Naissance du numéro deux mondial de la livraison de repas

La plate-forme de livraison de repas Just Eat, à Londres, le 5 août.
La plate-forme de livraison de repas Just Eat, à Londres, le 5 août. Toby Melville / REUTERS

Un nouveau géant de la livraison de repas est né. Jeudi 9 janvier, les actionnaires de Takeaway.com, une entreprise néerlandaise, ont approuvé l’acquisition du Britannique Just Eat pour près de 6 milliards de livres (7 milliards d’euros). Les actionnaires de ce dernier ont jusqu’à vendredi à 13 heures pour donner leur feu vert, mais 46 % du capital est déjà acquis, et ce n’est désormais qu’une formalité. Ensemble, les deux entreprises, présentes dans vingt-trois pays, dont la France, va donner naissance au numéro un européen, et au numéro deux mondial derrière le chinois Meituan.

Les plates-formes de livraison de repas (Uber Eats, Deliveroo, Just Eat…) secouent le marché de la restauration depuis quelques années. En cinq ans, elles ont levé 11 milliards de dollars (9,9 milliards d’euros), selon les calculs d’UBS, une banque suisse. Elles se livrent une guerre commerciale très agressive, souvent à perte. A l’ère des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), le principe est toujours le même : dominer le marché, pour être le numéro un ou deux et tuer la concurrence, puis augmenter les marges dans un second temps, pour rentabiliser les investissements.

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Cette concurrence effrénée provoque un vaste mouvement de consolidation, dont cette acquisition est le dernier exemple. Ensemble, Just Eat et Takeaway.com génèrent des commandes auprès de restaurants pour 7,3 milliards d’euros, sur lesquelles elles prennent des commissions pour 1,2 milliard d’euros (leur chiffre d’affaires). Au premier semestre, leur bénéfice opérationnel cumulé était de 85 millions d’euros. Le nouveau groupe sera leader du marché au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Pologne, en Autriche, en Israël…

Des abysses financiers

Pendant des décennies, seules quelques grandes enseignes (Pizza Hut, Domino’s Pizza…) faisaient des livraisons. Au début des années 2000, des sites Internet ont commencé à mettre en relation clients et restaurants : il devenait soudain possible de commander de chez soi auprès d’un grand nombre d’établissements, mais c’était toujours ces derniers qui assuraient eux-mêmes la livraison. Takeaway.com, créé aux Pays-Bas en 2000, et Just Eat, lancé en Suède en 2001 et aujourd’hui coté en Bourse, à Londres, font partie de ceux-là.

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Autour de 2014, le marché a basculé à l’ère du smartphone. Deliveroo au Royaume-Uni, Uber Eats aux Etats-Unis, Delivery Hero en Allemagne et quelques autres ont vu le jour. A coups de milliards, ils ont créé leur propre service de livraison, élargissant fortement le marché. Soudain, il est devenu possible de commander depuis son écran auprès d’un restaurant qui n’a pas de livreurs. Pour les consommateurs, le choix est devenu radicalement différent : au Royaume-Uni, en 2015, il était possible de se faire livrer par le tiers des restaurants du pays ; aujourd’hui, c’est presque la moitié, d’après UBS. Les jeunes générations adorent. Les 25-34 ans commandent des plats chez eux 1,22 fois par semaine en moyenne, trois fois plus que leurs parents, toujours selon UBS.

A La Roche-sur-Yon, un accord trouvé sur les conditions de départ des « Michelin »

Un employé de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon, en octobre 2019.
Un employé de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon, en octobre 2019. LOÏC VENANCE / AFP

Un accord a été trouvé entre direction et syndicats sur les conditions de départ des 619 salariés de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon qui doit fermer ses portes cette année, a annoncé la direction, jeudi 9 janvier.

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« On ne peut pas dire qu’on est satisfait, parce que forcément, on espère toujours avoir mieux, mais globalement, les mesures sont acceptables », a réagi Fabrice Herbreteau, délégué syndical CFE-CGC.

« Cet accord n’empêche pas la colère qu’on peut avoir concernant la fermeture du site et le fait que Michelin fasse beaucoup de profits et sacrifie des usines pour faire encore plus de rentabilité. »

Assistance en vue d’un reclassement

Les salariés vont bénéficier d’une prime de départ de 40 000 euros brut auxquels s’ajouteront 500 euros par année d’ancienneté.

