Archive dans juillet 2021

Passe sanitaire : polémique autour de la question des licenciements

Fin de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, le 23 juillet 2021.

La volonté de consensus n’aura duré que quelques heures. Après avoir trouvé un terrain d’entente sur la loi relative à la gestion de la crise sanitaire, l’exécutif et la majorité sénatoriale s’affrontent de nouveau sur ce texte, définitivement adopté, dimanche 25 juillet, par le Parlement. Dans un communiqué commun, les groupes Les Républicains (LR) et Union centriste au Palais du Luxembourg ont fustigé, mercredi 28 juillet, les déclarations « inopportunes » et « sans aucun fondement juridique » de deux membres du gouvernement : la ministre du travail, Elisabeth Borne, et sa collègue chargée de l’industrie, Agnès Pannier-Runacher. Une polémique qui alimente la confusion sur la portée réelle de certaines mesures.

La querelle concerne les « salariés récalcitrants », un vocable qui a émergé à la faveur des débats pour désigner les travailleurs dépourvus de passe sanitaire alors qu’ils sont tenus d’en avoir un. Le projet de loi, voté en première lecture à l’Assemblée nationale, permettait aux patrons de licencier leurs collaborateurs dans cette situation, passé un délai de deux mois. Mais les sénateurs, en particulier de la droite et du centre, se sont opposés à une telle disposition, la jugeant excessivement punitive. Après d’âpres discussions, un compromis a été trouvé sur des règles un peu moins dures. Pour les personnes employées en CDI qui ne fournissent pas le justificatif requis, le contrat de travail sera suspendu, tout comme le versement de la rémunération. La possibilité de les congédier, initialement envisagée, a été supprimée à l’issue des tractations en commission mixte paritaire.

Lire aussi : Les partenaires sociaux inquiets de la mise en oeuvre du passe sanitaire en entreprise

Mais cette solution n’est pas aussi protectrice que ce que disent les sénateurs, selon Mme Borne. Sur BFM-TV, la ministre du travail a mis les pieds dans le plat, mardi, en indiquant : « Je crois qu’il faut être clair. Ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de licenciement. Cela veut dire qu’il sera moins encadré, peut-être qu’il pourra intervenir plus tôt. » En d’autres termes, les entreprises conserveraient la faculté de se séparer de leurs salariés récalcitrants. Elles pourraient, qui plus est, rompre la relation de travail plus rapidement que dans le dispositif imaginé à l’Assemblée nationale puisque celui-ci prévoyait un délai de deux mois, finalement abandonné. Mme Pannier-Runacher a abondé dans le même sens en affirmant, mercredi, sur LCI, que les sénateurs « n’ont pas du tout interdit le licenciement ». « Ils ont enlevé les protections que nous avions tenues à mettre (…) pour rendre ce licenciement très difficile à mettre en œuvre », a-t-elle ajouté.

Il vous reste 43.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Pour une TVA différentielle sur les produits et services moins polluants »

Tribune. Dans la mise en œuvre d’une économie plus « soutenable », il devient crucial de repenser plus largement les systèmes de fiscalité et de prix. Des mouvements comme ceux des « gilets jaunes » ont montré la difficulté à faire admettre de nouvelles taxes. Les conséquences socio-économiques des crises sanitaires et climatiques rendront cela encore plus ardu. Les réponses à ces enjeux climatiques et énergétiques de plus en plus urgents doivent donc nécessairement intégrer toutes les opportunités possibles.

Une option à exploiter plus activement pourrait être celle d’outils fiscaux incitatifs plutôt que punitifs, complémentaires aux systèmes traditionnels de taxes et charges fiscales. Comme, par exemple, la mise en œuvre d’une taxation différentielle pour les produits ou services qui intègrent le coût d’une réduction de leurs externalités environnementales et climatiques dans leur prix de revient. Cette intégration engendre en effet une baisse de compétitivité par rapport à ceux qui n’accomplissent pas cette démarche.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières risque de faire plus de mal que de bien »

La taxation différentielle permettrait de rétablir leur compétitivité. La perte de revenu fiscal qu’elle engendrerait pour l’Etat se verrait compensée par une diminution des dépenses publiques liées à la réduction des coûts des externalités non compensées, généralement reportés sur la collectivité comme par exemple l’épuration des eaux ou le traitement des déchets.

