Aux Etats-Unis, IBM attire les postulants hors normes
![« Les “new collars”, les “nouveaux cols”, [est] un terme inventé par Ginni Rometty, la dirigeante du groupe IBM, afin de qualifier cette main-d’œuvre du XXIe siècle que l’entreprise recherche désespérément » (Photo: IBM, Armonk, EtatsUnis, en 2009).](https://img.lemde.fr/2015/05/05/143/0/4024/2680/688/0/60/0/09d2c2c_5489917-01-06.jpg)
« Les “new collars”, les “nouveaux cols”, [est] un terme inventé par Ginni Rometty, la dirigeante du groupe IBM, afin de qualifier cette main-d’œuvre du XXIe siècle que l’entreprise recherche désespérément » (Photo: IBM, Armonk, EtatsUnis, en 2009). STAN HONDA / AFP
Sa vie d’infirmière est réduite. Après avoir passé vingt-quatre ans à l’hôpital, l’Américaine Tara Welch sait qu’elle ne peut plus courir d’une chambre à l’autre pour s’occuper des patients. Elle est touchée d’une maladie chronique – une douleur musculosquelettique – qui l’empêche de marcher abondamment et de porter des objets lourds. Alors que faire ? Doit-elle rester assise à la maison ? Il n’en est pas question. Tara Welch se fait poser un modulateur dans le dos qui envoie des signaux électriques à son cerveau pour annuler la douleur, et elle retourne à l’école.
500 000 emplois à pourvoir
500 000, c’est, selon une étude du ministère du travail américain, le nombre d’offres d’emploi high-tech qui étaient non satisfaites aux Etats-Unis lorsque IBM a lancé son programme d’apprentissage pour les « new collars ».
3,9 %, c’est le taux de chômage aux Etats-Unis, en décembre 2018, mais, dans le secteur high-tech, ce taux descend à près de 2 %. Autant dire que les recruteurs ont beaucoup de mal à garder certains postes.
90 % des intéressés reconnaissent un manque de talents high-tech, précise un sondage Indeed, réalisé auprès de mille chasseurs de têtes.
Tara Welch s’inscrit au Wake Tech Community College, un institut de formation continue pour lui ouvrir les portes de l’industrie high-tech. C’est là que son chemin croise le géant IBM surnommé également « Big Blue », à la recherche de profils hors normes. Le recruteur d’IBM estime qu’elle a « du cran ». Elle a 44 ans, mère et grand-mère de trois petits-enfants, fait partie des « new collars », « les nouveaux cols », un terme inventé par Ginni Rometty, la dirigeante du groupe IBM, afin de qualifier cette main-d’œuvre du XXIe siècle que l’entreprise recherche désespérément.
Ce ne sont ni les cols blancs des bureaux, ni les cols bleus des usines, mais une force et un amour pour le travail « nouvelle », intéressée par la technologie… sans en avoir les diplômes de l’enseignement supérieur. « Le ministère du travail recense 500 000 offres d’emplois techniques non satisfaites, explique Kelli Jordan, responsable IBM de l’initiative « New Collars », à Raleigh (Caroline du Nord). Les universités ne donnent pas les quantités nécessaires de programmeurs, designers et ingénieurs. En plus, ajoute-t-elle, « beaucoup de ces postes vacants ne nécessitent pas quatre ans d’études supérieures ».
Travail en équipe
La direction d’IBM a donc décidé de sortir des chemins battus et d’aller chercher ailleurs ses futures armadas, à la sortie du lycée, dans les community colleges, les classes de programmation, ou encore les vétérans de l’armée. Le programme, qui a commencé en octobre 2017, demande surtout à ses candidats de savoir travailler en équipe. « Ils doivent être de bons communicants, ils aiment les challenges et ont envie de les résoudre ensemble », détaille Kelli Jordan. Les qualités techniques ne sont plus l’élément décisif. « Le savoir-faire devient obsolète si vite qu’ils devront de toute façon apprendre de nouvelles technologies tous les six ans »,estime Mme Jordan.
Entamés depuis la première quinzaine de novembre 2018, les négociations sur l’assurance-chômage sont sur le point d’aborder un sujet hautement inflammable : la lutte contre la précarité. Dans un « document de cadrage », le premier ministre avait demandé aux partenaires sociaux de construire de « nouvelles règles », afin de « responsabiliser » les employeurs, spécialement, ceux qui recourent excessivement aux contrats courts. Ce thème occupera l’essentiel des discussions que le patronat et les syndicats doivent poursuivre, mercredi 9 janvier, en vue de bâtir un nouveau système d’indemnisation des demandeurs d’emploi.