Pour ceux qui souhaitent se reclasser dans une autre entreprise, cette indemnité de départ sera non imposable et Michelin s’engage à compenser la différence de salaire à hauteur de 400 euros brut par mois pendant trois ans.

Un cabinet privé est aussi chargé de les assister en vue d’un reclassement. Une aide à la formation à hauteur de 10 000 euros et une aide à la création d’entreprise sont également prévues.

Pour Nicolas Biron, délégué SUD, « toutes ces indemnités ne compenseront jamais totalement le préjudice subi par les salariés, la perte de leur emploi ». « On a essayé d’obtenir un maximum de compensation par rapport à tout ça, on est parti assez bas sur des montants de plan de sauvegarde de l’emploi, et on a pu obtenir dans l’enveloppe globale 40 % de plus », s’est-il félicité.

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Sur les 619 salariés, une centaine devrait faire le choix de rester en interne et d’aller travailler dans un autre site du groupe. Ils bénéficieront de l’indemnité de départs, mais elle sera imposable. Michelin s’engage à financer leur déménagement et à aider financièrement les conjoints qui abandonneraient leur travail en Vendée.

Enfin 90 salariés environ, qui seront à la retraite d’ici le 1er janvier 2026, doivent profiter de la mesure d’âge : ils toucheront 75 % de leur salaire brut par mois, jusqu’à la retraite.

Reprise d’Alitalia : les candidats pressentis se retirent

Un Airbus A320 sur le tarmac de l’aéroport Rome-Fiumicino, en mai 2019.
Un Airbus A320 sur le tarmac de l’aéroport Rome-Fiumicino, en mai 2019. ALBERTO PIZZOLI / AFP

Peut-on encore sauver Alitalia ? Placée depuis début 2017 sous la tutelle de l’Etat italien afin d’empêcher une faillite complète, la compagnie aérienne transalpine se débat toujours dans une crise profonde. Ces derniers mois, des contacts ont été noués avec 30 repreneurs potentiels, mais, pour l’heure, aucun d’eux n’a donné suite en formulant une offre jugée acceptable.

Lors d’une audition devant la Commission des transports de la Chambre des députés, mercredi 8 janvier à Rome, Gianfranco Battisti, administrateur délégué de Ferrovie dello Stato (FS), la compagnie publique des chemins de fer italiens, a renoncé. A la demande du gouvernement de Giuseppe Conte, l’opérateur ferroviaire avait formulé une offre, le 31 octobre 2019, tout en l’assortissant de multiples conditions, comme celle de ne pas être actionnaire majoritaire du consortium qu’il s’agissait de créer.

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Cependant, aucun partenaire ne s’est montré intéressé, hormis le groupe Atlantia (propriété de la famille Benetton), que nombre d’observateurs soupçonnent d’envisager un investissement à fonds perdu à seule fin d’obtenir un peu de clémence de la part de l’Etat italien. En effet, le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème) exige que lui soient retirées les concessions autoroutières dont dispose l’empire Benetton en raison de l’effondrement du pont Morandi, à Gênes, le 14 août 2018. Pour M. Battisti, « cette procédure est close » et FS est « sorti de l’opération ».

La veille, devant la même commission, Joerg Eberhart, PDG d’Air Dolomiti (filiale de Lufthansa), avait expliqué que, pour le groupe allemand, un temps en discussion avec FS, « un partenariat fort [avec Alitalia était] plus avantageux qu’un investissement ». Selon lui, une « profonde restructuration de la compagnie » est « inévitable », avant de pouvoir envisager une entrée au capital.

Il faut dire que la situation économique d’Alitalia est de nature à refroidir bien des ardeurs. De l’aveu même de Giuseppe Leogrande, nommé administrateur unique de l’entreprise en décembre par le gouvernement, le groupe perd 900 000 euros par jour. Les 900 millions d’euros prêtés par l’Etat pour empêcher la faillite en 2017 ayant été engloutis, la direction a obtenu un autre prêt-relais de 400 millions, malgré les réserves exprimées par la Commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager.

