« L’attractivité des métiers du grand âge reste peu reconnue »

Dans une tribune au « Monde », les économistes François-Xavier Devetter et Emmanuelle Puissant pointent les incohérences de la politique gouvernementale en ce qui concerne l’aide à domicile pour les personnes âgées.

Publié aujourd’hui à 05h45 Temps de Lecture 4 min.

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« Les salaires tournent aux alentours de 850 euros par mois en moyenne, pour des femmes qui sont plus souvent que l’ensemble des employées à la tête de familles monoparentales. »
« Les salaires tournent aux alentours de 850 euros par mois en moyenne, pour des femmes qui sont plus souvent que l’ensemble des employées à la tête de familles monoparentales. » Fred De Noyelle/Godong / Photononstop

Tribune. Entre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et la mission El Khomri sur l’attractivité des métiers du grand âge, les attentes en matière d’amélioration des conditions de travail et d’emploi des aides à domicile sont importantes. Aujourd’hui, la situation est bien documentée, mais elle reste peu reconnue.

Les salaires sont faibles pour de nombreuses raisons : temps partiel généralisé, importantes contraintes physiques et temporelles, charge psychologique conséquente et… salaires horaires faibles. Ils tournent aux alentours de 850 euros par mois en moyenne, pour des femmes qui sont plus souvent que l’ensemble des employées à la tête de familles monoparentales.

Des atouts importants

Ces difficultés se cumulent et débouchent sur un taux d’accidents du travail extrêmement élevé (supérieur à celui observé dans le bâtiment), des absences fréquentes et une « attractivité » du secteur particulièrement faible. De nombreuses études quantitatives et qualitatives vont dans ce même sens, et pourtant les blocages semblent toujours aussi importants.

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Ainsi, en 2004, un rapport du Conseil économique et social (CESE) pointait parmi les priorités la nécessité de « pérenniser et améliorer l’emploi des salariés en poste » et « redonner son attractivité au travail dans le secteur ». Dix ans plus tard, la Cour des comptes soulignait la faiblesse des « perspectives de carrière contribuant au maintien de la faible attractivité du secteur ». Les rapports confirmant ces constats s’entassent auprès du Comité national d’action sociale (CNAS) ou de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) tandis que la souffrance des salariées demeure.

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Pourtant le secteur dispose d’atouts importants : l’existence d’employeurs divers et anciens, experts en termes de besoins sociaux auxquels le secteur doit répondre ; une convergence entre les revendications des salariées en termes d’augmentation de leurs salaires et d’amélioration de leurs conditions de travail et les alertes multiples de plusieurs fédérations d’employeurs ; des volontés d’évolutions et de transformations, pour répondre aux besoins, largement partagées, une montée en qualification des salariées observables notamment depuis 2003, etc.

Mais au moins trois éléments bloquent toute perspective d’amélioration durable. Trois « mots-clés » omniprésents dans le secteur, dans les discours politiques, les rapports pré-lois, et les prises de position médiatiques… et dont le sens a aujourd’hui pris une tournure directement inspirée de la novlangue digne de 1984 [roman de George Orwell, 1949] : temps partiel, non-qualification, libre choix.

Les « shadow codir » ont fait des petits pour associer les jeunes au management

Les entreprises divrsifient les modes d’intégration des millennials aux décisions stratégiques.

Par Publié aujourd’hui à 23h47

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« Qui mieux que les 18 à 35 ans peut aider à saisir les nouveaux enjeux, à imaginer les nouvelles offres ou organisations ?  »
« Qui mieux que les 18 à 35 ans peut aider à saisir les nouveaux enjeux, à imaginer les nouvelles offres ou organisations ?  » redheadpictures/Carte Blanche / Photononstop

Apparus il y a quelques années, les « shadow codir » et les « shadow comex » ont apporté idées et regards nouveaux à la tête de l’entreprise. Ils ont depuis inspiré d’autres formes d’intégration des jeunes au top management.

