Derrière l’apparence de l’intelligence artificielle, la réalité incertaine des « travailleurs du clic »

Derrière l’apparence de l’intelligence artificielle, la réalité incertaine des « travailleurs du clic »

Dans sa nouvelle étude, le sociologue Antonio Casilli enquête sur le « digital labor », un travail mystérieux et précarisé que les start-up et les géants du Net conservent pour superviser et suppléer les intelligences artificielles et les algorithmes.

Pour la majorité des services et fonctionnalités des sites Web, applications et objets connectés, les fabricants vantent – et vendent – désormais de nouvelles solutions numériques personnalisées grâce aux intelligences artificielles et aux algorithmes qu’ils ont mis au point. Modération de contenus sur les réseaux sociaux, applications de livraison de repas ou de véhicules avec chauffeur, vente de produits culturels ou de vêtements, enceintes avec assistant vocal…, nos vies seraient désormais facilitées par les robots et autres solutions intelligentes. Cet argument promotionnel ravive la vieille idée selon laquelle le travail humain est peu à peu remplacé par les machines. 

Dans son œuvre enquête « En attendant les robots » : enquête sur le travail du clic, qui paraît jeudi 3 janvier aux éditions du Seuil, le sociologue Antonio Casilli montre au contraire que ces progrès numériques ne fonctionnent pas sans digital labor, un travail humain qui n’est pas mis en valeur et précarisé à grande échelle. En exposant les différentes aspects de ce que l’on appelle aussi le « travail du clic » – des internautes qui alimentent gratuitement les réseaux sociaux aux travailleurs des « fermes à clic » en passant par les prestataires de l’économie « ubérisée » –, Antonio Casilli démystifie l’apparence du tout automatique. Il met le point aussi que ces nouvelles formes de travail, exercées par des millions de personnes dans le monde, sont un enjeu majeur de l’économie du XXIe siècle.

Bonnes feuilles. C’est en 2017 que j’interviewe Simon. Ce n’est pas son vrai nom, comme par ailleurs SuggEst n’est pas le vrai nom de la start-up qu’il intègre en 2016 en qualité de stagiaire, à la fin de son master Sup de Co. En revanche, l’entreprise existe et se porte bien. C’est une « pépite » du secteur innovant, spécialisée en intelligence artificielle (IA). SuggEst vend une solution automatisée de pointe qui propose des produits de luxe à des clients aisés. Si vous êtes une femme politique, un footballeur, une actrice ou un client étranger – comme le défini la présentation du site –, en téléchargeant l’application, vous recevez des offres « 100 % personnalisables des marques françaises les plus emblématiques de l’univers du luxe, dans des conditions privilégiées ».

C’est « grâce à un procédé d’apprentissage automatique » que la start-up devine les préférences de ces personnalités et prévois leurs choix. L’intelligence artificielle est censée collecter automatiquement leurs traces numériques sur des médias sociaux, leurs posts, les comptes rendus d’événements publics auxquels ils ont participé, les photos de leurs amis, fans, parents. Ensuite, elle les agrège, les analyse et suggère un produit.

 

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LJD

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