Impôts, pouvoir d’achat, emploi : les contre-vérités de Benjamin Griveaux

Impôts, pouvoir d’achat, emploi : les contre-vérités de Benjamin Griveaux

L’exécutif fait « les choses dans l’ordre », a affirmé Benjamin Griveaux sur LCI, vendredi 21 septembre. Le secrétaire d’Etat et porte-parole du gouvernement a défendu tout au long de son interview la politique économique menée depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Mais certains de ses arguments sont contestables, voire erronés. Retour sur trois d’entre eux.

1. Certains impôts ont bien augmenté en 2018

Ce qu’il a dit

Interrogé sur le pouvoir d’achat des retraités, Benjamin Griveaux a défendu le calendrier des réformes, évoquant le fait qu’après la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) au début de 2018, une bonne partie des retraités bénéficierait de la baisse d’un tiers de la taxe d’habitation en octobre 2018.

« Vous avez d’abord augmenté les impôts et maintenant vous dites qu’on va les baisser ? », demande alors le journaliste de LCI Christophe Jakubyszyn. « C’est inexact, on n’a augmenté aucun impôt. Aucun », lui rétorque Benjamin Griveaux. Et « la CSG ? », l’interpelle le journaliste. Le porte-parole du gouvernement justifie alors la politique économique du gouvernement, qui vise selon lui à ce que « le travail paie mieux ».

POURQUOI C’EST FAUX

Benjamin Griveaux joue ici sur les mots : quoi qu’on en pense, le gouvernement a bien augmenté certaines taxes ou impôts. La hausse du taux normal de la contribution sociale généralisée de 1,7 point au début de 2018 en est un exemple. Mais on peut aussi citer la hausse de la fiscalité des carburants, certes décidée pour des considérations environnementales, ainsi que celle du prix du tabac, légitimée par des impératifs de santé publique. « On augmente les impôts sur ce qui pollue », a d’ailleurs déclaré la ministre des transports, Elisabeth Borne, vendredi sur Europe 1 au sujet du prix des carburants.

Au crédit du porte-parole du gouvernement, on peut néanmoins noter que le taux de prélèvements obligatoires devrait baisser en 2018 par rapport en 2017, passant de 44,7 % à 44,3 %, selon les prévisions gouvernementales. S’il est faux d’affirmer qu’aucun impôt n’a augmenté, il est vrai que les impôts, au sens large, devraient diminuer.

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2. Un argument contestable sur le pouvoir d’achat

Ce qu’il a dit

Le journaliste de LCI a cité, au cours de l’interview, une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE, un organisme de prévision et d’évaluation des politiques publiques), selon laquelle la somme des mesures prises par le gouvernement en 2018 aurait un effet nul sur le pouvoir d’achat, avant une hausse de celui-ci en 2019.

Un point contesté par Benjamin Griveaux à plusieurs reprises : « Cela ne peut pas être zéro en 2018 », a-t-il tranché. Et de citer les principales dispositions du gouvernement en faveur du pouvoir d’achat : baisse des cotisations salariales ; baisse d’un tiers de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables ; hausse du minimum vieillesse… En matière de pouvoir d’achat, « il faut faire le total » des mesures favorables et défavorables, a-t-il estimé.

POURQUOI C’EST CONTESTABLE

L’OFCE a publié jeudi une étude sur l’effet des mesures prises par le gouvernement sur le pouvoir d’achat en 2018 et en 2019. L’effet total de celles-ci serait ainsi quasi nul pour l’année en cours (+ 0,1 milliard), mais plus notable à partir de l’année 2019 (+ 3,5 milliards).

Contrairement à ce qu’affirme Benjamin Griveaux, ces prévisions tiennent compte de l’ensemble des annonces gouvernementales. Ainsi, l’OFCE estime que la fiscalité directe baisserait de 4,3 milliards d’euros en 2018 et de 9,4 milliards d’euros en 2019. Elle juge aussi que les prestations sociales augmenteront de 1 milliard d’euros en 2018, mais baisseront de 2,3 milliards d’euros en 2019 (principalement à cause de la désindexation des pensions de retraite, d’autres mesures étant par ailleurs favorables au pouvoir d’achat).

