A Bourges, le missilier MBDA augmente ses cadences, pousse les murs et recrute à tout-va
Le bar L’Arc-en-ciel, avenue Marcel-Haegelen, à Bourges, est un repaire d’anciens salariés du premier missilier d’Europe. Ce samedi 13 avril, les souvenirs se partagent autour d’un quart de rosé. « Il n’y avait pas meilleur comité d’entreprise qu’à MBDA. J’ai fait quatre fois le tour du monde avec eux. Et puis la cantine… Faut voir les casse-croûte qu’ils nous faisaient, c’était du bon et pour pas cher ! », lance l’un. Son voisin de comptoir commente : « J’ai travaillé la poudre, de gros blocs de poudre qu’on découpait à la scie à bois en veillant à ce que la lame ne soit jamais chaude. Rien à voir avec aujourd’hui. On faisait des semaines de soixante heures. On appelait notre atelier “le palais de la sueur”. » L’homme a pris sa retraite en 2001. « Je suis entré à 22 ans. Ils m’ont viré à 57 ans au lieu de 60, parce qu’il n’y avait pas assez de boulot à l’époque. »
Entre 1991 et 2001, 3 000 emplois industriels ont disparu à Bourges. Ville d’armement et de garnison depuis le XIXe siècle, la capitale du Berry a subi la baisse sans fin du budget de la défense. GIAT Industries, qui y fabrique obus et canons, a vu ses commandes résiliées par l’état-major, et la fin du programme du char Leclerc, en 2007, pour ventes insuffisantes, n’a rien arrangé. « J’ai été député du Cher une première fois entre 1997 et 2002, et membre de la commission de la défense nationale. A cette époque, on se demandait aussi si le site de MBDA allait fermer. Quasiment toutes les familles de Bourges avaient un de leurs membres dans l’armement », souligne le maire, Yann Galut. La population est passée de 71 000 habitants en 2005 à 64 000 en 2020.
Et puis tout a changé. En 2018, la France modernise les missiles de ses avions de chasse, les Emirats arabes unis et le Qatar enchaînent les commandes record et le chiffre d’affaires de MBDA grimpe de 40 % en cinq ans. L’entreprise profite enfin du vote, en juillet 2023, d’une ambitieuse loi de programmation militaire et doit répondre aux besoins urgents de l’Ukraine. Il lui faut réduire de quarante-deux à dix-huit mois le délai entre la commande et la livraison de ses missiles antiaériens et antibalistiques Aster. Ceux-là mêmes qui ont été tirés en mer Rouge par une frégate de la marine française pour intercepter des missiles en provenance du Yémen. Autant d’efforts nécessitent davantage de bras et de place.
Le missilier recrute donc à tout-va : « responsable du service essais spéciaux », « opérateur de fraisage nuit »… Au total, 183 offres d’emploi sont actuellement disponibles rien que sur le site de Bourges Aéroport, qui compte déjà 2 000 CDI. Cent postes seront à pourvoir lors de deux journées de « job dating », à l’usine, les samedi 20 et dimanche 21 avril. « Une réponse positive ou négative sera donnée aux candidats trois jours après. Et, concernant les opérateurs, nous ne recherchons pas de profils nécessairement expérimentés », précise-t-on chez MBDA, qui assure la formation en interne. L’école d’ingénieurs INSA Bourges-Blois travaille déjà main dans la main avec le missilier.
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