Prise en compte des efforts d’allègement des externalités

Basée sur des données quantifiées établies à partir d’analyses du cycle de vie, méthode à présent bien établie, cette taxation différentielle peut prendre en compte à la fois les efforts d’allègement des externalités de production (« offrir mieux avec moins »), et ceux qui permettent d’allonger la durée de vie des produits et services concernés (efficacité énergétique, réparabilité, durée de vie…).

Un dispositif de ce type, la « TVA circulaire », avait déjà été proposé en France par la Fondation 2019. D’autres projets ont été développés, notamment les Damage and Value-Added Tax (DaVAT) et Damage-associated-to-the-Value-chain Information Tool (DaVIT), au sein des universités de Bruxelles et de Louvain, et présentés lors d’un séminaire en mars 2021. Les professeurs de droit Allison Christians de l’université McGill et Tarcisio Magalhaes de l’université d’Anvers viennent également de publier un article de référence sur ces sujets (« The Case for a Sustainable Excess Profits Tax », SSRN, 20 mai 2021).

Il vous reste 47.29% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le chômage baisse légèrement sous l’effet de la reprise économique

Les dégâts causés par la crise sanitaire s’estompent peu à peu, sans être entièrement réparés. De début avril à fin juin, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a diminué de 1,3 %, s’établissant à 3,75 millions sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, exceptée Mayotte), selon les données publiées, mardi 27 juillet, par la Dares – la direction chargée des études au ministère du travail. Après avoir culminé à 4,4 millions au printemps 2020, cet indicateur continue de refluer, tout en restant au-dessus du niveau qui prévalait avant la récession provoquée par l’épidémie de Covid-19.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Covid-19 : le marché du travail a bien résisté à la crise

La décrue enregistrée au deuxième trimestre concerne toutes les tranches d’âge mais elle s’avère plus nette pour les moins de 25 ans : – 2,1 % (en métropole), contre – 1,7 % pour les individus de 25 à 49 ans et seulement – 0,3 % pour les seniors. En revanche, ceux qui recherchent un poste tout en ayant travaillé (catégories B et C) voient leurs effectifs s’étoffer de 1 %, sur toute la France. Au total, le nombre de demandeurs d’emploi, avec ou sans activité (catégories A, B et C), baisse de 0,5 % pour repasser juste au-dessous de la barre des six millions (à 5,984 millions).

Un bilan moins mauvais que prévu

Les statistiques dévoilées mardi sont conformes « à ce que l’on pouvait attendre, compte tenu du rebond de la croissance auquel on assiste depuis la mi-mai, après la levée graduelle des mesures de restriction liées au troisième confinement », commente Mathieu Plane, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Les entreprises, dont le carnet de commandes se remplit à nouveau, recrutent davantage : au deuxième trimestre, les déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim) ont progressé de près de 17 %, atteignant un peu plus de 2,2 millions, ce qui représente un « pic historique » selon l’Urssaf, l’organisme qui coiffe le réseau chargé de la collecte des cotisations sociales.

La dynamique en cours ne doit pas faire oublier que la situation reste dégradée, avec un nombre d’inscrits dans la catégorie A qui est à la fois très élevé et supérieur de près de 200 000 à celui du dernier trimestre 2019. Mais « le marché du travail résiste plutôt bien », juge Mathieu Plane, en rappelant « le rôle d’amortisseur » joué par le chômage partiel : ce dispositif, déployé à très grande échelle depuis quinze mois, a contribué à préserver la main-d’œuvre de sociétés contraintes de fermer ou de tourner au ralenti. L’instauration de primes, il y a un an, pour les patrons qui enrôlent des jeunes, a également permis de limiter la casse.

Il vous reste 52.94% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

42 % de femmes nommées pour la première fois à des postes dirigeants de l’Etat en 2020

Jeudi 11 février 2021, des drapeaux européens et français flottent à l’entrée de l’Ecole nationale d’administration, à Paris.

