« Appliquer la notion de design au travail admet de changer le regard que l’on porte sur celui-ci »

« Appliquer la notion de design au travail admet de changer le regard que l’on porte sur celui-ci »

Il est nécessaire de changer de regard sur le travail en le replaçant au cœur du processus de production pour réduire l’écart entre travail prescrit et travail réel et redonner de l’attractivité aux métiers de l’industrie.

« Le métier se perd », répétaient à l’envi les syndicalistes de Turbomeca, il y a une quinzaine d’années. Ce n’est que peu à peu que la gravité de ce phénomène et l’étendue du mal sont apparues. Aujourd’hui, le constat est largement partagé. Le travail est en crise, il est devenu invisible, ainsi que le signale Pierre YvesGomez dans Le Travail invisible (François Bourin, 2013)

Durant la première moitié du XXe siècle, le taylorisme s’est établi en France. Dans ce modèle organisationnel, le travail est déterminé par ceux qui savent : bureau des méthodes et encadrement de premier niveau, souvent sorti du rang. Il est bien adapté à une population au niveau d’éducation faible. « L’organisation scientifique du travail » permet des gains de productivité considérables. Mais petit à petit, une expertise individuelle du « métier » émerge dans l’atelier. On voit apparaître toute une série d’initiatives pour réduire l’écart entre travail prescrit et travail réel par l’amélioration continue. Parallèlement, l’entreprise gestionnaire fait son arrivage, avec ses tableaux de bord, son « reporting » et l’obsession du court terme. Le profil de l’encadrement de terrain change. Il connaît de moins en moins le métier, s’attache de moins en moins au travail. Et principalement, le travail continue à être conçu par des personnes qui ne le réalisent pas.

Changer la notion de client

Mettre en œuvre le concept de design au travail permet de changer de regard. Les définitions du design sont nombreuses, mais on y retrouve toujours associés le client, les usages, la conception, l’ergonomie, les interfaces et l’aspect visuel. Parler de design du travail déplace la notion de client. Le client du produit « travail » n’est pas le client final, mais celui qui réalise le travail. Cela implique que le seul objet de la conception ne peut pas être la satisfaction du client final (usages/coût/qualité/délai), et que ceux qui réalisent le produit soient aussi considérés comme clients du processus de conception.

En considérant l’utilisateur du travail comme un client, on change de regard sur la participation de l’opérateur qui cesse d’être une simple utilité concourant au processus productif. Un tel changement peut participer de façon très puissante à résoudre la crise des représentations du travail, comme l’explique Laurence Decréau, dans son livre Tempête sur les représentations  du travail (Presses des Mines, 2018)

 

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LJD

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