leurs droits ».

Fibre tueuse

Malgré la censure complète, en 1997, de ce matériau isolant bon marché, largement utilisé en France dans l’industrie et la construction, le scandale sanitaire lié à l’amiante est loin d’être terminé. Selon les appréciations de l’Institut de veille sanitaire (INVS) publiées en 2014, l’amiante pourrait provoquer d’ici à 2050 entre 68 000 et 100 000 morts en France. Entre 1995 et 2009, cette fibre avait déjà tué entre 61 000 et 118 000 personnes, selon ces mêmes travaux.

 

Le vote pour « paquet transport »

Des campions sur l’autoroute en direction de l’Italie, près de Chamonix (Haute-Savoie), en avril 2017.
Des campions sur l’autoroute en direction de l’Italie, près de Chamonix (Haute-Savoie), en avril 2017. JEAN-PIERRE CLATOT / AFP
Après s’y être repris à trois fois, et en avoir discuté durant plus d’un an et demi, les députés européens sont arrivés, jeudi 4 avril, à décider en séance plénière un ensemble de textes capitaux entourant davantage les conditions de travail dans le transport. Le sujet est technique, mais épineux. Au moins autant que la révision de la directive sur le travail dégagé, achevé en 2018.

Il s’agit de borner les abus dans un secteur très montré au dumping social. Mais, étant donné les profondes divisions qui présentent entre les Etats du centre et ceux de la périphérie, le « paquet transport » tel que réformé par les eurodéputés est un parfait compromis à l’européenne, avec ses avancées et ses faiblesses.

Etait-il éventuel d’aller plus loin dans le support des chauffeurs et des intérêts des entreprises de transport hexagonales ? Pas sûr. Il s’agit en tout cas d’un bon thème de discussion pour la campagne des européennes.

Parmi les points forts du « paquet », les mandatés ont utilisé la prohibition du repos hebdomadaire nécessaire des chauffeurs dans leur cabine. La France faisait partie des pays qui défendaient cette mesure. Les chauffeurs routiers devraient par ailleurs bénéficier d’un droit de retour régulier dans leur pays d’origine, au moins toutes les quatre semaines. Et ce, pour en finir avec les pratiques de certaines entreprises qui les encouragent de leur famille durant plusieurs mois d’affilée.

« Réelles avancées »

Les opérations de cabotage (livraison d’un point à un autre dans un même pays, par un camion venu de l’étranger) seront bornées. Elles ne seront pas autorisées plus de trois jours par an. En outre, entre chaque intervalle de cabotage, le camion devra réintégrer dans son pays d’attache, et y rester au moins 60 heures avant de repartir. Il s’agit de prévenir « le cabotage systématique », effectué par des chauffeurs payés bien moins cher que ceux des pays où ils réalisent leurs livraisons.

Autres dispositions : pour mieux combattre contre les entreprises « boîtes aux lettres », enregistrées dans un pays mais salariant des chauffeurs venus d’ailleurs, les transporteurs devront réhabiliter d’une « activité substantielle » dans l’Etat dans lequel ils sont enregistrés. Les véhicules légers (moins de 3,5 tonnes), de plus en plus abîmés pour le cabotage, seront soumis aux mêmes règles que les camions. Par ailleurs, les élus ont voté l’application des règles du renoncement (même salaire horaire pour le même travail) dès le premier jour, pour les opérations de livraison internationales, y compris le cabotage.

Mais les eurodéputés de l’Est, lourdement opposés au raffermissement des règles, ont obtenu des exemptions importantes : le principe de la capitulation ne s’apposera pas pour des livraisons« bilatérales », d’un point A en France, par exemple, à un point B, en Belgique. Dans ce cadre, les chauffeurs pourront aussi accomplir une opération de cabotage à l’aller et une au retour (ou deux à l’aller et aucune au retour), sans être examinés comme des « détachés ».

La députée Verte Karima Delli, patronne de la commission transport à Strasbourg, a révoqué « la création en Europe d’une classe de salariés de seconde zone »

« Ces orientations représentent de réelles avancées pour les droits des travailleurs et pour une concurrence plus loyale dans le transport routier », s’est félicité Elisabeth Borne, la ministre française des transports. « La bataille a été difficile, mais désormais nous abordons de l’objectif de doter [les trois millions de chauffeurs routiers] de conditions de travail dignes », a pour sa part salué Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy, chef de file des eurodéputés socialistes hexagonaux.