Il s’agit d’un chiffre historique. En 2020, 42 % de femmes ont été nommées pour la première fois à des postes dirigeants au sein des administrations de l’Etat, a annoncé, mardi 27 juillet, le ministère de la transformation et de la fonction publiques.

« Ce chiffre était de 33 % en 2016. Il dépasse pour la première fois l’objectif légal du dispositif des nominations équilibrées fixé depuis 2012 par la loi Sauvadet », s’est félicitée la ministre Amélie de Montchalin dans un communiqué. Une annonce qui intervient avant une réunion, le jour même, sur les engagements des ministères en faveur de l’égalité professionnelle au sein de l’Etat.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Réforme de la haute fonction publique : le Conseil d’Etat corrige le projet du gouvernement

La fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale pour lesquelles seuls les chiffres de 2019 sont disponibles, enregistraient cette année-là, à égalité, 47 % de femmes primo-nommées aux emplois supérieurs, contre respectivement 38 % et 35 % en 2016.

« Beaucoup reste à faire »

« Beaucoup reste à faire pour parvenir à un véritable changement culturel dans nos administrations. Alors que nous comptons 62 % de femmes dans la fonction publique, 32 % d’entre elles seulement occupent des emplois supérieurs et dirigeants », a rappelé la ministre.

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a estimé que cette progression masquait des disparités entre les différents versants de la fonction publique avec 47 % de femmes primo-nommées dans la fonction publique hospitalière contre 37 % pour la fonction publique d’Etat en 2018. L’objectif avait été fixé à 40 % en 2017. Il rappelait que « le non-respect des règles » avait conduit, pour 2018, « 26 employeurs publics [six ministères et vingt collectivités] à s’acquitter d’un montant total de pénalités de 4,2 millions d’euros ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Avec la réforme de la fonction publique, « il y a désormais une alternative à la société d’étiquette et d’entregent »

Il déplorait aussi qu’au sein des établissements d’enseignement supérieur et de la recherche les obligations soient respectées, mais restent « sans effet de ruissellement réel sur le plafond de verre ». « Là où les obligations existent, la parité est au rendez-vous : 46 % d’administratrices au sein des conseils des universités, 43 % de professeures au sein des comités de sélection. Mais les espaces de pouvoir et les domaines techniques demeurent des bastions masculins avec 82,8 % de présidents d’université ou 70,3 % de vice-présidents recherche, 83,2 % de directeurs d’instituts universitaires de technologies et 74 % de professeurs ».

Le Monde avec AFP

Le chômage en baisse de 1,3 % au deuxième trimestre

Le nombre de chômeurs a enregistré une baisse significative de 1,3 % au deuxième trimestre en France (hors Mayotte), soit 50 600 inscrits en moins, selon les chiffres du ministère du travail publiés mardi 27 juillet. Au total, ce sont 3,75 millions de personnes qui sont actuellement sans emploi (relevant de la catégorie A du chômage).

En incluant l’activité réduite (catégories B et C), le nombre de demandeurs d’emploi est en baisse de 0,5 %, s’établissant à 5,98 millions de personnes. Il repasse ainsi sous le seuil des 6 millions, selon la direction des statistiques (Dares).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Covid-19 : le marché du travail a bien résisté à la crise

Sur un an, la baisse en catégorie A est de 14,8 %, mais le nombre de demandeurs d’emploi dans cette catégorie reste supérieur de 200 800 au niveau qu’il affichait avant la crise sanitaire, lors du quatrième trimestre 2019. Sur le seul mois de juin, la catégorie A baisse de 2 % (– 73 300 demandeurs d’emploi). Au deuxième trimestre, la baisse en catégorie A est plus forte chez les jeunes (2,1 % chez les moins de 25 ans) que chez les seniors (0,3 %).

Les catégories B et C enregistrent une progression du nombre d’inscrits d’environ 22 000 personnes, soit 1 % de plus sur le trimestre.

