Archive dans octobre 2021

Fadila Khattabi : « L’égalité des chances réelle passe par la lutte contre les discriminations »

Tribune. « Je n’ai pas été pris pour le poste. Je ne devais pas correspondre au profil ! » ou encore « j’ai postulé pour un contrat d’apprentissage mais c’est mon camarade de classe qui a été retenu. Pourtant, l’employeur que j’avais contacté quelques jours auparavant m’avait dit qu’il n’avait besoin de personne cette année… ». Ces phrases, je les ai entendues de nombreuses fois, d’abord en tant qu’enseignante dans un centre de formation d’apprentis dans lequel j’ai exercé pendant près de vingt-cinq ans, mais aussi en tant qu’élue, lors de mes rencontres avec les administrés de ma circonscription.

Ce constat, que j’observe depuis de nombreuses années maintenant, dépeint une réalité plus large : celle des discriminations qui perdurent encore dans notre pays et qui mettent à mal notre cohésion nationale. Ces discriminations de toutes sortes sont particulièrement prégnantes dans le domaine de l’emploi.

Dans une étude récente diffusée mercredi 6 octobre (réalisée par le cabinet Occurrence pour l’association Diversidays), 48 % des salariés interrogés estiment avoir été victimes d’une discrimination au sein de leur entreprise. Pour les jeunes salariés, cette problématique est encore plus présente puisque 76 % d’entre eux déclarent avoir été témoins d’au moins une discrimination et 95 % attendent en conséquence de la part de leur entreprise davantage d’engagement sur cette question.

Une société sereine et apaisée

Cette réalité m’interpelle et surtout me choque profondément. En effet, le moment que nous vivons actuellement doit plus que jamais être consacré à la prise de conscience, car cette question constitue un défi majeur pour la défense de nos valeurs et de notre pacte républicain.

Face aux populistes en tout genre qui s’attellent à démembrer notre société, il est urgent de renforcer les fondements de notre République, une et indivisible.

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A l’heure où certains souhaiteraient opposer les Français les uns aux autres, sur la base de différences qui sont pourtant notre richesse, je réponds : égalité des chances. Une égalité des chances qui constitue aussi une égalité de choix dont tous nos concitoyens devraient pouvoir disposer.

Je suis intimement convaincue que ce principe constitue la condition sine qua non d’une société sereine et apaisée ; un principe qui doit désormais devenir une réalité concrète pour toutes et tous, et qui nécessite, indubitablement, de renforcer notre lutte contre les discriminations.

Les défis qui nous attendent aujourd’hui sont immenses.

Proposition de loi

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Entre inquiétude et enthousiasme, les villes confrontées à l’arrivée des data centers

Le toit du data center MRS3 d’Interxion, installé dans une ancienne base de sous-marins construite dans le port de Marseille, en juillet 2020.

A moins de six mois d’écart, la scène se répète. Marseille, le 27 mai : le gratin politique local se presse pour une visite du chantier du futur data center (« centre de données ») d’Interxion, son quatrième dans la ville. Même parterre d’élus, le 5 octobre, à Bruges (Gironde), en périphérie de Bordeaux, pour l’inauguration du data center d’Equinix. A 600 kilomètres de distance, les édiles affichent leur satisfaction, voyant dans ces infrastructures un atout pour se positionner aux avant-postes de la révolution numérique. « Ici, les entreprises auront des capacités technologiques qu’elles n’auraient pas ailleurs », se réjouit Alain Anziani, président PS de la Bordeaux Métropole.

Pas de hasard à ce que deux villes du littoral soient candidates à devenir les grands pôles régionaux de l’économie de la donnée. Marseille se trouve à l’arrivée d’une quinzaine de câbles sous-marins, ces infrastructures critiques par lesquelles transitent 90 % du trafic Internet mondial. Le 19 octobre, Orange a finalisé l’atterrissement du plus important d’entre eux, le Pakistan and East Africa Connecting Europe (Peace), qui reliera, à partir de 2022, l’Europe à l’Asie, en passant par l’Afrique de l’Est. Selon le site spécialisé TeleGeography, la cité phocéenne se situe déjà au 9e rang mondial des villes offrant la plus grande capacité de transit de données (derrière Paris, 4e). En Gironde, le câble Amitié doit être mis en service dans les prochains mois, pour permettre de faire transiter au plus vite les données entre les Etats-Unis et le Vieux Continent.

