Archive dans janvier 2020

« J’en étais arrivée à un point où je ne savais même plus dans quelle ville je me réveillais » : les épuisés de l’hypermobilité professionnelle

Roissy 2011. Photo extraite de la série « Les failles ordinaires », de Géraldine Lay.
Roissy 2011. Photo extraite de la série « Les failles ordinaires », de Géraldine Lay. GERALDINE LAY / GALERIE LE REVERBERE

Le moment de la valise revient à chaque fois. Certains l’expédient le plus vite possible, y jettent machinalement le nécessaire habituel. Pas question d’y perdre plus de temps, la semaine de déplacement qui les attend va déjà leur en voler assez. D’autres y consacrent plus d’une heure, dans une espèce de rituel pénitentiel au cours duquel il ne faut surtout pas les déranger. Les voilà déjà projetés dans le lever à 4 heures, le trajet pour la gare, l’aéroport, les halls, l’attente, les réunions, les dîners…

« Cette valise, c’est à la fois toute ma vie et mon enfer », lâche Antoine (les prénoms ont été changés à la demande des intéressés). « La planquer pour ne plus la voir » est son premier réflexe lorsqu’il rentre le vendredi soir. Cet objet renferme dix ans d’une hypermobilité professionnelle qui aura conduit ce cadre dirigeant d’une grande entreprise nationale à passer plus de temps dans les TGV, les avions et les hôtels que chez lui, auprès des siens, dans le Finistère.

« Quand vous passez vos semaines loin des vôtres, vous ratez tout, vous n’êtes là pour personne, vous ne vous impliquez nulle part » Antoine, cadre dirigeant

Dans le 5-étoiles où il a ses habitudes parisiennes, un grog pour venir à bout d’un rhume, le quinquagénaire, col roulé et blazer, raconte cette mécanique implacable qui « vous oblige à répondre aux impératifs de mobilité » si vous voulez obtenir promotions et fonctions stratégiques. « Quand, par malheur, vous avez choisi d’habiter en région, c’est la double peine. » Il décrit le paradoxe de ces discours managériaux prêchant la flexibilité, tenus par des PDG « dont les trajets se résument à Levallois-La Défense en berline ».

Parce que son travail compte, Antoine a choisi de « jouer le jeu ». Au risque de finir par tout perdre : femme, famille, amis. « Quand vous passez vos semaines loin des vôtres, vous ratez tout, vous n’êtes là pour personne, vous ne vous impliquez nulle part. Et ce n’est pas FaceTime qui permet d’y remédier. Le week-end, de passage auprès de votre femme et de vos enfants, vous tentez de rattraper l’irrattrapable. » Dans sa société, il constate un taux de divorces et de burn-out tristement élevé. Lui-même n’a échappé ni à l’un ni à l’autre. « Cette hypermobilité peut détruire l’unité familiale et la vie sociale, en plus de vous disloquer. »

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Bataillons d’actifs aux mines affairées

Dans le confort des salons grands voyageurs, le dirigeant se surprend à mépriser cette image à laquelle il aspirait, pourtant. Cette armée de cadres « en uniforme », suspendus à leur smartphone, absorbés par leurs mails, qui se frôlent mais ne se parlent pas, valeur travail et statut social chevillés au costard, dans « ce théâtre de l’élite mondialisée » dont chacun choisit de rejouer la partition. Les mêmes qu’il retrouvera peut-être, le soir, dans la solitude de l’hôtel. « Aime-t-on nos boulots ou le fait de se sentir important ? », s’interroge-t-il.

Décentralisation : six régions vont piloter Pôle emploi

L’ambiance était à la détente, mercredi 29 janvier, lors des vœux de Régions de France, entre les présidents de région et la ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault. Pour marquer cette intention de réconciliation, Renaud Muselier, qui a succédé début novembre 2019 à Hervé Morin à la tête de l’association, a offert à son invitée un olivier, symbole de paix. Une volonté d’apaisement après des mois de relations tumultueuses entre l’exécutif et les trois principaux groupements d’élus – Association des maires de France (AMF), Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France –, faisant front commun, avec l’appui du président du Sénat, Gérard Larcher, au sein de Territoires unis.