Un sujet politique explosif

Un nouveau directeur général, Giancarlo Zeni, a été nommé mardi, avec pour mission d’enrayer l’hémorragie. L’affaire est très délicate, car les comptes de la société semblent se dégrader de manière accélérée. Selon des informations obtenues par le quotidien économique Il Sole 24 Ore, le groupe aurait perdu plus sur les neuf premiers mois de 2019 que durant toute l’année 2018, et pourrait afficher jusqu’à 600 millions d’euros de pertes pour l’exercice 2019.

Une étude montre des discriminations à l’embauche « significatives » en fonction de l’origine

L’étude, commandée par le gouvernement, est sans appel. Plusieurs grandes entreprises françaises pratiquent « une discrimination significative et robuste selon le critère de l’origine à l’encontre du candidat présumé maghrébin », selon une étude rapportée mercredi 8 janvier.

Cette étude, révélée par France Inter, fait suite à une campagne de tests anonymes menée entre octobre 2018 et janvier 2019 auprès de 103 grandes entreprises parmi les 250 plus grandes capitalisations de la bourse de Paris. Elle a été réalisée par une équipe de chercheurs de l’université Paris-Est Créteil à la demande du gouvernement.

Ces chercheurs ont réalisé plus de 8 500 tests en combinant des candidatures et des demandes d’information, à la fois en réponse à des offres d’emploi ou de façon spontanée. A chaque test, deux profils fictifs identiques sont envoyés, l’un avec un prénom et nom d’origine maghrébine (comme Hicham Kaidi ou Jamila Benchargui), l’autre avec un patronyme d’origine française (comme Julien Legrand ou Emilie Petit).

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Nommer publiquement les entreprises concernées

« Les candidats nord-africains ont près de 20 % de réponses en moins que les candidats français », constatent les chercheurs. Sur les 103 entreprises testées, le groupe identifie « entre 5 et 15 entreprises discriminantes », en fonction des critères, soulignent-ils. « Nous trouvons également une discrimination, plus faiblement significative, selon le lieu de résidence », ajoutent-ils.

Cette discrimination est « plus forte dans les entreprises les plus grandes, dont le chiffre d’affaires est supérieur à la médiane et se concentre dans quelques secteurs d’activité », poursuivent les chercheurs sans préciser lesquels. Dans un communiqué, la Fédération nationale des Maisons des potes a déploré que le gouvernement « n’ait toujours pas rendu publics » les noms de ces entreprises, contrairement à ce qu’il avait annoncé, afin de pouvoir les « poursuivre en justice ».

Ces tests sur les grandes entreprises avaient été promis en 2018 par Emmanuel Macron lors de l’annonce de ses mesures pour les banlieues. Début 2019, le ministre de la ville et du logement, Julien Denormandie, avait précisé que son « objectif » était de pointer du doigt publiquement (via le « name and shame ») les entreprises qui pratiqueraient ces discriminations. « Nous avons besoin que cette politique publique offensive et judiciaire contre les discriminations devienne une réalité maintenant ! », souligne l’association.

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Syndicalisme : « Nous assistons à la résurgence du mythe de la grève générale »

« On a beaucoup insisté sur la chute des effectifs syndicaux, en ne remarquant guère que ceux-ci sont stables dans l’ensemble depuis les années 1990 » (Photo : manifestation contre la réforme des retraites, Marseille, le 17 décembre 2019).
« On a beaucoup insisté sur la chute des effectifs syndicaux, en ne remarquant guère que ceux-ci sont stables dans l’ensemble depuis les années 1990 » (Photo : manifestation contre la réforme des retraites, Marseille, le 17 décembre 2019). FRANCE KEYSER / MYOP POUR « LE MONDE »

Tribune. Le mouvement social lancé le 5 décembre contredit les analyses dominantes, qui prédisaient la fin de la conflictualité sociale. Sa force, son impulsion par des syndicats nous invite à redécouvrir ce fait social ancré dans la réalité française. Par exemple, on a beaucoup insisté sur la chute des effectifs syndicaux, en ne remarquant guère que ceux-ci sont stables dans l’ensemble depuis les années 1990.

