L’Angleterre confronté à une manque de travailleur
Collectes qui pourrissent sur pied, restaurants qui trouvent des difficultés à recruter… Le départ des Européens lié au Brexit pèse sur quelques secteurs.
La saison des jonquilles s’est mal passée pour les horticulteurs anglaises. Alors que la fête des mères a eu lieu en Angleterre le 31 mars, avec son habituel pic de demande pour les bouquets de fleurs, une partie de la récolte a fané sur pied, faute de main-d’œuvre. Pourtant tous leurs efforts, les agriculteurs n’ont pas trouvé les employés nécessaires.
L’été dernier, la même chose s’est passée pour les courgettes de Barfoots, une grosse entreprise agroalimentaire fondée dans le sud de l’Angleterre. « On avait juste assez de personnes pour cueillir une production normale, mais on n’a pas pu suivre les jours où il y avait trop de légumes mûrs en même temps », mentionne Keston Williams, son directeur technique. Ali Capper a connu le même sort l’été 2017. Cette agricultrice du Worcestershire a perdu 100 tonnes de pommes, faute de main-d’œuvre. « Un gâchis horrible. »
Les exploitations agricoles anglaises n’arrivent plus à recruter. « En 2018, il manquait 10 000 employés sur les 70 000 nécessaires », déclare Mme Capper, qui préside la section horticole du National Farmers’ Union (NFU), le syndicat agricole britannique.
Le chômage est à 3,9 %
Le plein-emploi au Royaume-Uni est l’explication-clé de ce phénomène. Le chômage est à 3,9 %, au plus bas depuis quarante-cinq ans, selon les statistiques éditée mardi 16 avril. Voilà longtemps qu’il est presque impossible de trouver un Britannique pour occuper ces emplois pénibles et mal payées. « Malheureusement, nous sommes dépendants des travailleurs étrangers », déclare M. Williams.
Le Brexit s’est rajouté au problème « La baisse de la livre sterling [de 15 % depuis le référendum de 2016] fait qu’il est difficile d’attirer la main-d’œuvre étrangère, continue Mme Capper. Un Roumain, par exemple, peut choisir entre l’Espagne, la France, les Pays-Bas… » Pour eux, les rémunérations britanniques sont moins concurrentiels qu’avant.
Le brouillard qui borde le Brexit complique encore la donne. « J’ai des Polonais qui reviennent dans ma ferme chaque année, certains depuis vingt ans. Ils me demandent s’ils vont avoir besoin de visa, s’il faut des papiers spéciaux pour passer la frontière… Et on n’a pas de réponses à leurs questions », résume Mme Capper.
Liron Ben-Shlush et Menashe Noy dans « Working Woman », de Michal Aviad. KMBO
Tournant dans la vague #metoo, l’Israélienne Michal Aviad accomplit un film d’une sécheresse et d’une médiocrité bienvenues qui enseigne, au quotidien, comment la vie d’une jeune femme peut être affectée par une conduite de prédation sexuelle montant méchamment en puissance sous les dehors d’une requête d’efficience et de complicité professionnelles.
Interprété par Liron Ben-Shlush – qu’on avait déjà pénétrée très convaincante dans Chelli (2014), d’Asaf Corman – le personnage d’Orna trouve, au début du film, un travail exceptionnel comme assistante dans une agence immobilière spécialisée dans les produits de luxe. Une aubaine, alors que son mari, Ofer, qui se lance au même moment dans la restauration à son propre compte, peine à découvrir ses marques et que la famille tire le diable par la queue.
Devant Orna parade Benny (Menashe Noy), le patron de la société immobilière qui vient de la recruter. Père de famille, mais homme de pouvoir et séducteur irrépressible, le quinquagénaire utilise une gamme de comportements assez subtile pour parvenir à ses fins. Autoritaire et serviable. Amical et prédateur. Il ne régresse que pour mieux revenir à la charge. Et fait feu de tout bois. Promotion rapide, prolongement des journées de travail, voyages à l’étranger, tête-à-tête de plus en plus fréquents, coup de main donné à l’occasion au mari dans sa carrière naissante… Autant d’éléments qui, tant en vertu de la reconnaissance que du témoignage de loyauté professionnelle qu’ils engagent, œuvrent à un approche insidieux entre le patron et son employée.
Mutisme stoïque
Bientôt appelée directrice des ventes pour la clientèle française, Orna, seul pôle de stabilité financière du foyer, résiste en silence. Le mutisme stoïque dans lequel elle s’emmure, tour à tour flattée et choquée, va l’empêcher de prédire et de freiner la montée en puissance du désir de son patron, qui le conduira à transgresser toutes les règles.
Centré sur le couple, filmé en longs plans-séquences, le film laisse en jachère, par la force des choses, les autres personnages, comme le mari ou la mère d’Orna, qui ignorent de quoi il rentre. Encore que l’aveuglement auquel est cantonné le mari, et sa réaction de machiste obtus sur le tard, puisse être aperçu comme une sorte de connivence involontaire, et donc être mis au débit du genre masculin dans son ensemble, qui sort du film en très piteux état. Working Woman installé en revanche une liaison plus subtile entre le libéralisme destructeur qui vend à l’encan le littoral du pays à de riches étrangers et l’outrage à la libre disposition de leur corps dont sont victimes les femmes.
Film israélien de Michal Aviad. Avec Liron Ben-Shlush, Menashe Noy, Oshri Cohen (1 h 33). Sur le Web : www.kmbofilms.com/working-woman