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Il est vrai que la réforme de la fiscalité locale liée à la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, contre laquelle bataillaient ces associations, est désormais inscrite dans la loi. Et que l’AMF et le Sénat se sont finalement félicités de l’adoption, fin décembre, de la loi engagement et proximité promulguée fin décembre 2019, qui conforte les pouvoirs des maires et l’exercice des mandats locaux. Les esprits sont à présent tournés vers la loi décentralisation, différenciation, déconcentration (« 3D ») qui devrait être présentée au deuxième trimestre, après les élections municipales.

Geste apprécié

Alors que Mme Gourault a engagé un cycle de concertation avec l’ensemble des élus locaux et de leurs représentants, au niveau national et dans chacune des régions, Edouard Philippe a apporté à ces dernières une première satisfaction. Lors du congrès des Régions de France qui s’était tenu le 1er octobre 2019 à Bordeaux, le premier ministre avait proposé que trois régions volontaires puissent expérimenter un pilotage de l’action de Pôle emploi « dans le domaine de la formation professionnelle ». Pas moins de douze régions se sont portées candidates.

Dans un courrier adressé le 21 janvier à M. Muselier et que Le Monde s’est procuré, le chef du gouvernement indique que l’expérimentation va pouvoir démarrer, « dans un premier temps », dans six régions : Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Centre-Val de Loire, Pays de la Loire, Normandie, Auvergne-Rhône-Alpes. « J’ai demandé à madame Muriel Pénicaud, ministre du travail, de travailler dans les meilleurs délais, en lien avec les préfets et les présidents de conseil régional, à la mise en œuvre de cette expérimentation », précise M. Philippe. Celle-ci devrait être articulée, ajoute-t-il, avec la mise en œuvre du service public de l’insertion destiné à renforcer l’accompagnement des personnes éloignées de l’emploi. Le geste a été apprécié par les régions, qui souhaitent disposer du pouvoir de « coordonner le service public de l’emploi ».

Volkswagen-Tesla, Nokia-Apple… : « le dilemme de l’inovateur »

Clayton Christensen, professeur de management à Harvard, à New York, en 2016. Il est décédé jeudi 23 janvier 2020.
Clayton Christensen, professeur de management à Harvard, à New York, en 2016. Il est décédé jeudi 23 janvier 2020. Slaven Vlasic / AFP

Pertes & profits. En guerre économique, comme en guerre tout court, on se méfie toujours des petits nouveaux qui ne pensent pas comme nous. « Innovation : toujours dangereuse », avançait Gustave Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues (1913). En termes de stratégie industrielle, cette menace est existentielle. Et si un autre prenait ma place ? C’est le cri lancé récemment par le patron de Volkswagen, Herbert Diess, affirmant ne pas vouloir subir le sort de Nokia, la marque culte des téléphones portables, qui a sombré après l’arrivée de l’iPhone d’Apple. Et son Apple à lui s’appelle Tesla.

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On ne saurait trop conseiller au pilote du premier constructeur automobile mondial de se plonger dans les œuvres de Clayton Christensen, professeur de management à Harvard et considéré comme le pape de l’innovation. Il est décédé, jeudi 23 janvier, à l’âge de 67 ans.

Un futur incertain

C’est lui qui popularisa la notion d’innovation de rupture en se posant justement cette question simple : pourquoi des acteurs en place, dominant et riches, peuvent-ils disparaître ou se faire marginaliser par de nouveaux arrivants bien moins fortunés. Selon, lui, ce n’est pas par manque d’information – Kodak avait parfaitement identifié le risque de la photo numérique – ni de volonté, mais par contrainte et mode de pensée. Ce que Christensen a appelé, dans son livre le plus célèbre, le dilemme de l’innovateur (The innovator’s dilemma, Harvard Business Review, 1997).

La contrainte est celle de compromettre son activité historique très rentable pour un futur incertain. Kodak dégageait des marges considérables de son activité pellicule. D’autant que l’innovation apparaît sous un jour défavorable, moins performante, peu chère et séduisant un public différent de celui de l’entreprise dominante. Les premières compagnies aériennes low cost s’adressaient aux étudiants qui prenaient le bus. C’est cet élargissement soudain du marché à de nouveaux utilisateurs qui crée pourtant l’accélération. Le modèle s’améliore et vient grignoter progressivement le cœur de l’activité de l’entreprise historique.