De même, les militants syndicaux sont présents dans plus d’entreprises que dans les pays voisins : 50 % des salariés signalent leur existence (« DARES analyses », mars 2017). Enfin, cette séquence n’est guère favorable au syndicalisme « réformiste », pourtant présenté comme le seul adapté à notre époque. Le syndicalisme « combatif » n’avait-il pas durci son discours et multiplié depuis 2016 les journées d’action infructueuses ?

Bien que l’appareil de la CFDT ait surpassé celui, désorganisé, de la CGT et que la CFDT parie sur un rôle d’intermédiaire entre le pouvoir et les salariés, le pouvoir macroniste lui a signifié sans détour qu’elle ne pourrait se prévaloir de cette position. Ce mouvement réinterroge donc les fondamentaux du syndicalisme tant au niveau des clivages entre organisations qu’entre cultures professionnelles.

Le syndicalisme, dans sa diversité, est un contre-pouvoir, et à ce titre, il tire sa puissance de la conflictualité. On constate actuellement que l’emprise sur les évènements du syndicalisme « réformiste » dépend de la bonne volonté de ses interlocuteurs. Ses membres, moins habitués à l’action collective, ne jouent pas un rôle moteur lorsqu’elle se déclenche. Songeons au trésor que constitue la caisse de grève de la CFDT, dont les 120 millions d’euros ne semblent pas être utilisés souvent.

Hiatus inévitable

L’échec de la direction de l’UNSA à obtenir une trêve dans les entreprises publiques de transport montre que ces organisations ne disposent pas du pouvoir d’arrêter la grève. Mais le syndicalisme est aussi un pragmatisme, dont la pratique implique le compromis social, la négociation. La réussite de l’action dépendra de l’articulation entre ces facettes et entre syndicats.

Quand ceux qui négocient ne sont pas ceux qui luttent, le hiatus est inévitable. Par exemple, la principale structure réformiste, la CFDT, marquée par son identité catholique de centre gauche, met l’accent sur les inégalités entre salariés. Quand elle laisse entendre qu’elle est prête à accepter l’âge pivot si les salariés soumis aux travaux les plus pénibles en étaient exemptés, cela signifie que les autres salariés financeraient cette mesure, et non le patronat.

Pourquoi la lutte sociale doit se réinventer

« Qui a tué vos emplois ? », de Fiodor Rilov et Alexia Eychenne. Don Quichotte-Seuil, 208 pages, 16 euros.
« Qui a tué vos emplois ? », de Fiodor Rilov et Alexia Eychenne. Don Quichotte-Seuil, 208 pages, 16 euros.

Livre. Le titre de l’ouvrage de Fiodor Rilov – Qui a tué vos emplois ? – est aussi la question que « l’avocat rouge » pose, depuis plus de quinze ans, aux victimes des plans de licenciement économiques. « Avec eux, je cherche à dévoiler les décisions et les logiques financières qui ont poussé au crime. Je pourchasse les assassins qui, dans le secret feutré des conseils d’administration et des comités de direction, dans la langue policée des gestionnaires, scellent la mise à mort de milliers de contrats de travail en France, en toute impunité. »

Dans son ouvrage, écrit avec la journaliste Alexia Eychenne, le défenseur des Goodyear, Conti, Faurecia, Samsonite, 3Suisses, UPS, Flodor, Coca-Cola, etc., revient sur ses grands dossiers. Chaque affaire est l’occasion de révéler les mécanismes de l’injustice sociale. « Mises bout à bout, toutes ces batailles nous racontent une guerre idéologique. En quinze ans, les gouvernements successifs n’ont pas seulement cherché à démolir le code du travail en réduisant les droits des salariés, mais l’ont remodelé en accordant aux entreprises une multitude de nouveaux pouvoirs. »

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La remise en cause du principe selon lequel l’employeur ne peut licencier que s’il dispose d’un motif valable en est, d’après M. Rilov, la parfaite illustration. La dernière réforme du code du travail par ordonnances a plafonné le montant des indemnités prud’homales accordées aux salariés en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. « Désormais, un patron est donc prévenu du tarif qu’il paiera s’il licencie sans justification. Mais s’il est assez riche pour assumer ce coût, qu’est-ce qui le retient ? »

Dernière autorité étatique

En même temps, l’opacité progresse. La directive européenne sur le secret des affaires, transposée en droit français en 2018, renforce ainsi « le paravent qui escamote les coulisses des entreprises. Parmi de multiples effets pervers, elle risque d’empêcher un peu plus les salariés de distinguer qui est maître de leur emploi, de leur salaire et de leurs conditions de travail. » Comment, dans ces conditions, combattre les décisions de celui dont on ne connaît ni l’identité ni la localisation ?

