Archive dans novembre 2018

Livraison de repas : la justice reconnaît un lien de subordination entre Take Eat Easy et un coursier

La Cour de cassation, plus haute juridiction française, a établi mercredi 28 novembre un lien de subordination entre la défunte société de livraison de repas Take Eat Easy et l’un de ses coursiers à vélo. C’est la première fois qu’elle statut sur le lien contractuel entre un livreur et sa plate-forme numérique. Les livreurs de Take Eat Easy étaient enregistrés comme autoentrepreneurs, une condition obligatoire pour travailler avec la plate-forme belge TEE, dont la liquidation en août 2016 a mis sur le carreau 2 500 personnes en France. Tous avaient signé avec l’application un contrat de prestation de service.

L’un des livreurs avait saisi les prud’hommes pour demander une requalification de sa relation contractuelle avec TEE en contrat de travail. « Le conseil de prud’hommes puis la cour d’appel s’étaient déclarés incompétents », rappelle la Cour de cassation dans une note explicative. La cour d’appel de Paris avait notamment motivé sa décision par le fait que « le coursier n’était lié à la plate-forme numérique par aucun lien d’exclusivité ou de non-concurrence et qu’il restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n’en sélectionner aucune s’il ne souhaitait pas travailler ».

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« Décision très importante »

La Cour de cassation établit au contraire, dans l’arrêt rendu mercredi, que le système de géolocalisation permettant à l’entreprise de suivre en temps réel la position du coursier, ainsi que l’existence d’un pouvoir de sanction ne permettent pas d’« écarter la qualification de contrat de travail ». Elle casse donc l’arrêt rendu le 20 avril 2017 par la cour d’appel de Paris et ordonne un nouveau procès en appel.

« Cet arrêt a le mérite de dire les choses clairement : il n’y a pas antinomie entre contrat de travail et travailleurs des plates-formes », a estimé Manuela Grévy, avocate du livreur et de la CGT à la Cour de cassation.

« C’est une décision très importante », a réagi Gilles Joureau, avocat qui a défendu aux prud’hommes une douzaine de coursiers de Take Eat Easy, tous déboutés. Pour lui, « cet arrêt couronne un long combat pour la reconnaissance du lien de subordination ».

« C’est bien que la Cour de cassation tranche enfin ces questions », a également salué Me Kevin Mention, qui conseille aux prud’hommes une centaine d’anciens livreurs Take Eat Easy, « sans issue favorable » pour l’instant. Il accompagne également la plainte au pénal déposée contre Take Eat Easy par 119 livreurs pour travail illégal et dissimulé.

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Les salariés évitent de prendre leurs arrêts maladie, sauf les seniors

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« 42,7 % des arrêts longs sont pris par des salariés de 50 ans et plus. C’est la catégorie d’actifs qui renonce le moins à suivre l’avis médical. »
« 42,7 % des arrêts longs sont pris par des salariés de 50 ans et plus. C’est la catégorie d’actifs qui renonce le moins à suivre l’avis médical. » Philippe Turpin / Photononstop

En 2018, près d’un salarié sur quatre (23 %) évite de s’arrêter. 15 % des arrêts maladie prescrits par les médecins n’ont pas été pris par les salariés, et 8 % ne l’ont été que partiellement, révèle l’étude « Absentéisme maladie », publiée mercredi 28 novembre par le mutualiste Malakoff Médéric, dont l’objectif était d’y voir plus clair sur les raisons de la hausse de l’absentéisme.

Malakoff Médéric

Chez les salariés en télétravail, ce ne sont plus 15 %, mais 24 % des salariés qui ne suivent pas l’avis du médecin, chez les cadres 22 % et ce taux monte à 48 % pour les dirigeants salariés. Et dans les secteurs, les taux de renoncement sont de 19 % dans le commerce et de 30 % dans l’hôtellerie-restauration. « Les variations entre les différentes catégories de salariés laissent à penser que c’est l’impact sur le fonctionnement de l’activité qui les incite à renoncer », explique Anne-Sophie Gordon, directrice Innovation de Malakoff Médéric. De quoi mettre à mal les sous-entendus accusateurs contre une supposée fainéantise des salariés qui plomberait les comptes de la sécurité sociale.

