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La sélection discriminatoire de l’ENA

Professionnel en science des organisations, Alain Klarsfeld note, que ce sont une consistante assistance familiale et financière et les biais de sélection inconsciente qui reproduisent une augmentation de la fonction publique électif.

Entre les annonces espérées jeudi 25 avril, il en est une qui fait jaillir beaucoup d’encre. L’Ecole nationale d’administration (ENA) serait annulée. On peut comprendre aisément les motifs d’une telle cession. Avec les années, l’ENA en est venue à participer tout ce qu’une grande partie des Français haïssent, à savoir l’élitisme, non pas en tant que tel, mais en tant qu’il ne repose pas sur une base légale. Que l’ENA soit ou pas effacée, une pensée s’impose à elle (ou à l’école qui prendra la relève), comme à toute la grande fonction publique.

Un des concepts sous-tendant le caractère immérité des évolutions de sélection de l’ENA est celui de la ségrégation sociale. Pour cela ils appellent de différencier les notions de discrimination directe et indirecte. Qualifier les processus de sélection (à l’entrée et au classement de sortie) de l’ENA de discriminatoires socialement pour en tirer la conclusion qu’il faut annuler l’ENA, c’est aller trop vite en besogne et c’est passer à côté des enjeux les plus importants.

Le processus de sélection de l’ENA ne produit pas de discrimination directe. Par discrimination directe, il faut savoir la prise en compte directe de critères interdits tels que l’origine, le sexe, les mœurs, la condition économique, etc. (la loi liste 25 critères). Il est fort peu acceptable, même si jamais entièrement à exclure, que les examinateurs des copies anonymes et les jurys d’oraux prennent en compte l’un ou l’autre de ces critères dans leur évaluation.

Enfants de hauts fonctionnaires

Le processus de sélection de l’ENA produit par contre une discrimination indirecte. Cette ségrégation détournée repose à la fois sur l’initiative de la composition peu diverse de la population des « gagnants » (admis au concours externe, et surtout, ceux sortis dans la « botte », ou élevé de la distribution de sortie mélangeant toutes les voies d’accès) et sur la conformité des épreuves de sélection (ou plutôt leur absence de légitimité).

En effet, à la sortie du concours extérieur et à l’organisation de sortie, la proportion dominante d’enfants de cadres supérieurs et notamment de hauts fonctionnaires (ou anciens hauts fonctionnaires passés au privé) est nettement stupéfiante, et n’a fait que s’accroître au cours des dernières décennies. Cette proportion est provocante, mais pas encore, en tant que telle, particulière de discrimination indirecte, laquelle suppose en outre une épreuve attentif des processus de sélection.

« La cession d’entrée direct aux grands corps est un point de passage exigé »

Enarque et historien, Marc-Olivier Baruch propose, un changement en cinq clés de l’Ecole nationale d’administration pour initier la haute fonction publique à l’entreprise qu’elle est censée administrer.

Il se trouve que j’ai approximativement tout fait à l’Ecole nationale d’administration (ENA) : j’y suis (simplement) entré fin 1978 et en suis (mal) sorti trente mois plus tard, après une scolarité sans intérêt. J’y ai noté l’histoire administrative au début des années 2000 (discipline non notée et donc peu prise au sérieux par les élèves les mieux adaptés), au début deux jours par an, puis deux heures. J’ai arrêté cet enseignement avant qu’on ne me sollicite d’y dédier deux minutes… J’ai également été vice-président des concours d’entrée de 2010, ai siégé au comité de rédaction de la revue d’administration publique de l’ENA et collaboré à son comité d’histoire, qui produit de fort riches (mais peu lus) Cahiers [Cahiers pour une histoire de l’ENA] exprimant l’institution, promotion par promotion.

L’histoire, exactement, en dit beaucoup sur l’institution. Elle articule certes les audaces mais aussi les fissures initiales d’un projet qui n’était que relativement modernisateur. Le général de Gaulle de 1945 savait trop avoir besoin de l’appareil d’Etat pour en secouer les élites – dont il connaissait pourtant, mieux que personne, la conduite, peu engageant et peu engagé, durant les années de guerre et d’occupation.

Dès 1945, alors que se bâtit l’ENA, le ministère des finances ne se rassemble au projet de corps commun des administrateurs civils qu’à la condition que ceux servant dans ses rangs continueront à bénéficier d’un régime compensatoire favorisé, faute de quoi, face à l’aridité de la matière qui s’y trouve traitée, il risquerait de se voir déserté.