Il ne s’agit bien sûr que de prévisions, et il faudra encore patienter plusieurs mois pour pouvoir analyser avec certitude l’évolution du pouvoir d’achat. D’autant que certains points font l’objet de controverses, comme la hausse de la fiscalité du tabac : le gouvernement estime que l’OFCE, tout comme l’Insee, surestime son effet sur le portefeuille des ménages en sous-estimant la baisse induite de la consommation de cigarettes.

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Cependant, Benjamin Griveaux occulte une réalité de taille : les deux mesures les plus fortes en matière de pouvoir d’achat du gouvernement en 2018 sont la réforme de la taxe d’habitation (+ 3 milliards, selon l’OFCE) et la « transformation » de l’impôt sur la fortune (ISF, + 3,2 milliards). Or, la seconde ne profitera qu’aux quelque 330 000 ménages fortunés redevables de l’ISF jusqu’à présent, qui sont les grands gagnants du premier budget du quinquennat.

Si l’on exclut la baisse de l’ISF, la balance du pouvoir d’achat en 2018 pour les foyers français vire au rouge. Il ne s’agit bien sûr que d’un constat d’ensemble, qui cache des situations extrêmement variables, mais qu’on ne peut balayer d’un revers de la main.

3. Une intox sur les emplois non pourvus

Ce qu’il a dit

Interrogé sur l’échange entre Emmanuel Macron et un jeune horticulteur au chômage le 15 septembre, au cours duquel le chef de l’Etat lui a recommandé de postuler dans l’hôtellerie, la restauration ou le bâtiment, le porte-parole du gouvernement a affirmé ceci :

« Moi, ce que je veux dire suite à l’épisode du week-end dernier que vous mentionnez, [c’est que] l’an dernier en France, il y a 300 000 offres d’emploi où il n’y a jamais eu de personne en face à proposer. »

POURQUOI C’EST FAUX

On ne peut pas affirmer, comme le fait Benjamin Griveaux, que 300 000 offres d’emploi n’auraient pas fait l’objet de ne serait-ce qu’une candidature en 2017 en France.

Ce chiffre est en fait tiré d’une enquête de Pôle emploi publiée en décembre 2017 (à défaut d’être exhaustive, il s’agit de la plus vaste sur la question). Selon cette dernière, 2,9 millions des 3,2 millions d’offres d’emploi « déposées à Pôle emploi sur une année » ont été pourvues. Restent donc 300 000 offres d’emploi qui n’ont pas trouvé preneur. Mais il est faux d’affirmer que ce serait par absence totale de candidature.

En réalité, ce chiffre englobe 97 000 recrutements annulés parce que le besoin d’embauche avait disparu (par exemple lorsque l’employeur n’a plus le budget) et 53 000 pour lesquels le recrutement se poursuivait au moment de l’étude. Les 150 000 offres restantes sont, elles, étiquetées comme « abandon de recrutement faute de candidats ».

Mais attention : dans 87 % des cas, l’employeur potentiel a bien reçu des candidatures avant de renoncer à recruter. Il les aura simplement écartées, les jugeant insatisfaisantes. Dans « la moitié des cas, l’offre a recueilli entre une et cinq candidatures », précise Pôle emploi. Le cas des offres qui n’ont fait l’objet d’aucune candidature, évoqué par Benjamin Griveaux, ne concerne à l’arrivée non pas 300 000 offres mais 19 500, selon cette étude. Soit environ 0,6 % de l’ensemble des offres d’emploi.

En résumé, cette étude de Pôle emploi montre bien des tensions sur le marché du travail, entre les attentes des recruteurs et les candidatures qui leur parviennent réellement. Mais cet écart peut aussi s’expliquer par des défauts d’attractivité des postes concernés, et en tout cas dans une très faible proportion par une absence totale de main-d’œuvre prête à travailler.

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LJD

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