Volkswagen-Tesla, Nokia-Apple… : « le dilemme de l’inovateur »

Volkswagen-Tesla, Nokia-Apple… : « le dilemme de l’inovateur »

Clayton Christensen, professeur de management à Harvard, à New York, en 2016. Il est décédé jeudi 23 janvier 2020.
Clayton Christensen, professeur de management à Harvard, à New York, en 2016. Il est décédé jeudi 23 janvier 2020. Slaven Vlasic / AFP

Pertes & profits. En guerre économique, comme en guerre tout court, on se méfie toujours des petits nouveaux qui ne pensent pas comme nous. « Innovation : toujours dangereuse », avançait Gustave Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues (1913). En termes de stratégie industrielle, cette menace est existentielle. Et si un autre prenait ma place ? C’est le cri lancé récemment par le patron de Volkswagen, Herbert Diess, affirmant ne pas vouloir subir le sort de Nokia, la marque culte des téléphones portables, qui a sombré après l’arrivée de l’iPhone d’Apple. Et son Apple à lui s’appelle Tesla.

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On ne saurait trop conseiller au pilote du premier constructeur automobile mondial de se plonger dans les œuvres de Clayton Christensen, professeur de management à Harvard et considéré comme le pape de l’innovation. Il est décédé, jeudi 23 janvier, à l’âge de 67 ans.

Un futur incertain

C’est lui qui popularisa la notion d’innovation de rupture en se posant justement cette question simple : pourquoi des acteurs en place, dominant et riches, peuvent-ils disparaître ou se faire marginaliser par de nouveaux arrivants bien moins fortunés. Selon, lui, ce n’est pas par manque d’information – Kodak avait parfaitement identifié le risque de la photo numérique – ni de volonté, mais par contrainte et mode de pensée. Ce que Christensen a appelé, dans son livre le plus célèbre, le dilemme de l’innovateur (The innovator’s dilemma, Harvard Business Review, 1997).

La contrainte est celle de compromettre son activité historique très rentable pour un futur incertain. Kodak dégageait des marges considérables de son activité pellicule. D’autant que l’innovation apparaît sous un jour défavorable, moins performante, peu chère et séduisant un public différent de celui de l’entreprise dominante. Les premières compagnies aériennes low cost s’adressaient aux étudiants qui prenaient le bus. C’est cet élargissement soudain du marché à de nouveaux utilisateurs qui crée pourtant l’accélération. Le modèle s’améliore et vient grignoter progressivement le cœur de l’activité de l’entreprise historique.

Une prison qui est aussi mentale. C’est un vendeur de livre, Amazon, et un spécialiste du micro-ordinateur, Microsoft, qui ont conquis le marché de l’informatique décentralisée, le cloud computing, alors qu’IBM avait identifié le sujet depuis deux décennies. Parfois critiqué pour son aspect systématique, l’apport essentiel de Christensen, qui dépasse largement le cadre de l’économie, aura été de démonter le mécanisme qui conduit les innovateurs, qui seront les puissants de demain, à prospérer à l’ombre de l’orgueil et du confort des puissants d’aujourd’hui.

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LJD

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