Un essai de découpe de poulet rôti

Dans ce domaine où les techniciens hors pair de la gestion administrative connaissent si bien énucléer la volonté réformatrice du politique – Nicolas Sarkozy, homme volontaire s’il en est, ne parvint pas à effacer le classement de sortie –, la loi doit poser des principes forts. Nous proposons cinq clés pour ouvrir la haute fonction publique à la société qu’elle a appel à diriger.

La première comporte à effacer les crises structurelles entre les métiers auxquels destine l’ENA. Nul n’irait consciemment manier des liasses de pièces comptables ou s’adonner au contentieux fiscal s’il ne savait que, très vite, son appartenance à la Cour des comptes ou au Conseil d’Etat serait pour lui, après un tout petit nombre d’années, un énergique accélérateur de carrière.

La cession de l’accès direct aux grands corps, comme l’harmonisation des régimes compensatoires entre ministères, est donc un point de passage obligatoire d’une telle réforme. Changements qui ne sont guère coûteuses budgétairement, mais dont les auteurs seront vus comme traîtres à leurs corps, ce qui les inquiéta longtemps.

Ces sociétés transformées au 100 % télétravail

Quentin Hugon

Elles sont encore peu abondantes, mais le modèle de ces sociétés utilisant ce mode de progression augmente. Malgré cela, s’il offre des avantages, il interroge sur son productivité.

Où va le travail ? Ils ont privilégié l’Ardèche comme cadre de vie et lieu de travail. Depuis prochainement trois ans, Rachel Peter et Jean-Baptiste Audras, un couple de trentenaires, œuvrent depuis leur maison de Saint-Péray, petite agglomération située près de Valence (Drôme). Tous deux sont salariés chez Whodunit, une agence de création de sites Internet. « Avec Whodunit, on a fait le choix du télétravail. C’est devenu notre mode de vie », explique Jean-Baptiste Audras. « Avec deux façons de travailler opposées », déclare Rachel Peter. Elle dans une pièce créée à cet usage, sur un ordinateur fixe, avec des horaires classiques : 9 heures-18 heures. Lui, sur son portable, n’importe où dans la maison, durant la journée et, parfois, de la nuit.

C’est une société dématérialisée, nulle part et partout à la fois

Chaque matin, ils dispensent cependant le même rituel : la réunion quotidienne de l’équipe, en visioconférence. Chaque salarié de Whodunit – ils sont dix, prochainement quinze – se connecte de chez lui. Ils habitent à Nantes, Metz, Paris ou encore Lyon. Car l’agence n’a pas de bureau : c’est une entreprise en full remote ou une distributed compagny (entreprise distribuée), dans le jargon anglo-saxon. Dématérialisée, nulle part et partout à la fois.

Ces sociétés modifiées au 100 % télétravail sont peu abondantes, mais le modèle se développe, à en croire Rodolphe Dutel, créateur du site Remotive.io, spécialiste de l’emploi à distance dans le secteur de la technologie. Sa plate-forme rassemble un millier d’entreprise qui embauchent des télétravailleurs – dont deux tiers outre-Atlantique et une vingtaine uniquement en France. En 2016, elles n’étaient que deux cents. Il s’agit « aussi bien de petites start-up de dix personnes que de licornes valorisées au-delà d’un milliard de dollars, comme Automattic », ajoute M. Dutel. Pionnière en la matière, la société éditrice WordPress a fermé son siège à San Francisco en 2017, basculant ses 550 salariés en télétravail.

« Ce modèle prendra de l’ampleur »

La technologie n’est pas le seul secteur intéressé. « On trouve aussi des entreprises en full remote dans l’e-commerce ou la formation en ligne », remarque Clément Marinos, maître de conférences en économie à l’université Bretagne-Sud, faisant l’hypothèse que « ce modèle prendra de l’ampleur, car les secteurs intéressés ont tendance à créer de l’emploi ».

Quand les sociétés s’attachent à la reconversion

Au sein du groupe PSA, plus de 3 700 salariés ont ainsi bénéficié, depuis 2012, du programme Top Compétences, qui accompagne les salariés dans leurs projets de reconversion « forte ».
Au sein du groupe PSA, plus de 3 700 salariés ont ainsi bénéficié, depuis 2012, du programme Top Compétences, qui accompagne les salariés dans leurs projets de reconversion « forte ». CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

La Poste, PSA, la Société générale, explorent des passerelles entre les métiers pour mieux reclasser leurs laborieux.