Le coût d’un arrêt maladie pour le salarié entre évidemment aussi en ligne de compte : « Les salariés qui n’ont pas de maintien de salaire en cas d’arrêt maladie sont ainsi 18 % à renoncer à suivre l’avis de leur médecin », ajoute Mme Gordon.

Un forte hausse des affections psychiques

Pourtant, l’absentéisme augmente bel et bien. Le nombre de jours d’absence des salariés est passé de 13,5 à 17 par an en moyenne en dix ans. Les salariés renoncent essentiellement aux arrêts de courte durée. Le taux de renoncement est de 18 % pour les arrêts prescrits pour quatre à cinq jours, de 22 % pour ceux de six à dix jours, mais de 5 % seulement pour les arrêts de plus d’un mois. Or « 86 % des arrêts de moins d’un mois ne représentent qu’un tiers (29 %) des jours d’arrêt », indique l’étude de Malakoff Médéric.

Ce sont les arrêts longs qui tirent l’absentéisme vers le haut. Les arrêts maladie de plus de trente jours ont augmenté de 10 % en quatre ans, de 2012 à 2016. Et leur durée s’est envolée en 2016. Plusieurs explications à cela : 2016 est marquée par une forte hausse des affections psychiques. « La part des affections psychiques dans les accidents du travail a augmenté de 60 % entre 2011 et 2016 pour atteindre 10 000 en 2016 », précise Malakoff Médéric et le nombre de demandes de reconnaissance de ces affections en maladie professionnelle est passé de 200 en 2012 à 1 100 en 2016.

Les « serious games » n’éveillent pas la créativité des manageurs

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« L’Usage des serious games en entreprise. Récréation ou instrumentalisation managériale ? », par Lydia Martin (Editons Erès, 272 pages, 16,50 euros).
« L’Usage des serious games en entreprise. Récréation ou instrumentalisation managériale ? », par Lydia Martin (Editons Erès, 272 pages, 16,50 euros). Editions Erès

Livre. C’est pour valoriser l’idée d’utiliser le jeu vidéo pour atteindre des objectifs utilitaires que l’armée américaine introduit, en 2002, le terme de « serious game » [jeu sérieux]. Si le concept date en réalité des années 1960, il prolifère depuis une décennie : jeux vidéo, télévisés, de rôle grandeur nature ou encore d’énigmes en groupe prolifèrent, s’introduisent dans l’univers des adultes, et même de l’entreprise où le « serious game » est censé véhiculer l’image d’une société innovante et internationale.

« Ces dispositifs sont souvent présentés comme visant à améliorer la connaissance de soi et à contribuer à des relations plus harmonieuses, y compris dans des situations où la pression est forte », rappelle Lydia Martin dans L’Usage des serious games en entreprise. Récréation ou instrumentalisation managériale ?

L’essai de lydia martin étudie les usages d’un simulateur initialement adopté par l’armée, puis détourné pour en faire un jeu dans le monde civil

La psychologue du travail fait une distinction entre le « serious game » et le « serious gaming ». « Le serious game est conçu initialement pour associer un dispositif de jeu et des fonctions utilitaires, alors que le serious gaming consiste à s’appuyer sur un jeu existant pour lui associer a posteriori une finalité utilitaire », écrit-elle.

Son essai étudie les usages d’un simulateur initialement adopté par l’armée, puis détourné pour en faire un jeu dans le monde civil, et questionne le rapport réciproque entre travail et formation. « Il s’agit d’interroger à la fois les attendus relatifs au prescrit professionnel, tels qu’ils sont injectés dans le jeu, et les transferts d’apprentissage effectués par les formés entre le jeu et la réalité du travail. »

Parcours de formation managériale

Après avoir présenté les travaux sur les cadres, en partant des transformations de leur travail, la chercheuse associée au Centre de recherche sur le travail et le développement (CRTD) du Conservatoire national des arts et métiers explore les dispositifs et les méthodes de formation qui ont progressivement intégré les simulations de situations de travail dont les « serious games » font partie.

La promotion du jeu sérieux peut servir à développer la créativité des salariés, mais n’a-t-elle que des côtés bénéfiques ?

Frais professionnels : de quoi parle-t-on ?