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L’objectif est de créer un écosystème de sociétés pour lesquelles la circulation de la donnée, en gros volumes et à très grande vitesse, est nécessaire, comme les opérateurs télécoms ou ceux du cloud (informatique dématérialisée). Régis Castagné, le directeur général d’Equinix pour la France, décrit aussi toute une série de cas d’usage, encore balbutiants, pour lesquels la proximité de tels équipements représente un atout : « Les smart cities [villes intelligentes], la télémédecine, la 5G. »

Des implantations prometteuses en matière d’emploi

A l’échelle locale, la maire divers gauche de Bruges souligne que l’arrivée de ces nouveaux acteurs participe à la politique d’aménagement du territoire : « Dans le nord de Bordeaux, on a des zones d’activité vieillissantes, qui ne demandent qu’à être modernisées », explique Brigitte Terraza. Dans sa commune, Equinix a investi une zone de fret. A Marseille, Interxion a construit ses installations sur le site de l’ancienne base sous-marine allemande à l’abandon.

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Egalité femmes-hommes : les pères nordiques incités à pouponner

Jonas Jarl a pris six mois de congé paternité pour son troisième enfant, et huit mois pour ses deux premiers. A Malmö (Suède), en juillet 2015.

Responsable environnement et climat auprès du laboratoire danois Novo Nordisk, Emil Linnet a repris le travail mi-septembre, après quatre mois de congé paternité. Deux semaines plus tard, il s’absentait de nouveau : son fils de 14 mois est tombé malade et, avec sa femme, ils se sont relayés à la maison jusqu’à ce qu’il puisse retourner à la crèche. Rien de plus normal pour le trentenaire, qui se décrit comme « féministe » et explique : « Ma compagne et moi nous partagions les tâches avant d’avoir des enfants. Il n’y a pas de raisons que ça change maintenant. »

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Comme d’autres entreprises danoises, Novo Nordisk complète les indemnités versées par l’Etat, pour permettre à ses salariés de partir douze semaines avec 100 % de leur revenu. Emil Linnet assure que même sans, il aurait pris quatre mois de congé parental : « Pour moi, c’était important de passer du temps avec mon bébé. J’ai fait la même chose avec ma fille, qui a 3 ans. » Mais il reconnaît que si le dispositif n’avait pas existé, il aurait « eu des doutes sur l’entreprise » et peut-être même « hésité à y travailler ».

Autour de lui, les hommes – surtout quand ils sont diplômés, avec de hauts salaires et de bons postes – conçoivent de plus en plus le congé paternité comme une évidence. Les Danois, pourtant, ne prennent toujours qu’une petite partie des trente-deux semaines que les couples peuvent se partager (en plus des quatorze semaines réservées à la mère et deux semaines au père après la naissance). En 2019, les pères ne sont restés en moyenne que 34,2 jours à la maison avec leur bébé, contre 280,3 pour les mères.

Système de quotas

C’est pour tenter de réduire le déséquilibre – et parce qu’une directive européenne, votée par le parlement, à Strasbourg, en avril 2019, impose aux Etats membres de réserver deux mois de congé parental aux pères à compter de 2022 – que les partenaires sociaux ont présenté un projet de réforme, le 13 septembre, instaurant l’individualisation des congés. En plus des deux semaines à la naissance de l’enfant, ils proposent que les deux parents aient droit à vingt-deux semaines de congé parental chacun, dont treize qu’ils pourront transférer à l’autre.

La Confédération des employeurs danois (Dansk Arbejdsgiverforening) s’est longtemps opposée à ce système de quotas, avant de changer d’avis. Sa vice-présidente, Pernille Knudsen, explique : « Nous pensions pouvoir transformer les mentalités en faisant de l’information, mais nous avons réalisé que cela ne fonctionnait pas. La preuve : même quand ils peuvent partir avec 100 % de leur salaire, certains pères ne le font pas. » Pour les entreprises, poursuit-elle, c’est un problème : « Elles embauchent des femmes compétentes et celles-ci disparaissent presque un an à chaque maternité, quand les hommes ne sont absents que quelques semaines, ce qui constitue une perte considérable pour les compagnies. »

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Dans les grandes écoles, des ateliers pour aider les femmes à mieux négocier leur salaire

Dans les années 1960, les hommes gagnaient en moyenne 60 % de plus que les femmes. Aujourd’hui, l’écart s’est réduit, mais s’élève encore à 19 %, selon l’Observatoire des inégalités.

