« J’arrive parfois à tripler mon salaire » : ces enseignants qui ont un deuxième métier

Cela fait vingt ans que Nicolas, professeur d’histoire-géographie dans un collège de l’Eure, exerce son métier qu’il « aime énormément ». Et pourtant, il cumule depuis presque autant de temps ses cours en classe avec des activités annexes. Et elles sont nombreuses : vacations à l’université, rédaction de cours de géographie pour le Centre national d’enseignement à distance (CNED), participation régulière à la rédaction de contenus ou de fiches de révisions pour des éditeurs scolaires ou des sites spécialisés.

Pourquoi mène-t-il cette double vie professionnelle ? Entre autres, pour des raisons financières, reconnaît-il : « Ma femme est professeure des écoles, avec le salaire qui va avec… Notre point d’indice est bloqué depuis une dizaine d’années. Il arrive souvent qu’on compte nos sous à la fin du mois. »

Mais il précise que l’argent est loin d’être sa première motivation. C’est d’abord un besoin d’« être plus stimulé intellectuellement et pédagogiquement face à un cadre scolaire qui peut être sclérosant au fil des années ».

A l’heure où le « malaise » du monde enseignant s’exprime plus fortement ces derniers mois, où la question de la revalorisation du métier est en négociation au ministère, ces enseignants qui cumulent les activités ont de quoi interroger l’éducation nationale.

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Sont-ils plus nombreux ces dernières années ? Impossible de répondre à cette question. Aucune donnée n’est disponible, ni côté ministère ni dans la poignée de rectorats contactés. Les demandes individuelles sont seulement annexées au dossier de chaque agent et ne font pas l’objet de compilation.

Dévoués à la cause commune

Dans les salles des professeurs, on n’en parle peu. Et même si compléter son salaire avec d’autres revenus est moins tabou qu’il y a quelques années, selon les enseignants interrogés, le sujet reste délicat. Les professeurs qui s’en font l’écho prennent le risquent d’irriter à la fois ceux qui fantasment sur le « temps libre » des enseignants, mais aussi les défenseurs d’un service public composé uniquement d’agents « totalement » dévoués à la cause commune, et désintéressés.

Officiellement, les enseignants des établissements publics ou privés sous contrat d’association avec l’Etat, comme tous les fonctionnaires, doivent « passer l’intégralité de leur temps sur leur mission, commente le juriste Bernard Toulemonde. La loi prévoit cependant des dérogations pour des activités accessoires » : bénévolat, productions d’« œuvres de l’esprit », création ou reprise d’une entreprise, etc. Mais aussi des activités privées à caractère sportif ou culturel (animation de colonies de vacances, par exemple), ou bien liées à la fonction de l’agent (enseignement pour les professeurs), « à condition d’en avoir l’autorisation préalable de sa hiérarchie et sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service ».

Les syndicats enseignants s’inquiètent des scénarios de revalorisation

Alors que l’examen du projet de loi sur la réforme des retraites stagne à l’Assemblée, le ministère de l’éducation nationale avance à petit pas dans le grand chantier de la revalorisation des enseignants. Vendredi 7 février, la direction générale des ressources humaines a présenté aux syndicats quatre scénarios de répartition des augmentations, pour une enveloppe de 500 millions d’euros en 2021. Les professeurs des écoles en début de carrière, les plus désavantagés par la réforme des retraites, pourraient toucher entre 93 et 157 euros de plus par mois selon les scénarios, sans conditions. Cependant, une partie de l’enveloppe serait consacrée à d’autres leviers d’augmentation, comme le financement d’heures supplémentaires. Un camouflet pour les syndicats, qui y voient le spectre de « contreparties » demandées en échange des revalorisations.

Quatre scénarios proposés

Comme l’enveloppe globale des revalorisations reste fixée à 500 millions, le montant des primes dépend du nombre d’enseignants concernés. Dans le premier scénario, seuls les enseignants qui sont dans les neuf premières années de leur carrière – soit 14 % d’entre eux – seraient revalorisés. Un professeur des écoles qui a entre un et deux ans d’ancienneté serait alors augmenté de 157 euros net par mois.

Dans le second scénario, qui porte sur les douze premières années de carrière – soit 23 % des enseignants –, le même enseignant toucherait au maximum 128 euros net de plus par mois, puis 114 euros dans le troisième scénario qui porte sur les dix-huit premières années de carrière et concernerait 44 % des enseignants, et enfin 93 euros dans le dernier scénario, qui revaloriserait d’un coup 76 % des enseignants.

Dans tous les cas, les primes seraient dégressives à mesure que l’on avance dans les échelons. Ainsi, dans le premier scénario, les professeurs des écoles au 5e échelon – le dernier concerné par les primes – toucheraient seulement 64 euros de plus par mois. Au-delà de cet échelon, ils ne gagneront rien de plus. Dans le deuxième scénario, les professeurs du dernier échelon toucheront une prime de 49 euros, puis de 14 euros dans les scénarios 3 et 4.

