« Le Chantier » : une vie de chantier en BD drôle, décalée… et juste

« Le Chantier » : une vie de chantier en BD drôle, décalée… et juste

« Pensez à devenir dingue », dit un vieux monsieur à la jeune architecte Flora del Sol, dans Le Chantier, de Fabien Grolleau et Clément C. Fabre (Dargaud). Le personnage principal de cette bande dessinée déplore ainsi que l’architecture soit désormais entre les mains de gens sérieux. La scène se passe sur les hauteurs de Barcelone (Espagne), dans le parc Güell conçu par Antoni Gaudi. Faut-il y voir un message du scénariste Fabien Grolleau, lui-même ancien architecte et qui, en préface, dédie son livre aux jeunes professionnels, non sans évoquer les enjeux de durabilité qui pèsent sur le secteur ? Voici en tout cas une BD qui pose un regard tendre et lucide sur un métier au croisement des sciences et de l’art.

Flora del Sol, jeune architecte de talent, vient donc d’intégrer un cabinet prestigieux. Celui d’El Rodrigo, un professionnel reconnu à l’audace sans bornes, dont l’imprévisibilité est redoutée par ses équipes mi-fascinées, mi-terrifiées. En matière de management toxique, il se situerait au sommet de l’échelle.

D’emblée, on pense à Quai d’Orsay, la bande dessinée d’Abel Lanzac et de Christophe Blain (Dargaud, 2010-2011), et à la relation entre le jeune conseiller ministériel Arthur Vlaminck et son tourbillonnant ministre des affaires étrangères, Alexandre Taillard de Worms.

Architecte presque par accident

Quand El Rodrigo débarque à son cabinet, la même tornade traverse les pièces : les nuages de « scritch », lorsqu’il dessine frénétiquement, remplaçant les « tacatacatac » des moulinets du ministre du Quai d’Orsay en plein raisonnement. Une agitation du personnage qui donne aussi le ton de l’album, mi-amusé, mi-distancié, à l’image du scénariste qui explique être devenu architecte presque par accident.

Pour Flora, c’est le premier grand projet postétudes qui se concrétise à travers la commande d’une cliente exigeante. Sur un terrain vierge au bord de la mer, la voici qui projette ses idées, comme sur une feuille blanche. Des premières esquisses à la livraison de chantier, nous la suivons à chaque étape, tandis qu’elle surmonte les embûches et affine son projet.

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C’est aussi drôle et décalé que juste pour traduire les petits tracas quotidiens d’une vie de chantier. Ainsi, la survie d’un estimable pin de Monterey se joue avec la complicité d’un grand chef étoilé qui, lors d’un dîner avec les clients, vient opportunément raconter une légende émouvante – totalement fantaisiste – autour de cet arbre « sacré », qui « porte chance » et qu’il ne faudrait surtout pas abattre…

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LJD

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