La députée Verte Karima Delli, présidente de la commission transport à Strasbourg, a, elle, révoqué « la création en Europe d’une classe de salariés de seconde zone. Les chauffeuses et chauffeurs du secteur routier sont victimes du “deal” passé entre le gouvernement français et les Etats périphériques, qui en avaient fait une monnaie d’échange afin d’obtenir un accord sur la révision de la directive générale sur le détachement ».

Manœuvre protectionniste

Il est vrai qu’avec d’autres Etats, la France a accueilli que le transport soit sorti du champ de la révision de la directive sur le travail dégagé et fasse l’objet d’un texte hétérogène. Il est aussi vrai qu’en 2017, Paris avait obtenu un aboutissement du détachement à un an, contre l’avis des pays de l’Est, qui estimaient bien prendre leur revanche avec le « paquet transport ».

Ces dernières semaines, les élus de l’Est ont essayé d’esquiver un vote du Parlement sur ces textes, considérant qu’ils représentaient une manœuvre protectionniste de l’Ouest à l’égard de leurs entreprises. Dans les pays baltes ou en Bulgarie, le transport représente une part élevé du produit intérieur brut (plus de 12 % dans le cas de la Lituanie).

« Obtenir de l’Est l’abstraction du renoncement à tous les types de transport, c’était impossible. Ces capitales considèrent que l’Ouest a profité à plein de l’accroissement, particulièrement en investissant le secteur financier à l’Est, et qu’on doit leur laisser le transport », glisse une source parlementaire.

Ces textes approuvés par les eurodéputés verront-ils le jour avant les élections européennes ? Cette vision est peu probable. Au Conseil, les Etats sont, eux aussi, parvenus à un accord (fin 2018). Leur position est proche de celle du Parlement. Mais les deux institutions doivent entrer en discussion pour achever à une position commune. Ce qui peut prendre au minimum un trimestre.

Les banques s’agressent au sexisme dans les salles de marché

SEVERIN MILLET

Les établissements français désirent mettre fin aux « comportements déviants » dommageables pour leur célébrité.

Le loup de Wall Street, caricature du tradeur sans foi ni loi du temps de la finance folle, a-t-il abandonné en succession une culture misogyne dans les salles de marché ? Oui, à en croire la presse anglo-saxonne, qui évoque de manière réglementaire des cas de harcèlement sexuel à la City, au cœur de Londres.

Fin 2018, l’agence Bloomberg annonçait que le patron des activités de marché de HSBC avait été révoqué pour ­conduite inadaptée envers une « junior » de la banque. Deux mois plus tôt, le groupe bancaire suisse UBS décidait de mettre en place une ligne téléphonique pour dénoncer les cas de harcè­lement, après une inculpation d’agression sexuelle portée par une jeune stagiaire travaillant pour sa filiale londonienne à l’encontre d’un collègue plus âgé.

Selon une étude faite en octobre 2017 par le site britannique ­Financial News, les trois quarts des femmes travaillant à la City auraient déjà été comparées à des comportements déplacés au bureau. De ce côté-ci de la Manche, aucune enquête n’a mesuré l’ampleur du phénomène. Les banques françaises avouent toutefois la persistance de « comportements déviants » nuisibles à leur réputation.

Depuis un mois, Luc François, le patron des activités de marché de Natixis, a évoqué à l’ordre ses équipes, assemblées en salle de marché, contre les comportements misogynes. Un message qu’« il diffuse régulièrement », précise Anne Lebel, la DRH de l’établissement. La banque a déterminé de créer un poste de responsable « Culture & Conduct », qui devra s’atteler à « développer une culture d’éthique professionnelle forte ».

Comme l’appuie une responsable des ressources humaines d’une autre grande banque française, les salles de marché cumulent les facteurs propres à favoriser le sexisme ordinaire : « la pression et le stress des opérateurs ­intervenant sur les marchés financiers et un environnement peu mixte ». Chez Natixis, les acti­vités de marché n’estiment que 24 % de femmes (25 % chez BNP Paribas). Et encore celles-ci n’occupent-elles pas les postes les plus prisés.

« Voie étroite pour les DRH »

D’après un exposé que vient de publier BNP Paribas, les bonus des hommes ont été en moyenne supérieurs de 67 % à ceux des femmes en 2018 dans la filiale londonienne du groupe. « Cet écart se développe par la sous-représentation des femmes dans les postes de direction et les postes d’expert [trading et vente] », déclare une source interne.