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« Les frais professionnels ne sont pas imposables au titre de l’impôt sur le revenu, ni soumis à cotisations et contributions sociales. »
« Les frais professionnels ne sont pas imposables au titre de l’impôt sur le revenu, ni soumis à cotisations et contributions sociales. » Johnér / Photononstop / Johnér / Photononstop

Question de droit social. Tout salarié qui, dans le cadre de ses fonctions, engage personnellement des dépenses pour l’accomplissement de sa mission a le droit de se faire rembourser par son employeur : les sommes ainsi versées ne seront pas considérées comme des rémunérations mais se voient appliquer sous certaines conditions, un régime juridique particulier dit « des frais professionnels ».

Le code du travail est muet sur cette question. Les tribunaux reconnaissent comme « frais professionnels » un remboursement couvrant une dépense qui doit premièrement être inhérente à l’emploi. La dépense doit découler directement des conditions d’exécution du travail, et imposer au salarié une charge supérieure à celles liées à la vie courante.

Si ces deux conditions ne sont pas remplies simultanément, les indemnités ou primes versées constituent un complément de rémunération, peu importe leur appellation. L’enjeu de qualification est important, car les « frais professionnels » ne sont pas imposables au titre de l’impôt sur le revenu, ni soumis à cotisations et contributions sociales.

Il existe trois modalités de paiement des frais professionnels :

– La première : les frais sont pris en charge directement par l’entreprise (carte bancaire entreprise, cartes autoroutes, d’essence…) et les frais sont facturés par des prestataires (billets d’avion, hôtel, billets d’entrée à des séminaires…) ;

– La deuxième : ils sont remboursés au réel, et donc sur justificatifs ou au forfait.

Trois ans pour réclamer son dû

– Enfin, troisième méthode : des conventions ou accords collectifs de branche ou d’entreprise peuvent prévoir le versement aux salariés d’indemnités forfaitaires pour les frais engagés dans le cadre de leur travail, à l’occasion du transport, des repas ou de l’hébergement. La prise en charge des frais professionnels peut aussi résulter du contrat de travail ou des usages de l’entreprise. Dans ces cas, les remboursements des sommes avancées par le salarié sont dus sans présentation de justificatif.

En pratique et pour une série de frais, concernant les repas au restaurant, lorsque le salarié est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence, ou les frais kilométriques, lorsque le salarié est contraint d’utiliser son propre véhicule, l’employeur se réfère aux montants forfaitaires fixés par des circulaires de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) qui déterminent des limites d’exonération de cotisations et contributions sociales.

Rentabilité des cotisations retraite : le grand écart

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Selon des calculs réalisés par les cabinets Sapiendo et Deloitte, les rentabilités vont en effet, pour l’heure, du simple au triple en fonction des statuts professionnels.
Selon des calculs réalisés par les cabinets Sapiendo et Deloitte, les rentabilités vont en effet, pour l’heure, du simple au triple en fonction des statuts professionnels. Achim Sass/Westend61 / Photononstop

Qu’« un euro cotisé donne les mêmes droits quel que soit le statut de celui qui a cotisé ». C’est le grand principe de la réforme des retraites annoncée pour 2019. Cette égalité de rentabilité des cotisations est aujourd’hui loin d’être la règle : selon des calculs réalisés par les cabinets Sapiendo et Deloitte, les rentabilités vont en effet, pour l’heure, du simple au triple en fonction des statuts professionnels: de 2,25 % pour un fonctionnaire d’Etat gagnant 50 000 euros nets par an, à 7,18 % pour un libéral aux mêmes revenus.

La cotisation du salarié du privé affiche de son côté un 4,63 %, ce qui signifie que pour un euro cotisé en 2018, il obtiendrait à terme, selon les règles actuelles, 4,63 centimes de rente annuelle (donc 46,30 euros pour 1 000 euros de cotisation). « Ces écarts montrent à quel point l’harmonisation sera un challenge », note Franck Chéron, associé Capital humain chez Deloitte.

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Pour leurs estimations, les auteurs de l’étude ont imaginé des cas types d’actifs de 50 ans (deux fonctionnaires, un salarié du privé, un artisan, un libéral, etc.) et ont comparé pour chacun le montant des cotisations versées en 2018 au montant de pension annuelle fictivement acquis en échange, dans l’hypothèse d’un départ à la retraite à 62 ans à taux plein. Le pourcentage affiché correspond à la rentabilité de l’ensemble de leurs régimes, de base et complémentaires.