« I got the power » est floqué en lettres argentées sur le sweat de Gwendoline. Quatre mots comme un mantra pour les dix femmes qui accompagnent la jeune diplômée lors d’un atelier de négotraining organisé par l’école de commerce Audencia de Nantes, gratuite et réservée aux femmes. L’objectif : apprendre à négocier son salaire.

Tous les profils sont représentés : étudiantes, jeunes diplômées, jeunes actives, cadres confirmées. Elles ont toutes un point commun : une forte appréhension à mener une négociation salariale. « J’ai du mal à mettre un salaire sur le type d’emploi que je souhaite occuper. J’ai tendance à me contenter de ce qu’on m’offre », avoue Carla, 23 ans, bientôt diplômée en stratégie financière à Audencia. Parler d’argent pour soi-même est tabou. « L’idée de demander un plus gros salaire ne m’était jamais venue à l’esprit », témoigne également Diana, 29 ans, chimiste en entreprise. Jusqu’au jour où elle réalise qu’à travail égal et expérience égale, elle est payée « 20 % de moins » que ses collègues, femmes et hommes. Le choc.

Dans les années 1960, les hommes gagnaient en moyenne 60 % de plus que les femmes. Aujourd’hui, l’écart s’est réduit, mais s’élève encore à 19 %, selon l’Observatoire des inégalités. Surtout que les différences de salaire, de statut, de type de contrat (CDD, CDI, etc.), sont toujours en défaveur des jeunes femmes, et ce, dès la sortie de l’école, à diplôme égal.

Difficulté à parler d’argent

En 2021 l’écart entre le salaire moyen des jeunes diplômés entre les hommes et les femmes est de 6,6 %, selon l’enquête d’insertion de la Conférences des grandes écoles (CGE). Pour que les femmes soient mieux armées à l’approche de leurs entretiens d’embauche ou, une fois en entreprise, lors de négociations salariales, de nombreux établissements organisent des sessions de préparation. Depuis 2017, près de trois mille femmes ont ainsi suivi une séance de négotraining à Audencia. A l’issue de cette formation, « neuf femmes sur dix obtiennent une amélioration de leur rémunération ou de leur situation professionnelle », assure l’école.

« Au moment de discuter, j’aimerais y aller franchement, mais je n’y parviens pas »

L’une après l’autre, chacune des participantes raconte ses difficultés à parler d’argent. Anne*, la quarantaine, est responsable commerciale. Négocier, démarcher, gagner point après point au bénéfice de son entreprise est au cœur de son métier. « Cette énergie, je l’utilise au quotidien pour les autres. Mais quand il s’agit de moi je n’y parviens plus », explique-t-elle. « Qu’est-ce que je vaux ? Je subis le syndrome de l’imposteur. Au moment de discuter, j’aimerais y aller franchement, mais je n’y parviens pas », confie une participante, qui, dans son discours, n’hésite pas brandir un stéréotype : « C’est une question de couilles, et je ne les ai pas. »

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Parité femmes-hommes : le Sénat vote pour l’établissement de quotas aux postes de direction des grandes entreprises

Le Sénat, à majorité de droite, est d’accord pour imposer des quotas de femmes aux postes de direction des grandes entreprises. La chambre haute a adopté, tard, mercredi 27 octobre, en première lecture, une proposition de loi de La République en marche pour « accélérer l’égalité économique et professionnelle », qui prévoit un tel dispositif.

« Rétablir l’égalité, ce n’est pas leur accorder une faveur (…), c’est réparer une injustice que rien ne saurait justifier », a affirmé Elisabeth Moreno, ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.

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Porté par la députée La République en marche Marie-Pierre Rixain, le texte avait été adopté à l’unanimité des votes exprimés, en mai, par l’Assemblée nationale. Députés et sénateurs vont maintenant tenter de s’accorder sur un texte commun, faute de quoi l’Assemblée aura le dernier mot.

Les sénateurs ont adopté la proposition d’instaurer un quota de représentation de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes dans les entreprises d’au moins 1 000 salariés. Elle prévoit une proportion d’au moins 30 % de femmes en 2027, et de 40 % en 2030.