Le groupe hôtelier Accor s’était doté dès 2015 d’un shadow comex : ce « comité exécutif bis » était composé de treize hommes et femmes dont la caractéristique était d’être âgés de moins de 35 ans. Sélectionnés par le comité exécutif, ils représentaient tous les métiers et tous les pays où le groupe est présent.

« Le secteur de l’hôtellerie subissait une forte disruption avec la réservation en ligne, les comparateurs, les nouveaux modes d’hébergement, les attentes des clients d’une expérience différente… Il fallait se prémunir face à ces nouveaux concepts et s’adapter », explique Fabrice Carré, vice-président chargé de la stratégie et des investissements d’Accor.

Un regard critique

Trois objectifs leur ont été fixés : éclairer le comex sur les révolutions en cours et les attentes des clients ; porter un regard critique et enrichir les initiatives du groupe ; porter des projets d’amélioration et de nouvelles offres. Réuni pour la première fois en février 2016, le shadow comex a rapidement fait ses preuves. Dès la fin de l’année ouvrait ainsi un site né d’un projet de création d’hébergements d’un genre nouveau, Jo & Joe, retravaillé par la nouvelle équipe.

Macif, Adecco, Havas, Pernod Ricard, Eiffage ont lancé des initiatives similaires à cette période. Leurs objectifs sont toujours les mêmes : faire bénéficier les instances de direction des idées de la jeune génération et accompagner l’entreprise dans sa transformation numérique. Qui mieux que les 18 à 35 ans peut aider à saisir les nouveaux enjeux, à imaginer les nouvelles offres ou organisations ?

« Il s’agit de donner un lieu d’expression aux jeunes générations pour qu’elles apportent un regard différent au comité de direction », affirme Yann Rolland, président-directeur général d’Engie Ineo. Parmi les pionniers de cette démarche, il avait créé un comité « junior » dès 2015, baptisé « comité challenger ». Il a suscité de nombreux projets innovants ou y a participé, comme, par exemple, celui réalisé avec la start-up Andjaro pour faciliter le transfert de personnel entre les agences, selon les besoins et les disponibilités.

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Les « comités bis » ont aussi inspiré les entreprises pour inventer d’autres modes d’intégration des jeunes aux décisions stratégiques. « Nous avons choisi de ne pas créer de shadow comité après nous être posé la question du devenir des jeunes. Nous préférons les réunir pour travailler sur des thématiques sous l’égide d’un membre du comex », explique Christine Petit, directrice du développement managérial et des talents d’Orange.

A Blois, de l’usine à l’aide à domicile

Le Loir-et-Cher, à la population vieillissante, manque d’aides à domicile. A Blois, Pôle Emploi forme des chômeurs en quête de proximité.

Par Publié aujourd’hui à 17h13

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Olivier Boche était chef d’équipe à La Blésoise, une grande blanchisserie traitant chaque jour cinquante tonnes de linge sale en provenance des hôpitaux et hôtels de la région parisienne. Un cancer du rein, puis un AVC et un début de dépression l’éloignèrent durant cinq mois de son entreprise. « A mon retour, mon patron m’explique qu’il n’y a plus de boulot adapté à mes capacités. J’ai été licencié économique à 57 ans, après dix-neuf années d’ancienneté ! »

Mais pas question de rester les bras ballants. Olivier Boche se rappelle qu’il possède un CAP de charpentier métallique et postule auprès des usines locales. Aucune ne lui répond. Il hésite à changer de région, car sa femme est en CDI. Un court stage en maison de retraite, déniché par son conseiller Pôle Emploi, lui fait découvrir le métier d’aide à la personne. Il y prend goût mais hésite. « J’ai des amies qui travaillent en Ehpad et qui ont cherché à me dissuader. De toute façon, arrivé à un certain âge, on n’a plus trop envie d’avoir un patron sur le dos. Je voulais ma liberté. »

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A l’hiver 2017, Olivier rejoint l’armée des 7 000 aides à domicile du Loir-et-Cher. Ses journées s’étirent de 8 heures à 20 heures, avec une longue pause déjeuner. Il accompagne un jeune handicapé au supermarché, assure la toilette, le lever du lit, l’habillement et les repas de personnes âgées dépendantes mais attachées à un maintien au domicile. « Je leur range même le bois pour l’hiver ! », explique-t-il. Son employeur est une antenne locale de l’Aide à domicile en milieu rural (ADMR), une association qui lui sélectionne des clients à moins de 15 kilomètres de son domicile.