Du centre correspondance de Mortagne-au-Perche (Orne) à la direction des systèmes informatiques de La Banque postale à Nantes, la vie professionnelle de Géraldine Autrique, âgée de 48 ans dont dix-huit passés à La Poste, a pris un changeant. Fini l’armature aux organisations des tournées, place à la création d’applications mobiles. Depuis octobre 2018, cette salariée de La Poste se forme en alternance pour avoir le diplôme de concepteur développeur informatique, avant d’assimiler à plein temps une nouvelle équipe informatique. Le cursus « va très vite » et se révèle « assez violent en informations », accorde la mère de famille. Mais, choisie par La Poste au terme de divers tests sélectifs et déjà mordue de création de sites Web, Géraldine a confiance.

« On a des besoins nouveaux et on a des postiers qui doivent se projeter dans des nouveaux univers métiers », déclare Valérie Louradour, directrice du développement des ressources humaines à La Poste. Cette passerelle a donc été commencé « à tous les postiers » et le groupe réfléchit à étendre la démarche de reconversion professionnelle à d’autres filières. Même si les moins qualifiés en font moins souvent la demande que les autres, les deux tiers des salariés souhaitent se former, quel que soit le niveau de qualification, déclare le Centre de recherches et d’études sur les qualifications (« La formation en entreprise face aux aspirations des salariés », Céreq).

Le sujet des reconversions internes « reprend un peu plus de place dans les stratégies RH », remarque Thomas Germain, directeur général de Sémaphores, cabinet de conseil du groupe Alpha spécialisé dans les réaménagements. Confrontées à des « bouleversements plus rapides et plus permanents », les sociétés voient leurs métiers transformer en interne. Et alors que le marché du travail se montre tendu, « la reconversion s’impose par la force aux entreprises », décalre Sophie Piot, directrice commerciale grands comptes chez LHH Altedia.

Habileté, le maître mot

Avec la rupture conventionnelle collective, qui donne plus de flexibilité aux sociétés pour diminuer leurs effectifs, le sujet risque d’être davantage abordé. « Dans 48 % des cas, les améliorations en interne sont liés à des restructurations ou à des réorganisations », ajoutait l’Association pour l’emploi des cadres dans sa dernière enquête sur les mobilités professionnelles (« Panorama des mobilités professionnelles des cadres », édition 2018, Apec, voir lien PDF).

Le changement de la formation impose les DRH à reconsidérer l’évolution des travailleurs

Le chef cuisinier du Mandarin oriental Paris était, mardi 16 avril, le « grand témoin » des Rencontres RH consacrées à la formation professionnelle. Sa recette ? Rendre au salarié sa place d’« homme libre » sur le marché du travail (Photo: Thierry Marx en novembre 2018 à Paris).
Le chef cuisinier du Mandarin oriental Paris était, mardi 16 avril, le « grand témoin » des Rencontres RH consacrées à la formation professionnelle. Sa recette ? Rendre au salarié sa place d’« homme libre » sur le marché du travail (Photo: Thierry Marx en novembre 2018 à Paris). PASCAL LE SEGRETAIN / Getty Images/AFP

Les Rencontres RH, le nouveau meeting  sur les demandes de nouveauté des ressources humaines s’est tenu le 16 avril à la Maison de l’Amérique latine. Au planning : la puissance de la réforme de la formation professionnelle, entrée en vigueur début 2019.

« Avec 48 000 postes à assurer chaque année dans les cuisines, on s’est dit qu’il nécessitait casser les codes. La carence de main-d’œuvre pousse à assimiler de nouveaux profils », déclare le chef Thierry Marx, à l’origine de la « success story » Cuisine mode d’emploi(s), qui garantit 80 % de retours à l’emploi à un public qui en était espacé, grâce à une formation aux bases du métier en douze semaines.

Sa recette ? Rendre au salarié sa place d’« homme libre » sur le marché du travail. Comment ? « On forme en admettant que les salariés une fois formés partent ailleurs. La formation est un sachet de thé qui diffuse dans l’eau », réputée par une métaphore bien à lui le chef cuisinier du Mandarin oriental Paris, qui était mardi 16 avril le « grand témoin » des Rencontres RH employées à la formation professionnelle.

