Les petits acteurs de l’intelligence artificielle

Les petits acteurs de l’intelligence artificielle

Antonio A. Casilli ne laisse pas par hasard son titre au maître de l’absurde Samuel Beckett. En attendant les robots, son nouveau œuvre, délivre une bonne leçon de lucidité. Il y soutient que le grand remplacement à venir, celui des hommes par les robots, n’est que pur fantasme. Avant que n’advienne un monde où l’homme sera caduc, il va falloir attendre un bon moment. Il faudra peut-être même en abandonner l’idée, au risque de moisir sur place. Car ce monde virtuel, où l’intelligence artificielle (IA) se serait substituée à l’intuition et aux savoir-faire humains, n’est que discours.

Bâti pour attirer les investisseurs et consommateurs (et sur ce point parfaitement efficace), il ne résiste pas longtemps à l’enquête sérieuse. Derrière chaque plate-forme numérique se cache, en effet, démontre le sociologue, une quantité de « travailleurs du clic » invisibilisés, délocalisés, précarisés. Les robots ne font pas disparaître le travail, ils le dissimulent et, ce faisant, le reconfigurent dans des formes toujours encore désirables. En réalité, loin de libérer l’homme de la besogne, ils la lui « tâcheronnisent ».

S’il y a une modification à l’œuvre aujourd’hui, explique-t-il, c’est « celui du travail des mains par le travail des doigts – à proprement parler le travail “digital” ». Or quoi de moins virtuel que ces cinq appendices que nous avons au bout de chaque bras ? C’est ainsi que la fameuse disparition du travail, qui fait couler tant d’encre, se résume en réalité, selon le sociologue, à sa « digitalisation ». Pour saisir toute la portée de cette déclaration, il faut avoir à l’esprit que toute machine fonctionnant prétendument par intelligence artificielle possède une composante de travail humain.

Les travailleurs du clic

Le livre entame du reste sur une petite fable, évidemment inspirée du réel, celle d’une start-up spécialisée en IA qui vend une solution de pointe permettant de présenter des produits de luxe à des clients aisés. L’entreprise dit deviner leur préférence « grâce à un procédé d’apprentissage automatique ». Or, il s’avère que, derrière ce discours attirant, ne se cache aucun algorithme, aucun ingénieur, mais une simple plate-forme qui achemine les demandes vers Madagascar où des personnes (en chair et en os) collectent sur Internet et les réseaux sociaux toutes les informations disponibles pour déterminer les préférences du client.

 

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LJD

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