Une prison qui est aussi mentale. C’est un vendeur de livre, Amazon, et un spécialiste du micro-ordinateur, Microsoft, qui ont conquis le marché de l’informatique décentralisée, le cloud computing, alors qu’IBM avait identifié le sujet depuis deux décennies. Parfois critiqué pour son aspect systématique, l’apport essentiel de Christensen, qui dépasse largement le cadre de l’économie, aura été de démonter le mécanisme qui conduit les innovateurs, qui seront les puissants de demain, à prospérer à l’ombre de l’orgueil et du confort des puissants d’aujourd’hui.

Les référents métiers au secours du dialogue social

« Agir sur la qualité du travail. L’expérience de Renault Flins », de Jean-Yves Bonnefond, Erès, 240 pages, 23 euros.
« Agir sur la qualité du travail. L’expérience de Renault Flins », de Jean-Yves Bonnefond, Erès, 240 pages, 23 euros.

Le Livre. Le risque dépressif baisse lorsque les salariés peuvent agir sur les décisions concernant l’organisation du travail. Pourtant, le « travail empêché » est le quotidien de beaucoup de salariés, tous secteurs confondus, public et privé, selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail. Près d’un tiers d’entre eux (32 %) disent ne pas ressentir la fierté du travail bien fait. C’est alors « la défiance qui domine dans les relations professionnelles car, pour un grand nombre de salariés, l’organisation du travail est loin d’être aussi “agile” et “flexible” ou “bottom-up” [“de haut en bas”] que nécessaire », constate Jean-Yves Bonnefond dans l’essai Agir sur la qualité du travail.

Pour le docteur en psychologie du travail, « la qualité du travail est d’abord un problème » : en faire un sujet institutionnel, c’est commencer par soulever la question de la définition et de l’évaluation des critères retenus pour juger de la qualité du produit fabriqué, du service rendu ou du soin prodigué. « Mais c’est aussi, à certaines conditions, une solution durable pour l’efficacité et la santé dans les organisations. » Son ouvrage contribue à le montrer.

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La matière première du texte est une expérimentation menée à l’usine Flins de Renault par le clinicien de l’activité, avec l’équipe de psychologie du travail du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). L’auteur y arrive en avril 2012, au sein du département montage, dans l’unité d’habillage des portes. L’ouvrage revient sur la genèse et le développement d’un dialogue entre pairs, ligne hiérarchique, direction et organisations syndicales autour de critères de qualité au travail.

Une légitimité nouvelle

Le dispositif est à l’origine d’innovations durables : des « référents métier » élus par les ouvriers, délibérant sur le travail baien fait qui se transforme avec eux, et une instance tripartite de coopération, en cas de conflit, entre ouvriers, direction et syndicats.

Cette transformation organisationnelle tire sa pérennité d’une force de rappel nouvelle : « L’opérateur référent métier, élu dans le collectif et en dialogue aussi bien avec sa hiérarchie qu’avec les instances représentatives du personnel. » Il incarne une légitimité nouvelle susceptible de faire descendre le dialogue social à la rencontre des problèmes de travail réels.

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Lorsque l’ouvrage paraît, l’intervention de l’usine Flins de Renault a pris fin depuis deux ans. Elle en aura duré presque cinq. Pourtant, en un sens, elle dure encore : à ce jour, un collectif de plus de cent référents métiers élus par leurs pairs fait vivre dans cette usine de 4 500 salariés un dialogue sur la qualité du travail entre la hiérarchie et les ouvriers et, d’abord, un dialogue entre ces derniers. « Du coup, comme le montre ce livre, les ouvriers comptent davantage pour quelque chose dans un travail qui s’est transformé avec eux », analyse le psychologue Yves Clot dans la préface.

Cadres, objectif 2020 : sortir du flou

« Qu’est-ce qu’un cadre : un encadrant ? Une qualification ? Un niveau de rémunération ? Une délégation du chef d’entreprise ? Un membre de la direction ? Un degré d’autonomie dans le travail ? »  Photo ; Un cadre montant les marches de La Grande Arche à la Défense (92) France.
« Qu’est-ce qu’un cadre : un encadrant ? Une qualification ? Un niveau de rémunération ? Une délégation du chef d’entreprise ? Un membre de la direction ? Un degré d’autonomie dans le travail ? »  Photo ; Un cadre montant les marches de La Grande Arche à la Défense (92) France. Jacques Loic / Photononstop

Carnet de bureau. Les cadres du privé étaient 3,9 millions en 2019, et pourtant on ne sait toujours pas qui ils sont ! Il y a cinq ans, les négociations ont commencé sur le « statut cadre », voué à disparaître avec la fusion des caisses Agirc et Arrco, intervenue le 1er janvier 2019. L’enjeu est d’importance : niveau de salaire, positionnement dans le management, couverture sociale (mutuelle, assurance-vie), pension de retraite plus favorable que celle du simple salarié.