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« Décevants » pour les syndicats

En toute logique, ce sont les enseignants en début de carrière qui seront les plus avantagés quel que soit le scénario choisi. Mais ce sont eux aussi qui seront les plus touchés par la réforme des retraites. Le ministère a néanmoins rappelé qu’il comptait augmenter tous les professeurs y compris les plus âgés, qui ne connaîtront pas le nouveau système à points.

« Le patron de Ford sent la mitraille se rapprocher, et son conseil d’administration s’impatienter »

Jim Hackett, PDG de Ford, le 12 juillet 2019 à New York.
Jim Hackett, PDG de Ford, le 12 juillet 2019 à New York. JOHANNES EISELE / AFP

Chronique. A quoi sert un patron ? A prendre et à assumer des décisions bien sûr, mais aussi à incarner l’échec ou la réussite d’une politique, qu’il en soit directement responsable ou pas. Dans les milieux du management circule la blague des trois enveloppes préparées à l’intention de son successeur par le PDG d’une entreprise remercié par ses actionnaires. A n’ouvrir qu’en cas de crise grave ! Au premier pépin, le nouveau venu ouvre la première. Il y est écrit « dites que c’est la faute de votre prédécesseur ». Puis survient un nouveau pépin. Dans l’enveloppe numéro deux, il est marqué « dites que c’est la faute du marché ». Et enfin, à la troisième rechute, le patron ouvre la troisième, qui contient le conseil suivant : « préparez trois enveloppes ». A ces postes de haute altitude, on laisse rarement plus de trois chances au pilote.

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Isabelle Kocher, la patronne d’Engie, remerciée jeudi 6 février, en était probablement à la troisième enveloppe. Le patron de Ford, Jim Hackett, n’y est pas encore, mais il sent la mitraille se rapprocher, et son conseil d’administration s’impatienter. Comme il ne peut plus blâmer son prédécesseur, parti depuis plus de trois ans, il exécute ses proches collaborateurs. Exit donc Joe Hinrichs, vétéran et gourou de la fabrication, qui dirigeait toutes les opérations. Il se retire à 53 ans, en dépit de sa popularité chez ses fournisseurs, employés et collègues. Le patron de Ford lui préfère son acolyte Jim Farley aux manières plus rudes.

Place aux gladiateurs

Il faut dire que l’entreprise est en fâcheuse posture. Elle a perdu de l’argent au dernier trimestre de l’année 2019, et, sur l’ensemble de l’exercice, elle n’affiche qu’un tout petit profit de 47 millions de dollars (43 millions d’euros) contre près de 3,7 milliards en 2018. Et ses perspectives pour l’année en cours ne sont pas brillantes. Pertes abyssales à l’étranger, notamment en Chine, lancements de produits ratés, rentabilité déclinante aux Etats-Unis, Ford s’enfonce dans la crise au moment où la baisse des marchés se combine à la transition vers la voiture électrique. La firme vaut désormais en Bourse quatre fois moins que Tesla.

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On comprend l’impatience de Bill Ford, l’arrière-petit-fils du fondateur et président du conseil d’administration. Jim Hackett doit passer la main dans les dix-huit mois qui viennent, puisqu’il aura 65 ans en 2020, mais la valse des dirigeants déstabilise l’entreprise. Trois ans après sa nomination, Mark Fields, vétéran du groupe, a été débarqué en 2017 en dépit de ses bons résultats, car il n’allait pas assez vite dans le domaine de la voiture électrique. Désormais, son successeur est sur la sellette.

En France, le nombre de jeunes « décrocheurs » baisse

Ils ont entre 16 et 25 ans, ont quitté l’école, ne suivent pas de formation professionnelle, n’ont pas d’emploi et, dans plus d’un cas sur deux, n’en recherchent pas. En 2018, ces jeunes – regroupés sous l’acronyme anglais NEET (Not in Education, Employment or Training), selon la dénomination de l’institut Eurostat – étaient 963 000 en France, soit un jeune sur sept (12,9 %). Un chiffre en baisse par rapport à 2015, lorsqu’ils étaient 1 250 000, selon les études présentées, vendredi 7 février, par la Dares et l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep). « Une baisse sans doute pour partie liée à l’amélioration de la situation sur le marché du travail », admet Benjamin Nefussi, sous-directeur à la Dares.

