Maladies à prions : après le décès de plusieurs chercheurs, la sécurité des laboratoires en question
Il y a un mois se réunissaient à Faro, au Portugal, les principaux experts mondiaux des maladies à prions, aussi rares que fatales. Sur X, les chercheurs se félicitent de leurs présentations respectives et des agréments de la côte de l’Algarve. Mais, au beau milieu de leur congrès annuel, le 19 octobre, le quotidien espagnol El Pais jette un froid : il révèle qu’un des spécialistes espagnols du diagnostic précoce de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), la plus connue des maladies à prions, en serait lui-même mort en 2022.
Rappelons que le prion est une protéine naturellement présente dans de nombreux tissus, qui peut prendre une conformation aberrante l’amenant à s’agréger toujours plus par effet domino, au point d’altérer le fonctionnement cérébral et d’entraîner la mort, parfois après des décennies d’incubation. Il n’existe aucun traitement pour enrayer ce processus fatal de dégradation du système nerveux central. Il peut être enclenché de façon spontanée – on parle de forme sporadique –, apparaître dans certaines familles présentant un profil génétique particulier, ou encore après une contamination par des prions pathogènes. En France, une centaine de cas de MCJ sont recensés chaque année, dont 85 % sont sporadiques.
Si quelques scientifiques avaient eu vent en amont de la disparition du chercheur espagnol, la sinistre nouvelle avait peu circulé dans cette petite communauté de recherche, d’un peu plus de deux cents spécialistes dans le monde. Celle-ci a fondu à mesure que le spectre d’une large transmission à l’humain des prions responsables de la maladie dite « de la vache folle » s’estompait. Mais elle reste active face aux anciens et aux nouveaux risques zoonotiques – chez les cervidés et les camélidés – ainsi que pour comprendre les mécanismes prioniques dans la MCJ et d’autres maladies neurodégénératives humaines.
Ce domaine était déjà endeuillé par les décès, en juin 2019 et en novembre 2021, de deux techniciennes de laboratoire de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Emilie Jaumain et Pierrette Costes avaient contracté la MCJ par le biais de coupures accidentelles survenues alors qu’elles travaillaient sur des prions pathogènes, respectivement en 2010 à Jouy-en-Josas (Yvelines) et en 2005 à Toulouse.
En Italie, un autre décès de la MCJ survenu en 2016 pourrait aussi avoir une origine accidentelle, la personne ayant travaillé au contact de tissus d’animaux porteurs d’encéphalopathie spongiforme bovine – la maladie de la vache folle. La nouvelle mort suspecte en Espagne relance donc les interrogations sur les conditions de sécurité dans lesquelles les travaux sur ces redoutables agents non conventionnels ont parfois été conduits.
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