Mais telle une boîte de Pandore, les discussions ouvertes à propos du régime de retraite complémentaire ont soulevé des polémiques en série sur la définition même du « cadre ». Qu’est-ce qu’un cadre : un encadrant ? Une qualification ? Un niveau de rémunération ? Une délégation du chef d’entreprise ? Un membre de la direction ? Un degré d’autonomie dans le travail ? Les débats sont allés bon train durant cinq ans, avec éclats de voix et interruptions de séances. L’accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 a esquissé une sorte de statu quo, sans pour autant donner de définition du cadre.

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Et, en 2020, la question n’est toujours pas tranchée. Le Medef a transmis, le 16 janvier, aux partenaires sociaux un texte de dix-sept « orientations », qui insiste sur l’évolution de l’environnement de travail du cadre et sur ses relations avec l’employeur. Le cadre y est défini comme « une catégorie de salariés occupant des postes de travail nécessitant une attention particulière ». « Qu’il exerce des fonctions d’expertise et/ou de management, [il] évolue dans un univers profondément transformé : agilité et adaptabilité caractérisent sa fonction dans l’entreprise », indique le texte. Deux critères délicats à manier pour établir un organigramme.

« Pauvre » et « déséquilibré »

Le patronat, qui depuis le début des négociations refuse d’entériner une définition du statut cadre opposable aux entreprises et aux branches, n’a d’ailleurs pas bougé sur ce point. Dans son texte, il réaffirme qu’il « n’y a pas de définition univoque du cadre » ; il renvoie toujours « à chaque branche [d’activité]» le soin de « définir ce qu’est un cadre dans le contexte sectoriel qui est le sien ». Il ne s’agit pas d’un revirement de position du Medef. Le statut cadre baigne toujours dans un grand flou, seule la mission de l’Association pour l’emploi des cadres commence à s’esquisser. Mais ce texte est un premier écrit formalisé par le patronat, qui permet de reprendre langue.

Dans les entreprises, la « prime Macron » s’essouffle

« Au vu des réticences affichées, les pouvoirs publics ont proposé des simplifications parmi lesquelles la possibilité de signer un premier accord d’intéressement pour une seule année au lieu de trois »
« Au vu des réticences affichées, les pouvoirs publics ont proposé des simplifications parmi lesquelles la possibilité de signer un premier accord d’intéressement pour une seule année au lieu de trois » Ingram / Photononstop

Près de 2,2 milliards d’euros versés à 4,8 millions de salariés dans 408 000 établissements : au printemps 2019, à l’heure du bilan de la prime Macron, le patronat français n’avait pas manqué de souligner combien les entreprises avaient joué le jeu. Elles avaient, de fait, largement répondu à l’appel lancé par le président de la République au plus fort de la crise des « gilets jaunes », les incitant à mettre en place une prime exceptionnelle défiscalisée jusqu’à 1 000 euros.

Quelques mois plus tard, alors que le dispositif a été reconduit pour la seconde année, le ton a changé. C’est désormais avec circonspection que les grandes entreprises s’expriment sur le sujet.

Beaucoup d’entre elles, comme Carrefour ou Saint-Gobain, indiquent qu’« aucune décision n’a été prise » (elles ont jusqu’au 30 juin 2020 pour verser la prime). D’autres ont décidé de ne pas renouveler le dispositif. C’est le cas de Decathlon, où la prime s’élevait à 300 euros en 2019. « Les collaborateurs ont perçu des primes propres à l’enseigne », explique l’entreprise. Même évolution chez Leroy Merlin : pas de prime Macron en 2020, alors que les salariés avaient touché 300 euros l’année précédente. La société mettant en avant ses dispositifs internes avec, assure-t-elle, « une prime 2019 à un niveau historique ».