La rencontre s’annonce difficile. Car les acteurs vont échanger sur une idée très clivante, défendue par Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle : le bonus-malus, qui consiste à moduler les cotisations des entreprises (autour d’un taux pivot par secteur) en fonction du nombre de fins de contrat donnant lieu à une inscription à Pôle emploi. Les sociétés où la main-d’œuvre tourne fréquemment paieront plus, tandis que celles qui créent des emplois stables seront moins mises à contribution.
Or, le patronat y est brutalement hostile. « Nous ne négocierons pas sur un tel dispositif », avait prévenu Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, dans un entretien au Journal du dimanche du 4 novembre 2018. « La vision centraliste du gouvernement au travers de ce système n’est pas adaptée à l’économie de demain », avait-il ajouté. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (artisanat, commerce, professions libérales) ont, sans surprise, annoncé des positions similaires durant l’automne 2018.
Leur analyse a-t-elle évolué, depuis ? « Je ne les sens pas disposés à lâcher du lest, confie Michel Beaugas (FO). Ils sont même prêts à faire capoter les discussions, sur cette question. » « Le chef de file de la délégation patronale dans la négociation nous assure que toutes les thématiques peuvent être débattues, enchaîne Eric Courpotin (CFTC). Mais les leaders patronaux, eux, ne veulent pas entendre parler de bonus-malus. » Dès lors, il est difficile, à ce stade, d’envisager un geste d’ouverture de la part des organisations d’employeurs.
Des accords dans la sidérurgie et la distribution
Celles-ci ont l’intention, durant la rencontre de mercredi, de mettre en avant les mesures récemment adoptées dans plusieurs secteurs d’activité pour prolonger les périodes d’emploi et proposer de nouveaux droits aux travailleurs (par exemple en matière de formation continue). D’après Hubert Mongon (Medef), des accords allant dans ce sens ont été paraphés dans cinq branches, en 2018, notamment dans la métallurgie, la distribution et le secteur de la propreté. « Leur contenu est intéressant, car ils contribuent à mettre en place la flexisécurité à la française, avec plus de souplesse pour les entreprises et plus de garanties en faveur des salariés », explique M. Mongon.
S’agissant de la sidérurgie, les accords conclus prévoient – entre autres – de réduire les périodes de carence entre deux CDD ou deux missions d’intérim, c’est-à-dire la durée pendant laquelle une entreprise ne peut pas embaucher sur le même poste, sous l’un de ces statuts. Est également créé un contrat de chantier ou d’opération, qui lie l’employeur et le salarié pendant au moins six mois, pour la réalisation d’un projet bien précis. Ce dispositif a également été instauré par l’accord applicable au monde de la distribution. Dans cette même branche, le délai de carence entre deux CDD est supprimé et une expérimentation va être lancée afin de permettre « le remplacement de plusieurs absences par un même contrat à durée déterminée ».
Mais ces initiatives risquent de ne pas suffire, aux yeux des syndicats. « Pour le moment, le nombre d’accords est faible et leur teneur n’est pas tout à fait en phase avec la lettre de cadrage de Matignon, qui recommandait de favoriser l’emploi durable », estime Marylise Léon (CFDT). « Ils ne sont pas très ambitieux et ne vont pas assez loin », renchérit M. Beaugas. Dès lors, complète Mme Léon, « si le compte n’y est pas, on a intérêt à étudier une mesure comparable au bonus-malus pour combattre l’abus de contrats courts ». « Si on ne parle pas du système de cotisations, je ne vois pas pourquoi il conviendrait de continuer la négociation », affirme M. Courpotin.
« Deux écoles »
Le dialogue pourrait donc tourner court, mercredi, entre des organisations de salariés, désireuses d’avancer sur la modulation des cotisations en fonction des pratiques des entreprises, et le patronat, opposé à une telle option. En cas d’échec des discussions, l’exécutif pourrait reprendre la main et mettre en œuvre le bonus-malus, s’il trouve que les accords de branche ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Une hypothèse dont la crédibilité est accentuée par le contexte social du moment, pour Jean-François Foucard (CFE-CGC).
Mais certains mettent en doute les intentions affichées : « Deux écoles coexistent au sein du gouvernement », observe Denis Gravouil (CGT). Marc Ferracci, le conseiller spécial de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, « est le plus résolu à faire le bonus-malus », relève-t-il. Mais d’autres, au sein de l’exécutif, ne font pas preuve du même enthousiasme, considérant qu’un tel mécanisme « contredit le discours sur la baisse des charges », selon M. Gravouil. La confrontation va donc avoir lieu entre partenaires sociaux mais, peut-être, aussi dans les arcanes du pouvoir en place.