Le récent rendez-vous mensuel de réflexion sur la nouveauté du management, a tenu sa deuxième édition à la Maison de l’Amérique latine, à Paris, avec la présence de l’économiste Bertrand Martinot et d’une dizaine de responsables des ressources humaines venus troquer sur le potentiel de la réforme de la formation professionnelle, initier début 2019.

L’implication embaucheur du maintien de l’employabilité des salariés est inscrite dans le code du travail. « Il [l’employeur] veille au maintien de leur capacité à servir un emploi, au regard surtout de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations », mentionne l’article L-6321-1. Un véritable défi dans une période de profond changement industriel. D’autant que l’actuel système de formation continue ne collabore que très peu à la montée en compétences de la population active et que les réformes passées n’ont pas progressé la situation.

« Les salariés acteurs de la formation »

« La formation est en continuelle réforme, tous les trois ou quatre ans. Il y a eu 2002, 2004, 2009, etc. Il y aura possiblement 2022. Le cru 2018 marque une avancée sur plusieurs sujets. Mais dans les profondeurs de l’entreprise, il y a des pénuries, et c’est un euphémisme, d’appropriation de la réforme. Elle bouleverse les habitudes et le positionnement des DRH », remarque l’ex-conseiller social de Sarkozy et délégué général à la formation professionnelle de 2008 à 2012.

Les « deux clans» du travail

« Le PLouQ n’aime rien tant que les voyages professionnels. Il n’a pas encore compris qu’il passera la majorité de son temps dans des salles de réunion sans charme, pour des discussions qui auraient tout aussi bien pu se tenir au téléphone. »
« Le PLouQ n’aime rien tant que les voyages professionnels. Il n’a pas encore compris qu’il passera la majorité de son temps dans des salles de réunion sans charme, pour des discussions qui auraient tout aussi bien pu se tenir au téléphone. » Ingo Boddenberg/Flirt / Photononstop

Vaut-il mieux embaucher des cadres « créatifs et proactifs » ou « un peu ternes et casaniers » ? Ces derniers, qui ne sont pas tourmentés par l’idée que l’herbe dominerait être plus verte ailleurs, seraient plus assidus à leurs patrons.

Il est très mal de plagier. Mais faute avouée étant à moitié justifiée, je le dis tout de suite. Cette chronique m’a été emportée par celle de Bartleby, du magazine The Economist daté 2 février. Selon cet observateur, la population des cadres se distribuerait en deux groupes : les « PLouQ », soit ceux qui ont « peur de louper quelque chose », et les BRaQ, qui apprécient, au contraire, que c’est un « bonheur de rater quelque chose ».

Les PLouQ ne failliraient pour rien au monde une conférence ou une soirée qui pourrait leur permettre – sait-on jamais –, de rencontrer des personnes intéressantes ou utiles. Leur emploi du temps est de ce fait alourdi. Un nouveau groupe de travail se met en place ? Le PLouQ va immédiatement se porter volontaire. N’est-ce pas une occasion rêvée de montrer, à plus gradé, ce dont il est capable ? Un PLouQ – contradictoirement à ce que cet acronyme pourrait laisser présupposer – saute aussi sur toute nouveauté technologique. Les différents logiciels de travail en groupe n’ont aucun secret pour lui.

Des salles de réunion sans enchantement

Au contraire, l’annonce d’un rendez-vous annulé, met le BRaQ en joie. Et la seule évocation de création d’un nouveau groupe de travail le fait se presser sur sa chaise à l’idée de devoir perdre du temps en conversation, répondre à encore plus de mail, pour un projet qui n’a que peu de chances d’achever. Il estime avoir beaucoup mieux à faire en apercevant ses vrais amis, ou en passant du temps en famille. Il est sensible aux applications soi-disant collaboratives, type Slack, Teams et autres, dont le nombre est à peu près aussi élevé que celui des groupes de travail auxquels il collabore. Car, dans tout groupe, il existe constamment un PLouQ enthousiaste qui va encenser les mérites de la dernière version de la dernière application du marché, dont il faut apprendre les codes.

Le PLouQ n’aime rien tant que les voyages professionnels. Il n’a pas encore compris qu’il passera la plupart de son temps dans des hôtels ou des salles de réunion sans charme, pratiquement identiques d’un continent à l’autre, pour des discussions qui posséderaient tout aussi bien pu se tenir au téléphone.

