Archive dans octobre 2021

« La transition bas carbone implique avant tout une redistribution des emplois »

Tribune. Peut-on anticiper ce que sauver le climat impliquera comme transformations sur le marché du travail ? Traditionnellement, les économistes représentent le milieu naturel comme un stock de ressources dans lequel on peut puiser. Avec la crainte ancestrale de se heurter au mur de la rareté : pas assez de terres (Malthus), pas assez de biens agricoles (Ricardo), pas assez de charbon (Jevons), pas assez d’énergies fossiles (Club de Rome, rapport Meadows)… Et à terme, la fin de la croissance économique et l’explosion du chômage.

Face à cette crainte, les économistes néoclassiques ont construit un contre-argumentaire basé sur la capacité du système marchand à toujours repousser le mur de la rareté. Le spectre du manque serait chaque fois déjoué par la capacité du système à trouver des substituts aux ressources qui, devenant rares, voient leurs prix relatifs augmenter, ouvrant la voie à « une croissance infinie dans un monde fini ».

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Mais ce débat entre économistes se situait à l’intérieur d’un paradigme solidement ancré, dans lequel les crises proviennent de la rareté et le bien-être de l’abondance. Aujourd’hui, la crise climatique nous contraint à dépasser ce paradigme. Elle n’est pas une crise de la rareté, mais du trop-plein de gaz à effet de serre, qui résulte de notre addiction aux énergies fossiles, bien trop abondantes au regard de ce que peut contenir l’atmosphère sans risque de dérèglement climatique.

Pour ce faire, les économistes doivent opérer une révolution mentale. La nature n’est pas réductible à ce stock de ressources où puiser. Elle assure, en premier lieu, un ensemble de fonctions régulatrices pour lesquelles nous n’avons pas de substitut. Ces fonctions régulatrices sont autant de biens communs qu’il nous faut protéger.

Double mouvement

Dans son essai sur l’entropie, publié en 1971, The Entropy Law and the Economic Process, l’économiste américano-roumain Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994) fut le premier à introduire cette vision prémonitoire d’une subordination de l’économie aux fonctions régulatrices assurées par le milieu naturel. A l’époque, il ne disposait pas des travaux scientifiques qui permettent aujourd’hui de mieux cerner les frontières planétaires à ne pas dépasser : couche d’ozone, climat, cycle de l’azote, cycle de l’eau, biodiversité…

Cela implique de reconfigurer le système énergétique en accélérant la transition vers un modèle libéré de sa dépendance aux énergies fossiles. Il s’agit d’une rupture sans précédent historique. Depuis un siècle et demi, on ne cesse d’empiler les sources d’énergie dans une logique additive. La transition bas carbone exige de basculer vers une logique substitutive, où les sources décarbonées chassent les fossiles du système.

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« Pour faire face au changement climatique, nous aurons besoin de plus de travail humain »

Tribune. Le XIXe siècle avait produit une condition ouvrière misérable, mais aussi son antidote : une profusion d’utopies sur le travail, dont témoignent les innombrables projets de phalanstères, d’ateliers sociaux ou de communautés de « producteurs associés ». Depuis, les conditions de travail se sont considérablement améliorées – même si, en France, la moitié des actifs associent travail et mal-être. En revanche, toute trace d’utopie a disparu. Au contraire, l’espace public est saturé de prédictions anxiogènes et d’annonces glaçantes : disparition de l’emploi sous les coups de l’automatisation, fin des professions, polarisation accrue… Tout se passe comme si nous n’avions pas notre mot à dire et comme si toutes les innovations technologiques susceptibles d’augmenter le profit de quelques-uns et de détruire l’emploi de tous devaient être adoptées coûte que coûte.

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Cette doxa occulte surtout l’absolue priorité qui devrait désormais être la nôtre : engager au plus vite nos sociétés dans la reconversion écologique et reconstruire de fond en comble notre économie. Les guerres, rétorquera-t-on, ont été les seuls moments où des restructurations massives ont pu être engagées. Certes, mais nous sommes bien en guerre contre le réchauffement climatique et nous avons peu de temps pour reconvertir notre économie. Prendre cette menace au sérieux et s’engager dans cette voie dessine paradoxalement un tout autre paysage pour l’avenir du travail.