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Pendant que les camps des entreprises et des financiers prennent du poids, les contre-pouvoirs s’affaiblissent. « L’organisation au sens syndical du terme était traditionnellement faite d’une stratégie globale de combat pour une amélioration immédiate et générale des conditions de travail, d’une présence massive dans les entreprises, d’une formation politique solide, de réunions régulières et d’échanges permanents. Tout cela s’est disloqué. »

500 000 emplois créés depuis 2017, vraiment ?

Chronique. Lors de ses vœux pour l’année 2020, le président de la République s’est félicité de la création de 500 000 emplois depuis son élection. Ce chiffre correspond à l’évolution de l’emploi salarié du deuxième trimestre (T2) 2017 au troisième trimestre 2019, issue des compilations de données administratives par l’Insee, l’Acoss (Sé­curité sociale) et la Dares (ministère du travail). L’autre grande source disponible est l’enquête Emploi, où l’Insee interroge en continu un échantillon représentatif de la population en âge de travailler sur sa situation d’emploi. Là, le portrait est bien moins reluisant : entre les deux dates, seulement 200 000 personnes supplémentaires seraient « occupées » au sens d’Eurostat (ni chômeur ni inactif au moment de l’enquête).

La divergence est même pire si on se concentre sur le nombre de travailleurs dont l’activité principale est salariée : il aurait baissé de l’ordre de 40 000 sur la même période d’après les chiffres bruts fournis par Eurostat

S’il est habituel que les deux sources ne coïncident pas, notamment en raison d’effets de calendrier (fin de trimestre pour la première, en continu pour la seconde), la divergence des estimations est spectaculaire pour la seconde année du quinquennat. Du T2 2018 au T2 2019, l’économie française aurait créé près de 250 000 emplois salariés selon les données administratives, et au plus 75 000 emplois tous statuts confondus selon l’enquête Emploi traitée par Eurostat. La divergence est même pire si on se concentre sur le nombre de travailleurs dont l’activité principale est salariée : il aurait baissé de l’ordre de 40 000 sur la même période d’après les chiffres bruts fournis par Eurostat. Les deux séries apportent ainsi des visions antithétiques, l’une cohérente avec la satisfaction du pouvoir, l’autre avec le malaise social persistant.

Les administrations économiques n’ont pour l’instant pas publié d’analyse de cette divergence récente (qui semble se prolonger au T3 2019, selon des données encore très provisoires). Les chercheurs n’auront accès que dans de très long mois aux fichiers détaillés. On en est donc réduit à émettre des hypothèses.

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1. L’enquête Emploi aurait subitement perdu en pertinence, potentiellement minée par le contentieux entre les enquêteurs de l’Insee et leur direction (in fine résolu cet automne par la création d’une prime de collecte). Mais alors que vaudraient les chiffres officiels du chômage calculés à partir de cette enquête ?

Quelle valeur ajoutée tirer des échecs de 2019

« Une série de suicides chez France Télécom (ex-Orange), dont les ex-dirigeants ont défilé à la barre du tribunal correctionnel de Paris pour revivre publiquement un système de harcèlement moral qui aura sévi entre 2007 et 2010  »
« Une série de suicides chez France Télécom (ex-Orange), dont les ex-dirigeants ont défilé à la barre du tribunal correctionnel de Paris pour revivre publiquement un système de harcèlement moral qui aura sévi entre 2007 et 2010  » ERWAN FAGES

« Carnet de bureau ». Loupés, bévues et autres erreurs sont une intarissable source d’innovation pour les entreprises. Certaines, comme Safran, Google, ou Blablacar ont intégré le droit à l’erreur à leur processus de production. Se tromper souvent, et très vite tirer les leçons de ses erreurs. C’est le propre du mode itératif, cher au management dit « agile ». Une occasion de comprendre ce qui nous a manqué, de découvrir des solutions inattendues.