Un euro cotisé rapporte 15 % de moins pour un cadre supérieur

Ces écarts n’ont rien de surprenant, chaque statut relevant dans notre système de retraite de régimes différents (il en existe une quarantaine), appliquant des modes de calcul des pensions tout aussi variés.

Et même au sein d’un régime, la rentabilité d’un euro de cotisation ne sera souvent pas la même selon le niveau de rémunération. Dans l’étude, un euro cotisé par le salarié du privé gagnant 100 000 euros nets rapporte ainsi 15 % de moins que celui cotisé par le salarié du privé payé 20 000 euros.

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« Dans leur régime de base, les salariés à hauts revenus cotisent sur la totalité de leur salaire alors que leur pension est calculée sur la base d’un salaire plafonné [NDLR : à 39 732 euros en 2018], ces cotisations non productives de droits diminuent la rentabilité de leurs cotisations globales », décrypte Valérie Batigne, présidente de Sapiendo.

Ce genre de subtilités se retrouve par exemple dans le régime de base des libéraux, un système par points, poursuit-elle. « Chez eux, la baisse de rentabilité en fonction de la rémunération s’explique par le fait qu’un euro de cotisation donne droit à moins de points de retraite à partir d’un certain niveau de revenu. »

Guerre des nerfs entre les syndicats et le gouvernement sur l’accord « égalité » dans la fonction publique

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Ils l’ont redit en conférence de presse, mardi 27 novembre : la CGT (premier syndicat représentatif), FO (3e) et Solidaires (6e) ne signeront pas le projet d’accord sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique au terme fixé par le gouvernement, vendredi. « Nos équipes n’ont pas eu suffisamment de temps pour mener le débat démocratique » sur le protocole, a justifié Gaëlle Martinez, déléguée générale de Solidaires.

L’épreuve de force est donc engagée entre ces syndicats et le gouvernement. Et le mystère demeure sur l’avenir de ce projet ficelé le 24 octobre, au terme d’un long travail de plusieurs mois mené avec les neuf organisations représentatives de la fonction publique. Celles-ci avaient théoriquement jusqu’à lundi pour consulter leur base. Les six autres ont annoncé qu’elles signeraient le texte.

Depuis que le gouvernement a lancé, en mars, une vaste concertation sur de multiples sujets relatifs à la fonction publique, c’est la première fois que la machine se grippe. Car les trois organisations réfractaires représentent 51 % des fonctionnaires. Et le gouvernement ne veut pas d’un accord minoritaire. Prévue lundi, la signature du protocole a d’abord été repoussée à mardi, puis à vendredi, « en raison de la présentation du projet de loi d’orientation des mobilités mardi », assure-t-on chez Olivier Dussopt, le secrétaire d’Etat auprès de Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, qui a conduit les négociations.

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Crispation paradoxale

Mais, pour qu’il y ait signature le 30 novembre, il faudra que gouvernement et syndicats surmontent cette crispation d’autant plus paradoxale que le fond ne pose problème à personne, à peu de chose près. Les organisations paraissent globalement satisfaites des « avancées réelles » du texte, « même si elles ne vont pas assez loin », pour reprendre les termes de la CGT-Fonction publique. L’objectif est en effet de « franchir un nouveau cap en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ». Plan d’action, nominations équilibrées, lutte contre les écarts de rémunération entre hommes et femmes, le projet s’appuie « sur des dispositifs obligatoires et contraignants, pouvant donner lieu à des sanctions financières en cas de non-respect des obligations fixées ».

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Les choses paraissent cependant mal engagées. Les trois syndicats rétifs paraissent décidés à attendre que les élections professionnelles soient passées, donc le 6 décembre, pour donner leur accord. « Le décalage de trois jours [accordé par le gouvernement] ne répond pas du tout à la problématique, a déclaré Gaëlle Martinez : prendre le temps du débat démocratique dans les organisations syndicales et non ce temps forcé que nous impose le gouvernement ». Même argument à la CGT-fonction publique : Jean-Marc Canon, secrétaire général, assure être « dans l’incapacité » de savoir ce que ses troupes pensent du projet d’accord, « sauf à prendre par-dessus la jambe un tel enjeu ». « L’enjeu de l’accord est immense, précise-t-il. Nous avons besoin de savoir ce que les salariés en pensent vraiment. »

La nouvelle économie entretient les fractures territoriales

Inauguration de l’incubateur de start-up Station F, à Paris, en juin 2017. L’économie numérique accroît la concentration des entreprises dans les grandes métropoles, selon la fondation Mind the Bridge.