Ampleur réduite

Quant aux sociétés qui ont décidé de reconduire la prime, si certaines ont conservé les mêmes modalités (Air Liquide donne une prime de 700 euros, par exemple), d’autres en ont réduit l’ampleur comme BNP Paribas, qui annonce une prime de 400 à 500 euros. « Elle atteignait 1 000 euros l’an dernier », rappelle un délégué syndical.

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Le cabinet Mercer confirme, dans son enquête mensuelle de décembre 2019, un engagement plus faible des grandes entreprises. Seuls 27 % des répondants envisagent de verser la prime en 2020 (contre 73 % en mars 2019, lors de la première édition de la prime) ; 54 % des sondés indiquent qu’ils n’en verseront pas, 19 % ne se prononcent pas.

« On se dirige a priori vers une moindre participation, explique Bruno Rocquemont, directeur gestion des talents chez Mercer. Mais, tempère-t-il, on note toutefois que la proportion d’entreprises ne souhaitant pas verser la prime a diminué entre novembre et décembre, tandis qu’un plus grand nombre d’entre elles se déclaraient indécises. Cela en raison d’un climat social plus tendu, mais aussi parce que les entreprises sont pleinement entrées dans les négociations annuelles obligatoires, au cours desquelles le sujet a été remis sur la table. »

Une nouvelle niche sociale au nom du sport

Droit social. L’enfer est pavé de bonnes intentions ! Une circulaire du 12 décembre 2019 du ministère chargé de la Sécurité sociale en atteste une fois de plus. La bonne intention est, en l’espèce, de favoriser la pratique sportive en entreprise par une exonération de cotisations sociales des dépenses de l’employeur. Cette nouvelle « niche sociale » est toutefois problématique à plusieurs titres.

Quant à sa source d’abord. En effet, l’article LO 111-3 IV du code de la Sécurité sociale prévoit que seule une loi de financement de la Sécurité sociale peut créer une exonération de cotisations à un régime de base de la Sécurité sociale. Le principe étant que toute somme versée ou avantage attribué en contrepartie ou à l’occasion du travail soit soumis à cotisation de Sécurité sociale.

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La circulaire ne crée, en conséquence, qu’une tolérance administrative. Le ministère demande en fait aux contrôleurs des Urssaf de ne pas redresser les employeurs qui auraient engagé certaines dépenses liées à certaines pratiques du sport en entreprise sans payer les cotisations sociales afférentes à celles-ci.

Des conditions complexes d’utilisation

Les conditions du bénéfice de cette niche sociale sont complexes et sources potentielles de divergences d’appréciation et de litiges. A cela plusieurs raisons. La pratique sportive en entreprise relève en principe du monopole des activités sociales et culturelles confiées par l’article L. 2312-78 du code du travail au Comité social et économique (CSE).

La circulaire offre, par conséquent, une seconde dérogation à la loi en ce qu’elle admet le développement d’une activité sociale hors compétence du CSE. L’entreprise qui mettrait en place le dispositif prôné s’expose au risque d’une revendication du CSE, visant à la réintégration des dépenses dans le budget des activités sociales et culturelles.

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Pis, la circulaire précise que la mise à disposition d’équipements sportifs doit bénéficier à « l’ensemble des salariés », ce qui se conçoit, mais « dans des conditions similaires à l’accès à un équipement qui serait mis à disposition par le CSE ou une institution analogue à ce dernier ». Or, les activités sociales et culturelles sont ouvertes aux anciens salariés et aux membres de la famille du salarié, alors que la circulaire ne vise que les salariés. Quelle règle est alors applicable ? Celle régissant les activités sociales ou celle de la circulaire ? Nul ne le sait.

Des pratiques sportives exclues du dispositif

Les pompiers obtiennent la revalorisation de leur prime de feu, et mettent fin à 8 mois de grève

Manifestation des pompiers place de la Nation à Paris, le 28 janvier.
Manifestation des pompiers place de la Nation à Paris, le 28 janvier. BERTRAND GUAY / AFP

Les pompiers professionnels ont annoncé, mardi 28 janvier, la fin de huit mois de grève nationale après une journée de manifestation marquée, à Paris, par des heurts avec les forces de l’ordre. L’annonce de l’intersyndicale est intervenue quelques heures après que le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, s’est engagé par écrit à revaloriser leur prime de feu lors d’une rencontre avec quatorze représentants de la profession. Aujourd’hui égale à 19 % du traitement indiciaire des pompiers professionnels, elle devrait être élevée par décret à 25 % avant l’été, selon le ministère de l’intérieur.