Pénalité financière

En 2030, « dans un délai » maximum « de deux ans », ces entreprises devront se mettre en conformité avec la règle de 40 % de cadres dirigeantes, sous peine de se voir « appliquer une pénalité financière », plafonnée à 1 % de la masse salariale.

Les sénateurs ont également approuvé l’obligation faite aux entreprises de publier chaque année sur le site du ministère du travail les écarts de représentation femmes-hommes, mais en leur accordant un délai de cinq ans après publication de la loi.

La gauche a tenté sans succès d’abaisser le seuil de salariés à partir duquel les entreprises seraient concernées ou de raccourcir les délais.

Ce texte est présenté dix ans après l’adoption de la loi Copé-Zimmermann, qui imposait 40 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises.

Pour la rapporteure Laurence Garnier (Les Républicains, LR), si cette féminisation « a eu des effets très positifs, elle n’a pas entraîné de progrès notables dans la répartition des postes à responsabilité au sein des entreprises ».

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« Lutter contre les biais de genre »

« Les quotas ont fonctionné mais n’ont pas eu le ruissellement escompté », a renchéri la présidente centriste de la délégation aux droits des femmes, Annick Billon. « Il n’y a aujourd’hui que 25 % de femmes au sein des comités de direction » des cent vingt plus grandes sociétés cotées en Bourse, a précisé Mme Moreno.

Le texte comprend aussi des « objectifs de mixité » dans le soutien aux entreprises de la banque publique Bpifrance. Le Sénat a adopté un amendement de Mme Billon visant à imposer la présence d’au moins 40 % de femmes au sein des comités d’investissement de Bpifrance d’ici à 2027.

Il vise en outre à « lutter contre les biais de genre » dans les choix professionnels, grâce à un « index de l’égalité » dans les établissements du supérieur et davantage de mixité dans les jurys. Il prévoit « l’obligation » de verser salaire ou prestations sociales sur un compte bancaire « dont le salarié est le détenteur ou le codétenteur ».

La proposition de loi s’adresse aussi aux mères élevant leurs enfants seules, via la mise en place de formations et de réservations de places en crèche.

Le Sénat a toutefois modifié l’article visant à faciliter l’accès au télétravail des femmes en fin de grossesse. Il prévoit désormais que l’employeur sera en droit de refuser la demande si les fonctions occupées ne peuvent pas être effectuées à distance. « Déçue », la gauche s’est abstenue sur ce texte.

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Le Monde avec AFP

La fonction publique, un parcours semé d’embûches pour les jeunes actifs

La fonction publique se mérite. Les jeunes entrant sur le marché du travail qui choisissent l’administration s’engagent dans un véritable parcours semé d’embûches. C’est ce qui ressort d’une note publiée le 18 octobre 2021 par le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), sous la tutelle du ministère de l’éducation nationale.

Les données communiquées par le Céreq sont particulièrement significatives. Elles sont fondées sur l’enquête « Génération 2010 » : en 2017, le centre d’études a scruté les sept premières années de vie professionnelle des 658 000 jeunes sortis du système éducatif en 2010. Et ce, en définissant un large échantillon représentatif (25 000 répondants) et en s’intéressant aux 27 % qui ont travaillé dans la fonction publique.

Tout d’abord, les premiers pas de ces nouveaux arrivés dans la fonction publique sont marqués par la précarité. Ils sont très majoritairement recrutés sur un contrat à durée déterminée. Le CDD est « devenu la norme des premières embauches, comme dans le privé », indique le Céreq, malgré la création du « CDI de droit public » depuis une réforme de 2019. Selon l’étude, 79 % des jeunes qui intègrent le service public le font avec un contrat temporaire – contre 64 % de ceux qui débutent par le secteur privé – et 14 % l’intègrent directement par le statut de fonctionnaire. Ils sont 7 % à débuter avec un CDI.

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Une concurrence dure

Deuxième élément notable, la concurrence est âpre. Le laboratoire évoque « une sélectivité plus sévère » ou « une concurrence accrue » dans le public. L’administration propose « davantage d’emplois qualifiés que le secteur privé » et pose « des conditions strictes de prérequis en matière de diplôme », note-t-il. Pas étonnant, dans ces conditions, que les jeunes passés par l’enseignement supérieur soient plus nombreux en proportion à démarrer par la fonction publique que ceux qui n’ont pas ou peu de diplômes : 20 % contre 9 %.