Inauguration de l’incubateur de start-up Station F, à Paris, en juin 2017. L’économie numérique accroît la concentration des entreprises dans les grandes métropoles, selon la fondation Mind the Bridge. BERTRAND GUAY / AFP

Comment faire pour que les villes moyennes ne soient pas les parents pauvres de la nouvelle économie ? C’est autour de cette préoccupation commune qu’étaient réunis, en fin de semaine dernière, à Bruxelles, des maires et des représentants de municipalités européennes à l’invitation de la fondation Mind the Bridge. Celle-ci – qui collabore avec la Commission européenne depuis 2014 – en a profité pour dresser un état des lieux des principaux centres de développement de start-up en Europe. Force est de constater que les disparités territoriales sur le continent sont fortes.

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L’étude réalisée par Mind the Bridge s’est concentrée sur le cas spécifique des « scale-up », ces entreprises technologiques ayant réussi à lever plus d’un million de dollars (soit 880 000 euros), ce qui est le cas de 5 596 sociétés réparties dans 42 pays.

Or, dans la plupart des Etats, une seule ville attire l’essentiel de ces sociétés à fort potentiel économique. C’est particulièrement vrai des deux principales puissances européennes de l’économie digitale : Londres concentre ainsi 69 % des « scale-up » anglaises quand Paris attire 72 % des champions français (et 80 % du capital qu’elles ont levé). Au total, 27 pays concentrent plus de 70 % de leurs start-up les plus matures dans une seule ville, ne laissant aux autres villes que les miettes de cette manne.

A côté de cela, rares sont les pays qui comptent deux « hubs » majeurs. Le rapport en liste six dont l’Espagne (Barcelone et Madrid), le Portugal (Lisbonne et Porto) et la Belgique (Bruxelles et Gand). Mais au final, 70 % des entreprises technologiques prometteuses européennes sont installées dans à peine 48 villes.

« La nouvelle économie n’en a rien à faire des Etats »

Cette hyperconcentration risque, selon les auteurs, de s’aggraver. « La nouvelle économie n’en a rien à faire des Etats, elle grandit là où il y a le plus de start-up et d’opportunités », explique ainsi Alberto Onetti, coordinateur du rapport et président de Mind the Bridge, qui voit dans cette tendance la source de graves dangers pour l’Europe. « Si on laisse l’économie de marché dicter sa loi et favoriser la concentration des meilleures entreprises autour des mêmes villes, ce sont les pays et l’Europe elle-même qui seront en péril, car beaucoup de villes décrocheront. » M. Onetti n’hésite pas à évoquer des « risques séparatistes », en citant l’exemple des velléités autonomistes de la Catalogne en Espagne.

Chômage: les partenaires sociaux ouvrent le dossier délicat des intermittents

Pour leur troisième séance de négociations sur l’assurance-chômage, le patronat et les syndicats vont aborder, le mercredi 28 novembre, un dossier qui a donné des sueurs froides à de nombreux ministres de la culture et à de multiples responsables de festival : les annexes 8 et 10 du régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi, qui prévoient des règles spécifiques pour les intermittents du spectacle. Les organisations d’employeurs et de salariés, représentatives au niveau interprofessionnel, sont censées se mettre d’accord sur la feuille de route à transmettre aux partenaires sociaux des professions concernées, pour que ces derniers discutent ensuite de nouvelles dispositions applicables aux intermittents : le document de cadrage a vocation à préciser les « objectifs », notamment en matière de « trajectoire financière ».

Le sujet est très sensible pour une raison simple : le gouvernement veut que les conditions d’indemnisation des chômeurs – toutes catégories confondues – soient revues, de manière à économiser entre 3 et 3,9 milliards d’euros en trois ans. Dès lors, toute la question est de savoir quelle sera l’ampleur des efforts demandés par les partenaires sociaux nationaux aux intermittents.

