« Les travailleurs à temps partiel ne tireront que peu, voire pas, de privilège de la modification de la prime d’activité »
Le mécanisme des décisions prises en réponse aux « gilets jaunes » laisse certaines catégories de salariés sur le bord de la route, relèvent les économistes François Bourguignon, Paul Champsaur, ex-présidents du groupe d’experts sur le smic, et Gilbert Cette, le président actuel.
Le gouvernement a désiré répondre à la demande de hausse du pouvoir d’achat formulée ces dernières semaines par le mouvement des « gilets jaunes » en préférant la défiscalisation des heures supplémentaires et le relèvement de la prime d’activité à une hausse du smic.
Le groupe d’experts sur le smic a accentué à plusieurs reprises que le salaire minimum n’était pas, en effet, un instrument actif pour soutenir le pouvoir d’achat des personnes à bas revenus salariaux.
D’une part, ses effets sur l’emploi peuvent être contre-productifs.
D’autre part, c’est un dispositif mal ciblé pour lutter contre la pauvreté des travailleurs et, a fortiori, des personnes sans emploi. Une rétribution au smic ou à un taux proche ne signifie pas nécessairement que la famille concernée soit au-dessous du seuil de pauvreté. Il n’est pas rare en effet qu’un autre membre bénéficie d’un revenu supérieur, qui permet à la famille de dépasser ce seuil.
Par ailleurs, plusieurs transferts sociaux (prime d’activité, aides au logement, certaines aides locales) sont sous conditions de ressources ou diminuent avec la hausse de la rétribution d’activité : les effets d’une hausse du smic sur le revenu des ménages éligibles à ces transferts sont donc considérablement réduits.
Ainsi, les simulations publiées dans les rapports du groupe d’experts ont montré qu’une hausse de 1 % du smic augmentait le revenu disponible moyen des 30 % des ménages les moins aisés de moins de 0,15 %, tandis qu’une hausse de la prime d’activité conduisant au même revenu agrégé de l’ensemble des ménages l’augmentait d’environ 0,4 %, la différence reposant surtout sur un meilleur ciblage de la prime d’activité vers le bas de la distribution.
Bonus variable
En revanche, ces décisions négligent les personnes et familles dont les revenus d’activité viennent d’un emploi salarié à temps partiel, souvent contraint, qui, par définition, ne font pas d’heures supplémentaires et qui ne sont peu, voire pas concernées par le relèvement de la prime d’activité.
En effet, la majoration annoncé de la prime d’activité, pour parvenir à une hausse de 100 euros du pouvoir d’achat au niveau du smic (une fois prise en compte la hausse réglementaire du smic au 1er janvier), ne concerne que la partie « bonification » de cette prime. Car la prime d’activité est constituée de deux parties distinctes.
D’une part un montant forfaitaire : le montant de base est égal au RSA socle, soit 550 euros par mois pour un célibataire et plus selon la composition familiale, mais il est réduit de 38 % des revenus d’activité du ménage. Il s’amenuise donc au fur et à mesure de la hausse de ces revenus, jusqu’à disparaître lorsque le revenu atteint, pour une personne seule à temps plein, 1,2 smic.