Les travailleurs, des actionnaires gâtés par les sociétés

A l’usine Pernod Ricard de Lormont, près de Bordeaux, le 15 février.
A l’usine Pernod Ricard de Lormont, près de Bordeaux, le 15 février. Regis Duvignau / REUTERS

Pour la première fois, Pernod Ricard va proposer une offre d’actionnariat pour 75 % de ses 19 000 employés.

Une première pour les travailleurs de Pernod Ricard. Le numéro deux mondial des vins et spiritueux va offrir, dans les prochains jours, à 75 % de ses quelque 19 000 salariés dans le monde d’approuver à une offre d’actionnariat salarié. Ce dispositif, très apprécié en France, permet aux collaborateurs d’acheter des actions de leurs chefs en profitant d’une décote, voire, selon les cas, d’abondements.

Pernod Ricard était l’une des rares entreprises du CAC 40 à ne pas mettre à l’agencement de son personnel ce type d’investissement. Le fait que le groupe franchisse le pas trois mois après l’irruption du fonds activiste Elliott à son capital ne manque pas de fomenter des interrogations sur ses motivations. Alexandre Ricard, le PDG, cherche-t-il à élargir le cercle de ses actionnaires amis ? Plusieurs sources assurent, en fait, que les préparatifs avaient débuté bien avant l’arrivée d’Elliott…

Quoi qu’il en soit, ce plan tombe à pic. Les propriétaires salariés – d’autant plus précieux qu’ils bénéficient souvent de droits de vote – se divulguent les premiers défenseurs de leur entreprise en cas d’OPA non sollicitée. Eiffage, en guerre avec l’espagnol Sacyr, en 2007, peut en certifier.

Depuis qu’en octobre 2015, Vivendi est entré par effraction à son capital, Ubisoft met les bouchées doubles pour assister ses équipes à acheter ses actions. L’éditeur de jeux vidéo a vu la part de son capital détenue par le fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) d’actionnariat salarié passer de 0,8 %, en mars 2015, à près de 3,5 %, en mars 2018. Et la cession, en mars 2018, de la collaboration de 27 % acquise par Vivendi n’a rien changé à cette stratégie.

Un rectificatif suscite la polémique

Pernod Ricard n’est pas le seul néophyte. En mai 2018, L’Oréal avait ouvert « un nouveau chapitre de sa politique sociale », en jetant sa première opération d’actionnariat salarié. « Beaucoup de nouveaux entrants se sont montrés, ces derniers mois. Ces plans d’actionnariat favorisent l’unité au sein d’un groupe et permettent de faire participer les salariés à la gouvernance », souligne Anne Lemercier, réunie du cabinet d’avocats Clifford Chance, qui ajoute : « De nouvelles offres sont en préparation pour début avril, période où débute l’allocation de la collaboration ou de la participation des salariés. »

« La France est, de loin, le premier pays en Europe avec environ 3,5 millions de salariés actionnaires de leur sociétés »

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Au pays du tourisme, l’industrie n’a pas dit son ultime mot

L’usine du champion de l’engrais espagnol Fertiberi, près d’Huelva, dans le sud de l’Espagne, en 2008.
L’usine du champion de l’engrais espagnol Fertiberi, près d’Huelva, dans le sud de l’Espagne, en 2008. Javier Barbancho / REUTERS

En Espagne, quelque secteurs comme la chimie ont su se projeter en investissant lourdement dans l’innovation.

Elle s’est ouverte à d’autres marchés, a joué sur la souplesse de l’emploi et les coûts réduits du travail en Espagne, misé sur l’innovation… Après avoir contrarié à la crise, l’industrie chimique espagnole a réussi son pari : celui de renouer avec la croissance. En 2018, le chiffre d’affaires du secteur a augmenté de 4 %, après une progression de 6,9 % en 2017. Et cela, alors que l’industrie du pays, dans son ensemble, commence à présenter des signes de diminution inquiétants.

Deuxième principal secteur exportateur derrière l’automobile, elle accomplit actuellement 57 % de ses ventes à l’étranger, contre 35 % en 2007. Ses 3 100 entreprises comptent 193 000 emplois directs et 460 000 indirects et induits, dépassant les niveaux obtenus avant la crise. Et le secteur investit : il indique 13,8 % du produit intérieur brut (PIB) industriel, mais 25 % des dépenses en recherche et développement de l’ensemble de l’industrie espagnole.