Accumulation pacifique

Le BRaQ sait cela depuis considérablement. Il estime donc que supporter des nuits sans sommeil, faible dans un avion, est un investissement dont le retour est rarement suffisant. Une telle description pourrait laisser penser que mieux vaut recruter des PLouQ, a priori plus innovants et proactifs, plutôt que des BRaQ un peu ternes et casaniers.

Ultime ligne droite pour la redémarrage d’Ascovale, British Steel grand favori

La chambre commerciale du TGI de Strasbourg doit vérifier, mercredi 24 avril, les offres de redémarrage de l’usine de Saint-Saulve. Entre les quatre candidats, le groupe administré  par les frères Meyohas tient la corde.

Au sein de l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve (Nord), près de Valenciennes, en novembre 2018.
Au sein de l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve (Nord), près de Valenciennes, en novembre 2018. Pascal Rossignol / REUTERS

C’est la dernière ligne droite pour les 270 travailleurs de l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve (Nord). Après 4 ans d’agitation, leur avenir devrait enfin s’éclaircir. La chambre commerciale du tribunal de grande instance (TGI) de Strasbourg doit vérfier, mercredi 24 avril, les quatre dossiers de redemarrage déposés par les groupes British Steel, Calvi Network, le fonds Secufund et l’entrepreneur Pascal Cochez.

Deux mois après l’arrêt d’Ascoval par son dernier repreneur désigné, Altifort, les magistrats devraient se donner quelques jours pour trancher la meilleure offre. Cependant, l’une d’elles se détache carrément dans l’esprit des dirigeants et des syndicats d’Ascoval : British Steel, un groupe qui a effectué en 2018 un chiffre d’affaires de 1,4 milliard de livres (1,6 milliard d’euros).

« Sur les quatre dossiers, pour l’instant, seul British Steel a perfectionner son offre, tant en matière de financement que d’engagements sociaux », déclare un proche des négociations. Le groupe offrait sur la table 47 millions d’euros, qui seraient abondés par une somme égale des pouvoirs publics.

Le dossier de l’entreprise italienne Calvi Network, spécialiste des aciers spéciaux, qui a besoin d’un nouveau fournisseur d’acier, est également bien vu, mais il devait encore avoir mardi le feu vert de l’un de ses actionnaires. Quant aux deux derniers dossiers, ils demeure incomplets.

Performance environnementale

De fait, à l’usine , la confiance était de mise avant l’audience. La perspective d’être repris par British Steel, détenu par Greybull Capital, le fonds géré notamment par les frères français Marc et Nathaniel Meyohas, rassure. Il serait prêt à apporter de 200 000 à 300 000 tonnes de commandes d’acier pour nourrir entre autres son site de production de rail d’Hayange (Moselle). C’est la moitié de la capacité de production annuelle d’Ascoval, ce qui permettra de couvrir les coûts fixes du site. « C’est un beau projet à la fois solide socialement, industriellement et financièrement », conclu-t-on à Saint-Saulve.

Les motivations de British Steel sont de deux ordres. « Cela découle d’abord du Brexit », mentionne un connaisseur du dossier. Avec l’essentiel de ses aciéries implantées à l’Angleterre, l’aciériste, qui fournit notamment la SNCF en rail, doit produire en zone euro pour ne pas dépendre de droits de douane et atténuer les fluctuations de la livre sterling.

D’autre part, British Steel s’intéresse à l’usine française pour sa performance environnementale. « L’aciérie électrique est bien moins émissive de CO2 [dioxyde de carbone] qu’une aciérie traditionnelle », résume une source. Alors qu’Ascoval libère 200 kilogrammes de CO2 dans l’atmosphère pour chaque tonne d’acier produit, l’aciérie traditionnelle à coke, comme celle de Scunthorpe (nord-est de l’Angleterre), qui appartient à British Steel, en émet 1,8 tonne. « A moyen terme, avec l’augmentation des prix des crédits carbone, cela devrait compter et British Steel a tout intérêt à diversifier sa production », résume un observateur.

Le télétravail s’établit dans le panorama français

Deux études IWG et Malakoff Médéric Humanis ont évalué le télétravail. Les espaces de coworking touchent actuellement les grands groupes.