Métier en tension

Selon l’enquête « BMO 2019 » (Besoin en main-d’œuvre) de Pôle Emploi, en région Centre-Val-de-Loire, le secteur des services aux particuliers représente 35 % des promesses d’embauche, contre à peine 12 % pour l’industrie et 7 % pour la construction. Les chiffres de l’Insee rappellent combien la région, plus qu’ailleurs, peine à retenir ses jeunes tandis que ses vieux, comme ailleurs, vivent plus longtemps. Cet été, quinze acteurs de l’accompagnement et de l’aide à domicile du Loir-et-Cher, associations et sociétés privées confondues, ont diffusé un communiqué pour « dénoncer une crise sanitaire qui s’annonce ».

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Au Pôle Emploi de Blois, pas une semaine ne se passe sans qu’une entreprise de services à la personne vienne faire passer des entretiens d’embauche. « L’une d’elles promet même à ses futures recrues de les faire évoluer, petit à petit, vers le CAP petite enfance. Pour certains, garder des petits, c’est le Graal », explique Anne Renelier, responsable d’équipe à Pôle Emploi. Avec ses collègues, elle a lancé l’opération « Un emploi près de chez vous », grâce à laquelle des salariés en reconversion, de tous âges, sont accompagnés en douceur vers les métiers d’aide à la personne. « Mettre des chaussettes de contention à quelqu’un n’est pas très attractif mais cela permet à des gens coincés dans un bassin d’emploi inadapté de continuer de travailler sans avoir à déménager. A condition d’accepter de se déplacer souvent, d’un client à l’autre », ajoute-t-elle. Un parcours de formation est proposé, ponctué d’une immersion d’une semaine en Ehpad avec, à la clé, l’obtention de plusieurs qualifications comme celles d’« assistant de vie aux familles CCP2 » et de secouriste.

« Je me vois mal être à ce poste à 62 ans » : témoignages sur la pénibilité au travail

Jessica est cheminote, Domingos Esteves aide-soignant hospitalier : ces travailleurs bénéficient d’un dispositif de départ anticipé à la retraite lié à la pénibilité de leurs métiers. Ils s’inquiètent de la réforme des retraites à venir.

Par et Publié hier à 11h59, mis à jour à 09h13

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Domingos Esteves pourrait parler durant des heures de son activité d’aide-soignant. « Quand vous faites un métier à l’hôpital, vous aimez aider les autres », confie cet homme volubile, employé à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Les gratifications, il les a trouvées dans la « complicité avec les patients », le travail d’équipe. « Mais je me vois mal être à ce poste à 62 ans », enchaîne-t-il, en évoquant implicitement la réforme des retraites, qui va graduellement fermer les dispositifs de départ anticipé pour certains fonctionnaires – parmi lesquels les aides-soignants.

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A 36 ans, Domingos Esteves sent que son corps grince déjà. Quand il était en neurologie, il y a un peu plus d’une décennie, il devait soulever des malades et les aider à se déplacer pour leur toilette : « Je me suis abîmé le dos. On a beau vouloir exécuter les bons gestes pour éviter de se faire mal, un problème peut se produire à tout moment. » Le fait de se retrouver régulièrement dans des unités en sous-effectif n’aide pas, évidemment : il faut aller vite.