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La mise en œuvre d’un tel scénario exige un certain nombre de conditions : rompre avec l’obsession de la croissance (mais pas avec les activités utiles mises au service de la satisfaction des besoins essentiels de tous) ; encadrer notre production dans des limites sociales et environnementales strictes traduites dans quelques indicateurs (empreinte carbone, indice de bio-diversité, indice de santé sociale) ; investir massivement pendant au moins vingt ans dans la rénovation thermique des bâtiments, les infrastructures ferroviaires, cyclables et fluviales, mais aussi la santé, l’éducation et la recherche ; faire de l’Etat le chef d’orchestre intelligent d’une planification souple intégrant les territoires ; développer la dimension emploi des scénarios issus de la Stratégie nationale bas carbone.

Emplois utiles

A toutes les étapes et dans toutes les variantes de ce scénario, nous aurons besoin de plus de travail humain : d’une part parce que les secteurs dont la production doit être réduite emploient moins de main-d’œuvre que ceux qui doivent être développés, mais aussi parce que nous devrons réduire le recours à des adjuvants chimiques et mécaniques générateurs de pollution et consommateurs d’énergie. Certes, il y aura des suppressions d’emplois – dont l’ampleur et les conséquences dépendront des choix collectifs que nous ferons. Mais dans tous les cas, nous assisterons de façon quasi certaine à une forme d’« d’antidéversement » – Alfred Sauvy parlait de « déversement » des emplois du secteur primaire dans le secondaire puis le tertiaire à mesure de l’augmentation des gains de productivité – et à de nombreuses créations d’emplois dans l’agriculture, le bâtiment, les travaux publics et l’énergie.

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« Le manageur n’est aujourd’hui plus le seul à prétendre définir et organiser le travail des autres »

Tribune. Aujourd’hui, le manageur est de plus en plus sommé d’innover. Dans le même temps, il se voit reprocher son conservatisme et sa propension à inventer des procédures bureaucratiques là où le « bon sens » pourrait suffire. Dans son travail, le manageur apparaît ainsi porteur d’une certaine vision du monde.

Par ses positions ou ses actions, le manageur serait incapable de revoir radicalement l’organisation et les objectifs de l’entreprise alors que s’affirment des nouvelles revendications à l’endroit des grands groupes : développement durable, transition énergétique, transparence des décisions et de la gouvernance, etc.

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De quel pouvoir dispose-t-il réellement, coincé entre les demandes des actionnaires, le poids des ingénieurs et des scientifiques, sans oublier les salariés de la « génération Z », qui aspirent à plus d’autonomie, de liberté ? Ses valeurs et ses intérêts semblent de plus en plus en contradiction avec le monde moderne. Le manageur est-il amené à disparaître au profit des entrepreneurs et des « startupeurs » ? Les difficultés actuelles des grandes entreprises vont-elles entraîner la mise au rebut de cette figure de l’organisation « à l’ancienne » ?

Répondre à cette question suppose de comprendre ce que font les manageurs au quotidien. Dans son ouvrage sur la naissance du management (The Genesis of Modern Management. A Study of the Industrial Revolution in Great Britain, 1965, non traduit), l’historien britannique Sidney Pollard (1925-1998) décrit la montée des premiers manageurs à partir de la fin du XVIIIe siècle. Chargés de conduire les affaires pour le compte d’aristocrates ou de grands bourgeois, ils doivent veiller à la valorisation des actifs du patrimoine de ces riches familles (mines, forges, textile, etc.). Ils recrutent les travailleurs ; ils développent des méthodes de comptabilité ; ils apprennent à vendre. Ils conçoivent des investissements dans des outils de production de plus en plus complexes et capitalistiques. Avec la révolution industrielle, ils inventent de nouvelles méthodes de financement. Au fil du XIXe siècle, les manageurs s’imposent comme une catégorie sociale distincte des familles d’entrepreneurs ou des salariés.

Praticien et développeur

Au tournant du XXe siècle, le management devient une profession. Les Etats-Unis s’imposent et, avec eux, la figure du manageur. Pour l’historien américain Alfred Chandler (1918-2007), la figure moderne du manageur naît avec les conglomérats dans la sidérurgie, les mines, la chimie, le textile ou les chemins de fer. Ils arrivent ensuite dans la banque, plus tard dans les premiers commerces de grande échelle. Salariés, ils peuplent les multiples échelons de la hiérarchie administrative d’entreprises de plus en plus imposantes.

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« Il n’existe pas de définition universelle du travail »

Tribune. Depuis les années 1970, des articles de gestion prescrivent la « mise au travail des consommateurs ». Ils suggèrent que cette « main-d’œuvre » motivée, impatiente, innombrable, disponible et surtout gratuite pourrait être avantageusement utilisée et « managée » par les entreprises. Dans les faits, on peut observer trois formes sociales dans lesquelles les clients déploient une activité bénévole productive, profitable pour les entreprises qui l’encadrent.