Aux côtés de grandes multinationales, souvent établies de longue date sur le territoire (Bayer produit dans son usine des Asturies, dans le nord du pays, la totalité de l’aspirine exploitée dans le monde, Novartis est établi près de Barcelone), coexistent des poids lourds espagnols, comme le parfumeur catalan Puig, qui produit les eaux de toilette Nina Ricci ou Jean Paul Gaultier, mais aussi le champion de l’engrais Fertiberia ou les laboratoires pharmaceutiques Almirall.

« Flexibilité de l’emploi »

« Nous sommes l’une des industries qui repoussent le plus en Europe. La chimie génère de manière directe et indirecte près de 5,8 % du PIB espagnol et 3 % de l’emploi », déclare Juan Antonio Labat, directeur général de la Fédération des entreprises de l’industrie chimique espagnole (Feique).

Pas uniquement le secteur participe à la croissance soutenue de l’Espagne (2,6 % en 2018), mais, avec 94 % de contrats en CDI et un salaire annuel moyen de 38 000 euros, il propose des emplois de meilleure qualité que le tourisme et l’hôtellerie. Car, si ces derniers n’ont arrêté de prendre du poids dans l’économie espagnole (ils pèsent aujourd’hui 12 % du PIB) et restent de grands pourvoyeurs de jobs (13,8 % du total), les contrats saisonniers sont monnaie courante, la part de l’emploi à durée décidée s’élève à 35 % et le salaire moyen dépasse à peine les 14 000 euros annuels.

l’Amérique le paradis d’Air France

Air France vient de démarrer une nouvelle ligne transatlantique pour Dallas, au Texas.

Un Airbus d’Air France à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, le 14 mars.
Un Airbus d’Air France à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, le 14 mars. EMMANUEL FOUDROT / REUTERS

Jean-Marc Janaillac, ex-PDG d’Air France-KLM, observer vers l’est, avec la Chine en point de mire. Anne Rigail, la nouvelle patronne d’Air France, voit plutôt vers l’Ouest. La patronne de la compagnie aérienne cherche d’abord à fortifier la société commune, qui associe Air France-KLM à l’américaine Delta Airlines pour l’Atlantique nord. Il faut dire que ce joint-venture (JV) pesant dans les comptes des deux compagnies, avec un chiffre d’affaires annuel de 13 milliards de dollars (11,6 milliards d’euros). A elle seule, elle évoque plus de 20 % du chiffre d’affaires d’Air France-KLM.

Ce poids devrait encore s’accroître, avec le lancement, depuis le 31 mars, d’une nouvelle ligne vers Dallas, au Texas. La 13destination d’Air France aux Etats-Unis et la 22e pour Air France-KLM. Cette récente ligne ne doit rien au hasard. Elle vient d’accomplir l’accord de coopération, qui lie Air France avec la compagnie indienne Jet Airways. « Le joint-venture avec Jet Airways fonctionne très bien entre l’Europe et l’Inde. La collaboration est tellement positif que l’on fera tout pour formtifier [la compagnie indienne] », a décalaré Mme Rigail, qui faisait allusion aux difficultés financières qui affectent cette dernière. Avec l’apport de Jet Airways, « les recettes unitaires ont progressé », s’est-elle félicitée. Pour Air France, la collaboration avec la compagnie indienne est avantageux, grâce à « une saisonnalité inversée », se réjouit Mme Rigail. Au contraire de la plupart des passagers, ceux du sous-continent viennent aux Etats-Unis à contre-cycle, principalement en hiver, alors que la pleine saison pour Air France-KLM a lieu en été.

A l’avenir, le joint-venture sur l’Atlantique nord devrait profiter de l’arrivée de la britannique Virgin Atlantic, contrôlée à 31 % par Air France et à 49 % par Delta Airlines. « Virgin Atlantic nous apporte le Royaume-Uni », se félicite Air France. Avec la compagnie britannique, le partenariat franco-américain va pouvoir présenter des vols au départ de Londres.