Le Céreq a défini plusieurs profils selon le parcours accompli par cette génération 2010. Dans la fonction publique hospitalière, les jeunes femmes sont surreprésentées (84 %) de même que les diplômés du supérieur (72 %). Mais la situation est comparable au sein de l’Etat, quoique moins marquée. Dans les collectivités locales, en revanche, le recrutement est plus masculin et moins diplômé.

Or, et c’est le troisième élément, non seulement se stabiliser dans l’administration est long, mais moins on est diplômé, plus il est difficile d’y « faire son trou ». Après sept années de vie active, constate le centre d’études, les jeunes qui travaillent dans la fonction publique sont moins nombreux à avoir stabilisé leur situation que ceux partis dans le privé. Ce n’est le cas que de sept jeunes sur dix dans le public (42 % comme titulaires et 28 % en CDI), contre plus de huit sur dix dans le privé (83 % exactement).

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Aux Etats-Unis, une grève de la prospérité chez Kellogg’s

Des salariés de Kellogg’s en grève, à Battle Creek (Michigan), mardi 26 octobre.

Au cœur du pays amish, en Pennsylvanie, avec ses fermes rouges et ses longs silos à grains, se dresse une usine Kellogg’s, fabricant des céréales pour le petit déjeuner. Tom Roberts, 57 ans, tient un piquet de grève, avec une dizaine de camarades, devant l’une des deux entrées du site de Lancaster. Ce vendredi 22 octobre, cet ouvrier en est à sa troisième semaine de grève. Il hume l’air, surveille l’usine où s’affaire de la main-d’œuvre extérieure. « Ils essaient de produire, mais nous ne voyons pas de fumée sortir de la cheminée. Ils n’y arrivent pas », dit-il avec espoir, même si l’entreprise affirme que ses usines sont « opérationnelles », grâce à des travailleurs externes amenés par bus. L’humeur est joyeuse. En compagnie de ses collègues, il nous fait griller un cheeseburger et ne s’inquiète guère.

La grève, chez Kellogg’s, on n’en avait pas vu depuis des décennies. Une grève de la prospérité, où le rapport de force s’est inversé en faveur des travailleurs. Tom Roberts gagne 30 dollars (25,90 euros) de l’heure, quatre fois le salaire minimal de Pennsylvanie. Il ne se fait pas de souci : dans un pays où la pénurie de main-d’œuvre est généralisée, il a postulé, en attendant, pour un boulot à l’usine d’en face, Charles & Alice, qui fabrique de la compote de fruits et a planté un beau panneau : « On embauche. » « Ils m’ont contacté, je n’ai pas eu le temps de les rappeler. »

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Principale réclamation des grévistes, mettre fin au système de rémunération à deux vitesses, qui conduit les vétérans comme M. Roberts à gagner 30 dollars de l’heure et les plus récents embauchés, 18 dollars. Cette plus faible rémunération avait été acceptée en 2015 par les syndicats, en raison des difficultés du moment, tandis que Kellogg’s avait fait planer la menace de fermer deux des quatre usines américaines pour les délocaliser au Mexique. L’entreprise voulait pouvoir généraliser ce système, actuellement limité à 30 % des salariés, qui aurait conduit à l’extinction du statut des vétérans.

Inversion du rapport de force

Les syndicats, en sortie de crise sanitaire, veulent revenir en arrière, estimant que la situation a changé. « Ils ont fait plus d’argent que jamais pendant la pandémie de Covid-19 », accuse Dave Eliott, 58 ans, électricien depuis trois décennies. Confinés, les Américains se sont nourris de céréales, tandis que les ouvriers de Kellogg’s faisaient partie des rares à travailler pour produire la nourriture indispensable. « On n’a jamais arrêté de produire. La police nous demande notre badge de travailleurs essentiels. L’entreprise nous a qualifiés de héros, et elle nous remercie avec des salariés de deuxième classe », poursuit-il.

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Election présidentielle 2022 : Nathalie Arthaud fustige « la gauche au gouvernement » et appelle à une hausse massive des salaires

Nathalie Arthaud, candidate à la présidentielle du parti d’extrême gauche Lutte ouvrière (LO), lors de la présentation de la liste LO aux élections européennes à Paris, en mars 2019.