« Pic » d’embauche

Sur le front du chômage longue durée, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits depuis un an ou plus diminue de 1 % dans les catégories A, B et C. Les demandeurs d’emploi de longue durée représentent désormais 50,6 % des inscrits, le seuil des 50 % ayant été franchi en janvier. Les derniers résultats trimestriels, publiés fin avril, avaient fait état d’une légère baisse du chômage au premier trimestre (– 0,4 %).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En France, la reprise tient ses promesses, la prévision de croissance revue à la hausse

Sous l’effet du Covid-19, l’année 2020 aura pour sa part été marquée par une hausse du nombre de chômeurs de 7,5 %, avec 265 400 inscrits supplémentaires au quatrième trimestre de 2020 par rapport au quatrième trimestre de 2019.

Les chiffres du deuxième trimestre viennent confirmer d’autres indicateurs favorables publiés récemment. Le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim) a notamment progressé de 16,9 % au deuxième trimestre, atteignant un « pic historique », avec plus de 2,2 millions d’embauches, selon l’Urssaf Caisse nationale (anciennement Acoss).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Jean-Luc Tavernier, le directeur général de l’Insee : « A la fin de l’année, on aura retrouvé le niveau d’activité de fin 2019 »

Le Monde avec AFP

Les partenaires sociaux inquiets de la mise en oeuvre du passe sanitaire en entreprise

Le sort des « salariés récalcitrants » continue d’alimenter questionnements et inquiétudes. Le gouvernement et sa majorité ont, certes, renoncé à l’idée de permettre le licenciement de travailleurs dépourvus de passe sanitaire lorsque ceux-ci sont tenus d’en avoir un. Mais cette concession, faite à l’occasion de l’adoption définitive de la loi sur la gestion de la crise, dimanche 23 juillet, ne lève pas toutes les critiques exprimées par les partenaires sociaux.

A partir du 30 août et jusqu’à la mi-novembre, les personnes employées dans certains « lieux » et « établissements » recevant du public (restaurants, hôpitaux, parcs d’attraction, salons…) doivent fournir un certificat de vaccination ou un test « ne concluant pas à une contamination » par le Covid-19. Si elles s’abstiennent de toute démarche pour présenter le document requis, leur contrat de travail est suspendu, ce qui entraîne « l’interruption du versement de la rémunération ». Au bout de trois jours, elles sont convoquées par leur employeur de manière à étudier les possibilités de reclassement « sur un autre poste non soumis à obligation » du passe sanitaire. Ce régime vaut pour les titulaires d’un CDI. En revanche, le contrat « peut être rompu » avant son terme quand il est à durée déterminée ou s’il s’agit d’une mission d’intérim.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Passe sanitaire : ce que contient le projet de loi adopté définitivement par le Parlement

Les mesures avalisées par les parlementaires « sont moins sévères, en termes de sanction, que celles qui avaient été initialement envisagées », observe Marylise Léon, la numéro deux de la CFDT, en faisant référence à l’abandon du motif de licenciement pour les travailleurs réfractaires à l’obligation vaccinale. C’est une évolution notable, synonyme d’amélioration selon la responsable cédétiste, mais il subsiste un « point problématique au sujet des personnes en CDD et en intérim pour lesquels la sanction demeure totalement disproportionnée ». « Il faut maintenant qu’il y ait du dialogue au sein des entreprises afin d’intégrer les nouvelles règles dans l’organisation du travail », ajoute-t-elle. « Nous sommes plutôt satisfaits du dispositif voté », enchaîne Cyril Chabanier. Le président de la CFTC avait plaidé pour que les contraintes imposées aux salariées soient « proportionnées » – par exemple en prévoyant une solution du type « congé sans solde ».

