La vie en entreprise est-elle neuroépuisante ?

La vie en entreprise est-elle neuroépuisante ?

De nos jours, le salarié est devenu comptable du fonctionnement de son cerveau. C’est du moins le sentiment qui émerge si l’on parcourt l’offre de littérature managériale consacrée à l’optimisation du neurone, devenue pléthorique. Dans Accompagner le changement avec les neurosciences. Deux pilotes à bord d’un cerveau (Interéditions, 160 pages, 24 euros), Anne-Laure Nouvion souligne le fait que « les recherches sur le cerveau ont connu un essor considérable ces dix dernières années (…). Comprendre le cerveau humain et ses interactions avec le monde environnant est une clé essentielle pour gagner en efficacité managériale ».

Le problème ? Le cerveau serait un affreux pantouflard qui limite autant que possible tout effort cognitif, freinant des quatre fers à l’idée de changer quoi que ce soit dans sa routine. Selon l’experte, assouplir les résistances au changement est donc un enjeu majeur pour des entreprises confrontées à des processus de transformation organisationnelle. Mais, pour cela, il faut saisir quels sont les besoins concrets de cet organe complexe et mou pour lequel toute remise en question de la stabilité acquise s’accompagne d’un risque de perte de repères.

Dans l’ouvrage à paraître en mai aux éditions Eyrolles Votre cerveau n’est pas programmé pour être productif, le spécialiste en neurosciences appliquées aux processus décisionnels Jérémy Coron dresse sensiblement le même constat. Le cerveau serait programmé pour la survie et non pour la productivité, ce qui expliquerait les comportements comme la procrastination, la perte de concentration ou la démotivation. Il conviendrait alors de faire sortir le cerveau de sa zone de confort, voire de le « hacker », afin de mettre à profit son potentiel inexploré. Chefs d’entreprise mariés, obtenez plus ! de confiance, succès et fun de votre couple et clients grâce au cerveau (publication indépendante, 2023), promet carrément le spécialiste en persuasion éthique Thomas Trautmann.

« Violence neuronale »

A rebours de toute cette littérature enjouée – et parfois un peu ridicule –, La Société de la fatigue (réédition, Presses universitaires de France, 80 pages, 11 euros), un essai malin et iconoclaste de Byung-Chul Han, figure majeure de la philosophie internationale, offre un tout autre décryptage de cet engouement pour le cerveau. Selon l’auteur allemand d’origine sud-coréenne, nous serions passés d’une société disciplinaire, se manifestant à travers de nombreuses contraintes subies par l’individu, à une société de la performance, marquée par une autoexploitation qui semble, à bien des égards, pleinement consentie − elle n’en est donc que plus efficace.

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LJD

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