Problème de rentabilité

Après Dallas, Mme Rigail parie plus sur « le développement de nouvelles fréquences que sur l’ouverture de nouvelles lignes aux Etats-Unis ». L’idée maîtresse de la directrice générale est « la performance opérationnelle », autrement dit la robustesse de l’exploitation, son bénéfice. Elle a posé un « problème en 2018 ». Pour le résoudre, en 2019, Air France « a réaménagé son programme avec une offre simplifiée ». La compagnie veut choyer sa clientèle premium, qui représente « 55 % [du] chiffre d’affaires sur les Etats-Unis ». A ses passagers de « première » ou de classe affaires, Air France va offrir« au moins un vol par jour avec un full flat bed », un lit complètement plat.

Outre l’Amérique, l’autre pilier du développement d’Air France est Transavia, sa filiale à bas coûts. Elle offre « la meilleure marge du groupe », déclare Mme Rigail. Selon elle, Transavia est « un bon outil offensif sur le point-à-point au départ des bases en France ». Mais la filiale est aussi un bouclier contre les appétits de compagnies comme easyJet ou Ryanair. « C’est un outil défensif contre l’arrivée des low cost en France », déclare la directrice générale.

La flotte de Transavia France va passer à 40 appareils. Air France aimerait la faire croître encore plus au futur. « La question se pose », déclare Mme Rigail. Pour faire grossir Transavia, Air France doit obtenir le feu vert des pilotes. Avant la crise de Boeing, Air France aurait dû passer une commande d’une centaine de 737 Max pour renouveler les flottes de Transavia France et Transavia Holland. Une commande tardé, faute d’avoir obtenu alors l’accord des syndicats de pilotes. Cela ne devrait être que partie remise.

Pour avoir son rang parmi les premières compagnies au monde, une ambition fixée par Benjamin Smith, directeur général d’Air France-KLM, Air France va investir 1 milliard d’euros sur cinq ans, dont 600 millions d’euros entre 2019 et 2020, a déclaré Anne Rigail. Avec ce montant, la compagnie aérienne va moderniser les cabines de ses 15 A330 pour 140 millions d’euros. De l’été 2019 à celui de 2020, ce sont les douze Boeing 777 à destination des Antilles qui bénéficieront d’une enveloppe de 125 millions d’euros pour leur intérieur. Les sept A380 se referont une beauté « à l’automne 2020 », selon Mme Rigail pour 200 millions à 220 millions d’euros. Finalement, dès cette année, 100 millions d’euros seront consacrés à l’installation de la Wi-Fi sur tous les long-courriers de la flotte d’Air France, soit 60 % des avions de la compagnie aérienne.

Reprise d’études, travail, famille : un défi à gagner

S’introduire dans une formation longue tout en vivant une vie professionnelle et personnelle serré exige discipline et endurance.

La charge mentale et le soin des enfants pesant encore davantage sur les femmes aujourd’hui, reprendre les études pour les mamans reste très compliqué.
La charge mentale et le soin des enfants pesant encore davantage sur les femmes aujourd’hui, reprendre les études pour les mamans reste très compliqué. Stefan Rupp/Westend61 / Photononstop

« Il y a un adage dans la formation que j’ai fait: on y entre marié et on en sort divorcé. Je me voie heureux, ce n’est pas mon cas », déclare Antoine Alexandre, développeur informatique à Metz (Moselle), récemment diplômé du Conservatoire national des arts et métiers. En 2014, ce trentenaire, déjà titulaire d’un DUT et d’une licence pro en informatique, s’est engagé dans un défi ambitieux : avoir,son diplôme d’ingénieur tout en travaillant à plein temps et en assumant son nouveau rôle de père. Cinq ans plus tard, pari réussi. Avec un deuxième bébé en plus.

Pour se reconvertir, de beaucoup d’adultes prennent le risque dans un parcours de formation longue diplômante, malgré un équilibre entre vie professionnelle et personnelle déjà fragile. Un choix « exigeant et engageant » pour Sandrine Meyfret, coach et sociologue : « Réussir ses études passé 30 ans est un sacré challenge. »

« Quand on rentre le soir, on doit étudier, écrire son mémoire avec le stress d’avoir son diplôme… »

« C’est loin d’être simple », ajoute Sylvia Antoine. A l’âge de 40 ans, cette mère de deux enfants de 6 et 13 ans a adopter de retourner sur les bancs de l’université d’Evry-Val d’Essonne pour suivre un master 2 de sciences humaines et homologué par un diplôme ses acquis professionnels. Un programme qui n’est pas aux deux jours de cours, deux fois par mois. « Quand on rentre le soir, on doit réviser, écrire son mémoire avec le stress d’obtenir son diplôme. Et le boulot continue, tout comme la vie de famille… », déclare-t-elle.