« Option bancale »

Force ouvrière, par la voix de son secrétaire général, Yves Veyrier, est beaucoup plus dubitative. « L’option retenue reste bancale », dit-il, avec cette faculté donnée aux patrons de mettre entre parenthèses la relation de travail et le paiement de la rémunération. D’après lui, il aurait mieux valu privilégier la « pédagogie » en s’appuyant sur « un triptyque “expliquer-informer-rassurer” ». Secrétaire confédérale de la CGT, Céline Verzeletti fait part de son appréhension. « Une ligne rouge vient d’être franchie, dénonce-t-elle. L’employeur pourra suspendre de façon unilatérale le contrat de travail, à partir d’une simple présomption de maladie. »

Il vous reste 26.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le travail post-Covid : ruée sur la réu

Les espaces de travail collaboratifs gagnent du terrain sur les postes de travail individuels. Photo issue de la série « Office », de Lars Tunbjörk.

A la rentrée, les open spaces seront vides et les salles de réunion remplies. « On viendra dans l’open space comme on va au concert, pour ressentir l’appartenance à une communauté et se créer des souvenirs », prédit Jean-Edouard Grésy, de l’agence AlterNego. Mais, si, à en croire une enquête conduite par la mutuelle de santé Malakoff Humanis, la première motivation pour revenir au travail serait de revoir les collègues, ce ne sera pas dans l’open space qu’on pourra danser au cœur de la fosse.

Supposés encourager les échanges, les plateaux ont surtout encouragé le port du casque antibruit ou l’adoption de n’importe quel comportement signalant qu’on a envie d’avoir la paix. « En l’absence de barrière physique, les employés en open space créent un quatrième mur, indiquant leur désir de solitude par leur expression physique ou par des réponses courtes », note le chercheur en organisation Edward Bernstein, dans une étude qui constate une chute des interactions en face-à-face de 70 % en open space.

Pour discuter, il faudra aller dans les salles de réunion, lesquelles seront déjà remplies de ceux qui les utilisent pour leurs visios, des patrons qui les ont annexées depuis qu’ils se démènent à faire croire qu’ils n’ont plus de bureau pour amener leurs subordonnés à renoncer aux leurs.

L’avenir est aux espaces collaboratifs

Rappelons que, avant le Covid-19, il était de bon ton de dire du mal des réunions. On prétendait les fuir, même. A la rentrée, on ira au bureau exprès pour. « Nous avons opéré un rééquilibrage entre les postes de travail individuels et les espaces collaboratifs qui sont passés de 15 % à 30 % », rapporte Laurence Doumerc, directrice du workplace management, profession en pointe du monde post-Covid-19, à la Société générale.

« Si les femmes télétravaillent plus, on risque de moins entendre leurs voix en réunion », dit Flore Pradère, directrice de la recherche dans une société de conseil

Elle a été chargée du nouveau campus Les Dunes, à Val-de-Fontenay (Val-de-Marne). « Puisque le bureau sera de moins en moins le lieu de la production individuelle, les journées où les équipes vont se retrouver sur site, ce seront des journées collaboratives et collectives. » « Avant la crise, on était à 60 %, 70 % de postes de travail classiques, pour 30 %, 40 % de surfaces collaboratives, maintenant on est passé à 50-50, et ça ne m’étonnerait pas que ça finisse par s’inverser », pronostique aussi Rémi Calvayrac, directeur workplace et design chez JLL, poids lourd de l’immobilier d’entreprise.

Il vous reste 54.49% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lutte contre le harcèlement sexuel : l’exécutif se rallie à l’avis de l’opposition

Le gouvernement s’est finalement rallié à l’avis de ses oppositions. Durant l’examen de la proposition de loi relative à la santé au travail, que le Parlement a définitivement adoptée vendredi 23 juillet, des désaccords avaient vu le jour sur une question sensible : la lutte contre le harcèlement sexuel. Les mesures consacrées à ce sujet avaient été réécrites au Sénat, à l’initiative d’élus socialistes et communistes et avec la bénédiction de la majorité Les Républicains-Union centriste. L’exécutif, qui était contre au départ, a fait machine arrière, avalisant les amendements portés par la gauche.