« J’ai ressenti une douleur intense au niveau des vertèbres cervicales »

La première grosse alerte, il l’a vécue en aidant à se déplacer une personne qui continuait de tenir d’une main la barre de son lit : « J’ai entendu un gros crac. » Bilan : un peu plus de deux semaines d’arrêt. Rebelote plusieurs années après, au service pharmacie. En levant un carton « assez lourd », Domingos Esteves s’est à nouveau blessé : « J’ai ressenti une douleur intense au niveau des vertèbres cervicales. » Cette fois-ci, il a dû cesser de travailler pendant « 38 jours consécutifs » et a porté une minerve « trois à quatre mois ».

Même si ce militant CFTC consacre désormais la majorité de son emploi du temps à l’exercice de mandats syndicaux, moins éprouvants physiquement, les atteintes à sa santé semblent durables. Il doit éviter de porter des charges supérieures à 5 kg et « [fait] très attention » quand il prend ses enfants dans les bras. Sur le papier, l’idée d’élargir le compte professionnel de prévention aux fonctionnaires qui seront privés, à terme, de retraite précoce lui paraît bonne, « mais tous les aides-soignants n’entreront pas dans les critères » pour pouvoir en bénéficier, regrette-t-il.

Fin du concours d’aide-soignant, baisse de la pénibilité… Les propositions d’El Khomri sur les métiers du grand âge

L’ex-ministre du travail a remis à Agnès Buzyn, mardi 29 octobre, un rapport pour réformer un « système devenu complètement fou ».

Par Publié hier à 11h49, mis à jour à 09h11

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Marie Tassus, aide à domicile à Vimoutier (Orne), accompagne Jeannine Racine, le 28 octobre.
Marie Tassus, aide à domicile à Vimoutier (Orne), accompagne Jeannine Racine, le 28 octobre. Florence Brochoire

« J’ai envie de me battre pour ces femmes ! », confiait-elle début septembre en quittant l’école d’infirmières et d’aides-soignants de la Croix-Rouge, à Romainville (Seine-Saint-Denis). L’ancienne ministre du travail de François Hollande, Myriam El Khomri, a remis son plan de bataille, mardi 29 octobre, à Agnès Buzyn, la ministre de la santé et des solidarités, sous la forme d’un épais rapport appelant à une « mobilisation générale en faveur des métiers du grand âge », pour la période 2020-2024.

Au terme d’une mission de près de quatre mois menée avec l’appui d’une petite douzaine d’experts, d’élus et de professionnels, Mme El Khomri enjoint au gouvernement de « réformer un système devenu complètement fou, dit-elle, où l’organisation administrative et les enjeux tarifaires ont pris le dessus sur la qualité du service et du travail des salariés ». Il s’agit ni plus ni moins, explique-t-elle, que de « réhumaniser » les métiers des quelque 830 000 salariés qui soignent, accompagnent, soutiennent le dernier âge de la vie.

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Mme El Khomri propose une « réforme organique » qui se décline en 59 mesures. Leur mise en œuvre impliquerait de dégager 825 millions d’euros dès 2020. « Votre proposition constitue une feuille de route à la fois courageuse, innovante et opérationnelle », a salué Agnès Buzyn lors de la présentation du rapport.

Ce dernier rappelle un constat déjà fait dans un autre travail réalisé par Dominique Libault et remis à Mme Buzyn en mars : les métiers du grand âge souffrent d’une pénurie de candidats alors que les besoins vont aller croissant dans les prochaines années. Symptôme de cette désaffection, le nombre d’inscrits au concours d’aide-soignant a baissé d’un quart en six ans.

Supprimer le concours

La première urgence est donc de relancer le recrutement. Le rapport estime qu’il faudrait créer 93 000 postes en quatre ans dans les maisons de retraite et les services de soin à domicile. Cela permettrait d’augmenter de 20 % le taux d’encadrement en personnels dans les ehpad. Or, le projet de loi de finance de la sécurité sociale pour 2020 prévoit de ne financer que 5 200 postes dans les ehpad pour l’an prochain. Myriam El Khomri porte le besoin à 18 500 dès 2020. Le coût annuel de ces recrutements est estimé à 450 millions d’euros.