« En matière de travail à distance, c’est le travail à la maison qui prédomine. Dans l’étude Malakoff Médéric Humanis, 92 % des télétravailleurs interrogés exercent parfois ou régulièrement depuis leur domicile, 35 % dans un autre bureau mis à disposition par leur entreprise et 21 % dans un tiers lieu. »
« En matière de travail à distance, c’est le travail à la maison qui prédomine. Dans l’étude Malakoff Médéric Humanis, 92 % des télétravailleurs interrogés exercent parfois ou régulièrement depuis leur domicile, 35 % dans un autre bureau mis à disposition par leur entreprise et 21 % dans un tiers lieu. » Jamie Jones/Ikon Images / Photononstop
Le télétravail et le coworking décolleraient-ils ? Suivant l’édition 2019 de l’enquête « Global Workspace Survey » effectuée chaque année par IWG (Regus), une multinationale de prêt de bureaux, 62 % des sociétés françaises questionnées disent avoir mis en place une politique « d’espaces de travail flexibles », que ce soit sous forme de télétravail ou de bureaux partagés. La tendance est d’ailleurs générale, puisque la France est dans la moyenne mondiale (60 %).Des résultats à minimiser puisque des clients d’IWG tracent parmi les 15 000 professionnels issus de plus de 80 pays et questionnés début 2019 par l’entreprise de sondage MindMetre Research pour cette enquête (il n’est pas précisé dans quelles proportions). Mais ils réaffirment le succès croissant du télétravail signalé en février par l’étude Malakoff Médéric Humanis réalisée par l’IFOP. Selon ce sondage, 29 % des salariés français ont déjà adopté le télétravail de manière occasionnelle ou régulière en 2018, contre 25 % l’année antérieure.

Télétravail : intérêts peu communs entre salariés et patrons

La première orientation des salariés à demander le télétravail est de diminuer leur temps de trajet ; la principale motivation des dirigeants à proposer le télétravail est d’améliorer l’équilibre vie privée/vie professionnelle, la seconde est de fidéliser les employés. La principale difficulté du télétravail, aux yeux des salariés, est la pauvreté de séparer vie privée et travail. Pour les dirigeants, c’est le management à distance.

En 2018, près d’un tiers (29 %) des salariés ont adopté le télétravail contre un quart en 2017, selon une enquête éditée mardi 19 février par le mutualiste Malakoff Médéric Humanis et effectuée par le Comptoir de la nouvelle société.

Sur les 1 604 travailleurs (dont 581 manageurs) consultés de novembre à décembre 2018, 95 % sont en CDI et 92 % à temps plein. Ils travaillent majoritairement dans de grandes entreprises. 51 % des télétravailleurs interrogés sont cadres. En moyenne, ils considèrent la durée idéale de télétravail à 6,7 jours par mois, qu’il soit entouré ou non par un accord de société.

Aux yeux de Virginie Houzé, directrice des études et recherches du cabinet de conseil en immobilier d’entreprise Jones Lang LaSalle (JLL), contribuée lors d’une conférence sur le coworking le 17 avril au salon Workspace Expo, le changement ne fait pas de doutes : « Depuis la fin des années 2000, on est sur une vraie évolution des modes de travail, à la fois technologique et managériale. » Tandis que les sociétés désirent optimiser les taux d’occupation de leurs locaux avec une dose de « flex office », les salariés veulent réduire le temps qu’ils passent dans les transports.

Diminution du temps de trajet

La première motivation des sociétés françaises à recourir au « travail flexible » est la diminution du temps de trajet de leurs salariés, selon le sondage IWG – pour 84 % d’entre elles, contre 75 % en moyenne au niveau mondial. Les jeunes salariés se montrent en outre peu désireux de passer leurs journées dans des bureaux traditionnels, ringardisés par les espaces de travail à « la Google » avec canapés pratiques et café à volonté.

« La tendance est mondiale, mais la conversion en France est plus avancé, avance Mark Dixon, le fondateur d’IWG. Le gouvernement se compromet davantage, surtout pour développer le coworking au niveau local. » Afin de stimuler les territoires, l’Etat a en effet prévu d’investir 110 millions d’euros sur trois ans dans un programme national de développement des tiers lieux. Un coup de pouce pour conduire l’économie de la législation sur le télétravail guidé par les ordonnances Macron de 2017 ?