Premièrement, dans les supermarchés, les stations-service, les gares, les fast-foods ou à La Poste, par exemple, nous coproduisons régulièrement le service que nous achetons. Cette autoproduction dirigée est contrainte et permet de réduire le nombre d’employés de première ligne (guichetiers, caissières, serveuses…).

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Le deuxième type est à l’inverse fondé sur le volontariat : la captation dans la foule (« crowdsourcing ») d’informations personnelles, articles, photos, vidéos, blogs, CV, notations, commentaires, likes, etc., offerts volontairement, est une source de profits pour les sites qui les accueillent.

Troisièmement, et plus indirectement, qu’il s’agisse d’acheter de manière éclairée ou de se désabonner d’un service, sortir de la contradiction dans laquelle nous plonge le marketing lorsqu’il nous déclare libre tout en cherchant à orienter nos comportements requiert, là encore, des compétences et des efforts importants.

Substance et substantif

Mais l’expression « travail du consommateur » fait surgir un doute : puisque ce dernier n’est pas salarié, d’une part, et qu’il n’a pas toujours le sentiment de travailler, d’autre part, peut-on parler de « travail » ? Une floraison d’expressions telles que « travail domestique », « travail du malade », « digital labor » ou « travail bénévole » remettent pareillement en question aujourd’hui la signification que nous attribuons au mot « travail ».

Les historiens et anthropologues montrent qu’il n’existe pas de définition universelle du travail ; il est vain en effet de chercher une substance derrière le substantif. Le mot est plutôt une catégorie de la pensée et de la pratique, construite par les sociétés et donc variable dans le temps. Ainsi, depuis le XIe siècle, la langue française désigne avec ce mot l’activité, cette peine que nous nous donnons pour faire quelque chose. Il est aussi utilisé depuis le XIVe siècle pour parler du résultat de l’activité : l’ouvrage réalisé, la production, progressivement réputée « utile ». Puis il a été associé à l’idée de gagne-pain, et finalement à l’emploi depuis l’époque contemporaine.

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Assurance-chômage : l’aboutissement d’une réforme jalonnée de couacs et de bugs

La ministre du travail, Elisabeth Borne,  à l’Assemblée nationale, à Paris, le 21 septembre 2021.

Au prix de longs et laborieux efforts, le gouvernement vient de parachever sa réforme de l’assurance-chômage. Dans le Journal officiel du jeudi 30 septembre, il a publié un décret qui change les règles de calcul de l’allocation versée aux demandeurs d’emploi – celles-ci entrant en vigueur à compter du vendredi 1er octobre. C’est le dernier volet d’un projet plus global, engagé au début du mandat d’Emmanuel Macron et dont la mise en œuvre a commencé en novembre 2019. C’est aussi une mesure radicale, puisqu’elle se traduira, dans de nombreux cas, par des montants mensuels d’indemnisation moins élevés qu’avant. Les syndicats, hostiles depuis le départ, ont réussi à en différer l’application, grâce à des actions en justice. Leur combat se poursuit, dans les prétoires et à travers l’agitprop.

Au cœur de la controverse, il y a un acronyme : SJR, pour salaire journalier de référence. Ce paramètre, qui sert de base pour fixer le niveau de l’allocation, obéit désormais à de nouvelles dispositions, car celles qui jouaient jusqu’à maintenant encourageaient la prolifération des contrats courts au détriment des emplois durables, d’après la ministre du travail, Elisabeth Borne. Parfois, « vous pouvez gagner plus en étant au chômage qu’en travaillant », a-t-elle assuré. Son discours est, peu ou prou, identique à celui de sa prédécesseure, Nicole Pénicaud, qui a porté le dossier durant la première moitié du quinquennat.

« Encourager le travail »

Pour les personnes « abonnées » à l’alternance de petits boulots et de périodes d’inactivité, les sommes versées chaque mois par le régime d’indemnisation seront désormais plus faibles, tout en pouvant être octroyées plus longtemps. L’objectif est double : inciter les chômeurs à retourner sur des postes pérennes et combler les pénuries de main-d’œuvre. « C’est un nouveau mode de calcul qui vise à encourager le travail », a affirmé, lundi sur Franceinfo, Mme Borne.