Nathalie Arthaud part pour un troisième scrutin présidentiel sans rien changer dans ses engagements, ni dans son franc-parler. Invitée sur France Inter mercredi 27 octobre, la candidate de Lutte ouvrière (LO) a expliqué « l’écœurement » et la « désorientation » de l’électorat de gauche face à la faillite « de la gauche au gouvernement » qui s’est « transformée en paillasson du grand capital ». « Bien des fois, elle est allée sur le terrain de l’extrême droite », a-t-elle regretté, visant notamment François Hollande et « la fameuse question de la déchéance de nationalité », proposée par l’ancien président de la République au lendemain des attentats du 13-Novembre.

L’agrégée d’économie, héritière d’Arlette Laguiller – candidate à la présidentielle et porte-parole du parti entre 1974 et 2007 –, a ensuite dénoncé l’« indemnité inflation » annoncée le 21 octobre par le premier ministre, Jean Castex, pour lutter contre la hausse des prix du carburant. La candidate trotskiste a défendu, pour sa part, une augmentation des salaires à hauteur de « 300, 400, 500 euros de plus chaque mois sur les fiches de paie », « en allant prendre sur les profits » des grandes entreprises.

Lire notre infographie : Qui sont les candidats déclarés et pressentis pour 2022 ?

Un smic à 2 000 euros

Lutte ouvrière porte également la proposition d’augmentation du smic à 2 000 euros par mois ainsi qu’une indexation des salaires sur « l’inflation réelle » – une mesure avancée récemment par le député La France insoumise (LFI) François Ruffin. Mme Arthaud a aussi regretté que les « gilets jaunes » ne se soient jamais implantés dans les entreprises et a appelé les « travailleurs, les salariés, les retraités » à « se défendre et revendiquer leur dû » en renouant « avec les luttes collectives, les grèves, les occupations d’usine ». La candidate s’est dite « convaincue que l’essentiel » de la vie démocratique et citoyenne « se passe dans les entreprises ».

Interrogée au sujet de ses différences avec les candidats insoumis, Jean-Luc Mélenchon (LFI), et communiste, Fabien Roussel (PCF), elle a réaffirmé la posture de son parti : « Je ne cherche pas à gérer cette société capitaliste, je cherche à la renverser. » Dans cette ligne, à quelques jours du début de la COP26 en Ecosse, Mme Arthaud a également jugé qu’« on ne pourra sauver la planète que si on arrête cette course au profit incroyable », en « remettant en cause la propriété privée » face à des « multinationales qui peuvent faire tout ce qu’elles veulent ».

Le Monde avec AFP

Chômage : au troisième trimestre, le nombre de demandeurs d’emploi retrouve son niveau d’avant-crise

Encore une statistique qui confirme la vigueur de la reprise. Au troisième trimestre, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a diminué de 5,5 % pour se situer à un peu plus de 3,54 millions sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, sauf Mayotte), d’après les données diffusées, mercredi 27 octobre, par la Dares – la direction chargée des études au ministère du travail. Il s’agit d’une forte baisse, qui permet d’effacer les dégâts causés par la crise, puisque cet indicateur se retrouve à un niveau un tout petit peu inférieur à celui des trois derniers mois de 2019.

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Cette tendance concerne toutes les tranches d’âge, mais elle s’avère plus forte pour les moins de 25 ans : – 8,4 % en métropole, contre – 5,9 % pour les personnes de 25 à 49 ans et – 4,1 % pour les seniors. En revanche, les personnes inscrites à Pôle emploi tout en exerçant une activité réduite (catégories B et C) voient leurs effectifs s’accroître : + 4,2 % en un trimestre dans l’Hexagone. Mais si l’on s’intéresse à l’ensemble des demandeurs d’emploi, qu’ils travaillent ou non (catégories A, B et C), l’évolution reste favorable (– 1,9 %), le nombre de personnes dans cette situation redescendant à 5,87 millions alors que la barre des six millions avait été dépassée en 2020.

Si la catégorie A de Pôle emploi continue de se réduire au fil des mois, c’est, bien évidemment, lié au dynamisme de l’économie. Au troisième trimestre, le nombre de déclarations d’embauches de plus d’un mois (hors intérim) a progressé de 11,4 %, pour se situer à un peu plus de 2,44 millions, d’après l’Urssaf. « Un tel niveau n’avait pas été atteint depuis 21 ans », a déclaré, mardi, la ministre du travail, Elisabeth Borne, en se réjouissant de ce « record historique », alors qu’elle était auditionnée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Une majorité d’embauche par des CDD de moins d’un mois

C’est dans le tertiaire que l’augmentation est la plus forte (+ 12,3 %), mais l’industrie et la construction enregistrent également des performances enviables, avec + 8,7 % pour l’une et + 6,4 % et pour l’autre. Cependant, la majorité des recrutements s’effectue par le biais de CDD de moins d’un mois, ce type de contrats représentant 63 % des embauches, de début juillet à fin septembre. Dans certains secteurs, cette proportion est particulièrement élevée : 91 % dans les arts, spectacles et activités récréatives, 80,4 % dans l’action sociale et l’hébergement médico-social, etc.