Employées chez Google et activistes anti-harcèlement sexuel, elles dénoncent des représailles en interne

Le 1er novembre 2018, des employés de Google protestent à San Francisco contre le harcèlement sexuel et les discriminations envers les femmes dans l’entreprise.
Le 1er novembre 2018, des employés de Google protestent à San Francisco contre le harcèlement sexuel et les discriminations envers les femmes dans l’entreprise. Eric Risberg / AP

« Google mène des représailles contre plusieurs organisateurs » d’une protestation interne contre le harcèlement sexuel et pour l’égalité chez le géant du numérique, ont dénoncé, dans un e-mail interne envoyé lundi 22 avril, deux des figures du mouvement, révèle le site Wired.

Les auteures, Meredith Whittaker et Claire Stapleton, font partie des sept salariés qui ont lancé le Google Walkout for Real Change, une manifestation au cours de laquelle près de 20 000 employés sont descendus dans la rue, en novembre 2018, devant les bureaux de Google à Mountain View, en Californie, mais aussi à New York, Singapour, Londres, Dublin, Zurich, Toronto ou Chicago.

« On m’a dit que je serais rétrogradée »

Meredith Whittaker écrit que Google lui a annoncé que son rôle allait « changer énormément », peu après la dissolution, le 4 avril, du tout nouveau conseil d’éthique sur l’intelligence artificielle de l’entreprise. Ce démantèlement avait été décidé sous la pression d’une autre fronde en interne : près de 2 000 employés avaient protesté contre la présence dans ce comité d’une représentante conservatrice considérée comme « antitrans, anti-LGBTQ et anti-immigrants ». Meredith Whittaker – qui a notamment fondé l’AI Now Institute, une structure externe à Google destinée à la promotion de l’éthique dans l’intelligence artificielle – avait fait partie des protestataires, qualifiant sur Twitter la nomination d’« épouvantable ».

« On me dit que, pour rester dans l’entreprise, je vais devoir abandonner mon travail sur l’éthique de l’intelligence artificielle et l’AI Now Institute (qui est hébergé par l’université de New York) », écrit-elle dans l’e-mail envoyé à des employés de Google. « J’ai pris des risques pour pousser en faveur d’un Google plus éthique, bien que cela soit moins confortable », ajoute Mme Whittaker. 

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« Après cinq ans comme employée très performante au marketing de YouTube (et près de douze chez Google), deux mois après le Google Walkout, on m’a dit que je serais rétrogradée (…) et qu’un projet qui avait été approuvé n’était plus d’actualité », raconte, de son côté, Claire Stapleton. Celle-ci dit qu’après qu’elle a alerté les ressources humaines son supérieur « a commencé à [l]’ignorer », à donner son travail à d’autres et lui a conseillé de se mettre en arrêt maladie. « Ce n’est qu’après que j’ai engagé un avocat que la direction a mené une enquête et annulé ma rétrogradation, sur le papier. J’ai retrouvé mon travail, mais l’environnement reste hostile. Je réfléchis à démissionner presque chaque jour. »

De son côté, Google, dans une réaction officielle obtenue par Wired, nie les « représailles » :

« Nous interdisons les représailles sur le lieu de travail et menons des enquêtes en cas de soupçons. Les employés et les équipes se voient régulièrement assigner de nouvelles missions ou sont réorganisés, afin de s’adapter aux changements des besoins de l’entreprise. Il n’y a pas eu de représailles dans ce cas. »

Vague de mobilisations dans les entreprises de « tech »

L’e-mail des deux employées crée une forte réaction, car les grandes entreprises de technologie de la Silicon Valley connaissent, depuis plus d’un an, une vague de mobilisations internes : chez Google, des employés ont demandé la fin du contrat Maven, qui visait à aider l’armée américaine à analyser des images de drones grâce à l’intelligence artificielle. Une pétition a aussi dénoncé le projet de Google de créer un moteur de recherche adapté à la Chine et partiellement censuré. Chez Microsoft, des salariés se sont élevés contre une collaboration avec l’armée ou contre le traitement réservé aux femmes. Chez Amazon, une pétition demande une « vraie » politique de lutte contre le changement climatique.