Google s’est même créé une page « Killed by Google », pour garder la trace de ses projets d’innovation tués dans l’œuf. En théorie de sciences de gestion, on parle de « Fail Management ». Henry Ford disait simplement de l’échec, que c’est « l’opportunité de recommencer d’une façon plus intelligente ».

Mais qu’en est-il des échecs cuisants qui provoquent des drames, comme les catastrophes de Boeing, d’Orange ou de Thomas Cook ?

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Ces échecs-là ne sont pas de simples projets infructueux, ils ont provoqué des drames : 346 morts lors de deux crashes de 737 MAX en cinq mois chez Lion Air (29 octobre 2018) et Ethiopian Airlines (10 mars 2019) ; une série de suicides chez France Télécom (ex-Orange), dont les ex-dirigeants ont défilé à la barre du tribunal correctionnel de Paris pour revivre publiquement un système de harcèlement moral qui aura sévi entre 2007 et 2010 ; et, enfin, 22 000 salariés sur le carreau chez Thomas Cook, qui, en annonçant sa faillite fin septembre 2019, a mis fin à près de deux siècles d’activité. La justice jugera le ou les responsables avec les éléments qui sont les siens, affaire par affaire.

Des leçons à tirer pour le management

Mais en termes de leçons à tirer pour le management, « l’erreur n’est jamais uniquement humaine. En entreprise, elle s’inscrit dans des logiques de pouvoir. Il y a plusieurs registres à analyser dont l’organisationnel et le cognitif, car les responsables n’entendent souvent que ce qu’ils veulent entendre », explique Yvon Pesqueux. L’erreur peut être liée à l’individu, au contexte de travail, à l’organisation.

Le professeur de sciences de gestion cite trois types d’erreurs : l’erreur constante prise dans le cadre de décision stratégique, pour réagir à la concurrence dans l’urgence ; les erreurs comportementales comme dans l’affaire Ghosn, où « il a fallu qu’il soit en prison pour qu’on envisage que le dirigeant [de Nissan et Renault] soit critiquable », et, enfin, l’erreur contextuelle, qui consiste à appliquer une solution inadaptée au problème : le drame de France Télécom illustre, entre autres, la méconnaissance des fondements conceptuels de la « courbe de deuil » utilisée par les dirigeants pour faire accepter le changement.

La médecine du travail face caméra : les limites de la téléconsultation

« C’est donc pour tenter de lutter contre cette pénurie de médecins que des réflexions se multiplient, dans le Loiret comme ailleurs, sur la mise en place de téléconsultations médicales. »
« C’est donc pour tenter de lutter contre cette pénurie de médecins que des réflexions se multiplient, dans le Loiret comme ailleurs, sur la mise en place de téléconsultations médicales. » Hervé de Gueltzl / Photononstop

C’est une petite révolution pour la médecine du travail du Loiret. D’ici quelques semaines, certains rendez-vous médicaux se feront par téléconsultation. Aux côtés d’une infirmière, les salariés concernés échangeront par écrans interposés avec un médecin situé à une soixantaine de kilomètres de distance. Chargée de cette expérimentation au sein du Comité interentreprise d’hygiène du Loiret (CIHL), la médecin du travail Isabelle Lepetit assurera ces consultations depuis Orléans.

« A l’origine de ce dispositif, il y a bien sûr le déficit important de temps médical dans certaines zones rurales du département », explique-t-elle. Un déficit qui découle de la diminution continue des effectifs en médecine du travail, tout particulièrement dans les territoires les moins peuplés. Dans de nombreuses régions à travers la France, on manque de professionnels de santé et la présence de quelques médecins retraités reprenant du service ne change guère la donne. Quant aux professionnels étrangers, qui représentent parfois la majorité des recrutements, « ils n’ont souvent pas d’expérience de la médecine du travail et doivent donc être formés avant de pouvoir intervenir et encadrer des équipes pluridisciplinaires », poursuit Mme Lepetit.

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C’est donc pour tenter de lutter contre cette pénurie de médecins que des réflexions se multiplient, dans le Loiret comme ailleurs, sur la mise en place de téléconsultations médicales. « Nous n’en sommes qu’aux balbutiements mais le potentiel de développement est considérable au vu des problématiques de démographie médicale », reconnaît Catherine Pinchaut, chargée des questions de santé au travail à la CFDT. Un développement que le rapport Lecocq sur la santé au travail (« Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée », août 2018) a justement appelé de ses vœux, afin de « répondre aux disparités territoriales ».