Est-ce à dire que près d’un million de jeunes en France sont dans une situation difficile ? « Ces jeunes sont dans des situations très hétérogènes, qui ne correspondent pas toutes à de la vulnérabilité », tempère l’Injep. Environ la moitié d’entre eux vivent une période de transition et semblent en bonne voie pour s’insérer sur le marché du travail : il s’agit principalement de ceux qui ont terminé leurs études supérieures, ont déjà parfois travaillé et recherchent un emploi, des bacheliers qui font des petits boulots en attendant de reprendre leurs études, les diplômés de l’enseignement professionnel (CAP, BEP, bac pro) qui recherchent du travail depuis moins d’un an.

L’autre moitié, soit quelque 480 000 jeunes, les « inactifs », présente un profil plus inquiétant. Parmi ceux-là, les deux tiers ne souhaitent pas travailler. Et parmi ceux qui souhaitent travailler, seul un sur huit recherche effectivement un emploi. « Ceux qui appartiennent à cette catégorie présentent des difficultés qui ne sont pas liées exclusivement au marché du travail », analyse Benjamin Nefussi.

Un problème de garde pour beaucoup

En effet, les raisons pour lesquelles ces jeunes adultes restent en inactivité sont plutôt d’ordre personnel ou familial : des démarches administratives en cours, un handicap ou des problèmes de santé, ou le fait d’assumer la garde d’un jeune enfant ou d’une personne âgée ou malade.

Cette situation concerne à 86 % les jeunes femmes. D’une manière générale, pour les jeunes inactifs, la présence d’un enfant vivant sous le même toit apparaît clairement comme un obstacle au retour vers l’emploi. Parmi la population des jeunes femmes n’ayant ni emploi ni formation, plus d’une sur trois invoque un problème de garde (enfant ou personne âgée) pour expliquer son souhait de ne pas travailler. Les hommes, eux, n’avancent ce type de difficulté qu’une fois sur cent. La France, de ce point de vue, est en ligne avec les autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, où plus de la moitié des femmes attribuaient en 2016 leur inactivité aux responsabilités familiales.

La colère des enseignants-chercheurs face à une université « au bord du gouffre »

Rassemblement des personnels de l'éducation nationale en amont de la manifestation contre le projet de réforme des retraites, à Paris, le 24 janvier.
Rassemblement des personnels de l’éducation nationale en amont de la manifestation contre le projet de réforme des retraites, à Paris, le 24 janvier. Benjamin Girette pour le Monde / Benjamin Girette pour le Monde

Les mines sont graves en cette fin d’après-midi, place de la Sorbonne. « Merci d’être venus pour réfléchir ensemble à la manière dont nous pouvons mettre fin à cette souffrance au quotidien dont l’université est devenue le théâtre », déclame au micro, vendredi 7 février, une enseignante-chercheuse dont le visage est couvert d’un masque blanc, comme la vingtaine de collègues qui l’entoure. « Nous sommes épuisés et pourtant, nous n’avons pas le temps de travailler », poursuit-elle devant le petit groupe venu participer à cette « performance », avant de lister les tâches qui s’accumulent, le manque de moyens, la précarité.

Depuis plusieurs semaines, un vent d’inquiétude et de colère monte chez les universitaires, en parallèle à la contestation de la réforme des retraites. Un mouvement qui se dessine à coup de centaines de « motions » signées par les facs, les labos, les présidences d’établissement, de journées « université morte » et de happenings en tous genres, comme ce « mur de codes » monté jeudi par des juristes franciliens pour protester devant le ministère de l’enseignement supérieur. S’il est difficile d’évaluer l’ampleur de la mobilisation, cela faisait au moins dix ans qu’on n’avait pas vu les universitaires donner ainsi de la voix, entend-on parmi les observateurs du monde de l’enseignement supérieur.

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Au-delà du nouveau système de retraites – pénalisant pour les enseignants-chercheurs, comme pour l’ensemble des enseignants – qui a peu mobilisé dans la communauté, le détonateur est venu d’une autre réforme, qui touchera au quotidien des universités : la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Promise par le premier ministre en février 2019, celle-ci doit permettre à la recherche d’être financée par l’Etat à hauteur des 3 % du PIB. Le texte n’est pas encore connu, mais ses orientations se sont précisées dans trois rapports préparatoires et au gré des échanges entre gouvernement et syndicats.

« Asphyxie budgétaire »

« On tire sur la corde depuis trop longtemps, il n’est pas possible d’aller plus loin encore dans la compétition, la précarité, l’asphyxie budgétaire des universités », résume en quelques mots, Mathias Millet, sociologue à l’université de Tours. Certaines mesures envisagées dans cette réforme font déjà figure de casus belli, comme la création de nouveaux contrats alternatifs à la fonction publique, et surtout l’absence de signaux sur un plan de recrutement, dans un métier bousculé par des années de restrictions budgétaires. Symbole du climat, une coordination nationale des « facs et des labos en lutte » a voté « l’arrêt » de l’université et de la recherche à compter du 5 mars.