Lire notre enquête : « Nous sommes devenus les médecins des pauvres » : les pompiers face à l’évolution du métier

Prévue au même moment, la manifestation des pompiers à Paris s’est déroulée dans une ambiance tendue avec les forces de l’ordre. La Préfecture de police de Paris a rapidement déploré que certains manifestants « portent leur casque et leur tenue de feu », contrairement à des « engagements » pris par les syndicats avant le défilé. « Vu ce que l’on a vécu le 15 octobre à Paris [la manifestation s’était terminée par des heurts avec la police], les gars ont préféré venir en se protégeant, explique William Moreau, secrétaire général de l’UNSA-SDIS dans les Yvelines, quelques minutes après avoir quitté la manifestation. Ce qui ne veut pas dire s’en prendre aux forces de l’ordre, avec qui nous avons d’ailleurs discuté tout au long du parcours, sauf lors de quelques gazages en tête de cortège. » Evoquant des « manifestants violents prenant à partie les forces de l’ordre », la Préfecture de police a fait état de deux interpellations.

« C’est une avancée significative, mais pas majeure »

La revalorisation de la prime de feu constituait une revendication centrale du mouvement des « pompiers en colère », débuté dans de nombreux services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) dès le mois de juin 2019 – les pompiers volontaires, moins regroupés syndicalement, ainsi que les pompiers de Paris et de Marseille, au statut de militaires, sont quasiment absents des cortèges. « C’est une avancée significative, mais pas majeure, qui a surtout une forte valeur symbolique », souligne Sébastien Delavoux, représentant CGT-SDIS. Les pompiers professionnels demandaient depuis plusieurs mois que la dangerosité de leur métier soit reconnue au même titre que celle des policiers et des gendarmes.

Lors de la manifestation des pompiers à Paris, le 28 janvier.
Lors de la manifestation des pompiers à Paris, le 28 janvier. CHARLES PLATIAU / REUTERS

M. Castaner s’est également engagé devant les syndicats dans une « lutte contre les agressions envers les sapeurs-pompiers », en augmentation constante ces dernières années. Le lancement d’un plan de lutte et la création d’un observatoire national sont notamment envisagés, selon le ministère de l’intérieur. La « réduction de la pression opérationnelle, notamment autour du secours à la personne », fait aussi partie des axes de travail évoqués lors de la rencontre place Beauvau, sans que cette intention ne soit détaillée, regrettent les syndicats.

Les pompiers professionnels étant majoritairement financés par les collectivités territoriales, les même représentants restent prudents sur la portée des annonces. « On ne veut pas d’une application différenciée, entre un département riche qui accepterait d’augmenter la prime de feu et un département pauvre qui ne le ferait pas », souligne Sébastien Delavoux.

Inquiétude autour des retraites

Peu évoquée lors de la rencontre de mardi, l’évolution du régime des retraites des pompiers professionnels reste l’enjeu central des discussions entre les partenaires sociaux et le gouvernement. Les sapeurs-pompiers bénéficient aujourd’hui d’une annuité supplémentaire tous les cinq ans de carrière correspondant à la prise en compte de la dangerosité de leur métier.

Si une dérogation inscrite dans le projet de loi leur assurerait une ouverture des droits possible dès 57 ans dans le système à points, certains représentants s’inquiètent d’une baisse des pensions au moment du départ à la retraite. « Aujourd’hui, personne est capable de nous dire que la majoration prévue recouvre entièrement la perte anticipée des pensions », affirme Sébastien Delavoux.

Membre de l’intersyndicale, la CGT-SDIS a annoncé, mardi soir, continuer la mobilisation au sein du préavis fédéral de la section services publics du syndicat, dirigé contre la réforme des retraites. Sur Facebook, l’organisation accompagne son annonce d’un cours commentaire : « les slogans changent, pas la lutte ».

Lire notre reportage d’octobre 2019 : A Paris, les pompiers ont manifesté dans une ambiance tendue

Le plan social de GM&S annulé par le Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat a confirmé, lundi 27 janvier, l’annulation du plan social mis en œuvre en 2017 chez l’ex-équipementier automobile creusois GM&S. La juridiction a conforté la décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux, qui avait estimé, en octobre 2018, que ce PSE (plan de sauvegarde de l’emploi, ou plan de licenciement), contesté en justice par des salariés, était basé sur des « motifs entachés d’erreurs de droit ».