De nombreuses interrogations

La médecine du travail devant la caméra : c’est déjà une réalité dans l’Oise. Micro-casque sur les oreilles, Muriel Legent mène régulièrement des consultations via ses deux écrans. Depuis 2019, son service de santé au travail, Médisis, propose des visites à distance aux caristes intérimaires qui ont l’obligation de passer devant le médecin avant la prise de poste. « S’ils n’ont pas de visite, ils n’ont pas d’emploi », résume-t-elle.

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Or, comme dans le Loiret, les centres médicaux en zone rurale ont, dans l’Oise, des difficultés à répondre à toutes les demandes. Certains intérimaires doivent donc se déplacer à Beauvais pour effectuer leur visite. « Mais l’expérience montre que lorsqu’on annonce qu’il faudra faire deux heures de route pour rencontrer un médecin, certains d’entre eux ne viennent pas », explique Olivier Hardouin, directeur général de Médisis.

Le harcèlement managérial mieux cerné

« Rien de nouveau dans le constat qu’un acte managérial banal puisse constituer un délit pénal : ainsi d’une discrimination sur le sexe, ou l’appartenance syndicale lors d’une mobilité. »
« Rien de nouveau dans le constat qu’un acte managérial banal puisse constituer un délit pénal : ainsi d’une discrimination sur le sexe, ou l’appartenance syndicale lors d’une mobilité. » Ingram / Photononstop

Avis d’expert « Droit social ». Le harcèlement managérial étant hiérarchiquement transmissible, il n’est pas étonnant qu’un juge pénal soit appelé à se prononcer sur la responsabilité personnelle des véritables décideurs. Et rien de nouveau dans le constat qu’un acte managérial banal puisse constituer un délit pénal : ainsi d’une discrimination sur le sexe, ou l’appartenance syndicale lors d’une mobilité.

Plus délicat : dans le western qu’est devenue la vie des grandes entreprises soumises à une féroce concurrence, comment séparer, particulièrement en cas d’urgence, les actes managériaux indispensables à la survie de l’entreprise et « l’infraction pénale de harcèlement moral, constituée par une politique d’entreprise et d’organisation du travail », pour reprendre les termes de la procureure de la République ?

Le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 20 décembre 2019 condamnant pour harcèlement moral les trois plus hauts dirigeants de France Télécom (PDG, DG, DRH), un groupe de plus de 100 000 personnes, à une peine de prison de douze mois (dont huit avec sursis) fera donc date ; même si ce contentieux se terminera véritablement dans trois ans devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

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D’abord, car le procès ne s’est pas tenu devant un conseil de prud’hommes, où la preuve du harcèlement est légalement facilitée, la chambre sociale de la Cour de cassation ayant, dès le 10 novembre 2009, créé le harcèlement managérial « mis en œuvre par un supérieur hiérarchique », mais devant une juridiction pénale, où, quel que soit le tohu-bohu médiatique, doivent régner l’interprétation stricte des textes et la constitutionnelle présomption d’innocence. Le choix de ce terrain, efficace en termes médiatiques, était donc risqué.

Le jugement fera également date par sa créativité : sortir d’une logique individuelle (dans toute entreprise existent des manageurs toxiques et des salariés fragilisés) pour constater la mise en place d’une nouvelle organisation collective « ayant pour objet ou pour effet d’altérer la santé physique ou mentale » (article 222-33-2 du code pénal).

Prévenir, sensibiliser, former

Au-delà du contexte très spécifique rappelé par le jugement (« dualité des statuts, ouverture à la concurrence, poids de la dette »), le décalage essentiel réside dans la gestion du temps. Dans une entreprise en difficulté, les dirigeants veulent aller vite, sans toujours penser à l’indispensable accompagnement de ces très rudes changements sur le plan collectif mais aussi individuel, a fortiori lorsqu’il s’agit de collaborateurs à forte identité professionnelle. Avec les conséquences humaines dramatiques que l’on connaît et des effets de réputation dévastateurs.