Les modifications apportées au SJR ont des effets massifs, selon l’Unédic, l’association copilotée par les partenaires sociaux qui gouverne le régime d’assurance-chômage. En avril, elle a diffusé une étude d’impact dont les « ordres de grandeur » demeurent valables, d’après elle. De début octobre 2021 à fin septembre 2022, quelque 1,15 million d’individus, soit 41 % des « entrants » dans le dispositif, « ouvriront un droit » avec une allocation journalière inférieure « de 17 % en moyenne », comparé à ce qu’ils auraient touché avec l’ancienne réglementation. Une précision indispensable : ces personnes pourront recevoir une prestation pendant quatorze mois, en moyenne, contre onze à l’heure actuelle.

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Les Jeux olympiques de Paris 2024 pourraient créer jusqu’à 150 000 emplois

Chantier de construction du village olympique, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 8 avril 2021.

A trois ans des Jeux olympiques (JO) de Paris en 2024, la plate-forme d’emplois destinée à rapprocher recruteurs et candidats vient d’être lancée. Ouverte mercredi 29 septembre, elle propose à ce jour environ 12 000 postes, principalement dans les métiers du bâtiment et de la construction. Un chiffre encore modeste, mais un avant-goût du gisement d’emplois que représente, à terme, l’événement sportif : selon les études prospectives, environ 150 000 postes devraient être créés autour des JO.

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Les principaux contributeurs seront, dans l’ordre, l’événementiel (78 300 emplois annoncés), le tourisme (environ 60 000) et le secteur de la construction (11 700 postes sur les chantiers). En ce qui concerne le calendrier, les offres à pourvoir se concentrent pour l’heure sur le bâtiment et la construction, puisque les 62 infrastructures sont en train de sortir de terre. Les métiers liés à l’organisation, à l’événementiel, à la restauration, à la sécurité privée ou au spectacle vivant prendront le relais dans un second temps.

Les retombées des Jeux olympiques et paralympiques sonneront sans doute comme une bouffée d’oxygène pour les secteurs particulièrement touchés par la crise liée au Covid-19 que sont l’événementiel et le tourisme. Mais pour les métiers de la construction, de la restauration ou de la sécurité privée, c’est une autre affaire.

Se pencher sur la rémunération et les horaires de travail

« Il se trouve que les emplois dont nous avons besoin pour les Jeux se situent pour une bonne part dans des filières professionnelles dites aujourd’hui “en tension” », a rappelé Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT et membre du Comité d’organisation des JO, où il est particulièrement chargé de la « charte sociale ». Et de lancer un « appel à ce qu’un certain nombre de choses changent dans certaines branches professionnelles sur le plan social ». Parmi les pistes de solutions proposées par M. Thibault, celle de « se pencher sur les conditions sociales dans lesquelles ces métiers sont exercés », et notamment la rémunération et les horaires de travail.

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De fait, la difficulté à pourvoir à certaines offres n’a pas échappé aux organisateurs des JO 2024. Le Conseil régional d’Ile-de-France propose 11 000 formations par an, destinées aux publics demandeurs d’emplois sur les métiers en tension. Un dispositif assorti de primes de 1 000 euros (2 000 euros pour les personnes en situation de handicap) pour les candidats entrant effectivement en formation.

Le département de la Seine-Saint-Denis, lui, compte notamment s’appuyer sur les réseaux associatifs. L’association Voisin Malin, par exemple, fera du porte-à-porte dans le département pour informer les habitants des possibilités d’emplois et les renseigner sur les processus de recrutement.

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Yolanda Diaz, la ministre communiste du travail, figure montante en Espagne

Yolanda Diaz, ministre du travail espagnole, à Madrid, mardi 28 septembre.

Les mesures de chômage partiel, qui devaient prendre fin jeudi 30 septembre en Espagne, ont été finalement prolongées jusqu’au 31 octobre telles qu’elles existent actuellement, et jusqu’au 28 février, à condition de former les salariés concernés. Ils sont près de 250 000 dans le pays.

La mesure – fruit d’un accord entre le patronat, les syndicats et le gouvernement – a été approuvée in extremis en conseil des ministres, mardi 28 septembre, en même temps qu’une augmentation de 1,7 % du salaire minimum, le portant, dès le mois de septembre, à 965 euros par mois sur quatorze mois. « Il s’agit d’un pas de plus vers une reprise juste », a commenté la ministre du travail et deuxième vice-présidente de l’exécutif, la communiste Yolanda Diaz.

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Pour cette figure montante et électron libre du gouvernement de gauche, c’est une nouvelle victoire à accrocher à son palmarès. Depuis qu’elle a pris ses fonctions, en janvier 2020, cette ministre âgée de 50 ans a fait aboutir onze négociations incluant à la fois patronat et syndicats, se plaît-elle à rappeler régulièrement, tout en insistant sur l’importance d’approfondir le « dialogue social » dans un climat de forte crispation politique.