Ce rythme impose des résignations. « Ce sont deux années où on met entre parenthèses ses week-ends, ses sorties », se remémore Virginie Hédin, actuellement responsable des inscriptions dans une école d’ingénieurs à Lille. Assistante de direction, en 2007, alors qu’elle rentre de congé maternité, elle commence un master 2 à l’école de commerce Skema. Deux ans de cours chaque mardi et vendredi après-midi, et le samedi matin. « Mes pauses déjeuners et mes vacances, je les passais à travailler, et surtout je voyais moins ma fille. »

Approfondir son projet

Une réalité à bien identifier avant de se lancer. « Il faut avoir en tête ce qu’implique une formation : un sacrifice financier et beaucoup de travail personnel. Deux heures de cours, c’est trois heures de travail derrière, déclare Patricia Guihard, directrice du service d’orientation du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Lorsqu’une personne vient nous voir, on lance des perches pour en savoir plus sur sa situation personnelle l’âge des enfants ou le temps de transport et nous garantir qu’il y a eu un échange dans la famille. »

Une forte présence masculine dans la fintech

Céline Lazorthes, fondatrice du site de cagnotte en ligne Leetchi, est la figure de proue de la fintech française, ici en février 2016 à Paris.

Céline Lazorthes, fondatrice du site de cagnotte en ligne Leetchi, est la figure de proue de la fintech française, ici en février 2016 à Paris. Charles Platiau / REUTERSLes femmes sont uniquement 9 % des créateurs et 12 % des groupes dirigeantes dans la fintech, selon une étude de France FinTech-Crédit mutuel Arkéa et Roland Berger.

Le rapport est très sévère. « Quand nous avons initié la French Tech, tout semblait possible. C’était l’occasion de remettre les compteurs à zéro, y compris en matière d’égalité des chances », se souvient Axelle Lemaire, associée du cabinet de conseil Roland Berger et ancienne secrétaire d’Etat au numérique (2014-2017). « Près de sept ans après, la promesse n’a pas été tenue », regrette-t-elle. Le secteur de la « tech » reste amplement masculin et, en particulier, celui des start-up de la finance aussi appelées les « fintech ».

Les femmes représentent uniquement  9 % des créateurs et 12 % des équipes gouvernantes, selon une étude dévoilée jeudi 4 avril par France FinTech, Crédit mutuel Arkéa et Roland Berger. Ironiquement, si Céline Lazorthes reste la figure de proue pour avoir été la première de cette nouvelle génération de jeunes gouvernantes à manier le jackpot en revendant le site de cagnotte en ligne Leetchi à Arkéa en 2015, son parcours reste une rareté dans le paysage.

Sur les 19 cofondateurs de fintech françaises, ayant accompli les augmentations de fonds les plus significatives en 2018, une seule est une femme : il s’agit de Ludivine Doladille, qui a co-créé en 2015 LaFinBox, un agrégateur de patrimoine, dans lequel Swiss Life a administré dix millions d’euros en avril 2018.

« La double peine »

Pour la fintech, en effet, « c’est la double peine », déclare Kristen Charvin, déléguée générale de France FinTech : l’entrepreneuriat a du mal à charmé les femmes et la finance, dont découlent souvent les fondateurs des Compte Nickel et autres October (ex. : Lendix), reste un monde très masculin. Avec, à la clé, un risque d’introduire des biais dans les algorithmes développés par des équipes quasiment masculines, sur lequel Aurélie Jean, docteure en mécanique numérique et entrepreneuse, tire souvent la sonnette d’alarme.

« On se prive de performance avec des pourvois qui n’ont pas développé de culture inclusive », assure Anne-Laure Navéos, directrice augmentation externe, collaborations et digital chez Crédit mutuel Arkéa, qui martèle :

« J’entends dire tout le temps que c’est difficile d’embaucher des femmes, qu’il n’y a pas assez d’ingénieures. En fait, tout le monde se renvoie la balle en disant que ce n’est pas de sa faute. Pour en sortir, il faut agir sur tous les fronts de manière volontariste : éducation scientifique, progrès de l’entourage professionnel, réduction des freins psychologiques et financement. »