Le point qui posait difficulté se situe dans l’article premier de la proposition de loi. Durant les débats à l’Assemblée nationale, les députés avaient remanié ce passage du texte afin de compléter « la définition du harcèlement sexuel au travail ». Dans cette optique, ils avaient repris des dispositions du code pénal pour les insérer dans le code du travail. Cet ajout cherchait, par exemple, à établir une infraction pour des « propos ou comportements (…) imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles (…) ». Ainsi, les élus du Palais-Bourbon procédaient à un « alignement » du code du travail sur la loi pénale, conformément à ce qui avait été recommandé par le Conseil d’Etat.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le délicat exercice de l’enquête interne en cas de harcèlement

Mais les sénateurs de gauche, alertés par les syndicats et par plusieurs associations de défense des droits des femmes, se sont émus de cette initiative. Leur crainte était fondée sur l’emploi du verbe « imposer » (issu du code pénal), alors que, jusqu’à présent, le code du travail retenait le mot « subir » pour caractériser le harcèlement sexuel. Ces nuances sémantiques sont cruciales lorsque la justice est saisie. En droit pénal, il faut démontrer « l’élément moral » de l’infraction, c’est-à-dire prouver que le harceleur a voulu ou a eu conscience de violer la loi. En droit du travail, il en va différemment : le juge se borne à regarder si les faits se sont produits, sans s’interroger sur l’intention de leur auteur.

La « question de l’intentionnalité »

Dans une lettre envoyée fin juin à la ministre du travail, Elisabeth Borne, la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, la CGT, FO et l’Association contre les violences faites aux femmes (AVFT) avaient plaidé pour que la « définition sociale » du harcèlement sexuel reste distincte de celle qui est prévue dans le code pénal. Ainsi, les conseils de prud’hommes pourront continuer de valider le licenciement d’un harceleur ou de condamner un patron à indemniser la victime, « alors même que le harceleur a été relaxé au pénal », faisaient valoir ces organisations. Comme le résume Sophie Binet (CGT), « c’est beaucoup plus facile d’avoir gain de cause aux prud’hommes qu’au pénal », car la « question de l’intentionnalité » n’est pas prise en considération par les juridictions du travail, alors qu’elle l’est en matière correctionnelle.

Il vous reste 37.38% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Europe : « Il y a beau temps que la protection des droits humains ne s’arrête plus aux portes des casernes : faut-il pour autant s’en inquiéter ? »

Tribune. Par une décision rendue le 15 juillet, la Cour de justice de l’Union européenne met en œuvre la législation européenne sur le temps de travail : elle affirme que nul travailleur ne doit être privé d’un encadrement du temps de travail destiné à protéger sa santé et sa sécurité, et que l’armée peut utiliser toutes les (nombreuses) dérogations offertes par le droit de l’Union pour assurer la protection du territoire national et de la sécurité publique.

Pourquoi donc sonner l’alarme contre une telle décision, comme le fait Edouard Philippe dans sa tribune « La décision des juges européens sur le temps de travail de nos soldats touche au cœur de la souveraineté et de la sécurité de la France » parue dans Le Monde le 17 juillet ?

On a souvent reproché à l’Union européenne (UE) d’être anti-sociale, préoccupée seulement d’un marché intérieur dans lequel la concurrence fait rage : cette décision, entre autres, montre qu’il n’en est rien. L’Union change, de plus en plus vite, pour s’éloigner, de plus en plus, sans toutefois le renier, du marché commun de ses origines : en témoignent, notamment, la protection des droits humains garantis par la Charte des droits fondamentaux et, plus récemment, le lancement du grand programme écologique que constitue le Pacte vert pour l’Europe.

Les nombreuses dérogations dans l’application de la décision

Quant aux droits sociaux au cœur de la décision de juillet, ils ont toujours eu une place dans les politiques de l’Union, depuis le traité de Rome (1957). A nouveau au cœur de l’action de l’Union, la politique sociale de l’Union a été relancée par le Socle européen des droits sociaux (2016). Le droit au repos et à la limitation du temps de travail fait partie de ces droits sociaux fondamentaux protégés par la Charte des droits fondamentaux de l’Union que la Cour de justice a toujours défendus avec force, depuis que la Directive sur le temps de travail de 1993 a été adoptée.