Le Conseil d’Etat a essentiellement estimé que ce PSE, homologué par la directrice régionale des entreprises, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Nouvelle-Aquitaine, n’aurait pas dû baser les critères d’ordre de licenciement sur la seule ancienneté, alors que la loi demande aussi de prendre en compte les situations personnelles (parents isolés, réinsertion difficile, etc.) ainsi que les qualités professionnelles.

Cette décision « ouvre la porte à une indemnisation pour les salariés qui ont saisi le conseil des prud’hommes de Guéret », a expliqué l’avocat des ex-GM&S, Me Jean-Louis Borie.

Un tiers des 157 licenciés ont retrouvé du travail

L’usine GM&S de La Souterraine avait été reprise pour un euro symbolique en septembre 2018, avec 120 emplois conservés sur 277.

Parmi les ouvriers licenciés, qui n’avaient touché que l’indemnité légale, 55 avaient saisi le tribunal de prud’hommes, instance qui attendait la décision du Conseil d’Etat pour rouvrir le dossier, a ajouté Me Borie, selon qui les salariés peuvent maintenant espérer une « indemnité complémentaire payée par l’assurance garantie des salaires [AGS, financée par une cotisation patronale] ». « Cela arrive au moment où beaucoup sont en fin de droits », a souligné l’avocat pour qui seulement environ un tiers des 157 licenciés ont retrouvé du travail.

Une procédure judiciaire reste encore en cours dans le dossier GM&S, une plainte des salariés qui accusent Renault et Peugeot, principaux donneurs d’ordre, d’avoir provoqué la chute de l’équipementier automobile creusois et somment les deux constructeurs de les indemniser.

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Amélioration durable sur le front de l’emploi

L’actualité sociale n’est pas toujours synonyme de contrariété pour le gouvernement. Alors que sa réforme des retraites continue d’alimenter la défiance et des mouvements de contestation dans la rue, les derniers chiffres du chômage, diffusés lundi 27 janvier par le ministère du travail, viennent de lui accorder un motif de réjouissance. En 2019, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a, en effet, reflué de près de 121 000 (soit – 3,3 %) sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, sauf Mayotte), tout en restant massif (près de 3,554 millions de personnes concernées). Un repli d’une ampleur inédite depuis 2007. Il s’agit d’un « signal d’espoir concret [et] important [qui] montre qu’il n’y a pas de fatalité », a réagi, lundi, Muriel Pénicaud, la ministre du travail, lors d’un déplacement dans l’Essonne.

Infographie Le Monde

L’amélioration est tangible dans toutes les tranches d’âge, mais ce sont les inscrits à Pôle emploi de 25 à 49 ans qui en profitent le plus : – 4 % pour ceux relevant de la catégorie A dans l’Hexagone. La tendance est également favorable – quoique moins éclatante – pour les seniors (- 2,1 % en un an) et pour les jeunes (- 1,4 %).

Infographie Le Monde

Fait inédit depuis 2008, les personnes qui recherchent un poste tout en étant déjà en activité (catégories B et C) voient leurs effectifs se réduire, de près de 2,5 % sur l’ensemble de la France. Une évolution qui peut être interprétée comme un léger amoindrissement de la précarité dans le monde du travail. Les données récemment publiées par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale semblent accréditer cette thèse : le nombre de contrats à durée indéterminée a progressé de 2,2 % entre le dernier trimestre 2018 et les trois derniers mois de 2019, tandis que les contrats à durée déterminée de moins d’un mois se sont stabilisés, durant le second semestre de l’année 2019.

Productivité quasi nulle

Autre indicateur, plutôt encourageant : le nombre de personnes qui sont inscrites à Pôle emploi depuis au moins un an (dans les catégories A, B et C) recule de 2,5 % sur douze mois, en métropole, alors qu’il avait encore fait un bond de 5 % en 2018. Toutefois, cette diminution doit être relativisée car elle ne concerne que ceux qui émargent au service public de l’emploi depuis douze mois jusqu’à moins de deux ans. Les personnes en recherche d’activité depuis plus longtemps, elles, voient leurs rangs grossir – en particulier celles dans la catégorie trois ans et plus : elles sont 934 000 dans ce cas dans l’Hexagone (+ 3,8 % en un an).