Auxiliaire de vie, « une vocation » et un « métier de cœur »

MARIE TASSUS, AIDE A DOMICILE, EST CHEZ JEANINE RACINE QUI VIT DANS LA RESIDENCE JEANNE LACROIX DANS LE QUARTIER LES PRES GATEAUX. REPORTAGE SUR LES AIDES A DOMICILE, ASSOCIATION UNA, VIMOUTIERS, NORMANDIE, LUNDI 28 OCTOBRE 2019.

FLORENCE BROCHOIRE POUR « LE MONDE »

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Publié aujourd’hui à 11h37

Il suffit qu’il fasse beau. Quand Dominique Delignou sonne à la porte, Jeannine Racine, 84 ans, lâche ses aiguilles à tricoter, enfile ses chaussures, attrape sa canne. Bras dessus, bras dessous, elles sortent faire le tour du foyer pour personnes âgées où vit Mme Racine, à Vimoutiers (Orne). Ce vendredi d’octobre, la balade dure une petite demi-heure. Comme toujours, Dominique n’a pas pu s’attarder.

Jean Bonnet, 78 ans, la guette par la fenêtre. Chez lui, le rituel est toujours le même. Une bassine d’eau tiède à côté d’elle, Dominique y plonge un gant et le frictionne énergiquement. Il s’assoit, se redresse, s’allonge dans son lit, l’aide tant qu’il peut pour que la toilette soit complète en un rien de temps. « Enfiler des bas de contention sur des jambes encore mouillées, ça c’est pas facile ! », fait-elle mine de râler. Elle prend de ses nouvelles, lui en donne. Le vieux monsieur, rhabillé, pousse son déambulateur dans le couloir, et la voilà repartie.

Dominique Delignou en visite chez Jean Bonnet, à Vimoutiers (Orne), le 28 octobre.
Dominique Delignou en visite chez Jean Bonnet, à Vimoutiers (Orne), le 28 octobre. FLORENCE BROCHOIRE POUR « LE MONDE »
Chez Jean Bonnet, à Vimoutiers (Orne), le 28 octobre.
Chez Jean Bonnet, à Vimoutiers (Orne), le 28 octobre. FLORENCE BROCHOIRE POUR « LE MONDE »

En ville, certains disent qu’elle est « aide ménagère », d’autres la croient « femme de ménage ». « Tant qu’on nous appelle pas boniche ! », s’esclaffe-t-elle. Assistante de vie depuis dix-sept ans, Dominique a longtemps parcouru 150 kilomètres chaque jour pour enchaîner les visites aux quatre coins du Calvados : « J’avais l’impression de passer ma vie dans ma voiture. » Elle ne roule aujourd’hui plus que 20 kilomètres par jour, dans un territoire qui couvre la moitié de la commune de Vimoutiers. Le planning de ses visites est calculé pour lui éviter les longs trajets. Moins fatiguée, elle est plus disponible pour cultiver le lien avec ses collègues avec lesquelles, au sein de son équipe, elle se relaie chez les personnes âgées.

Un « métier de cœur »

La vie de Dominique a changé depuis qu’elle travaille à l’UNA-Pays d’Ouche, d’Auge et d’Argentan. Directeur général de cette structure associative qui emploie 290 aides à domicile, Sébastien Chevalier a été un des premiers dans le secteur à chercher d’autres modes d’organisation du travail et fait donc figure de pionnier dans le milieu.

En créant des équipes par secteur, M. Chevalier a pu faire des économies sur le paiement des temps de trajets, qu’il a converties en primes pour ses employées. Mais il n’a pu augmenter les salaires faute de financements supplémentaires du département. Dominique gagne toujours 1 030 euros net par mois… à temps plein. Une misère.

Ce que la réforme des retraites devrait changer pour la pénibilité au travail

Les perdants de la réforme portée par Jean-Paul Delevoye sont tout désignés : les travailleurs affiliés à un régime spécial et les agents publics non régaliens émargeant dans une catégorie active.

