« Pirater l’entreprise » : les clés d’une « gestion subversive » en 20 leçons

A la croisée des XXe et XXIe siècles, une « nouvelle proposition » émerge au sein du mouvement coopératif : la coopérative d’activité et d’emploi (CAE). Elle se veut une réponse au développement que connaît alors l’entrepreneuriat individuel, et aux risques de précarité et d’isolement qui lui sont associés. La CAE souhaite apporter un cadre sécurisant en proposant une hybridation du salariat et du travail indépendant. C’est la voie qu’emprunte à Paris Coopaname dès 2004.
Une voie menée avec succès, en dépit des crises que la structure a dû traverser : la coopérative a fêté en 2024 ses 20 ans, et ses chevilles ouvrières évoquent avec fierté le fait qu’« environ 2 800 personnes ont été ou sont toujours coopanamiennes » – on comptait 450 sociétaires en 2024, pour un chiffre d’affaires d’environ 12 millions d’euros.
Graphiste, paysagiste, prestations de conseil, microbrasseurs… Des profils divers ont ainsi rejoint la CAE – une « auberge espagnole du travail » –, attirés par les « protections » qu’elle offrait (couverture sociale, formation professionnelle…), mais aussi, bien souvent, par le projet plus politique porté par Coopaname. C’est cette histoire, et les multiples enjeux qui l’accompagnent, que nous expose Stéphane Veyer dans son ouvrage Pirater l’entreprise (Les Petits Matins, 2024).
Coopérateur à Coopaname et ancien codirecteur général, l’auteur présente avec enthousiasme ce modèle qui permet aux porteurs de projet de devenir des « entrepreneurs salariés », et de bénéficier des atouts d’une structure collective (une équipe prend par exemple en charge les questions administratives, fiscales et juridiques) tout en restant autonomes dans l’exercice de leur activité professionnelle – le salaire étant généré depuis le chiffre d’affaires de l’activité.
Ambitions multiples
Au-delà, l’ouvrage a surtout pour objet de montrer comment ce modèle coopératif va servir de matrice à une expérience de « gestion subversive », « prenant le contre-pied de la doxa managériale ». Car la visée profonde de Coopaname est bien, aux yeux de l’auteur, de « pirater l’entreprise ». Pour y parvenir, M. Veyer met en avant 20 « gestes » au fil des pages. Elire à la direction générale des plus novices, décentraliser la prise de parole au nom du collectif, placer « la confiance comme clé de voûte de l’accompagnement », « déconnecter le travail et l’emploi »… Les ambitions sont multiples, certaines assumées comme « utopiques ».
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