Charismatique

Parmi ces grands accords figurent l’augmentation du salaire minimum (SMI) de 5,5 % en 2020, annoncée deux semaines à peine après son arrivée à la tête du ministère ; les différents mécanismes de chômage partiel approuvés à la suite de la pandémie de Covid-19 ; mais aussi la loi de télétravail, qui oblige les entreprises à prendre en charge les coûts induits par celui-ci et impose un droit à la déconnexion ; ou la loi « Riders », qui contraint les plates-formes numériques à salarier les livreurs et à offrir plus de transparence sur le fonctionnement des algorithmes et leur incidence sur les conditions de travail. Les leaders syndicaux ne tarissent pas d’éloges sur sa personne. Le patronat reconnaît sa capacité à orchestrer les négociations et sa volonté de trouver des consensus.

La Confédération espagnole des organisations entrepreneuriales (CEOE) n’a quitté la table des discussions qu’à l’occasion de la dernière augmentation du salaire minimum, considérant que le chemin tracé, avec de nouvelles hausses du SMI plus importantes prévues les deux prochaines années, risquait de mettre en danger les petites entreprises. « Une démocratie solide est incompatible avec des salaires bas, a insisté Mme Diaz. Un pays moderne, le pays auquel nous aspirons, est celui où les gens vivent avec dignité grâce à des emplois décents. »

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La surqualification guette une partie des travailleurs selon l’Organisation internationale du travail

«  Dans les pays à revenu élevé, c’est la question de la surqualification qui se pose. Ainsi, 20,7 % des travailleurs y occupent des emplois pour lesquels ils se révèlent surdiplômés. »

Alors que les candidats manquent à l’appel dans les secteurs en tension, une étude publiée par l’Organisation internationale du travail (OIT) apporte un éclairage intéressant sur la question de la surqualification et, plus largement, sur l’adéquation des compétences d’une partie des travailleurs avec le marché du travail local (« La moitié seulement des travailleurs dans le monde occupent un emploi correspondant à leur niveau d’éducation », OIT, 17 septembre 2021).

« Au fil des ans, des efforts considérables ont été investis dans l’amélioration du niveau d’éducation des populations du monde entier, pose en introduction la statisticienne Valentina Stoevska, autrice de l’étude. Cependant, les énormes progrès réalisés dans l’élévation des niveaux d’éducation, en particulier chez les femmes et les filles, ne se sont pas traduits par des améliorations correspondantes des résultats sur le marché du travail ».

S’appuyant sur des données recueillies sur le profil des travailleurs employés dans plus de 130 pays (la France n’en fait pas partie), l’étude conclut que seule la moitié de ces travailleurs environ occupent un emploi correspondant à leur niveau d’éducation. Dans les pays à faible revenu et où l’économie informelle demeure importante, la majorité (69,5 %) des travailleurs se révèlent sous-qualifiés par rapport au poste qu’ils occupent : parce qu’ils n’ont pas toujours les compétences nécessaires, mais aussi parce que l’apprentissage se fait souvent « sur le tas » et que l’acquisition des compétences se voit moins formalisée par un diplôme.

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En revanche, dans les pays à revenu élevé, c’est la question de la surqualification qui se pose. Ainsi, 20,7 % des travailleurs y occupent des emplois pour lesquels ils se révèlent surdiplômés. Au Canada, le fossé est massif : plus de 70 % des actifs peuvent se prévaloir d’un haut niveau d’éducation, mais seulement un peu plus de 40 % occupent un poste très qualifié. En Corée du Sud, le pays compte un peu plus de 50 % de travailleurs hautement qualifiés contre 40 % d’emplois correspondants. L’écart est également significatif dans des pays aussi divers que l’Albanie, la Colombie, la Mongolie et le Botswana, sans que l’étude avance d’explications à ce phénomène.

Davantage de femmes surqualifiées

Dans les pays à revenu élevé, le taux de « suréducation » est plus élevé pour les femmes que pour les hommes : « A mesure qu’un pays se développe, de nombreuses femmes bien éduquées se retrouveront dans des emplois inférieurs à leur niveau d’éducation », constate Valentina Stoevska. Selon la statisticienne, une partie de ces femmes recherchent un emploi moins qualifié que ce à quoi elles pourraient prétendre, car celui-ci est davantage compatible avec une vie de famille.

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