Par et Publié aujourd’hui à 04h27

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Emmanuel Macron lors du débat sur les retraites à Rodez (Aveyron), le 3 octobre.
Emmanuel Macron lors du débat sur les retraites à Rodez (Aveyron), le 3 octobre. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

Pour indisposer Emmanuel Macron, il suffit de prononcer trois mots : pénibilité au travail. Le président de la République n’« adore pas » que l’on présente les choses ainsi « parce que ça donne le sentiment que le travail, ça serait pénible », comme il l’a déclaré, le 3 octobre, lors du débat sur les retraites à Rodez. Cette opinion, M. Macron l’avait déjà défendue, en mars 2017 durant la campagne présidentielle, sur un ton encore plus direct devant le Medef : « Le terme pénibilité (…) induit que le travail est une douleur et ne correspond pas à ce dont nous avons besoin car le travail, c’est l’émancipation qui vous donne une place. »

Le chef de l’Etat va pourtant devoir s’y faire : la reconnaissance de l’usure professionnelle représente un des enjeux de la réforme des retraites. Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire en charge du dossier, y a même consacré plusieurs pages dans son rapport remis en juillet. Mais l’opposition – à gauche – et de nombreux responsables syndicaux considèrent que le gouvernement n’a, en la matière, que des ambitions très limitées.

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A l’heure actuelle, la pénibilité est prise en considération de diverses manières – que ce soit au travers des différents plans santé au travail, de référentiels de branches professionnels ou d’accords d’entreprise spécifiques. Dans le secteur privé, il y a également le compte professionnel de prévention (C2P) pour les salariés exposés à des conditions de travail éprouvantes : ce mécanisme permet aux personnes concernées d’accumuler des points qui financent des formations, un passage à temps partiel sans baisse de la rémunération ou de partir deux ans plus tôt à la retraite. S’ajoutent au C2P d’autres dispositifs qui offrent la possibilité de cesser sa carrière de façon précoce (notamment celui pour incapacité permanente).

« Objectif d’équité »

La fonction publique, elle, abrite le système dit des « catégories actives » : grâce à lui, les agents dont le métier s’avère dangereux ou difficile physiquement (policier, agent hospitalier…) peuvent réclamer le versement de leur pension entre 52 et 57 ans, soit plus tôt que dans le privé (62 ans). Idem pour les salariés de plusieurs entreprises publiques (RATP, SNCF…), qui sont affiliés à des régimes spéciaux de retraites.

Grève de 200 agents à la SNCF, les deux tiers des TGV Atlantique ne rouleront pas mardi

La SNCF est contrainte de réduire la cadence de ses TGV Atlantique en raison d’un mouvement suivi depuis jeudi par des agents du technicentre de Châtillon.

Le Monde avec AFP Publié hier à 17h26, mis à jour à 09h50

Temps de Lecture 1 min.

Un TGV sur trois seulement sera en circulation mardi sur l’axe Atlantique en raison de la poursuite d’une grève de 200 agents spécialisés dans la maintenance en banlieue parisienne, a annoncé lundi 28 octobre la direction de la SNCF.

Dans le détail, six allers-retours sont prévus sur la ligne Paris-Nantes et huit allers-retours sur la ligne Paris-Bordeaux. Pour la liaison Paris-Rennes, la situation reste inchangée, avec deux allers-retours programmés. Les autres destinations seront desservies au compte-gouttes, comme Paris-Poitiers (un aller-retour), Paris-Toulouse (deux allers-retours) et Paris-Quimper (un aller-retour), et certains arrêts seront ignorés.

En plein milieu des vacances scolaires, la SNCF est contrainte de réduire la cadence de ses TGV Atlantique en raison d’un mouvement suivi depuis jeudi par 200 agents du technicentre de Châtillon (Hauts-de-Seine), spécialisé dans la maintenance quotidienne des trains.

