La pluriactivité plait les cadres en interruption avec le travail classique
Le désir des travailleurs pluriactifs est de percevoir par l’accumulation d’emploi la sécurité et la liberté dans le travail.
Tania André est une cumularde multifonction et multi-employeur. Directrice administrative et financière (DAF) de l’entreprise de services informatiques iViFlo deux jours/semaine, elle continu durant un jour et demi avec une double casquette de DAF et de responsable des ressources humaines chez AT2Conseil. Deux postes en CDI auxquels viennent s’additionner des missions ponctuelles pour un réseau d’appui aux entrepreneurs. Elle se présente comme DAF et DRH en temps partagé.
Cécile Bachelot, responsable marketing et communication, accumule quant à elle les employeurs en CDI à temps partiel et pour des missions en indépendante. Finalement, Nataly Ferrand a créé une société pour gérer sa pluriactivité : coach en management trois jours par semaine et professeure de yoga les deux autres jours.
Toutes, elles font partie des pluriactifs, une population en pleine accroissement. « La tendance à la pluriactivité est massive et en très forte augmentation ces dernières années, explique François-Xavier de Vaujany, professeur à l’université Paris-Dauphine, où il conduit l’équipe de recherche management et organisation. Mais le phénomène protéiforme est difficile à mesurer. » Dans sa dernière étude « Temps et conditions de travail », l’Insee déclare le chiffre de 2,3 millions de personnes, qui inclut les activités d’entretien et de ménage pour lesquelles pluriactivité rime avec précarité et faible qualification.
Séparation de parcours professionnel
Nous sommes là loin des profils compétents de Tania, Cécile et Nataly, pour qui les formes alternatives d’emploi – portage salarial, microentrepreneuriat, réunions d’employeurs, temps partagé, etc. – sont synonymes d’autonomie et de liberté. Cette approche du travail, parfois « subie » selon les métiers et les fonctions, suborne de nombreux cadres. D’après l’étude de l’Association pour l’emploi des cadres « Salariat et autres formes d’emploi », parue en mars,57 % se disent prêts à quitter le salariat classique pour tenter d’autres formes d’emploi ; 16 % seraient même certains de passer à l’acte dans les trois prochaines années. Et continuellement selon l’APEC, 65 % des cadres regardent que le portage salarial peut répondre aux espoirs des salariés.
Liron Ben-Shlush et Menashe Noy dans « Working Woman », de Michal Aviad. KMBO
Tournant dans la vague #metoo, l’Israélienne Michal Aviad accomplit un film d’une sécheresse et d’une médiocrité bienvenues qui enseigne, au quotidien, comment la vie d’une jeune femme peut être affectée par une conduite de prédation sexuelle montant méchamment en puissance sous les dehors d’une requête d’efficience et de complicité professionnelles.
Interprété par Liron Ben-Shlush – qu’on avait déjà pénétrée très convaincante dans Chelli (2014), d’Asaf Corman – le personnage d’Orna trouve, au début du film, un travail exceptionnel comme assistante dans une agence immobilière spécialisée dans les produits de luxe. Une aubaine, alors que son mari, Ofer, qui se lance au même moment dans la restauration à son propre compte, peine à découvrir ses marques et que la famille tire le diable par la queue.
Devant Orna parade Benny (Menashe Noy), le patron de la société immobilière qui vient de la recruter. Père de famille, mais homme de pouvoir et séducteur irrépressible, le quinquagénaire utilise une gamme de comportements assez subtile pour parvenir à ses fins. Autoritaire et serviable. Amical et prédateur. Il ne régresse que pour mieux revenir à la charge. Et fait feu de tout bois. Promotion rapide, prolongement des journées de travail, voyages à l’étranger, tête-à-tête de plus en plus fréquents, coup de main donné à l’occasion au mari dans sa carrière naissante… Autant d’éléments qui, tant en vertu de la reconnaissance que du témoignage de loyauté professionnelle qu’ils engagent, œuvrent à un approche insidieux entre le patron et son employée.
Mutisme stoïque
Bientôt appelée directrice des ventes pour la clientèle française, Orna, seul pôle de stabilité financière du foyer, résiste en silence. Le mutisme stoïque dans lequel elle s’emmure, tour à tour flattée et choquée, va l’empêcher de prédire et de freiner la montée en puissance du désir de son patron, qui le conduira à transgresser toutes les règles.
Centré sur le couple, filmé en longs plans-séquences, le film laisse en jachère, par la force des choses, les autres personnages, comme le mari ou la mère d’Orna, qui ignorent de quoi il rentre. Encore que l’aveuglement auquel est cantonné le mari, et sa réaction de machiste obtus sur le tard, puisse être aperçu comme une sorte de connivence involontaire, et donc être mis au débit du genre masculin dans son ensemble, qui sort du film en très piteux état. Working Woman installé en revanche une liaison plus subtile entre le libéralisme destructeur qui vend à l’encan le littoral du pays à de riches étrangers et l’outrage à la libre disposition de leur corps dont sont victimes les femmes.
Film israélien de Michal Aviad. Avec Liron Ben-Shlush, Menashe Noy, Oshri Cohen (1 h 33). Sur le Web : www.kmbofilms.com/working-woman