L’an passé, vers les 120 000 personnes ont perçu, au moins une fois, une prestation, au titre des annexes 8 et 10, selon l’Unédic – l’association paritaire qui gère le régime d’assurance-chômage. Au premier trimestre 2018, les allocations versées aux intermittents dépassaient les cotisations versées par ceux-ci de 934 millions d’euros. Ce solde entre dépenses et recettes s’est légèrement amélioré, puisqu’il était un peu plus important en 2015 (– 1 milliard d’euros). Autrement dit, quelque 66 millions d’euros d’économies ont été dégagées, grâce à l’accord conclu en avril 2016 par le patronat et les syndicats du monde du spectacle, à propos des modalités d’indemnisation des intermittents.

Mesures douloureuses

Mais ce résultat n’est pas conforme aux buts qui avaient été fixés à l’époque par les partenaires sociaux, à l’échelon interprofessionnel : ils avaient en effet mentionné, dans leur document de cadrage, des économies « qui ne pourront pas être inférieures à 105 millions d’euros ». La feuille de route évoquait même un tour de vis beaucoup plus énergique (185 millions d’économie), tout en ouvrant la voie à un coup de pouce de l’Etat (de 80 millions d’euros).

Comment sera contrôlée l’égalité hommes-femmes dans les entreprises ?

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« L’obligation de résultat sera contrôlée par une série d’indicateurs précis, avec un délai de mise en œuvre de trois ans, soit le 1er mars 2022 pour les entreprises de plus de 250 salariés, ou le 1er mars 2023 pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés. »
« L’obligation de résultat sera contrôlée par une série d’indicateurs précis, avec un délai de mise en œuvre de trois ans, soit le 1er mars 2022 pour les entreprises de plus de 250 salariés, ou le 1er mars 2023 pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés. » Matt Herring/Ikon Images / Photononstop

Afin de combattre les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel impose aux entreprises d’au moins cinquante salariés de prendre « en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes » (cf. le nouvel article L. 1142-7 issu de cette loi).

L’obligation de résultat sera contrôlée par une série d’indicateurs précis, avec un délai de mise en œuvre de trois ans (soit le 1er mars 2022 pour les entreprises de plus de 250 salariés, ou le 1er mars 2023 pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés). Chaque année, l’employeur devra publier ses indicateurs pouvant totaliser jusqu’à 100 points, avec un seuil fixé à 75, pour éviter la sanction financière.

En effet, à l’expiration du délai de trois ans, tout écart salarial injustifié entre les femmes et les hommes pourra être sanctionné par une pénalité financière égale au maximum à 1 % de la masse salariale, à moins que l’entreprise, compte tenu des difficultés rencontrées et des efforts déployés par elle, se soit vu accorder un délai supplémentaire d’un an pour se mettre en conformité.

Retour de congé maternité

Un décret à paraître (annoncé pour la mi-décembre) doit encore définir les modalités et la méthodologie à retenir. La ministre du travail en a dévoilé quelques points jeudi 22 novembre en avant-première. Les indicateurs ont ainsi été présentés, d’une part pour les entreprises de plus de 250 salariés et d’autre part pour les entreprises de 50 à 250 salariés, attribuant chacun un nombre de points précis. L’idée est la suivante : plus les entreprises seront performantes sur les indicateurs, plus elles obtiendront de points.

Pour les entreprises de plus de 250 salariés, les cinq indicateurs retenus sont les suivants :

– La résorption totale de l’écart de rémunération par âge et poste comparable permet d’obtenir 40 points. Des distinctions par âge sont prévues (moins de 30 ans, entre 30 et 40 ans, entre 40 et 50 ans, les plus de 50 ans). Après avis du comité social et économique, pour apprécier le poste comparable, la classification de branche ou celle agréée par le ministère du travail pourra être utilisée ; à défaut, l’entreprise pourra se référer aux quatre catégories socioprofessionnelles : ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise, ingénieurs et cadres. L’indicateur compare les rémunérations moyennes des femmes et des hommes, incluant les primes de performance et les avantages en nature. Pour obtenir 40 points, l’entreprise doit atteindre 0 % d’écart de salaire entre les femmes et les hommes, selon l’âge et le poste.