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Suppression des repos compensateurs

Selon Julien Troccaz, secrétaire fédéral du syndicat SUD-Rail qui a appelé à cette grève et qui s’est exprimé plus tôt dans la semaine, les cheminots ont protesté contre « une remise en cause des conditions de travail par la direction sans aucune concertation » avec le personnel.

La direction du site avait annoncé une suppression des repos compensateurs pour le travail en soirée et le week-end, avait déclaré pour sa part Erik Meyer, également secrétaire fédéral de SUD-Rail. « Les agents ont eu une réaction épidermique, à la hauteur de la violence des annonces du management », avait-il jugé.

Grève le 5 décembre

Une grève est programmée à partir du 5 décembre par plusieurs syndicats de la SNCF contre la réforme des retraites. Philippe Martinez, secrétaire général de la confédération générale du travail (CGT), rencontrera le haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, mardi.

Jeudi, une rencontre est également prévue entre M. Delevoye, le secrétaire d’Etat aux transports, Jean-Baptiste Djebbari, et les syndicats de cheminots pour une première séance de concertation. Le lendemain, le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, passera le flambeau à Jean-Pierre Farandou.

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Les premiers jours en CDI, pour le meilleur et pour le pire

Si certains jeunes diplômés sont très accompagnés, pour d’autres, cette première entrée stable sur le marché du travail peut s’avérer déroutante.

Par Publié aujourd’hui à 15h45

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Jamie Jones/Ikon Images/Photononstop

15 avril 2019. Premier jour en CDI pour Raphaël Leclercq, tout droit sorti de l’Insa de Lyon. Le jeune ingénieur atterrit dans le monde du travail, et pour lui, cela ressemble à un débarquement sur une autre planète. Alors, il commence par observer. « Je suis arrivé une demi-heure en avance. Je me suis installé à la machine à café, pour voir passer tous mes collègues », raconte le jeune homme de 23 ans, embauché dans une PME spécialisée dans la surveillance. « Je me sentais comme lors d’une finale sportive : j’étais partagé entre stress et excitation. Et comme j’avais changé de région pour ce job et embarqué ma copine avec moi, je voulais tout faire pour que ça se passe bien. »

Alors que l’âge moyen d’accès à un premier emploi stable est passé, selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental, de 20 ans en 1975 à 27 ans aujourd’hui, les jeunes diplômés vivent toujours leurs premiers jours en CDI comme un moment important. Un symbole qui marque l’entrée dans l’âge adulte. « En France, les nouvelles générations voient toujours le CDI comme le Graal, constate Romain Delès, enseignant-chercheur en sociologie à l’université de Bordeaux. Quand un jeune en décroche un, il ressent une certaine pression pour honorer le nouveau statut qui lui est conféré. »

« Si ces jeunes sont bien accueillis et intégrés dès le départ, ils peuvent avoir envie de s’investir à fond pour l’entreprise »

Le manageur a alors un rôle-clé pour permettre aux jeunes recrues de prendre de l’assurance et de trouver leur place. « Si ces jeunes sont bien accueillis et intégrés dès le départ, ils peuvent ressentir un effet “waouh” et avoir envie de s’investir à fond pour l’entreprise », observe Clotilde du Mesnil, coach en orientation et insertion chez CoWin Coaching. Ce fut le cas pour Clarisse Bergère, une étudiante d’Epitech Rennes, qui, en parallèle de son cursus, a été engagée en juillet comme développeuse dans une société de services en ingénierie informatique à Pacé (Ille-et-Vilaine). Elle s’en dit ravie. « Je n’avais pas encore pris mes fonctions qu’on m’avait déjà donné les clés des locaux et un accès à tous les outils informatiques internes. On m’a aussi proposé de participer aux afterworks et aux comités collaboratifs mensuels. » Son intégration dans l’équipe n’en a été que plus facile. « Dès mon arrivée, on m’a attribuée un parrain, qui avait fait la même école que moi, explique-t-elle. Cela m’a permis de lui poser toutes les questions sans avoir peur de déranger. »