Grâce à la reprise, le taux de chômage des jeunes est revenu « à son niveau d’avant-crise », selon Mme Borne. Mais il reste « proche de 20 % », ce dont « on ne peut se satisfaire », a ajouté, mardi, la ministre du travail. C’est pourquoi l’exécutif s’apprête à présenter de nouvelles mesures en faveur des moins de 25 ans qui ne sont ni au travail, ni en formation, ni dans un établissement d’enseignement. Les dispositions en question prendront la forme d’un « revenu d’engagement » ou d’un « contrat d’engagement », dont les contours devraient être présentés, début novembre, par Emmanuel Macron.

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Les cadres retrouvent leur mobilité

Carnet de bureau. Entreprises recherchent cadres désespérément, et réciproquement ? Les perspectives 2022 sont plutôt bonnes pour l’emploi. Faible taux de chômage (7,6 %), poursuite des recrutements, les projections des responsables des ressources humaines expriment tous la même chose : des effectifs stables ou à la hausse. L’Association nationale des DRH (Andrh) a annoncé le 19 octobre que 47 % de ses entreprises adhérentes veulent étoffer leurs équipes dans les prochains mois et que 37 % les maintiendront.

« Alors pourquoi bouger ? La crise a incité tout un chacun à l’introspection. Quelle est l’utilité sociale de mon entreprise, de mes missions ? Tout cela a-t-il un sens ? »

L’Association pour l’emploi des cadres (APEC) révèle, ce mercredi 27 octobre, des intentions de recrutement en hausse dans les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) : 55 % d’entre elles prévoient de recruter au moins un cadre avant la fin de l’année, alors qu’elles n’étaient que 49 % en juin. Et les cadres sont prêts à répondre à l’appel. Ils retrouvent enfin la mobilité perdue avec le Covid.

Le télétravail n’est pas le seul à avoir fait sortir les salariés hors les murs de l’entreprise. La reprise d’activité produit ses premiers fruits : le désir de mobilité professionnelle est au plus haut depuis un an. En cette fin d’année, plus d’un cadre sur deux (52 %) considère à nouveau que changer d’entreprise est « une opportunité » et non plus « un risque », indique l’APEC.

Des fourmis dans les jambes

Au troisième trimestre, les offres d’emploi cadre avaient dépassé pour la première fois leur niveau d’avant crise. De quoi encourager la mobilité professionnelle, et pas seulement celle des jeunes. Ainsi, 61 % des moins de 35 ans mais aussi 39 % des cadres en milieu de carrière (35-54 ans) ont désormais l’intention de changer d’employeur dans les douze prochains mois. Les plus de 55 ans sont certes moins concernés (19 %). Pour cette catégorie d’âge, ceux qui sont toujours en poste souhaitent avant tout rester dans leur entreprise jusqu’à la retraite.

Mais les cadres, toutes générations confondues, ont clairement des fourmis dans les jambes. Ils sont 40 % à préparer leur départ : actualisation de leur profil, envoi de candidature, etc. Même si, pour la majorité, ils estiment qu’il sera difficile de trouver un poste du même niveau que celui qu’ils quittent, précise l’APEC.

Alors pourquoi bouger ? La crise a incité tout un chacun à l’introspection. Quelle est l’utilité sociale de mon entreprise, de mes missions ? Tout cela a-t-il un sens ? « La crise a fait que les gens se sont posé des questions sur le sens au travail. Des salariés se tournent vers nous pour être accompagnés à la reconversion », observe Audrey Richard, présidente de l’Andrh et DRH du groupe UP. Les données du baromètre de l’APEC l’attestent : dans le secteur de la construction d’abord, puis le commerce et les services, plus d’un tiers des cadres envisagent une reconversion professionnelle à la suite de la crise. A bon entendeur salut !