Avec force, mais non sans nuance, conformément à la législation de l’Union, qui se caractérise par la prise en compte de la spécificité des situations de travail, y compris celle des militaires. Tendue sur un fil, la décision est le reflet, dans sa nuance, de l’équilibre dans lequel se situe la Cour de justice de l’Union. Pour le comprendre, il faut se donner la peine de regarder la décision de près.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Défense : « Un soldat ne peut dire avant l’assaut : “C’est la pause !”»

Interrogée par la Cour suprême de Slovénie sur le point de savoir si l’activité de garde exercée par un officier de l’armée slovène devait être considérée comme hors du champ d’application de la protection assurée par le droit de l’Union, la Cour a répondu, très précisément que l’encadrement du temps de travail prévu par le droit de l’UE – qui n’exige pas le respect des « 35 heures », législation franco-française, contrairement à ce que certains ont laissé entendre – ne s’applique ni aux activités réalisées dans le cadre de la formation initiale des militaires, aux entraînements opérationnels ou aux opérations militaires, ni aux activités à ce point particulières qu’elles ne se prêtent pas à un système de rotation des effectifs permettant d’assurer le respect des exigences de limitation du temps de travail.

Il vous reste 56.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Vers une baisse du pouvoir d’achat des retraites complémentaires du privé

Les treize millions de retraités du secteur privé risquent de subir une perte de pouvoir d’achat. Jeudi 22 juillet, les partenaires sociaux, qui pilotent le régime complémentaire Agirc-Arrco, ont ouvert la voie à une revalorisation des pensions inférieure à l’inflation durant les deux prochaines années. Cette orientation a été approuvée par trois mouvements patronaux – le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), l’Union des entreprises de proximité – et par deux syndicats – la CFDT et la CFTC. Trois centrales de salariés – la CFE-CGC, la CGT, FO – ont indiqué qu’elles y étaient opposées. Ce tour de vis a pour but de respecter la « trajectoire financière » du dispositif, dont les comptes ont été malmenés par la récession de 2020.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les caisses de retraite complémentaire du privé replongent dans le rouge

La solution retenue consiste à réécrire, par le biais d’un « avenant », l’un des accords nationaux interprofessionnels (ANI) qui régissent le fonctionnement de l’Agirc-Arrco. Grâce à ces amendements, le conseil d’administration sera en mesure de décider que les pensions progressent à un taux inférieur à celui de l’indice des prix, l’écart – ou la « sous-indexation » – pouvant aller jusqu’à 0,5 point (alors que celui-ci ne peut pas dépasser 0,2 point, à l’heure actuelle). Les gestionnaires du régime se prononceront au début de l’automne sur le pourcentage, celui-ci étant applicable à partir du 1er novembre. Ils disposeront de cette faculté deux années de suite.

« Retrouver une trajectoire »

Pour comprendre la mécanique mise en place, il suffit de prendre un exemple, fondé sur les données les plus récentes de l’Insee. En juin, l’inflation a atteint 1,5 % sur les douze derniers mois. Si c’est cette valeur qui sert de référence, les administrateurs de l’Agirc-Arrco seront autorisés à n’augmenter les retraites que de 1 % pour un an. Et ils pourront faire de même à l’automne 2022, pour la revalorisation annuelle suivante (1er novembre 2022-31 octobre 2023).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Retraites : les partenaires sociaux se penchent sur les comptes d’Agirc-Arrco

Le terrain d’entente, auquel sont parvenus le patronat et deux syndicats, résulte d’une négociation ouverte le 21 juin. Les partenaires sociaux se sont lancés dans cet exercice, car les comptes du régime ont souffert l’an passé, avec un « résultat global » de – 4,1 milliards d’euros. Une situation qui a conduit le conseil d’administration à exercer son « devoir d’alerte » : cette procédure est enclenchée lorsque les réserves financières de la caisse (évaluées à 62,6 milliards d’euros fin 2020) sont susceptibles de passer en dessous d’un seuil, correspondant à six mois de pensions sur un horizon de quinze ans. Si ce « ratio de sécurité » risque de plus être respecté, il convient alors de corriger le tir en ajustant « les ressources ou les charges » du système.

Il vous reste 47.67% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.