Les représailles dénoncées lundi peuvent d’autant plus surprendre les employés que, dans plusieurs cas, comme le comité d’éthique de Google ou le contrat Maven, la direction avait publiquement soutenu leurs revendications, en arrêtant les projets critiqués. Après le Google Walkout, le PDG, Sundar Pichai, avait annoncé la fin du recours systématique à une « clause d’arbitrage » en cas d’accusation de harcèlement sexuel. Ainsi visé, Andy Rubin, le créateur du système d’exploitation mobile Android, avait quitté le groupe avec un chèque de 90 millions de dollars (80 millions d’euros au cours actuel) grâce à ce système de médiation discrète.

Une réunion de protestation annoncée pour vendredi

Mme Whittaker et Mme Stapleton, très actives dans la mobilisation chez Google, ne comptent pas en rester là et leur e-mail interne a aussi pour but d’appeler à la résistance : elles annoncent pour vendredi une grande réunion ouverte en interne et retransmise en vidéo en direct.

« Si nous voulons mettre fin à la discrimination, au harcèlement et aux décisions non éthiques, nous devons mettre fin aux représailles contre les gens qui s’expriment honnêtement sur ces problèmes », justifie Mme Stapleton.

« Les représailles contre les travailleurs qui organisent des protestations internes sont illégales, mais cela arrête rarement les dirigeants, a réagi sur Twitter le syndicat Tech Workers Coalition, qui mobilise les employés des entreprises numériques. Les manifestations fortes de solidarité, à l’intérieur et à l’extérieur de Google, peuvent aider. Il faut signifier clairement que les chefs ne s’en tireront pas comme cela avec ces abus. »

Alexandre Piquard

Secourir Notre-Dame de Paris

« Depuis le 15 avril, la mobilisation du secteur de la sylviculture a été à la hauteur de l’émotion générale »
« Depuis le 15 avril, la mobilisation du secteur de la sylviculture a été à la hauteur de l’émotion générale » Francisco Seco / AP
Une petite société du Nord de la France a déterminé de planter les 1 300 chênes brûlés dans l’incendie de la cathédrale de Paris.

Un jour après l’incendie de Notre-Dame de Paris, à Lys-lez-Lannoy (Nord), près de Lille, se soutenait le comité de direction de Création bois construction, une petite entreprise d’une cinquantaine de personnes spécialisée dans la création et la construction d’immeubles en bois. Ce 16 avril, l’éloignement de la charpente de Notre-Dame, nommée « la forêt », qui avait envie la coupe de 1 300 chênes, était dans tous les esprits. « J’ai été impressionné par la prise de conscience des équipes, très affectées par la destruction de Notre-Dame, déclare le PDG, Hervé Denize. Quelques un  des charpentiers avaient eu l’occasion de considérer “la forêt” de Notre-Dame dans leur parcours de compagnon du devoir. » Le comité de direction a déterminé ce jour-là de replanter 1 300 chênes d’ici trois mois.

Depuis le 15 avril, l’appel du secteur de la sylviculture a été à l’élévation de l’émotion générale. L’assureur Groupama, investisseur institutionnel et propriétaire terrien, a avisé dès le lendemain vouloir offrir 1 300 chênes centenaires essentiels à la reconstruction de Notre-Dame. Le 19 avril, c’était au tour de l’association des sylviculteurs de Poitou-Charente d’appeler à assembler 1 300 chênes pour refaire la charpente « à l’identique », quelle que soit la décision définitivement retenue pour le rétablissement de la cathédrale de Paris.

Moins de 5 euros par chêne

La décision de la petite société du Nord n’est pas « un coup de pub, car notre récente politique de protection de la filière bois va déjà dans ce sens », révélait à La Voix du Nord, le 20 avril, la directrice générale Frédérique Seels. « L’engagement de notre société, c’est de planter autant d’arbres que notre activité en consomme », déclare M. Denize. A moins de 5 euros par chêne, « ce n’est pas une dépense insurmontable pour la société. Les salariés ont été fiers de cette décision », qui fait autant écho à l’émotion générale qu’à la promesse des salariés.

« Il faudra deux cents ans pour que les chênes atteignent la taille de ceux utilisés pour la charpente de Notre-Dame, ce n’est donc pas pour cette génération. Mais on voulait faire autre chose que verser de l’argent, une action qui ait du sens pour les équipes, un symbole pour leur avenir. Pour les salariés, c’est une reconnaissance de leur métier, alors qu’ils viennent de passer à côté du dépôt de bilan », mentionne M. Denize, qui a racheté Création bois construction en février. Création bois construction envisage de financer l’accumulation et la plantation des 1 300 chênes dans les forêts du nord de la France.