Pourquoi la lutte sociale doit se réinventer

Pourquoi la lutte sociale doit se réinventer

« Qui a tué vos emplois ? », de Fiodor Rilov et Alexia Eychenne. Don Quichotte-Seuil, 208 pages, 16 euros.
« Qui a tué vos emplois ? », de Fiodor Rilov et Alexia Eychenne. Don Quichotte-Seuil, 208 pages, 16 euros.

Livre. Le titre de l’ouvrage de Fiodor Rilov – Qui a tué vos emplois ? – est aussi la question que « l’avocat rouge » pose, depuis plus de quinze ans, aux victimes des plans de licenciement économiques. « Avec eux, je cherche à dévoiler les décisions et les logiques financières qui ont poussé au crime. Je pourchasse les assassins qui, dans le secret feutré des conseils d’administration et des comités de direction, dans la langue policée des gestionnaires, scellent la mise à mort de milliers de contrats de travail en France, en toute impunité. »

Dans son ouvrage, écrit avec la journaliste Alexia Eychenne, le défenseur des Goodyear, Conti, Faurecia, Samsonite, 3Suisses, UPS, Flodor, Coca-Cola, etc., revient sur ses grands dossiers. Chaque affaire est l’occasion de révéler les mécanismes de l’injustice sociale. « Mises bout à bout, toutes ces batailles nous racontent une guerre idéologique. En quinze ans, les gouvernements successifs n’ont pas seulement cherché à démolir le code du travail en réduisant les droits des salariés, mais l’ont remodelé en accordant aux entreprises une multitude de nouveaux pouvoirs. »

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La remise en cause du principe selon lequel l’employeur ne peut licencier que s’il dispose d’un motif valable en est, d’après M. Rilov, la parfaite illustration. La dernière réforme du code du travail par ordonnances a plafonné le montant des indemnités prud’homales accordées aux salariés en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. « Désormais, un patron est donc prévenu du tarif qu’il paiera s’il licencie sans justification. Mais s’il est assez riche pour assumer ce coût, qu’est-ce qui le retient ? »

Dernière autorité étatique

En même temps, l’opacité progresse. La directive européenne sur le secret des affaires, transposée en droit français en 2018, renforce ainsi « le paravent qui escamote les coulisses des entreprises. Parmi de multiples effets pervers, elle risque d’empêcher un peu plus les salariés de distinguer qui est maître de leur emploi, de leur salaire et de leurs conditions de travail. » Comment, dans ces conditions, combattre les décisions de celui dont on ne connaît ni l’identité ni la localisation ?

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Pendant que les camps des entreprises et des financiers prennent du poids, les contre-pouvoirs s’affaiblissent. « L’organisation au sens syndical du terme était traditionnellement faite d’une stratégie globale de combat pour une amélioration immédiate et générale des conditions de travail, d’une présence massive dans les entreprises, d’une formation politique solide, de réunions régulières et d’échanges permanents. Tout cela s’est disloqué. »

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LJD

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